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L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse sociologique

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par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1,Cameroun - DEA 2007
  

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II. LA PROBLEMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU CAMEROUN

Avec l'avènement de l'Initiative PPTE, la politique de lutte contre la pauvreté a pris de l'ampleur au Cameroun et ne cesse de s'amplifier. Au-delà d'un incontestable effet de mode, cette politique suscite le questionnement quant à son impact sur le développement du Cameroun. Que faut-il entendre par lutte contre la pauvreté ? Comment en est-on arrivé là ? Quelle en est la perception sociologique ?

II.1. La lutte contre la pauvreté : Approche théorique

La lutte contre la pauvreté est un concept aujourd'hui à la mode dans le vocabulaire aussi bien du grand public que des acteurs nationaux et internationaux du développement. Au-delà du grand usage qui en est fait, et dans des perspectives pas toujours avouées, il n'en demeure pas moins que la lutte contre la pauvreté reste un concept à définir. Qu'est-ce que la lutte contre la pauvreté ? Quel en est le fondement théorique ?

II.1.1. La lutte contre la pauvreté : clarification conceptuelle

Des définitions sus-données de la pauvreté, il en ressort que la pauvreté implique toujours un manque partiel ou total d'accès à des ressources matérielles, économiques, sociales, politiques ou culturelles nécessaires à la satisfaction des besoins fondamentaux. Ainsi perçue, la pauvreté donne lieu à la mise sur pied d'un ensemble de mesures et d'actions en vue de son atténuation, de son amélioration et finalement de son éradication. Autrement dit, le concept de lutte contre la pauvreté met en exergue un ensemble de mesures et d'action en vue de l'atténuation, de l'amélioration& et finalement de l'éradication de la pauvreté. Cette lutte peut se faire par des méthodes directes ou indirectes.

La méthode directe de lutte contre la pauvreté consiste à soulager immédiatement un état de dénuement, par exemple sous forme d'aide humanitaire, de création d'emplois temporaires ou d'assurances sociales. Il s'agit en d'autres termes d'une méthode qui consiste à apporter des solutions ponctuelles à des situations de pauvreté données.

La méthode indirecte de lutte contre la pauvreté quant à elle, tend d'une part à améliorer dans son ensemble, le régime englobant toutes les classes sociales, d'autre part à renforcer des potentialités susceptibles d'être bénéfiques aux pauvres. La promotion de la bonne gouvernance, la démocratisation et la décentralisation, l'amélioration du cadre juridique, la lutte contre la corruption, la contribution à la stabilisation des équilibres socio-économiques sont autant de mesures indirectes de lutte contre la pauvreté. Ainsi clarifié, peut-on dire que le concept de lutte contre la pauvreté est nouveau ? Comment le rendre intelligible sans le situer dans le continuum historique ?

II.1.2. La lutte contre la pauvreté : mise en perspective historique

Comment combattre la pauvreté ? La réflexion sur la lutte contre la pauvreté plonge ses racines dans l'histoire de la pensée économique. En effet, la pauvreté est présente comme réalité à combattre, plus que comme thème de réflexion, dans la plupart des corps de doctrines économiques dès le XVIe - XVIIe siècle, avec les mercantilistes. Le mercantilisme a ainsi précédé l'école libérale, les réactions antilibérales et les théories néo-libérales.

Le mercantilisme est un ensemble de doctrines du XVIe et XVIIe siècle qui enseignait que le commerce devait faire reculer la pauvreté et enrichir les nations en leur permettant d'accumuler de l'or ou des devises. Selon cette doctrine, plus un Etat possède d'or, plus la pauvreté recule, et plus l'Etat est riche et puissant. La doctrine mercantiliste a pris trois formes différentes selon les nations où elle s'est développée : le bullionisme en Espagne, l'industrialisme en France et le commercialisme en Grande Bretagne.

Toutes ces doctrines mercantilistes n'ont pas résisté au poids des réalités économiques du XVIIIe siècle, les hommes du XVIe siècle n'ayant pas conscience des phénomènes inflationnistes du fait même de la pauvreté, c'est-à-dire de la rareté des biens et des moyens de paiement.

