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Subjectivité et intersubjectivité dans la conversion indiviuelle masculine à l'islam en France au XXI siècle

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par Marie Bastin
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris -  2002
  

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CONCLUSION ET PERSPECTIVES

L'individu religieux qui émerge dans la figure du « converti » « s'affirme plutôt comme celui qui se donne des règles de vie et qui cherche à diriger sa vie selon des conduites licites en s'appuyant sur les « piliers de l'islam » »171(*)

Il fait appel à un divin très extériorisé qu'il intériorise jusqu'à être un véritable rapport à soi. En effet, d'une part, contrairement à la conception de dieu en christianisme, la conception de dieu en islam n'est pas anthropomorphe, et donc n'est pas narcissique. L'interlocuteur privilégié avec lequel le musulman, et donc le « converti », établit un rapport est en permanence absent. La croyance a de spécifique qu'elle situe le croyant en face tout à la fois d'une immanence permanente de l'absence et à une transcendance. Chacun donnerait, alors à dieu, l'image qui lui convient. Cette potentialité représentative et spirituelle propre à l'islam donne une place importante à la dimension du fascinans. Celle-là même qui aurait disparu en société ultramoderne.

Pourtant d'autre part, par ses principes l'islam semble parfaitement répondre à la sacralisation du narcissisme ultramoderne et ne remet pas en cause l'autonomie de l'individu, au point même de la mettre, spirituellement, tout au moins en exergue.

Autant il n'y a pas de modalité unique à se penser musulman en société lorsque l'on est musulman sociologique, autant les « convertis » ne peuvent être globalisés. Devenir musulman, est un choix renforcé par l'appel à la responsabilité individuelle quant au choix pour ou contre l'islam, qui fait partie des référents normatifs islamiques de base. C'est un choix de se normer sans être susceptible de subir les obligations imposées par le contrôle social du groupe d'origine aussi bien que celui du groupe d'appartenance.

Qui est donc le « converti » à l'islam en France du XXIème siècle ? Quelle identité a-t-il élaborée en se convertissant ? Le « converti » est un homme-dieu, qui non seulement accomplit un retournement sur soi, mais désigne son propre maître : Allah, tout en satisfaisant un besoin de socialisation du communautaire et du social. Il s'inscrit dans un processus « d'établissement de règles de fonctionnement d'un ordre social, un mélange d'intégration sociale et de défense communautaire et de solidarité avec une dominante conservatrice. »172(*) Ce qui lui permet d'accepter « une invasion de l'irrationnel dans le monde humain en tentant de le maîtriser par diverses techniques religieuses »173(*), les islamiques en l'occurrence. Ce qui prédomine dans son identité est la dimension de la croyance, bien que celle de la pratique soit prégnante. Il invente une équation religieuse islamique hybride aux dosages instables de laïcité et de référents religieux et enchevêtre des modes de pratiques traditionnelles empruntées aux coreligionnaires sociologiques et des modes personnalisés. On assiste dans ces processus individuels à une sorte de rapprochement entre le divin et l'humain d'où disparaît l'opposition dualiste et par lequel une appropriation, un don s'élabore entre le divin et l'individu. La « conversion » à l'islam est bien une forme « d'auto-spiritualité »174(*) propre à l'individuation religieuse ultramoderne. Mais, elle est un défi manifeste aux identités des groupes mises en jeu, le groupe que quitte le « converti » et celui qu'il rejoint. En acceptant de ne plus rêver à une dimension divine de leur être, et de s'occuper pleinement, totalement et sans limites de leur dimension humaine.

La dimension collective est subordonnée à celle de l'individu qui s'exprime en termes d'une certaine totalisation de soi et de son rapport au monde à partir du religieux. C'est pour cela que la dimension collective avec le groupe d'accueil est essentielle chez le « converti ». Elle l'inscrit dans un processus de « socialités électives »175(*) qui codifient les rapports avec le groupe d'origine également. Et lui permet de développer une « exogamie sélective »176(*), religieuse et non plus ethnique ou sociale jusqu'à renforcer ses liens avec la communauté d'appartenance. Ainsi, l'ultramodernité du « converti » à l'islam en France au XXIème siècle semble répondre à la primauté donnée à la raison, aux limites de la science, à la liberté individuelle, à l'émergence des masses sur la scène de l'histoire, à la différenciation fonctionnelle public-privé et à la mondialisation.

Pourtant si ce travail s'est plus développé en termes d'amorce, d'interrogations, d'invitations à une plongée en sociologie religieuse de l'islam en France, il nécessite d'être poursuivi, approfondi et mis à l'épreuve d'autres phénomènes religieux ultramodernes.

Quelles sont les conséquences des « conversion » individuelles à l'islam sur l'islam en France ou sur l'islam de France ? Sont-elles en devenir ? Quelles types de particularités présentent ? L'étude d'autres itinéraires de « convertis », plus particulièrement de femmes « converties » à l'islam, celle de leur approche de l'islam et celle de leurs productions donneraient quelques pistes de recherche.

Les convertis relativisent-ils leur ancrage social par la conversion à l'islam et comment ? En quoi l'islam en tant que religion le permet-il, pourquoi et comment ?

Peut-on considérer que l'idéal de l'Umma soit porteuse de l'idée d'une société « sous-classe » et de l'établissement d'une telle société ? Ainsi, à défaut d'adhérer à l'idéologie marxiste ou communiste, adhèrent-ils à l'idéal d'une société où les êtres semblent socialement égaux, au sens recherché dans le projet islamique, selon leurs interprétations de convertis ? Comment les convertis considèrent-ils que les valeurs islamiques sont favorables à l'égalité des conditions sociales, puisque qu'en islam sunnite il n'y a pas de « prêtres » élevés au-dessus des fidèles égaux entre eux ? Comment la crise de sens et d'énonciation de l'autorité retentissent en islam ? Les convertis participent-ils à une candidature à une citoyenneté complète, à la négociation du statut économique, politique et culturel dévolu dans la hiérarchie sociale, des musulmans immigrés d'origine ?

Par la requalification des rapports sociaux, les musulmans et dans une moindre mesure, les convertis à l'islam, contribuent-ils à une forme de ré-enchantement ou de dé-sécularisation des sociétés européennes ?

* 171 Luc Ferry, « L'homme-dieu », Balland, Paris, 1997

* 172 Alain Touraine, La recherche de soi ; Seuil, Paris, 2000

* 173 ibid

* 174 S. Allievi, Paroles d'islam, Maisonneuve & Larose, Paris, 2000

* 175 ibid

* 176 ibid

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote