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L'influence des attentats de Casablanca sur la politique antiterroriste au Maroc

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par el azzouzi el idrissi hicham
Université de Perpignan - master II droit privé 2005
  

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Chapitre II : Les garantie de l'individu dans la politique antiterroriste

Il apparaît de manière incontestable que les droits à un procès équitable des personnes interpellées en lien avec les événements du 16 mai, tels que garantis par la législation marocaine, ont été violés de manière quasi-systématique.

Les procédures d'instruction qui duraient antérieurement de nombreux mois - un an pour l'affaire fikri - se sont brutalement accélérées à la suite des attentats du 16 mai. En quelques semaines, les inculpés, qui encouraient de très lourdes peines, sont renvoyés devant la chambre criminelle après une instruction particulièrement sommaire, le juge cherchant seulement à faire confirmer les aveux obtenus par les policiers. 32(*)

Dans ces conditions quelles garanties, peut être assurées à l'individu dans la politique antiterroriste ?

Section 1 : Les garanties politiques

Un Réformes au Maroc après les attentats, ont battu en brèche le mythe d'une transition démocratique garantie par une monarchie de droit divin.33(*)

Premier lieu, les attaques et la réponse immédiate du gouvernement ont entaché l'image du Maroc en tant que monarchie à la recherche d'une transition vers la démocratie. En deuxième lieu, ils ont détruit l'illusion que le fondement de la monarchie dans l'islam protégeait le pays contre l'extrémisme et le terrorisme.

Dix jours après l'attaque, le Parlement marocain a voté à la hâte des lois antiterroristes introduites en 2002 après la découverte sur le territoire national de cellules d'Al Quaïda. La loi proposée a été critiquée par certains groupes de promotion des droits de l'Homme à cause des mesures particulièrement dures qu'elle permet de mettre en oeuvre, ainsi que pour sa définition très ambiguë de l'expression «soutien» aux activités terroristes. En même temps que le code de la presse et le code criminel déjà existants (particulièrement restrictifs), la nouvelle loi octroie au gouvernement l'autorité de mettre un frein à toute activité politique empreinte de violence. Par exemple, elle permet d'accuser de responsabilité criminelle journalistes ou éditeurs pour la publication de textes considérés par le gouvernement comme justification morale du terrorisme. Parmi les nombreux exemples récents, Mustapha Alaoui, éditeur de l'hebdomadaire «Al-Ousboue», est détenu depuis le 5 juin pour la publication d'un communiqué provenant d'un groupe revendiquant la responsabilité pour les attentats de Casablanca. Cette législation prolonge la période de détention à 12 jours renouvelables, créant ainsi des conditions pouvant éventuellement entraîner de mauvais traitements ou la torture à l'encontre des détenus. Cette loi réduit également les exigences justifiant l'application de la peine de mort.

Suite aux attaques de Casablanca, le gouvernement a arrêté et inculpé 100 personnes en raison des attentats. Mais jusqu'à présent, seules 31 y ont été directement liées. Reste à savoir si, dans le contexte actuel, elles pouvaient faire l'objet d'un procès équitable. Par exemple, les avocats craignent d'être victimes de représailles policières et de complications juridiques s'ils acceptent de défendre les inculpés pour attentats terroristes.

Ces attentats peuvent avoir des répercussions politiques défavorables sur la démocratie et le pluralisme. Le Parti de la Justice et de Développement (PJD), parti islamiste légal, se trouve actuellement au coeur d'une controverse nationale relative à la participation au processus politique des partis ouvertement religieux. En octobre dernier, le PJD, nouvellement constitué, a gagné 43 sièges au Parlement, y occupant ainsi la troisième place, bien qu'il ait décidé de se présenter seulement dans la moitié des circonscriptions électorales. Par conséquent, une interdiction frappant le PJD pourrait avoir des implications d'une très grande portée. Une partie de l'hostilité envers le PJD est basée sur les principes entendus que certains groupes au sein de la société civile estiment que la séparation entre la religion et l'Etat exige l'exclusion des partis religieux. Une bonne partie de l'opposition, cependant, semble être motivée par des préoccupations électorales immédiates. La coalition gouvernementale actuellement en place tend à se servir des attentats de Casablanca pour empêcher une victoire du PJD aux élections municipales prévues en septembre 2003. Pourtant, alors que plusieurs leaders politiques ont condamné la manipulation de la religion par des groupes extrémistes, les attentats n'ont donné lieu à aucun débat sur l'utilisation par la monarchie de la religion dans le but d'octroyer au Roi d'un statut sacré valorisant ainsi sa légitimité.