L'école libérale est ainsi nommée parce que ses représentants sont partisans d'une plus grande liberté économique : liberté d'entreprendre, d'acheter et de vendre, liberté de faire circuler les marchandises (libre-échangisme). Les libéraux mettent l'individu et ses comportements au centre de la vie économique , d'où parfois leur qualificatif d'économistes individualistes. La physiocratie est la plus ancienne des écoles libérales. Elle prétend que seule la terre est créatrice de richesses, et donc seule susceptible de lutter contre la pauvreté. La physiocratie a eu son importance du fait de la personnalité de ses défenseurs et de son influence sur la résolution française de 1789.

Dr Quesnay (1723-1790) est l'un des pères fondateurs de la physiocratie. Adam Smith (1723-1790), Thomas Robert Malthus (1766-1836) et David Ricardo (1772-1833) sont les ténors de l'école libérale.

Pour les libéraux, la pauvreté doit disparaître et les nations s'enrichir, pour peu que le marché joue son rôle pleinement. Ils pensent que dans la société les égoïsmes contradictoires des vendeurs et acheteurs s'annulent du fait de l'existence de la concurrence. Ainsi la pauvreté recule, les nations s'enrichissent sans que l'Etat intervienne.Les libéraux sont anti-interventionnistes.

Les antilibéraux se sont constitués en réaction contre l'école libérale. L'école protectionniste et les socialismes, dont le marxisme, ont été les opposants les plus radicaux de l'école libérale.

L'école protectionniste a pris son essor en Allemagne, avec Frédéric List (1789-1846) dont l'ouvrage « système d'économie politique » a été une véritable croisade protectionniste. Pour List, une nation est comparable à un enfant qui ne peut tout seul atteindre l'âge adulte, il faut donc l'aider par l'établissement d'un système protectionniste. La concurrence ne servirait que les Etats pauvres ou ceux qui se construisent.

Les courants socialistes ont été nombreux et variés au XIXe siècle. En dehors du marxisme, deux ont eu une grande importance : le saint-simonisme et le mouvement social-chrétien. Les saint-simoniens ont préconisé le collectivisme et ont voulu supprimer l'héritage. Mais toutes les tentatives des socialismes utopiques ont avorté les unes après les autres. Le catholicisme social est plutôt un réformisme social né dans les milieux catholiques au XIXe siècle sous l'impulsion d'Albert de Mun et Marc Sangnier. Ce mouvement est à l'origine des parties chrétiens-démocrates d'Europe occidentale et des mouvements de jeunesse catholique.

Le marxisme a l'ambition de restaurer le « communisme primitif » qui selon Marx, a existé avant l'appropriation de la terre ; le communisme est un idéal caractérisé par l'abolition de la propriété privée des biens de production et de consommation. Pour atteindre ce but suprême, Marx préconise une transition socialiste pendant laquelle seuls les biens de production seront collectivisés. Dans l'esprit de Marx, le communisme doit instaurer une société sans classes alors que dans le régime capitaliste, selon lui, les propriétaires exploitent les salariés qui ne possèdent que leur « force de travail ». Ainsi la pauvreté serait-elle artificiellement créée par le capitalisme.

Les théories néo-libérales sont promues et défendues par l'école mathématique, l'école marginaliste, le Keynésianisme et le monétarisme.

Fondée par le philosophe Cournot en 1838, l'école mathématique a été animée par Stanley Jevons en Grande Bretagne (1872), par Léon Walras en Suisse (1874) et Wilfried Pareto (1927), et aux Etats-Unis par Irving Fisher. Jevons et Walras étaient interventionnistes, et Pareto individualiste. L'apport de ces économistes pour l'étude de la pauvreté est celui d'avoir développé des analyses statistiques utiles à la compréhension du phénomène, et d'avoir étudié la rupture de l'équilibre général. Le mérite des économistes mathématiciens est donc d'avoir abordé scientifiquement les phénomènes économiques et sociaux du XIX et XX siècle.

L'école marginaliste est ainsi nommée parce que ses représentants ont effectué des calculs « à la marge ». En effet, l'école marginaliste insiste sur l'importance des facteurs psychologiques dans les comportements économiques.

