B) L'arbitrage des demandes : une
généralisation du système marchand
L'eau  est  considérée  comme  une  marchandise 
dont  le  prix  est  fixé  par  l'offre  et  la demande.
Considérer l'eau en tant que bien économique, c'est
considérer que les mécanismes 
du  marché  vont  en  assurer  la  répartition 
optimale.  Or,  dans  la  logique  du  marché,  la répartition 
optimale  des  ressources  signifie  amener  les  ressources  ou  investir 
là  où  cela rapportera le plus, non pas où cela est le
plus utile socialement et humainement. 
L'enquête  a  mis  en  évidence  le  fossé
 important  qui  existe  entre  les  exploitations familiales et les
entreprises agricoles sur le plan des investissements et des équipements
en système d'irrigation. Tout d'abord, on constate que 85.1% des
exploitations familiales n'ont 
pas de système d'irrigation et ne cultivent donc que
pendant les mois d'hivernage. Pour les 
14,9%  restants,  le  système  d'irrigation  repose 
sur  la  connexion  au  réseau  de  la  S.DE.  A l'inverse,  
toutes   les   exploitations   d'entreprise   de   l'échantillon   sont 
 dotées   de   réseaux d'irrigation. Pour assurer
l'approvisionnement en eau, cinq d'entre elles sont connectées à
la SDE et une a accès à des forages privés. Les choix en
matière de système d'alimentation en eau sont raisonnés en
fonction de la superficie des terres exploitées. Dans la plupart des
cas, l'option en faveur de la connexion au réseau de la SDE est le fait
de promoteurs qui exploitent 
des  superficies  peu  importantes  (entre  0,5  et  3 
hectares).  En  revanche,  l'aménagement  de forages  concerne  une 
exploitation  de  l'échantillon  qui  met  en  valeur  un  domaine  de 
90 hectares. Le  fonçage   de  forages  profonds   à   exhaure 
mécanique  implique  un  niveau d'investissement  très 
élevé  qui  ne  peut  être  réalisé  que  par
 quelques  rares  particuliers, 
principalement par les industriels. 
En  prenant  en  charge  des  exploitations  agricoles 
déjà  existantes  (par  exemple  l'ex Bud Sénégal,
au Nord du quartier de Deny Malick Guèye), certains promoteurs ont
trouvé sur place  quelques  investissements  de  base  permettant  de 
mettre  en  valeur  la  terre  (réseau d'irrigation, clôtures,
etc.). Mais ceux qui ont créé leurs exploitations eux-mêmes
ont mis au point des plans d'investissement, en accordant la priorité
aux réalisations indispensables pour démarrer l'activité
de production (réseau d'irrigation et alimentation en eau). Dans les
deux 
cas de figure mentionnés, des investissements
complémentaires ont été parfois effectués pour
améliorer  le  système  d'irrigation,  accroître  la 
capacité  de  production  ou  diversifier  les activités. 
Les  entreprises  agricoles  qui  ont  adopté  des 
systèmes  d'approvisionnement  en  eau coûteux  utilisent  les 
nouvelles  techniques  d'irrigation  par  aspersion  ou  par 
goutte-à-goutte plus économes en eau que les techniques
traditionnelles, afin de pallier l'augmentation du prix 
de  l'eau.  Mais  ceux  ou  celles  qui  sont  tentés 
d'investir  dans  un  système  d'irrigation  avec accès  au 
réseau de  la  SDE  pour  mener  des  activités  de 
maraîchage  sont  souvent  vite dissuadés par le coût
relativement élevé de l'eau.  En effet, les tarifs de l'eau
appliqués aux maraîchers de la zone se présente comme suit
: 
- 1ère tranche (0 - 1500 m3) : 105,81 FCFA/m3 
; 
- 2ème tranche (1500 - 10000 m3) : 149,35 FCFA/m3 
; 
- 3ème tranche (supérieur à 10000 m3) :
631,47 FCFA/m3. 
Les  producteurs  se  plaignent  de  la  révision 
à  la  hausse  des  tarifs  appliqués  à  l'eau
destinée au maraîchage et du plafonnement des quotas. De plus, ils
se plaignent du système de tarification  mensuelle  établi  par 
la  SDE.  Cette  nouvelle  politique  de  l'eau  les  expose  à  des
difficultés de trésorerie en cours de campagne, alors que le
système de crédit en vigueur ne prend   pas   en   compte   les  
besoins   financiers   liés   à   l'approvisionnement   en   eau 
 des exploitations.  Les  producteurs  sont  obligés  alors  de  limiter
 les  fréquences  et  les  doses d'arrosage, avec pour
conséquence une baisse de la productivité de leurs
exploitations. 
Malgré  ce  coût  de  l'eau 
contraignant,  la  Sénégalaise  des  eaux  préfère 
vendre l'eau à des habitants plutôt qu'accorder  des  quotas
à des agriculteurs, la  marge de la compagnie  étant  plus 
faible  avec  des  agriculteurs  qu'avec  des  particuliers.  C'est  une forme 
de  concurrence  de  la  ville  qui  peut  mener  à  l'abandon  de 
surfaces  agricoles 
importantes. 
La tentative avortée d'une coopération
entre les exploitants : 
Dans un passé récent, beaucoup de producteurs des
Niayes installés dans les secteurs 
de  Bayakh,  Sangalkam,  NdoYène  et  Sébikotane 
(329  maraîchers  exploitant  un  domaine  de 
1.000 hectares) s'approvisionnaient en eau à partir de
forages et du réseau de Beer Thiolane gérés par la
Société Nationale des Eaux du Sénégal (SONEES). En
1996, ces infrastructures 
ont été rétrocédées à
un comité de gestion des usagers, sans réhabilitation
préalable. Depuis 
1999,  elles  ne  sont  plus  fonctionnelles,  suite  à 
un  contentieux  entre  le  comité  et  la  Société 
Sénégalaise d'électricité (SENELEC).
Face à cette contrainte, plusieurs exploitants ont
décidé 
de raccorder leurs périmètres au réseau de
la SDE alors qu'une meilleure gestion du forage aurait permis une irrigation
à moindre coût. 
Conclusion : vers une destruction de la ressource
? 
En plus de tarissement de la nappe, la ressource est
confrontée à de graves risques de pollution par les intrants
chimiques et le fumier utilisés en grande quantité par les
producteurs maraîchers.  La  plupart  de  ces  producteurs 
n'appréhendent  pas  réellement  le  danger  que
présentent  les  produits  phytosanitaires.  Le  problème 
récurrent  est  l'analphabétisme  des exploitants  qui  ne 
peuvent  pas  respecter  les  doses  inscrites.  Les  élevages  porcins 
du  ranch Filfili déversent également des citernes
entières de purin à 200 mètres des forages de la SDE. Les 
 Ong  et   les   collectivités   locales   n'apportent   malheureusement
  aucune   réponse   qui permettrait une exploitation durable de la
nappe aquifère. 
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