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L'enquête de police et l'infraction flagrante en droit Libanais(étude Comparative)

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par Ali Ataya
Université de Perpignan Via Domitia - Master II droit comparé, option droit privé Et science criminelle 2006
  

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C. Le justiciable a-t-il un droit à la passivité au cours d'une inspection ?

Le premier arrêt par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a proclamé formellement le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination est l' arrêt Funke du 25 février 1993488(*) . Saisie d'un recours concernant la loi douanière française permettant aux inspecteurs de requérir des tribunaux la condamnation d'une personne à produire les relevés bancaires de ses différents comptes, pièces dont l'administration fiscale supposait l'existence sans en avoir la certitude, la Cour déclare que la condamnation pénale pour refus de produire les documents demandés par les douanes a méconnu le droit fondamental du prévenu à un procès équitable garanti par l'article 6.1 de la Convention.

La Cour consacre le droit au silence et à la passivité en des termes particulièrement nets : « les particularités du droit douanier (...) ne sauraient justifier une telle atteinte au droit, pour tout accusé au sens autonome que l'article 6 attribue à ce terme, de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination ». Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination est donc un élément essentiel de l'équité de l'accusation pénale. Il relève des droits de la défense et échappe aux exigences des politiques économiques ou pénales des Etats489(*) .La Cour reconnaît le droit au silence, droit qui trouve son prolongement dans celui de « ne point contribuer à sa propre incrimination », de demeurer passif. Une telle attitude ne peut pas constituer par elle-même une présomption de culpabilité ni, a fortiori, justifier une condamnation. Le droit au silence s'impose au juge. Il s'impose pareillement au législateur, qui ne dispose pas de la pleine liberté des modes de preuve pour emporter la conviction des juges490(*). La Cour confirmera sa jurisprudence en des termes tout aussi clairs dans plusieurs arrêts, et notamment les arrêts Murray du 8 février 1996491(*) et J.B. c/ Suisse du 3 août 2001 : « Le droit de se taire et -l'une de ses composantes- le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable » .L'arrêt Saunders, du 17 décembre 1999492(*) ajoute que ce droit est étroitement lié au principe de la présomption d'innocence énoncé par l'article 6.2 de la Convention.

Les juridictions belges ont, depuis lors, fait application de ces principes à plusieurs reprises. C'est ainsi que le tribunal correctionnel de Nivelles acquitte, le 5 juin 1996, une chômeuse poursuivie pour obstacle à la surveillance. Elle avait refusé de répondre aux questions d'un contrôleur-adjoint de l'ONEm, concernant les prestations de travail qu'elle aurait effectuées dans une friterie alors qu'elle percevait, par ailleurs, des allocations de chômage. Le tribunal fonde ce droit au silence sur un principe général de droit, et sur l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques493(*) .

Le tribunal correctionnel de Tournai déclare irrecevables les poursuites engagées pour délit d'obstacle à la surveillance, à l'encontre de la gérante d'une friterie. Celle-ci était tout d'abord soupçonnée par l'inspection du travail, d'occuper un travailleur non déclaré à la sécurité sociale. L'inspecteur l'avait invitée à régulariser la situation en vue du prochain contrôle. L'exploitante soutenait que, le travailleur étant son concubin, il n'y avait pas de lien de subordination et donc pas lieu à « régularisation ». Aux deux dates fixées successivement pour le contrôle, la gérante n'était pas là. L'inspecteur du travail l'avait pourtant avisée du risque de poursuites pour obstacle à la surveillance. Aussi l'auditeur du travail avait-il exercé des poursuites pénales pour obstacle à la surveillance. Le tribunal fonde sa décision d'irrecevabilité sur les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en constatant que « le contrôle a été fixé aux fins expresses de vérifier la régularisation après signification à la prévenue d'être en infraction, et d'être tenue à régulariser, sous peine de poursuites judiciaires; que, par son effet de clôture, la menace pénale est apparue inéluctable, soit que, résistant, la prévenue soit poursuivie pour l'infraction principale, soit que, fuyant, elle le soit pour obstacle au contrôle de celle-ci (...); que la prévenue s'est ainsi trouvée enfermée dans le dilemme de collaborer à la régularisation d'une situation qu'elle n'estime pas infractionnelle ou de commettre un obstacle au contrôle. Qu'il apparaît ainsi que les poursuites procèdent d'un effet de coercition incompatible avec le droit de la prévenue de ne pas participer à sa propre incrimination. Que l'absence de la prévenue lors du contrôle n'a pas d'autre portée qu'une contestation »494(*) .