Le Keynésianisme porte le nom de son fondateur, John Maynard Keynes. Keynes est surtout connu pour son ouvrage La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, publié en 1936. Défenseur du capitalisme, Keynes croit indispensable l'intervention de l'Etat en temps de crise. Il préconise en ce cas, une intervention de l'Etat par des grands travaux et une politique économique appropriée (monétaire, fiscale et de déséquilibre budgétaire volontaire). Le keynésianisme a aussi bien inspiré le New Deal aux Etats-Unis (politique de Roosevelt en 1932) que beaucoup de politiques économiques en Europe après 1945. Ses analyses du chômage restent pertinentes à la fin du XXe siècle, même si les politiques keynésiennes ne sont pas aussi faciles à mettre en oeuvre qu'au milieu du XXe siècle. A titre d'exemple, les grands travaux ne nécessitent plus autant de main-d'oeuvre à la fin du XXe siècle qu'au milieu de celui-ci.

Milton Friedman de l'Ecole de Chicago est sans conteste le représentant de l'école néo-quantitativiste de l'économie : le monétarisme. D'après les monétaristes, pour juguler l'inflation, l'appauvrissement et les désordres qui en résultent, il faudrait et suffirait que les pouvoirs publics limitent la masse monétaire en circulation. Des politiques d'inspiration monétariste ont été menées aux Etats-Unis, pendant les deux premières années du président Reagan (1981-1982) ; en Grande Bretagne Thatchérienne (de 1979 à 1985) ; au Chili sous Pinochet à la même époque ; en France après 1986 ou en Allemagne, où des politiques du « franc fort » ou d'appréciation du mark ont été défendues et appliquées.

Toutefois, le monétarisme est jalonné de plusieurs écueils à savoir d'abord que l'inflation n'a pas que des causes monétaires, car il existe une inflation à facteurs internationaux et à raisons psychologiques, ensuite, des monétaristes ne définissent jamais avec exactitude ce qu'ils appellent la masse monétaire ; enfin, l'abondance des thérapeutiques montre qu'une politique monétaire ne suffit pas à juguler l'inflation, une politique fiscale par exemple peut y contribuer également.

Dans l'ensemble, les néo-libéralistes à la fin du XXe siècle insistent sur le rôle de l'Etat dans la lutte contre la pauvreté. Ils préconisent la diminution de l'intervention de l'Etat et la diminution ou la disparition de larges pans de la protection sociale. La protection sociale, à leurs yeux, aurait des inconvénients très importants : son coût prohibitif, son inutilité, son inefficacité et même sa nocivité. La protection sociale dissuaderait par exemple les chômeurs de rechercher un travail.

A l'issue de ce survol de la lutte contre la pauvreté dans la pensée économique, il apparaît que plusieurs doctrines ont été envisagées pour atténuer, améliorer et enfin éradiquer la pauvreté. Qu'il s'agisse du mercantilisme, du libéralisme, de l'anti-libéralisme ou du néo-libéralisme, il est question du rôle de l'Etat dans la lutte contre la pauvreté. Pour le mercantilisme, l'Etat doit entreprendre des activités génératrices de revenus pour s'enrichir et devenir puissant. Pour le libéralisme, l'Etat doit se retirer et donner libre cours à l'entreprise privée. L'anti-libéralisme par contre, préconise l'intervention de l'Etat dans la vie de la nation pour la restauration et la sauvegarde de l'égalité sociale. Pour le néo-libéralisme, l'Etat doit rétablir la libre concurrence économique et l'initiative individuelle tout en jouant le rôle d'arbitre, notamment en intervenant pour créer le cadre légal qui permet le fonctionnement du libre marché (intervention juridique) et en remettant en mouvement les éléments qui peuvent entraver l'équilibre du système (intervention économique).

De façon schématique, la lutte contre la pauvreté dans la pensée économique est passée de la phase de l'Etat-entrepreneur à celle de l'Etat néo-libéral, en passant par celles de l'Etat libéral et de l'Etat-providence. Ce regard rétrospectif sur la lutte contre la pauvreté suscite le questionnement sur le fondement théorique de la résurgence du concept de la lutte contre la pauvreté.

II.1.3. Fondements théoriques du concept de lutte contre la pauvreté : les théories néo-évolutionnistes et néo-libérales.

La résurgence du concept de lutte contre la pauvreté trouve son fondement à la fois dans la pensée socio-anthropologique (néo-évolutionnisme multilinéaire) et économique (néo-libéralisme) du développement.

Contrairement à l'évolutionnisme unilinéaire de Rostow qui trace les étapes essentielles et inévitables par lesquelles doivent passer les pays sous-développés pour atteindre le développement, le néo-évolutionnisme auquel est associé le nom de Talcott Parsons obéit à une démarche multilinéaire dans le processus de développement. Ce néo-évolutionnisme revient sur les études comparées des sociétés en essayant d'établir, à l'aide des apports du structuro-fonctionnalisme, des critères objectifs de classement des sociétés. Il retient le critère de la capacité d'adaptation créative aux réalités internes et externes.

Cette approche se distingue de celle des évolutionnistes unilinéaires en ce sens qu'elle ne postule pas un facteur unique d'explication de la réalité sociale, et récuse tout déterminisme social. La multiplicité des facteurs et leur agencement, une grande variabilité des conditions du changement obligent ainsi une prise en compte global des divers aspects techniques, institutionnels et culturels caractérisant chaque organisation sociale particulière.

Le néo-évolutionniste consacre un changement de perspective sur le développement et la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés, ainsi que la multitude des voies pour y parvenir. Chaque société, dans la perspective néo-évolutionniste, doit penser son propre développement en fonction de ses propres valeurs.

Le néo-libéralisme quant à lui est une doctrine économique qui veut rénover le libéralisme en rétablissant ou en maintenant le libre jeu des forces économiques, l'initiative des individus et la recherche de l'intérêt personnel, par une action adéquate de l'Etat sur le plan juridique et économique. Pour les partisans de cette doctrine, le déclin du libéralisme tient à ce que la liberté juridique, la non-intervention de l'Etat n'ont pas suffi à maintenir l'équilibre spontané du libre jeu des lois économiques. Le principe de « laisser-faire, laisser- passer » a été interprété non comme un mot d'ordre révolutionnaire mais comme une règle conservatrice établissant la passivité de l'Etat. Cette attitude, qui a favorisé la concertation et le monopole, ainsi que la domination de l'économie par la finance, a tué la concurrence.

Le néo-libéralisme repose sur quatre principes : le refus de la croyance à une évolution fatale vers le collectivisme ; la priorité donnée à la recherche de l'intérêt personnel dans le cadre légal déterminé, sous la responsabilité sanctionnée par le risque du producteur et du consommateur ; la croyance à la non-nocivité de l'inégalité des conditions humaines, qui développe l'initiative, le goût du risque, le dynamisme productif ; la nécessité d'une intervention de l'Etat.

En prônant le recul de l'Etat-providence, le néo-libéralisme incite au désengagement de l'Etat de certains secteurs de la vie de la nation. Ainsi, la quête du bien-être des populations cesse d'être l'initiative exclusive de l'Etat. Aux acteurs étatiques s'ajoutent les acteurs non-étatiques nationaux et internationaux de développement. Le développement devient l'affaire de tous, l'Etat ne jouant plus que le rôle de régulateur. C'est autour de ce principe du néo-libéralisme que s'articule le concept de lutte contre la pauvreté. Les initiatives de développement de la Communauté internationale, de la société civile et des pauvres eux-mêmes traduisent dans la réalité ce principe.

En somme, le néo-évolutionnisme par son principe de diversification des voies de développement et d'articulation entre le développement et sociétés d'une part, et le néo-libéralisme par son principe de recul de l'Etat-providence et la promotion des initiatives non-étatiques d'autre part, sont à la base du concept de lutte contre la pauvreté. Le concept de lutte contre la pauvreté a donc pour fondement théorique le néo-évolutionnisme et le néo-libéralisme. Que dire alors de la vogue de la politique de lutte contre la pauvreté ?

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire