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L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse sociologique

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par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1,Cameroun - DEA 2007
  

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ABSTRACT

The present study is an evaluative attempt of the effectiveness of HIPC projects on poverty reduction in Cameroon, based on a sociological analysis of their implementation.

Failures noticed in the underdevelopment control policy, whose major tools were Programs for structural adjustment (PSA), led to the promotion and dedication of the policy meant to curb poverty, using mainly HIPC initiative. Our work therefore investigates about the execution of HIPC projects as well as it questions their incidence on the reduction of the poverty in our country.

Considering that, like that of any undertaking for social development , the output of such projects depends on the procedure applied in their execution, our study envisages two possible ways of handling the issue in case (efficiency). The first relates to the accuracy of implementation mechanisms whereas the second deals with the application of a participative approach all along the process.

There are three theoretical approaches helpful to the sociological analysis of the implementation of these projects: the sociocritical approach, the systemic approach and the strategic approach.

At the end of our study, it appears that the implementation conditions of the so-called projects do not enable effective reduction of poverty in Cameroon, for hindrances lies both at the level of related mechanisms and the application of the participative approach.

INTRODUCTION GENERALE

I. JUSTIFICATION DE L'ETUDE

Cette étude est essentiellement motivée par le changement d'approche survenu dans les politiques de développement en direction des pays en développement en général, et du Cameroun en particulier. De la politique de lutte contre le sous-développement, on est passé à celle dite de lutte contre la pauvreté.

En effet, la politique de lutte contre le sous-développement, caractérisée par la mise en oeuvre des Programmes d'ajustement structurel (PAS) et les modifications qui s'en sont suiviesont fait l'objet des critiques selon lesquelles les PAS ont aggravé la pauvreté dans les pays qui ont fait l'objet de leur application. Ces critiques ont amené les Institutions de Bretton Woods à conduire des réflexions visant à palier les limites des PAS. Ces réflexions ont abouti à la mise en place de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE). Initiative conjointe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), l'Initiative PPTE consacre la politique de lutte contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires.

L'élection du Cameroun à cette Initiative dont le point de décision a été atteint à la mi-octobre 2000, a consacré la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Depuis ce temps, le concept de lutte contre la pauvreté a fait une entrée remarquée dans les discours politiques et les réflexions sur le développement au Cameroun, au point d'y constituer désormais un élément central de la rhétorique des acteurs engagés dans le développement. Avec l'élection du Cameroun à cette Initiative, le grand public n'ignore plus ce concept qui est repris par les médias nationaux et internationaux, le gouvernement, les organisations internationales, les organisations de la société civile, les élites et bien d'autres. Mais au-delà d'un incontestable effet de mode, le concept de lutte contre la pauvreté est caractérisé par un flou sémantique qui n'est pas neutre dans l'abondant usage qui en est fait. Même si un contenu lui est donné dans les textes fondateurs de l'Initiative PPTE et dans le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), des interrogations demeurent sur la capacité des politiques y relatives, mieux de l'instrument y relatif, à infléchir la pauvreté au Cameroun.

Il semble alors opportun d'interroger l'Initiative PPTE, quant à son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

II. DELIMITATION DE L'ETUDE

La politique de lutte contre la pauvreté a pour instrument principal l'Initiative PPTE. Cette Initiative comprend les volets économique et social. Le volet économique est relatif à la conduite des réformes économiques en vue de l'atteinte des performances macroéconomiques, et au désendettement. Le volet social quant à lui concerne la lutte contre la pauvreté.

La présente étude s'intéresse exclusivement au dernier volet de cette Initiative, celui de la lutte contre la pauvreté et est consacrée à l'analyse sociologique de la mise en oeuvre des projets y relatifs au Cameroun.