La cour d'appel de Bruxelles reconnaît le droit au silence à un prévenu ayant refusé de répondre aux inspecteurs de l'ONSS495(*), alors qu'il faisait l'objet d'une information répressive pour occupation de travailleurs étrangers en séjour illégal496(*) . La cour ne précise toutefois pas la base légale de ce droit.

De même, le tribunal du travail de Tongres annule une décision infligeant une amende administrative pour délit d'obstacle à la surveillance. À l'occasion d'un contrôle de chantier, l'intéressé avait été surpris, par divers services d'inspections sociales et fiscales, à poser des klinkers en compagnie de deux autres personnes. Celles-ci s'enfuirent et l'intéressé refusa de livrer leur identité. Aux yeux du tribunal du travail, le délit d'obstacle à la surveillance n'est pas établi : le droit de se taire, prévu par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est un principe général de droit qui prime le droit national et qui ne reconnaît aucune exception pour le droit social belge. L'intéressé n'avait donc pas à répondre aux questions des inspecteurs497(*).

De cette jurisprudence, il semble bien résulter que, contrairement à ce qui était admis par le passé, le droit au silence s'oppose à ce qu'il soit encore dressé procès-verbal pour obstacle à la surveillance en cas de refus de laisser entrer un service d'inspection dans l'entreprise498(*) ou de répondre à ses questions.

* 488 Cour eur. D.H., 25 février 1993, Funke, série A, vol. 256.

* 489 R. GARNON et A. GARNON, note sous l'arrêt J.C.P., 1993, II, n° 22.073, p. 244 ; pour une interprétation restrictive de l'arrêt, voy. G. STESSENS, « The obligation to produce documents versus the privilege against self-incrimination : human rights protection extended too far? », Eur. Law Rev., 1997, pp. 45 et suiv

* 490 R. GARNON et A. GARNON, note citée J.C.P., 1993, II, n° 22.073, p. 244 ; D. VIRIOT-BARRIAL, « La preuve en droit douanier et la Convention européenne des droits de l'homme », Rev. sc. crim., 1994, pp. 537 et suiv.

* 491 Rev. dr. pén., 1996, p. 949 et obs. I. WATTIEZ, et J.L.M.B., 1997, p. 452 et obs. M. NEVE et A. SADZOT.

* 492 Cour eur. D.H., 17 décembre 1996, Saunders c/R.U, J.T. dr. eur. 1997, p. 67.

* 493 Corr. Nivelles, 5 juin 1996, J.L.M.B., 1997, p. 231.

* 494 Corr. Tournai, 16 février 1999, J.L.M.B., 1999, p. 424.

* 495 Certains parastataux disposent également de leur service d'inspection (NEm, ONSS, INAMI, ONVA, ONAFTS, FAT, FMP, ONP, Nem).

* 496 Bruxelles, 22 décembre 1999, J.T.T., 2000, p. 90 et conclusions du Ministère public.

* 497 Trib. Trav. Tongres, 4 juin 1998, Limb. Rechtsl., 1998, p. 239, et note A. COLLETTE.

* 498 Dans le même sens, P. BRAEKMANS, « Verhindering van toezicht in het sociaal handhavingsrecht : een misdrijf in staat van ontbinding? », Oriëntaties, 1999, p. 146.

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