2 Diamniadio, "territoire de projet" : un "territoire"
pour qui ?
Par  sa  situation  stratégique,  Diamniadio,  commune 
récente  de  30  000  hectares  pour 
11 500 habitants, fait l'objet de convoitises d'acteurs
multiples. Depuis 1997, les demandes de parcelles  par  des  particuliers 
auprès  de  la  mairie  ont  été  supérieures 
à  20 000  mais  seules 
12 000 ont pu être enregistrées. Leurs frais de
bornage ont déjà été encaissés par la
Mairie. Mais l'Etat, en immatriculant à son nom les terres du Domaine
National de la commune, met dans une situation critique ces lotissements
octroyés avant 2001 : les investisseurs américains, chinois, et
sénégalais ont besoin d'une emprise foncière
sécurisée, qui pourrait se surimposer 
aux lotissements octroyés par la commune. 
Ces investissements, tout en   accroissant
considérément les convoitises sur les terres 
de  Diamniadio,  risquent  eux-mêmes  d'être 
compromis  par  des  appropriations  précoces  de l'espace par d'autres
acteurs urbains. Afin de faire respecter ses plans d'aménagement,
l'Etat 
n'a d'autres solutions que d'opérer des alliances avec les
réseaux politiques locaux 
Mais tout d'abord, le choix de commencer par  Diamniadio
à 37 km de Dakar, pour commencer  un  programme  de  villes  nouvelles, 
est  à  discuter.  L'influence  de  Dakar,  loin d'être
contrebalancée, risque de   déséquilibrer encore plus la
hiérarchie urbaine sénégalaise. 
Le Président Wade ne cherche-t il pas à poser
son empreinte sur le territoire à l'aide d'une politique de grands
projets, dont Diamniadio est l'une des facettes ? La difficulté de
l'analyse sera de penser l'occupation de l'espace autrement qu'à travers
une matrice spatio-temporelle produite  et  imposée  par  l'Etat :  il 
s'agira  de  ne  pas  sous-estimer  l'importance  des  acteurs privés en
eux-mêmes, dans leurs logiques propres, et d'analyser la part
d'interpénétration des secteurs étatiques,  populaires, et
industriels. 
A)  Le projet de ville de Diamniadio, un projet à la
Wade ?
Après l'indépendance, enracinée dans la
tradition politique française, l'élite politique
sénégalaise a estimé que le modèle
démocratique jacobin était le plus adapté à la
construction d'une nouvelle nation. Rupture, en 2000 qui met fin à 40
ans de pouvoir du Parti Socialiste. 
En  effet,  le  21  mars  2000,  les  électeurs 
sénégalais  ont  votés  à  plus  de  58%  en 
faveur d'Abdoulaye  Wade,  assurant  une  victoire  décisive  à 
l'alternance  politique.  Mais  aussi continuité, car M. Wade et ses
collègues de plus de 50 ans ont tous été formés en
France dans 
le culte de l'Etat jacobin fort et centralisateur. Après 
25 années d'attente pour cette prise de pouvoir, le chef de l'Etat
semble être pris d'une fièvre bâtisseuse sans
précédent, pour mettre 
sur pied  d'ambitieux projets : 
Une nouvelle capitale doit être
implantée à Mékhé-Pékesse, dans le
département de 
Kébémer. Elle couvrirait une superficie de 5000 ha
et accueillerait une population d'environ 
200.000 habitants. Cette population pourrait augmenter d'un
million avec l'aménagement de 
20.000ha. Un nouvel aéroport international
devrait être construite à Ndiass (à 45
kilomètres 
de  Dakar,  ans  la  région  de  Thiès) :  il 
serait  édifié  dans  une  emprise  de  1800  ha  à  2000 
ha contre  800  actuellement.  Avec  une  capacité  initiale  d'accueil 
de  3  millions  de  passagers extensible  à  5  millions, il  pourrait 
traiter  80.000  mouvements  d'avion  par  an  contre  33.000 
actuellement. Un nouveau port doit être
mis en place à Bargny. 
La construction de ce port minéralier se fera à
travers une jetée "off shore" de 4400 
mètres et disposant, entre autres installations, de
desserte terrestre et ferroviaire, de stockage 
et de traitement de marchandises, qui permettrait le
chargement de navires de 170.000 tonnes avec un tirant d'eau de 21
mètres. Une autoroute à péage entre Dakar et
Thiès devrait être construite.  Enfin,  un 
projet  de  villes  nouvelles  secondaires,  qui  pourrait  enfin 
contre balancer  la  macrocéphalie  dakaroise  et  favoriser  une 
meilleure  répartition  des  villes,  a  été
proposé par M. Abdoulaye Wade. 
Cette boulimie de projets ne semble pas s'accompagner de
financements à la hauteur 
des ambitions du Président : le gouvernement compte sur
les bailleurs de fonds internationaux pour boucler les budgets mais ces
derniers n'ont pas une confiance suffisante dans l'économie
sénégalaise. L'objectif d'une croissance durable de 8% par an
affiché par Wade leur semble trop  ambitieux.  De  plus,  les  projets 
de  l'Etat  souffrent  d'un  déficit  d'image  auprès  des
bailleurs  vis-à-vis  des  déguerpissements  qui  seraient 
provoqués.  A  bien  des  égards  la politique  de  grands 
projets  semble  plus  proche  d'une  logique  électorale,  que  d'une 
réalité fondée  sur  des  financements,  et  un 
calendrier  concret.  Cependant,  le  projet  de  ville  de Diamniadio semble
plus enclin que les autres à attirer la convoitise d'investisseurs
nationaux 
et internationaux... 
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