III. ETAT DES LIEUX SUR LA QUESTION

L'émergence de la notion de développement a eu pour conséquence la catégorisation/ classification du monde en « développés » et en « sous-développés ». La perception du sous-développement comme retard par rapport au développement a sous-tendu la théorie évolutionniste de Rostow qui trace les étapes essentielles et inévitables du développement. Cette philosophie de retard qui envisage le développement des pays sous-développés en terme de rattrapage économique a été et/ou est encore à l'origine de la profusion des politiques et/ou programmes de développement à destination des pays sous-développés. Pour des raisons diverses, ces politiques et/ou programmes n'ont pas conduit au bien-être des bénéficiaires. Il s'est de ce fait imposé un changement de perspective sur les politiques de développement. Des politiques dites de lutte contre le sous-développement dans les années d'après indépendance, on est passé de nos jours à celle dite de lutte contre la pauvreté. Le Cameroun fait partie des bénéficiaires de ces diverses politiques.

Jusqu'en 1985, l'économie camerounaise affichait une situation enviable parmi les pays de l'Afrique subsaharienne. Au développement continu de la production et des exportations agricoles s'était ajoutée, à partir de la deuxième moitié des années 70, l'exploitation des ressources pétrolières.

Au cours de l'exercice 1985/86, l'économie enregistre une baisse brutale des revenus d'exportation. Cette baisse concerne aussi bien le pétrole que les autres produits d'exportation. La dégradation de l'activité économique s'accélère en 1986/87, en raison de la baisse persistante des coûts de principaux produits d'exportation (pétrole, café, cacao et coton). Les taux de croissance deviennent négatifs, les termes de l'échange se dégradent de moitié.

En réaction à la crise, le gouvernement met en oeuvre une politique d'ajustement interne qui montre très vite ses limites. La réduction du train de vie de l'Etat et du poids du secteur public dans l'économie s'avère insuffisante pour enrayer le mal qui est profond. Le Cameroun connaît une chute de près de 65% des termes de l'échange entre 1985 et 1987 .

Son incapacité à régler les intérêts de la dette extérieure ainsi que les créances internes élevées l'amènent à emprunter le passage obligé du Fonds monétaire international qui exige pour apporter sa première contribution financière au redressement de la situation en septembre 1988, des réformes et des engagements connus sous le terme d' « ajustement structurel ».

Cet ajustement va recouvrir toutes les politiques, programmes et mesures visant à faire subir une cure d'austérité à l'Etat et aux diverses couches sociales du pays, tout en recherchant de nouvelles ressources pour rétablir les finances publiques et les comptes extérieurs. Il en résulte la paupérisation de larges franges de la population et l'effondrement des systèmes d'éducation et de santé. Pour ces raisons, la contestation et la difficulté à mettre en oeuvre ces mesures vont donner lieu à la promotion des politiques sociales connues sous le terme de « dimension sociale de l'ajustement structurel ».

Suite à la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier 1994, les autorités camerounaises vont mettre en oeuvre, à partir du milieu des années 1990, un ensemble de mesures d'ajustement structurel et des réformes visant à assurer une compétitivité durable de l'économie camerounaise. En août 1997, le Cameroun conclut avec le FMI un Accord au titre de la Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR), en appui à un programme économique et financier élaboré par les autorités camerounaises, en concertation avec le Fonds et la Banque mondiale. Ce programme vise principalement à mettre en place les conditions d'une croissance économique soutenue et d'un redressement notable du niveau de vie des populations. La conclusion de cet Accord consacre la restauration d'une certaine crédibilité du Cameroun au sein de la Communauté financière internationale, après une longue période de relations rendues difficiles par une importante accumulation d'arriérés de paiements extérieurs consécutive à la crise des finances publiques et les échecs successifs de quatre programmes soutenus par le Fonds monétaire international au titre des Accords de confirmation.

A la suite de la mise en oeuvre des réformes contenues dans le programme triennal 1997-2000, le Cameroun bénéficie du mécanisme de réduction du service de sa dette extérieure au titre de l'Initiative Pays pauvres et très endettés (PPTE). Cette décision des conseils d'administration du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en date du 11 Octobre 2000, se caractérise entre autres par le lien qui est désormais établi entre la conduite des réformes, les performances macroéconomiques, le désendettement et la réduction de la pauvreté. La complexité de ce lien et l'implication désormais « exigée » de tous les acteurs sociaux fondent la nécessité d'une démarche pédagogique en vue de la compréhension, d'une plus grande internalisation et d'une meilleure appropriation des réformes.

Depuis ce dernier Accord conclut avec les Institutions de Bretton Woods, la politique de développement en vigueur au Cameroun est axée sur la lutte contre la pauvreté, avec pour instrument principal l'Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE).

Pour la mise en oeuvre de cette Initiative au Cameroun, il a été mis en place des mécanismes et une approche supposée favoriser son efficacité sur la réduction de la pauvreté. Mais toutes ces mesures permettent- elles alors à cette Initiative de contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté au Cameroun ?

IV. REVUE DE LA LITTERATURE

Les investigations relatives à notre sujet font état de nombreuses études sur la question. Ces études peuvent être regroupées sous deux thématiques : celle de la lutte contre la pauvreté au Cameroun et celle de l'Initiative PPTE au Cameroun. Sous la première thématique, se retrouvent les travaux de Albert Bakong-Epouné (1992), Séverin Cécile Abéga, Marie-thérèse Mengué et Jean Didier Boukoungou. Sous la seconde thématique, se retrouvent ceux de Isaac Tamba (2001et 2002), de Octave Jokung Nguéna (2005).

Dans sa thèse de Doctorat en Sciences économiques intitulée « Pauvreté et partage seuils de pauvreté, aspects des politiques de lutte contre la pauvreté et problématique de revenu d'existence en référence au Cameroun » Albert Bakong-EPOUNE constate l'échec des approches macroéconomiques en matière de lutte contre la pauvreté et envisage une approche plus objective qui consiste à distribuer les ressources de façon à assurer un revenu d'existence à tous les individus. D'après lui, en effet, les stratégies de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement sont dans l'impasse, car la croissance à elle seule ne permet pas une évolution favorable de la situation des pauvres. L'économie à plusieurs vitesse, poursuit-il, révèle une distribution multimodale des revenus caractéristique d'une dysharmonie, du fait de la non intégration et de l'existence sur le même territoire des sous populations vivant des temps économiques différents. Pour mettre un terme à cette situation en oeuvre au Cameroun, Bakong-Epouné préconise une solution qui consiste en la détermination d'une allocation inconditionnelle par le truchement du secteur dit « moderne ». Ainsi, émergera pense-t-il, une société plus intégrée et dans laquelle l'on fera réellement front au problème de la pauvreté.

Séverin Cécile Abéga pour sa part, dans Société civile et réduction de la pauvreté, part du constat de la prolifération-implication des organisations de la société civile dans le développement au Cameroun, pour s'interroger sur la contribution de celles-ci à la réduction de la pauvreté au Cameroun. Il relève les problèmes qui font obstacle à la contribution efficace de ces organisations à la réduction de la pauvreté au Cameroun.

Il en ressort que leur statut hybride entre l'entreprise créée pour le bénéfice de leurs promoteurs et les organisations de développement véritables, le transfert en leur sein des tares reconnues aux administrations publiques et leur manque d'organisation, constituent entre autres les obstacles à leur contribution efficace à la réduction de la pauvreté au Cameroun.

Marie-thérèse Mengué et Jean Didier Boukoungou quant à eux, dans l'ouvrage collectif qu'ils ont dirigé, partent des présupposés que la pauvreté n'est pas une fatalité, ni le résultat d'un déterminisme, pour fonder la nécessité des études approfondies sur les discours traditionnels dominant qui masquent beaucoup d'ambiguïtés, des contradictions et des non-dits sur la pauvreté. Ainsi, Comprendre la pauvreté au Cameroun examine les questions relatives à l'identification des causes, à la mesure des manifestations sociales de la pauvreté, à l'explication de son étendue et aux politiques publiques nécessaires pour sa réduction. L'étude propose, pour lutter contre la pauvreté de partir des comportements des acteurs au quotidien pour mieux prévoir leurs réactions et les avantages qu'ils pourraient réellement tirer des interventions plurielles menées par les nombreux acteurs au Cameroun.

A côté de ces travaux sous la thématique de la lutte contre la pauvreté, se retrouvent ceux relatifs à l'Initiative PPTE au Cameroun.

Les travaux menés sous la direction de Isaac Tamba sur l'Initiative PPTE au Cameroun sont contenus dans deux ouvrages parus respectivement en 2001et en 2002.

L'ouvrage paru en 2001, intitulé Cameroun : enjeux et défis de l'Initiative PPTE, tout en contribuant à l'animation du débat sur l'intérêt grandissant du public pour cette Initiative, en répondant à certaines questions soulevées non seulement en rapport avec sa conception, mais également et surtout avec sa mise en oeuvre et son suivi, s'interroge sur l'efficacité du cadre de l'Initiative PPTE quant à l'affranchissement du Cameroun d'une dette intolérable. Il montre aussi comment cette Initiative fonctionne et quelle est la gamme d'opportunités qu'elle offre pour les perspectives de développement économique et social au Cameroun.

Il apparaît que malgré cette Initiative, le service nominal de la dette du Cameroun reste important et pourrait absorber une bonne partie des dépenses sociales, et qu'en l'absence d'apports financiers extérieurs substantiels, elle risque de s'avérer insuffisante pour atteindre les objectifs de développement international fixés pour 2015. Par ailleurs, les appréhensions sur la gestion de ressources PPTE laisse planer le doute quant à la capacité de ces fonds à combler les attentes des populations et à leur efficacité sur la réduction de la pauvreté. Les auteurs incitent à changer les regards sur la nature et les effets potentiels de l'Initiative PPTE.

L'ouvrage paru en 2002, intitulé Stratégie de désendettement et politiques de développement au Cameroun : rupture, permanence ou continuité ?, s'inscrit dans le prolongement de la première cité plus haut. Il expose le processus PPTE au Cameroun à travers l'examen de la réglementation du dispositif PPTE et l'analyse de la première génération des projets PPTE. Il traite en détail de l'impact du processus de désendettement au Cameroun dans le cadre de cette Initiative et du trend historique de pauvreté et des inégalités. Il porte également une grande attention aux enseignements de quarante années de financement de développement et énonce quelques limites de l'approche DSRP.

Il en ressort que malgré les ruptures provoquées par l'Initiative PPTE par rapport aux indicateurs de viabilité de la dette extérieure et du taux de pauvreté, il y a toujours des permanences relatives à la ténacité des inégalités et aux besoins nécessaires pour financer le développement. Ces permanences sont révélatrices de l'insuffisance des ressources additionnelles, y compris celle du budget de l'Etat pour l'atteinte des objectifs internationaux de développement fixés pour 2015.

Octave Jokung Nguéna, dans son récent ouvrage intitulé Initiative PPTE. Quels enjeux pour l'Afrique ?, part de l'observation de la situation socioéconomique de l'Afrique pour attirer l'attention des acteurs de développement africains sur les enjeux de cette Initiative. Il constate que le continent ploie sous le poids d'une dette qui obère ses chances de relance économique, et se trouve en situation de marginalisation et de paupérisation. Il pense que l'Initiative est l'occasion pour les pays bénéficiaires de développer les capacités de l'Etat, de la société civile et des collectivités locales, afin de sceller un contrat de développement participatif et re-distributif. L'appropriation, la collaboration et le rapprochement des populations sont, d'après lui, les garants de la réussite de cette Initiative.

Il s'intéresse particulièrement à la situation du Cameroun qui court encore après le « point d'achèvement » et fait des recommandations. Ainsi, pour profiter des enjeux aussi bien financiers que stratégiques et socio-politiques de cette Initiative, le Cameroun devra, entre autres, réapproprier le rôle de l'Etat, renforcer les capacités de la société civile, restaurer les tableaux de bord économiques et sociaux.

En somme, toutes ces études s'intéressent de près à la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Celles de la première thématique font la critique des stratégies traditionnelles de lutte contre la pauvreté au Cameroun et préconisent une approche plus objective visant la promotion d'un développement partagé. Celles de la seconde thématique, qui se rapprochent plus de notre sujet, sont orientées vers une approche évaluative de l'Initiative PPTE par rapport à la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

Cette évaluation à dominance économique, ne permet pas de rendre compte de la capacité de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté au Cameroun, pour autant qu'elle ignore la dimension sociologique de cette Initiative. D'où, et ce qui fait l'originalité de cette étude, l'analyse sociologique de la mise en oeuvre du volet social de cette Initiative au Cameroun.

V. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Instrument principal de la politique de lutte contre la pauvreté, l'Initiative PPTE succède aux Programmes d'ajustement structurel (PAS) qui ont eu des conséquences sociales néfastes sur les conditions de vie des populations des pays qui ont fait l'objet de leur application, parmi lesquels le Cameroun :

« En aggravant la crise dans ses effets sociaux, les mesures d'ajustement structurel touchent la vie quotidienne de tous les individus, aînés et cadets sociaux, hommes et femmes notables et « sans importance ». Elle devient ainsi directement palpable dans l'espace où chacun inscrit sa vie et se bat pour survivre à des moments et circonstances particulières. Les victimes directes de l'ajustement structurel-« compressés », licenciés, créanciers de l'Etat, propriétaires, contractuels de projets de développement, caféiculteurs, diplômés sans emploi, etc., se retrouvent dans la masse de tous ceux qui sont mis indirectement en marge ».

Compte tenu de ces conséquences des PAS d'une part, du lien établi entre l'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté, et des atouts proclamés de cette Initiative sur la lutte contre la pauvreté d'autre part, son avènement au Cameroun suscite le questionnement quant à son efficacité sur la lutte contre la pauvreté. Ainsi, la question qui sert de fil conducteur à cette étude se décline en ces termes :

L'Initiative PPTE peut-elle contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté au Cameroun ?

VI. HYPOTHESES DE RECHERCHE

VI.1. Hypothèse générale

L'efficacité de la contribution de l'Initiative PPTE à la lutte contre la pauvreté au Cameroun est déterminée par la démarche adoptée pour sa mise en oeuvre. La mise en oeuvre efficace des initiatives de développement est déterminée par l'application des mécanismes adaptés et de l'approche participative.

En effet, depuis la réflexion sur la « dimension culturelle du développement » qui a réuni à Paris en 1992 la Banque mondiale, l'UNESCO, et d'autres organismes de développement, réflexion au cours de laquelle il a été reconnu que l'échec de la plupart des initiatives de développement s'explique par une « conception étroite du développement qui ne prend pas en compte la diversité des cultures et des sociétés » , il s'est imposé la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés. De cette articulation découle la double démarche d'adaptation et de participation en matière de mise en oeuvre des projets de développement. Adaptation par rapport aux besoins et attentes des bénéficiaires des projets, et participation par rapport à l'implication de ceux-ci dans la mise en oeuvre desdits projets. Et la Banque mondiale affirmait encore à propos, dans le bilan de son action lors de la conférence de Monterrey :

« Une leçon tirée de l'expérience passée est que la reforme ne réussit généralement pas sans une forte appropriation locale et une approche large qui inclut la prise en compte des institutions, la gouvernance et la participation des acteurs... ».

L'observation de cette double démarche dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

VI.2. Hypothèses secondaires

VI.2.1- Hypothèse 1

L'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations bénéficiaires détermine son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche suppose la prise en compte des préoccupations des populations bénéficiaires dans cette mise en oeuvre.

VI.2.2- Hypothèse 2

La participation des bénéficiaires à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE détermine son efficacité sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette démarche vise l'appropriation des projets par les bénéficiaires et suppose leur implication dans leur mise en oeuvre.

VII. OBJECTIFS DE RECHERCHE

VII.1- Objectif général

L'objectif général de la présente étude est d'évaluer l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun, à partir de l'analyse sociologique de la mise en oeuvre de cette Initiative. Cet objectif général se subdivise en deux objectifs spécifiques.

VII.2- OBJECTIFS SPECIFIQUES

VII.2.1- Objectif spécifique 1

L'étude se propose d'évaluer, à partir de l'analyse sociologique, l'adéquation des mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE aux besoins et attentes des populations bénéficiaires.

VII.2.2- Objectif spécifique 2

L'étude se propose également d'évaluer, à partir de l'analyse sociologique, la participation des populations bénéficiaires à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE.

VIII. METHODOLOGIE DE RECHERCHE

VIII.1- TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES.

Dans le cadre de cette étude, deux techniques de collecte des données ont été utilisées. Il s'agit de :

L'observation documentaire : elle a porté sur les rapports, les textes et les autres documents relatifs à la lutte contre la pauvreté au Cameroun ;

L'entretien semi-structuré : il s'est effectué avec les personnes ressources et les différents acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

VIII.2. OUTILS DE COLLECTE DES DONNEES.

Deux types d'outils ont été utilisés pour la collecte des données :

-la fiche de lecture pour les rapports, les textes et les autres documents relatifs à l'étude ;

-le guide d'entretien pour l'entretien sémi-structuré avec les personnes ressources et les différents acteurs de la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun.

VIII.3. TECHNIQUE D'ANALYSE DES DONNEES

La technique d'analyse des données utilisées pour cette étude est l'analyse qualitative de contenu.

VIII.4. METHODE D'ECHANTILLONNAGE

L'Initiative PPTE faisant intervenir plusieurs catégories d'acteurs dans sa mise en oeuvre, cette étude a donné lieu à un échantillonnage par strates. Le principe de cette méthode consiste à segmenter la population d'étude à partir d'un ou de plusieurs critères définis a priori. La méthode repose sur l'hypothèse selon laquelle il existe une corrélation entre le phénomène étudié et les critères retenus pour la segmentation de la population, l'objectif étant d'obtenir des segments regroupant des éléments les plus homogènes possibles par rapport au phénomène étudié.

VIII.4.1. Critères de sélection.

Les acteurs de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun peuvent être regroupés en trois catégories selon leur niveau d'intervention dans cette mise en oeuvre. Ainsi, il y a les acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base ou bénéficiaires principaux des projets. Eu égard à cette catégorisation, les unités d'observation ont été choisies suivant les critères ci-après :

-leur appartenance à l'une de ces trois catégories d'acteurs ;

-leur implication réelle ou supposée dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

VIII.4.2. La sélection des unités d'observation

Les unités d'observation ont été choisies suivant les critères sus-évoqués et dans chacune des catégories sus-mentionnées. Ainsi, ont fait l'objet de cette étude, les unités ci-après.

VIII.4.2.1. Les acteurs au sommet

Ils regroupent les institutions en charge de la politique générale de l'Initiative PPTE au Cameroun. Dans cette catégorie se retrouvent la Banque mondiale, le Fond monétaire international (FMI) et le gouvernement à travers le ministère de tutelle du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS-PPTE). Ont servi de cadre à cette étude dans cette catégorie : la Banque mondiale, (bailleurs de fonds) et le MINEFI (gouvernement).

VIII.4.2.2. Les acteurs intermédiaires.

Cette catégorie est constituée d'acteurs jouant le rôle d'interface entre les acteurs au sommet et ceux de la base. Au centre de cette catégorie se retrouve le Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS-PPTE) qui a pour rôle de sélectionner les projets éligibles au financement PPTE. Tout au tour de ce Comité se retrouvent les départements ministériels promoteurs de projets, et les organisations de la société civile.

Dans cette catégorie, ont servi de cadre à cette étude :

Les départements ministériels : MINEPAT, MINADER, MINSANTE, MINAS, MINPROFF ;

Les organes de gestion des ressources PPTE : CCS/PPTE, CTS ;

Les organisations de la société civile : CANADEL, APICA, BASC.

VIII.4.2.3. Les acteurs à la base

Cette catégorie d'acteurs est constituée des bénéficiaires réels ou supposés des projets PPTE. Parmi eux se retrouvent les organisations à la base et les populations cibles des projets. Ont servi de cadre à cette étude dans cette catégorie : L'UNEXPALM et le GLP.

VIII.5. CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE

VIII.5.1. Les variables

VIII.5.1.1. Variable dépendante

La variable dépendante est le phénomène que l'on se propose d'étudier. Pour le cas de cette étude, il s'agit de l'Initiative PPTE.

VIII.5.1.2. Variables indépendantes

La variable indépendante est le facteur qui explique le phénomène étudié (la variable dépendante). Elle influence la variable dépendante. Il s'agit pour le cas de cette étude de deux facteurs : l'adéquation des mécanismes et la participation des bénéficiaires.

VIII.5.2. Les indicateurs des variables indépendantes

VIII.5.2.1. Les indicateurs de l'adéquation des mécanismes aux besoin et attentes des populations

Domaines cibles de l'Initiative ;

Critères d'éligibilité des projets ;

Origines des projets ;

Procédure de mise en oeuvre des projets ;

Financement des projets ;

Réalisation des projets.

VIII.5.2.2. Les indicateurs de la participation des bénéficiaires

1 Rôle des bénéficiaires dans la mise en oeuvre des projets ;

2 Degré d'implication dans la mise en oeuvre des projets ;

3 Consultation des bénéficiaires dans la mise en oeuvre des projets.

VIII.6. CADRE THEORIQUE D'ANALYSE

L'analyse sociologique de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun a requis un certain nombre de grilles d'analyse. Trois grilles d'analyse ont été utilisées. Il s'agit de l'analyse sociocritique, de l'analyse systémique et de l'analyse stratégique.

VIII.6.1. L'analyse sociocritique

Héritage de l'école de Frankfort, l'analyse sociocritique a pour ambition d'appliquer la théorie critique à la lecture de la réalité sociale. Elle recommande une position de soupçon vis-à-vis des apparences. Développé en Sociologie par des auteurs tels que Georges Balandier et Jean Ziegler, elle à pour vocation de mettre en évidence ce qui est caché. Jean Ziegler écrit à ce sujet :

« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le caché est le plus véridique ».

L'approche sociocritique permet de déceler les aspects cachés de la réalité sociale. Elle a permis, dans le cadre de cette étude, de mettre en évidence les non-dits de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

VIII.6.2. L'analyse systémique

Enrichie par les apports de la cybernétique et des théories de la communication, l'approche systémique insiste sur l'urgence de penser la globalité ( et non les éléments distincts), d'étudier les interactions (et non la causalité),de percevoir les systèmes comme des ensembles de transformation (et non statique), de saisir toutes les complexités. L'analyse systémique envisagée pour cette étude est celle des applications théoriques en Sciences politiques, celle développé par David Easton (1965).

L'analyse systémique dans la perspective de Easton consiste à étudier l'ensemble des interactions qui se produisent entre le système et son environnement par les mécanismes d' « input » et d' « output » .Les « input » sont constitués par l'ensemble des demandes et soutien dirigés vers le système.

A l'intérieur du système, les demandes et les soutiens sont convertis par la réaction combinée de tous les éléments constitutifs et provoquent de la part de l'autorité régulatrice une réaction qui exprime la manière dont ce système s'adapte ou tente de s'adapter aux incitations et aux pressions qui émanent de l'environnement. Cette réaction globale constitue la réponse du système ou « output », mais amorce en même temps un nouveau circuit de réaction ou « feedback » qui contribue à son tour à modifier l'environnement d'où partiront ensuite de nouvelles demandes et nouveaux soutiens. Telle se présente de façon caricaturale, l'analyse systémique développée par David Easton.

La mise en oeuvre de l'Initiative PPTE met en interaction trois types de protagonistes : les promoteurs de projets, l'organe de gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE) et les bénéficiaires des projets.

Les promoteurs des projets soumettent les projets (« input ») au CCS/PPTE qui en assure l'éligibilité et les dirige (« output ») vers les bénéficiaires. La réaction des bénéficiaires à ces projets (« feedback ») amorce un nouveau circuit en même temps qu'il contribue à la formation de nouvelles demandes.

De façon schématique, l'application de cette approche à notre étude se présente ainsi qu'il suit :

L'analyse systémique permet de rendre compte de la capacité de l'Initiative PPTE à lutter contre la pauvreté au Cameroun, à travers l'analyse des « inputs » et des « output » de leur mise en oeuvre.

VIII.6.3. L'analyse stratégique

L'analyse stratégique développée par Crozier et Friedberg permet dans le cadre de la présente étude d'analyser les stratégies des promoteurs des projets PPTE. En bref, le volet social de l'Initiative PPTE est mis en oeuvre suivant des règles et des principes qui sont au centre des stratégies des promoteurs de projets. Face à la rigidité de ces règles et principes, les promoteurs de projets ont développé des stratégies qui leur permettent d'accéder au circuit de mise en oeuvre des projets, tout en contournant les règles et les principes en vigueur.

L'application de cette analyse à la mise en oeuvre des projets PPTE est susceptible de fournir des éléments nécessaires pour la compréhension de l'impact de l'Initiative PPTE sur la réduction de la pauvreté au Cameroun.

En somme, l'analyse sociocritique, l'analyse systémique et l'analyse stratégique sont les trois grilles d'analyse utilisées pour la lecture de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

IX. INTERET DE L'ETUDE

Cette étude a un intérêt à la fois théorique et pratique.

Au plan théorique, elle s'inscrit au coeur des préoccupations de la Sociologie du développement et contribue à montrer l'importance de cette Sociologie pour l'analyse des politiques de développement. Plus explicitement, elle contribue à la compréhension de la dynamique des politiques de développement dans un contexte international marqué par la poursuite des objectifs internationaux de développement, notamment celui relatif à la réduction de la pauvreté de moitié à l'horizon 2015.

Au plan pratique, l'élection du Cameroun à l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (Initiative PPTE) a consacré la politique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cette Initiative qui vise le développement des pays bénéficiaires par la réduction de leur niveau d'endettement et de pauvreté, intervient à la suite des Programmes d'ajustement structurel (PAS). Les résultats peu probants des PAS ont suscité bien des déconvenues et sèment le doute dans l'esprit du grand public quant à l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. La présente étude est une tentative d'évaluation de l'efficacité de l'Initiative PPTE sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun.

X. DEFINITION DES TERMES-CLES

Cette étude a donné lieu à l'usage d'un certain nombre de termes qu'il est nécessaire de définir pour faciliter la lecture du présent document. Ainsi, que faut-il entendre par lutte contre la pauvreté, par mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, par « configuration développementiste » et par projet PPTE.

Lutte contre la pauvreté : Il s'agit des actions relevant des politiques publiques de développement et visant l'amélioration des conditions de vie des populations. Ces actions sont à ne pas confondre avec les stratégies quotidiennes de survie développées par les populations camerounaises.

Mise en oeuvre des projets : Ce groupe de mots désigne le processus de matérialisation de cette Initiative, notamment de son volet social. Ce processus comprend les étapes que suivent les projets PPTE au Cameroun, celles de la sélection et de la réalisation proprement dite.

« Configuration développementiste » : Cette expression de Jean-Pierre Olivier de SARDAN désigne l'univers largement cosmopolite d'experts, de bureaucrates, de responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets, d'agents de terrain qui vivent en quelque sorte du développement des autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources matérielles et symboliques considérables.Dans le cadre de cette étude, elle désigne l'ensemble constitué de trois acteurs concernés par la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Il s'agit des acteurs au sommet, des acteurs intermédiaires et des acteurs à la base.

Projets PPTE : Ce sont les initiatives de développement mises en oeuvre ou en voie de l'être dans le cadre de l'Initiative PPTE.

XI. DIFFICULTES RENCONTREES

La conduite de cette étude a été émaillée de nombreuses difficultés. La première est relative à l'indisponibilité des ouvrages et des données y relatifs; la seconde à la collecte des informations, du fait de l'indisponibilité permanente des personnes ressources; la dernière, d'ordre pécuniaire, ne nous a pas permis d'avoir les coudées franches dans l'exécution du calendrier de recherche relative à cette étude.

XII. PLAN DE L'ETUDE

Cette étude est subdivisée en quatre (04) chapitres. Le premier chapitre fait une présentation de l'Initiative PPTE et retrace le parcours du Cameroun dans cette Initiative. Le second est consacré à la pauvreté et la problématique de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Le troisième quant à lui analyse les mécanismes de mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Le quatrième et dernier chapitre analyse l'approche participative dans la mise en oeuvre de cette Initiative.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984