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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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SECTION II : L'INTERVENTION HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

L'intervention du juge constitutionnel dans l'ordre juridique garantit la prééminence du droit au plan national à côté des juges des ordres judiciaire et administratif. Son intervention s'opère par le biais d'un mécanisme spécifique, le contrôle de la constitutionnalité des textes (Paragraphe 1) qui se veut propice à la protection des droits des citoyens. Il est défini comme un examen de la conformité par le juge d'une loi à la constitution, examen pouvant donner lieu, le cas échéant, à une sanction de la loi incriminée273(*).

On en distingue habituellement deux types. Le premier correspond au modèle américain : ici, chaque juge est habilité à procéder au contrôle et, éventuellement, à écarter l'application d'une norme qui serait en contradiction avec une disposition constitutionnelle. C'est un contrôle que l'on qualifie de ``diffus'', en ce qu'il s'exerce à tous les niveaux de l'organisation juridictionnelle274(*). Le second correspond au modèle européen de type kelsénien275(*) et ici, le pouvoir de contrôler la conformité de la loi à la constitution est octroyé à un organe distinct des juridictions ordinaires et unique. Un tel contrôle est qualifié de ``concentré'', en ce qu'il n'est dévolu qu'à cette seule juridiction276(*).

Au Cameroun, le contrôle est dévolu à la compétence d'un organe spécifique, le Conseil constitutionnel. Toutefois, pour bénéfique qu'il devrait être, les limites de ce mécanisme permettent de constater une inaptitude du juge constitutionnel dans les cas de violation des droits fondamentaux (Paragraphe 2) au Cameroun.

PARAGRAPHE 1.- LE CONTROLE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES LOIS, UN CONTROLE FAVORABLE A LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

Il n'a pas toujours été prévu dans les textes constitutionnels camerounais. C'est ainsi que le constituant de 1960 l'ignore purement et simplement. Cette lacune est réparée par la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 suivie en cela par la Constitution du 2 juin 1972. Le contrôle de constitutionnalité semble alors constituer dans l'ordre juridique camerounais, une sorte de « serment de fidélité à l'idée de la suprématie constitutionnelle »277(*).

Or, comme le constate effectivement le Pr MINKOA SHE, « l'optimisme légitime né de l'institutionnalisation du contrôle de constitutionnalité des lois allait céder le pas au désenchantement ». En effet, poursuit-il, « le mécanisme institué par la Constitution, s'est en effet révélé particulièrement inefficace, dominé qu'il était dans son aménagement par la personne du chef de l'Etat »278(*). Le contrôle de la constitutionnalité des lois au Cameroun a alors eu pour conséquence importante au Cameroun une soumission notable de la création du droit à la rationalité politique, au détriment de la rationalité juridique qui devait pourtant la guider.

L'entrée dans un véritable système libéral au début des années 1990 des Etats d'Afrique subsaharienne n'a pas épargné le Cameroun. La réforme constitutionnelle de 1996 se devait alors de faire table rase des incongruités susceptibles d'enrayer la marche de l'Etat de droit et de la démocratie au Cameroun au rang desquelles le régime contraignant du précédent contrôle de constitutionnalité des textes.

Or, elle consacre bel et bien à l'instar des précédentes lois fondamentales, un contrôle de constitutionnalité des lois concentré au sein d'un organe, le Conseil constitutionnel. Mais, ce nouveau contrôle semble propice à la protection des droits de par le statut de l'organe en charge du contrôle (A) et de par la portée des décisions (B) de cet organe.

A.- De par le statut de l'organe de contrôle

« L'idée de la création d'une juridiction constitutionnelle indépendante et placée en dehors du pouvoir judiciaire procède de la volonté de rompre avec un pouvoir judiciaire marqué par son passé. La réputation du pouvoir empêchait que soit directement confié aux juridictions ordinaires le soin de trancher les questions de constitutionnalité et d'assurer la primauté des droits inclus dans la Constitution, le pouvoir judiciaire ayant en effet été marqué depuis l'indépendance par ses liens avec le pouvoir exécutif et sa faible volonté de promouvoir un système juridictionnel indépendant de toute pression politique »279(*). Ce triste constat du Pr VIGNON explique à lui seul la volonté de confier le contrôle de la suprématie de la constitution à une juridiction spécifique, et en principe indépendante.

Les lois fondamentales de 1961 et de 1972 du Cameroun confient le contrôle de constitutionnalité à la compétence d'une instance rattachée à la Cour suprême, la Chambre constitutionnelle de la Cour Suprême. Celle-ci ne pourra jamais véritablement fonctionner et c'est l'une des raisons pour lesquelles le texte de 1996 institue un Conseil constitutionnel en organe spécialisé dans le contrôle de constitutionnalité et distinct de la Cour Suprême.

C'est alors une juridiction en principe autonome et chargée d'assurer la suprématie de la constitution dans l'Etat qui est créée. Sa composition, ses attributions et la procédure de contrôle déterminées par la Constitution et la loi rendent ainsi compte de ce nouveau statut.

S'agissant de la composition du Conseil constitutionnel, elle est déterminée dans le titre VII de la loi constitutionnelle de 1996, et réglementée par la loi n° 2004-4 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement de l'institution et par la loi n° 2004-5 du même jour, fixant le statut des membres de l'institution280(*).

Aux termes de ces différentes lois, le Conseil constitutionnel comprend 11 membres nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable. Ils peuvent être désignés ou intégrés de droit à l'institution. Ce dernier cas de figure est prévu pour les anciens présidents de la République du Cameroun281(*). Ces membres, eu égard à leur statut, doivent être à même de protéger les droits des citoyens.

Le premier point intéressant de cette composition réside dans la diversité des autorités participant à la désignation des membres nommés. Elle doit pouvoir offrir une garantie à ces membres quant à leur indépendance vis-à-vis de l'autorité qui les nomme. Aux termes de l'article 7 alinéa 2 de la loi n° 2004-4, les autorités compétentes participant à cette désignation des membres sont le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et une institution, le Conseil supérieur de la magistrature.

S'agissant des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, ceux-ci ne procèdent à la désignation des membres du Conseil constitutionnel qu'après avis du bureau de l'institution dont ils assurent la présidence. Aux termes de la loi, les conseillers ne sont pas astreints à l'exercice d'une profession juridique, « ils doivent (juste) jouir d'une grande intégrité morale et d'une compétence reconnue »282(*). Ces préalables à la désignation des membres du Conseil constitutionnel doivent alors pouvoir édifier un statut autonome de ces derniers afin qu'ils puissent exercer leurs fonctions sans pression d'aucune sorte.

Le second aspect est celui des incompatibilités fonctionnelles, des immunités, avantages et privilèges attachés à la fonction de membre de l'institution. En effet, cette fonction est incompatible avec un certain nombre d'autres fonctions dans l'Etat, susceptibles d'entamer l'indépendance des membres de l'institution ou de jeter le discrédit sur celle-ci283(*). Les membres du Conseil constitutionnel bénéficient en plus de certains avantages, immunités et privilèges qui devraient pouvoir les mettre à l'abri des pressions sociologiques de tous ordres et des risques de corruption.

Mais, la garantie la plus significative quant au statut des membres du Conseil du point de vue de la protection des droits fondamentaux résulte en ce qu'ils sont inamovibles284(*). Au contraire des magistrats de l'ordre judiciaire, cette caractéristique est susceptible d'apporter une sérénité certaine au juge constitutionnel qui pourra ainsi se concentrer sur la tâche à accomplir, les différentes matières qui lui sont attribuées au sein de l'Etat.

Les attributions du juge constitutionnel découlent des articles 18, 47 et 48 de la Constitution réformée et de l'article 3 de la loi n° 2004-4. De la lecture de toutes ces dispositions, le juge constitutionnel camerounais est compétent pour se prononcer sur la recevabilité des projets de loi, en cas de doute285(*). Il est juge de la constitutionnalité des lois, lato sensu286(*), il règle les conflits d'attributions entre les institutions étatiques et est juge du contentieux électoral pour l'élection présidentielle, les élections législatives et les consultations référendaires.

De ces différentes dispositions, il ne résulte donc pas que le juge constitutionnel camerounais puisse connaître directement des cas de violations des droits fondamentaux, pareille attribution ne lui étant pas attribuée par les textes. Les seuls canaux par lesquels il peut le faire sont le contentieux découlant des élections et le contrôle de la constitutionnalité des lois qui a une procédure soumise à des conditions précises.

A la suite de l'article 47 en ses alinéas 2 et 3, l'article 19 de la loi 2004-4 qui traite du contrôle de constitutionnalité, dispose que seuls le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs et les présidents des exécutifs régionaux peuvent saisir le juge constitutionnel pour provoquer le contrôle. Ils peuvent le faire avant la promulgation de la loi, par simple requête datée et signée, motivée et devant comporter un exposé des moyens de fait et de droit. Une garantie importante est que cette procédure est gratuite et contradictoire.

On remarque ainsi une extension notable des autorités habilitées à saisir le juge constitutionnel pour déclencher le contrôle de constitutionnalité des lois. Le président de la République n'est plus la seule autorité, à la différence du texte constitutionnel de 1972, habilitée à le faire. Cela apparaît, au premier abord, bénéfique pour la protection des droits par le juge. De plus, ses décisions doivent intervenir dans un délai relativement court, qui est de 15 jours. Celui-ci peut être ramené à 8 jours à la demande du président de la République. Ces décisions du juge constitutionnel témoignent ainsi de l'ampleur de la protection qu'il apporte aux droits des citoyens, du point de vue essentiellement de leur portée.

* 273 Ch. DEBBASCH et alii, op. cit., p. 593.

* 274 N. MOLFESSIS, ``La dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux'', in R. CABRILLAC et alii (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, p. 84.

* 275 Développé par H. KELSEN, ``La garantie juridictionnelle de la Constitution'', RDP, 1928, pp. 197 et sq.

* 276 N. MOLFESSIS, ibid., p. 84.

* 277 L. DONFACK SOCKENG, ``Cameroun : le contrôle de constitutionnalité des lois, hier et aujourd'hui. Réflexions sur certains aspects de la réception du constitutionnalisme moderne en droit camerounais'', in S. MELONE, A. MINKOA SHE, L. SINDJOUN (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et Politiques, Yaoundé, Friedrich-Ebert-GRAP, p. 363, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 72.

* 278 A. MINKOA SHE, op. cit., pp. 72-73.

* 279 Y. B. VIGNON, ibid., pp. 92-93.

* 280 In J.O.R.C., n° 8, 1er mai 2004, pp. 364-383.

* 281 Art. 51 al. Loi n° 96/06, Juridis Périodique n° 25, Jan-Févr-Mars 1996, p. 9 ; art. 7 al. 3 loi n° 2004-4, op. cit., p. 365.

* 282 Art. 2 de la loi n° 2004-5, op. cit., p. 378.

* 283 Art. 8 de la loi n° 2004-5, op. cit., p. 379.

* 284 Art. 9 de la loi n° 2004-5, op. cit., p. 380.

* 285 Art. 18 al. 3 de la loi constitutionnelle de 1996, op. cit., p. 5.

* 286 Aux termes des art. 47 al. 1 de la loi n° 96/06 et 3 al. 1 de la loi n° 2004-4, « Le Conseil constitutionnel statue sur : - la constitutionnalité des lois, traités et accords internationaux ; - les règlements intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution ; - les conflits d'attribution entre les institutions de l'Etat, entre l'Etat et les régions, entre les régions ».

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