L'attentisme relatif à la libéralisation politique du Maroc était perceptible avant même les attentats du 16 mai. Le Roi Mohammed VI, monté sur le trône il y a quatre ans, avait promis de gouverner le pays d'une manière différente de celle de Hassan II, son autoritaire père et prédécesseur. Plus spécialement, il a promis de mettre en place un nouveau concept d'autorité royale ainsi qu'un élargissement des libertés civiques. Pourtant, le Roi continue à régner et à gouverner sans être redevable à qui qui ce soit. Ses représentants au sein de l'administration centrale de l'Etat, les ministères, le système judiciaire, et l'appareil de sécurité continuent à détenir d'énormes pouvoirs et ne sont redevables qu'à Sa Majesté. La liberté d'expression reste un domaine particulièrement sensible nonobstant les avancées enregistrées au cours de la dernière décennie.

Les Marocains continuent à se voir condamnés à de lourdes peines pour cause de diffamation envers le Souverain, dont le statut sacré est codifié dans la Constitution nationale. Les pénalités encourues pour avoir dépassé la «ligne rouge» protégeant le Roi contre toute critique sont clairement illustrées par deux cas récents concernant respectivement un citoyen ordinaire et un éminent journaliste.

Au mois de mai, Boujemaa Ouardi, un vendeur de rue établi dans un village isolé du sud marocain, a été condamné à une année de prison pour avoir déchiré un calendrier portant des photographies de Sa Majesté Mohammed VI. M. Ouardi a déchiré la photo de Sa Majesté par colère contre les autorités locales qui l'avaient obligé à acheter ledit calendrier au prix de 20 dirhams (somme assez importante dans un petit village marocain), au bénéfice d'une action de charité parrainée par une princesse marocaine. Au mois de juin, Ali Lmrabet, un éminent éditeur et partisan de la démocratie, a été condamné à trois ans de prison pour diffamation contre Sa Majesté et pour avoir lésé les institutions sacrées du pays. Lmrabet a été jeté en prison et ses éditions interdites parce qu'il avait publié un entretien avec un opposant ne craignant pas de se faire entendre contre la monarchie, des photomontages satiriques ainsi qu'un dessin représentant des sacs d'argent pris dans les coffres de l'Etat pour être menés au palais royal -une référence relative à l'incapacité du Parlement à maîtriser le budget.

Alors que la nécessité de lutter contre le terrorisme reste très réelle, le fait de sacrifier les libertés civiques et les principes démocratiques au nom de la sécurité ne va peut-être pas protéger le Maroc contre les terroristes car ce faisant, cela risquerait de finir par pénaliser de paisibles citoyens et des démocrates sécularisant. L'utilisation de la menace terroriste comme prétexte permettant de faire taire des opposants non-violents au Maroc pose une question : les régimes répressifs arabes peuvent-ils lutter contre le terrorisme alors que les politiques qu'ils pratiquent tendent à stimuler l'extrémisme religieux ?34(*)

* 32 Le journal « TelQuel » du 7 au 13 février 2004

* 33 Quotidienne « Le journal » N°120 du 12 au 18 juillet 2003

* 34 Version anglaise parue dans «Carnegie Endowment for international peace», 1 juillet 2003, volume 1, issue 2. Abdeslam Maghraoui Politologue, professeur de sciences politiques, Université de Princeton

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault