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Subjectivité et intersubjectivité dans la conversion indiviuelle masculine à l'islam en France au XXI siècle

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par Marie Bastin
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris -  2002
  

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Pas de « conversion » sans narration : la « conversion » est une histoire intérieure, individuelle et sociale

Le récit de l'expérience religieuse de la « conversion » se situe à la croisée des thèmes de la biographie, du renouvellement postmoderne de l'explication de soi, de l'exercice du témoignage spirituel et de la reconstruction pour interpréter un avant et après existentiels.

Le récit de soi de façon autobiographique ou par un tiers est le plus souvent, construit sur deux axes complémentaires. D'une part, l'axe subjectif fait du récit biographique de « l'identité [...], une narration d'un type particulier. C'est le récit de la façon dont je suis devenu ce que je suis [...], il s'agit d'une narration fondée sur le souci de l'image de soi. » D'autre part, l'axe intersubjectif met en avant « la capacité à reconfigurer notre histoire de vie -le récit de vie devant donc continuellement être refondu au moule de l'expérience- [comme étant] le signe de la préoccupation intense du monde extérieur. »74(*) Le récit manifeste et nécessite, donc « la re-narration perpétuelle, acte de réflexivité individuel, [comme] l'indication d'un processus marqué de formation d'identité. » Cette « élaboration identitaire » démontre, au sein du récit, que « la capacité à établir des renvois est bien plus importante que la nature de ceux-ci. »75(*)

Comme « chaque conversion ressemble à celui qui la subit »76(*) et que « l'époque contemporaine voit le triomphe de l'autobiographie dans les domaines des récits, des mémoires diverses, de l'expérience de prise d'otage »77(*), le récit de « conversion » ne peut ici être contourné. En effet, « la mobilité et l'incertitude » qui règnent dans la société actuelle, dans tous les domaines de la vie, encourageraient, d'une part « les gens à rééxaminer constamment leur récit de vie et à renouveler leur explication de soi au gré »78(*) des expériences. D'autre part, parce que « l'identité relève d'un processus de négociation, dans le monde extérieur, de sa propre image de soi, intériorisée, et [que] cette activité délicate s'exerce le plus souvent sur plusieurs fronts simultanément »79(*), il est incontournable d'envisager la « conversion » religieuse, sans son récit, qui en fait comme une histoire de vie perpétuellement négociée.

Il semblerait qu'au début du XXème siècle, les récits de « conversion » prouvaient l'acuité de l'inquiétude religieuse à l'oeuvre en cette période. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quels sens peuvent avoir ces récits de conversions ? Si le récit a pu devenir un véritable exercice spirituel, biographie spirituelle et témoignage personnel, il a été l'expression d'une obéissance et d'un renoncement, pour P. Claudel80(*). Le récit de conversion transforme néanmoins « la quête de soi en expression de soi. [Il est] une histoire de l'âme, de l'action de dieu dans cette âme. »81(*) Mais, « tout en avouant le besoin de l'aveu, du témoignage, Massignon avoue que le récit est impérieusement  « édifiant ». »82(*) Dans certains cas, il est même évoqué comme le moyen d'exorciser le mal.

Le récit de « conversion » s'inscrit encore aujourd'hui, dans cette expression autobiographique et biographique. Le but du récit de l'expérience religieuse de la « conversion » est double, satisfaire d'une part, le « désir d'édification et de diffusion de la « foi nouvelle » et accomplir une « confession » ». Ce souci d'exemplarité dégage la simple confidence et lui donne une portée universelle. Pourtant, le récit écrit ou oral soulève la problématique de l'inévitable « rétrospection » de la mise en quête des causes profondes d'un parcours. Le plus souvent, un récit écrit est constitué de trois étapes. La première explicite l'origine du cheminement, comme « la conversion avant la « conversion » ». La deuxième décrit la quête et la troisième « montre la (lente) conquête de la foi », Dans la première, le converti traduit le « mécontentement de soi et l'insatisfaction douloureuse » qui le poussent, et c'est la deuxième étape qui la narre, à la « recherche de réponses aux troubles décelés », à la « démonstration de l'impuissance des autres systèmes de pensée et la valeur de ce qu'il a choisi. »83(*) Le sens et le « fil du récit » sont présents dans les cassures et les explications que l'on en donne84(*). Dans le tracé de vie du « converti », il y a une infidélité, traduite à un certain moment en une fidélité nouvelle, relativement stable, parfois définitive. Il y a un avant et après, dont le constat se produit dans le récit de « conversion ». Dans la différence qui marque ces deux temps, « chercher des raisons claires et conscientes dans l'après pour expliquer l'avant » 85(*) est vain. Car, lors du récit qui est déjà une reconstruction, pousser les individus à trouver ces raisons, les entraînera à forcer le trait de l'interprétation, à rechercher des raisons et des motivations en reconstruisant un « avant « conversion » » à la lecture de l'« après « conversion » », et ce, le plus souvent dans le champ du mysticisme, ajoutant « inconsciemment » ainsi au mystère de leur changement. Gardons à l'esprit avec S. Allievi que « l'écoute des récits de « conversion », avec leur ré-élaboration ex-post toujours tellement « évidente » [...] devient immédiatement suspecte aux yeux du chercheur. »86(*) Qu'en est-il des récits de « conversion » à l'islam en France postmoderne ? Sont-ils soumis aux mêmes contraintes et aux mêmes vigilances ?

* 74 La différence culturelle, colloque du Césy, sous la direction de M. Wieviorka et J. Ohana, article, Sur l'identité, R. Senett, pp. 308-319

* 75 ibid

* 76 E. Godo, La conversion religieuse, collectif, Imago, Paris, 2000, p 259

* 77 ibid

* 78 ibid

* 79 ibid

* 80 ibid

* 81 ibid, p. 262

* 82 ibid, p. 263

* 83 ibid, p. 265

* 84 S. Allievi, in Paroles d'islam, p. 159

* 85 S. Laurens, Les conversions du moi, Desclée de Brouwer, Paris, 2002, p. 88

* 86 S. Allievi, in Paroles d'islam, p. 159

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