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Subjectivité et intersubjectivité dans la conversion indiviuelle masculine à l'islam en France au XXI siècle

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par Marie Bastin
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris -  2002
  

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De La conversion à l'islam dans la société postmoderne

« Se convertir pour entrer dans un groupe majoritaire qui détient le pouvoir, ce n'est pas se convertir pour entrer dans un groupe minoritaire et disséminé. » Les conversions à l'islam s'inscrivent dans la seconde situation et ne concernent qu'à peine 100 000 individus, en France au XXIème siècle.

Comme l'islam contemporain est aussi divers que l'islam historique, ses particularités, en France postmoderne, peuvent être classées sur trois niveaux. D'une part, transplanté, l'islam est minoritaire bien que quantitativement évalué comme la seconde religion du pays. Et, d'autre part, le groupe des musulmans est plutôt considéré comme méprisé et dévalorisé. Ses membres, le plus souvent immigrants sont largement représentés socio-professionnellement, au bas de l'échelle sociale. Les relations inédites de l'islam et du monde chrétien en terre de sécularisation et d'oecuménisme ambiant, favorisent une double et contradictoire perception : l'islam est en France un rival et allié. Les évènements internationaux depuis plus de vingt ans, de la révolution iranienne, en passant par le conflit israëlo-palestinien jusqu'à l'attentat du 11 septembre 2001, contribuent également à ces sentiments d'attraction et de répulsion dont le voisinage historique des mondes chrétien et musulman ont toujours été empreints. L'islam est donc, non seulement, une « réalité qu'on ne peut désencastrer des autres dimensions de l'action sociale globale »104(*) française, mais aussi une réalité dont la transnationalisation « qualifie d'une manière significative la présence des musulmans sur le continent. »105(*)

Du point de vue plus interne à l'islam en France, il est possible d'observer d'une part que les conséquences de l'occidentalisation du monde le soumettent aux effets de la modernité, inconsciemment ou non, passivement ou non, le tenant dans « un entre-deux, entre la perte de ce qu'il fut et dans l'attente infinie de ce qu'il sera. »106(*) Il s'agit alors avec F. Khosrokhavar de constater que l'islam en France, en un demi siècle, à subi une mutation : de religion de l'extérieur, il est devenu religion de l'intérieur. Cette mutation induit d'autre part, ce qu'affirme S. Allievi107(*) que « l'islam en Europe est affaire d'individus. » La communauté musulmane est, en effet, « une réalité qu'il faut éventuellement construire, inventer au sens propre du terme. Son présupposé est celui d'une adhésion individuelle et volontaire. » Ce qui lui est en soi une nouveauté, car dans les pays d'origine, l'appartenance à l'islam est « un fait héréditaire social de clan ou d'ethnie. » En Europe, par la logique individuelle qui dégage l'islam de son statut communautaire, culturel et social, l'on est musulman « parce que justement l'on n'est plus ni arabe, ni turc, ni persan. » Les convertis eux n'ont jamais été qu'européens.

En France, si l'appel à l'islam s'accomplit, c'est « en référence à un universel alternatif »108(*) à celui de la société française et, surtout à celui de la mondialisation, perçue comme dominante. Au sein des musulmans eux-mêmes, il y a donc « une transaction culturelle »109(*) dont les « convertis » bénéficient plus facilement. En effet, ils y participent sur les deux versants. Sur le versant de l'islam, ils ont un « fonds culturel islamique égal voire supérieur à celui de leurs homologues de la seconde génération »110(*) (ce qui tend néanmoins à s'atténuer depuis quelques années sur certains types de connaissances). Sur celui de la société française dont le cadre de « référence est laïque et pluraliste »111(*), ils connaissent ce cadre de l'intérieur, pour y avoir été éduqués et pour le vivre. Ils en connaissent les implications, les contraintes et les opportunités.

Se convertir à l'islam implique, certainement dans un tel contexte, d'une part, de lutter contre la certitude que le « converti » est en passe de déchoir socialement, politiquement et éthiquement, ce qui diffère des « conversions » à l'islam dans les époques antérieures. Et, d'autre part, d'envisager l'islam des « convertis » comme étant toujours une option à l'intérieur d'une ample phase de transformation individuelle. En effet, selon « les éléments constitutifs d'un modèle de conversion à l'islam des origines, selon l'islam sont une entrée dans l'islam conçue non, comme un événement révélateur, mais comme un événement promoteur de changement, une instruction religieuse qui peut se situer « après l'entrée en islam », un changement intérieur qui doit s'accompagner d'un changement extérieur, complémentaire et même pouvant le précéder puisque le corps n'est pas « expulsé » en dehors du domaine de la religion. »112(*)

Enfin, se convertir à l'islam implique un changement particulier de système religieux. Passer du christianisme à l'islam consiste, en effet, à changer, entre autre, de texte, mais et surtout, à changer de système de lecture. Les messages de l'un et l'autre sont différents, mais la lecture coranique ne peut s'accomplir comme celle de la Bible, de théologie historisante. Ce sont les Evangiles qui seraient les plus semblables à la Sunnah, les difficultés de lecture seraient alors moins grandes.113(*)

C'est pourquoi, « les convertis doivent [au contraire de la première génération de l'islam migratoire] justifier avant tout à leurs propres yeux, leur référence à l'islam. »114(*) et qu'ils sont « probablement l'exemplification la plus évidente du processus d'obligation de choix » 115(*) forte, qui touche l'ensemble des sphères de la vie individuelle et collective postmoderne. Il ne peut s'agir, dans leur cas, que d'un choix qui participe du « succès de l'islam mystique qui puise ses forces dans la recherche d'une spiritualité personnelle plus intériorisée » 116(*) de leur part, et « dans l'absence d'une communauté « gardienne de la tradition » à laquelle ils pourraient se référer. »117(*)

Le constat global que les « convertis » se tournent plus vers les confréries soufies permet d'évoquer une certaine « soufisation de l'islam »118(*) en France. Pourtant, quelles que soient les configurations de la « conversion » à l'islam en France ultramoderne et bien qu'elles soient le fruit d'un islam transplanté, les « convertis » n'en sont pas moins un groupe représentatif de l'islam en/de France, mais aux caractéristiques particulières. Ils sont, en effet, plus ou moins organisés, pour certains, en « entrepreneurs sociaux du sacré » ou en « entrepreneurs juridiques indépendants » plus ou moins écoutés, et ont « leurs propres réseaux de relations et de promotion réciproques ». Tous les « convertis » se caractérisent par « un certain autodidactisme et une autonomie substantielle par rapport aux centres traditionnels de production de sens et de norme [du sacré islamique] ». En revanche, ils subissent moins l'obligation imposée par le contrôle social qui pèse sur les « musulmans sociologiques » et ne sont pas autant soumis à la nécessité d'atteindre une adéquation aux comportements traditionnels qu'ils ignorent cultuellement. L'intériorisation du sens de la pratique et le témoignage de la foi individuelle priment, le plus souvent, chez eux, sur les observances rituelles. Bien que le camaïeu des pratiques de l'islam des « convertis » comme celles des musulmans sociologiques peuvent se décliner du « désengagement total à des formes très exigeantes d'orthodoxie »119(*), elles ont « en commun le triomphe de la logique individuelle. »

L'islam en France peut être considéré comme une minorité sociologique et psychosociologique. Minorité, car il est numériquement faible, mais par le fait également que le groupe des musulmans est négativement connoté. En effet, ce groupe a tort a priori et est envisagé comme étant en conflit à cause des positions étranges ou anormales qu'il soutient contre ce que le « bon sens » majoritaire partage. Ainsi, bien que pour le futur converti, l'islam soit avant tout étranger et extérieur à lui, l'objet « islam » va s'implanter chez certains, plus sûrement et plus profondément qu'il est rejeté, dénié, critiqué et non pas simplement accepté.120(*) Cette situation spécifique est incontournable car la « conversion » religieuse est toujours accompagnée d'une subjectivité qui « se situe dans le cadre de la subjectivité des groupes »121(*) et dont elle ne peut en aucun cas faire l'économie. En effet, « avec la conversion, l'identité se modifie. Subjectivement d'abord puisque c'est le converti lui-même qui ressent ce changement dans sa personnalité, dans son rapport au monde. Socialement, puisque le converti abandonne une identité, une place dans une communauté pour adopter une nouvelle identité, une place dans une autre communauté. [Ce changement] conduit l'individu à abandonner une position, un rôle établi pour assumer après son changement une nouvelle position, un nouveau rôle. »

L'enquête, son analyse et ses commentaires vont mettre en rapport l'ensemble des principes théoriques recensés de la question de la conversion et plus particulièrement de la conversion à l'islam en France de la fin du XXème et du début du XXIème siècles et les réalités individuelles et collectives relatives à la conversion à l'islam dans une quête spirituelle individuelle.

* 104 A. Bastenier

* 105 ibid

* 106 A. Meddeb, La maladie de l'islam, Seuil, Paris, 2002, p. 195

* 107 S. Allievi, Les convertis à l'islam, L'Harmattan, Paris, 1999

* 108 Dassetto F. & Bastenier, A., L'islam transplanté, EPO, Anvers, 1984

* 109 ibid

* 110 S. Allievi, Les convertis à l'islam, L'Harmattan, Paris, 1999

* 111 ibid

* 112 Conversions islamiques, p.44

* 113 Henri Sanson, le christianisme au miroir de l'islam, Cerf, 1984

* 114 S. Allievi, Les convertis à l'islam, L'Harmattan, Paris, 1999

* 115 ibid

* 116 ibid

* 117 ibid

* 118 ibid

* 119 J. Cesary, Musulmans français et intégration socio-politique

* 120 S. Laurens, Les conversions du Moi, p. 265

* 121 idem, p. 8

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo