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Essai d'analyse critique du role de la philosophie à travers les ouvrages de Paulin Hountondji et de Marcien Towa

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par Issiaga DIALLO
Université de Sonfonia Conakry - Maitrise 2005
  

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SECTION 3 : EXAMEN CRITIQUE DU ROLE DE LA PHILOSOPHIE CHEZ HOUNTONDJI

Sur « la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie comme son nom l'indique est une critique de l'ethnophilosophie et de toute sa problématique aux fins de montrer notamment qu'il n'existe pas de philosophie unanimiste, inconsciente et qui résiderait quelque part dans le subconscient collectif d'un peuple dans l'attente d'être exhumée par l'interprétation d'éléments culturels. Plus que cela, l'auteur voudrait que le débat sur la problématique philosophique africaine soit reconsidéré et que ses termes aussi bien théorique qu'épistémologiques soient réorientés pour être à l'image de la discipline spécifique qu'est la philosophie ; plus précisément à l'image de celle-ci telle qu'elle a toujours fonctionné dans la tradition internationale. Pour cela, il estime qu'entre autre rôles qui reviennent à la philosophie sur le continent africain, il y a la transformation du discours ethnophilosophique en un véhicule d'un débat contradictoire qui non seulement engage les Africains entre eux ; mais aussi qui traite des questions les plus diverses, même si celles-ci n'ont aucun rapport avec l'Afrique. Cela signifie plus précisément un débat qui s'éloigne de ce qu'il appelle le mythe de l'ethnophilosophie41(*). Donc ce qui est ici en toile de fond c'est avant tout la disqualification de l'ethonophilosophie. Cette question traverse l'ouvrage de Hountondji de part en part. Comme son titre même l'indique, c'est le thème central de l'ouvrage. Ainsi, il s'attelle à définir d'abord ce qu'il entend par ethnophilosophie. L'ethnophilosophie est une recherche qui repose en tout ou en partie sur l'hypothèse d'une vision du monde collective et hypothétique d'un peuple donné. Elle est également toute tentative de reconstruction de cette vision du monde collective supposé. C'est cette ethnophilosophie qu'il tente de démonter à grands traits d'érudition avec un ton pour le moins journalistique où quelques fois les auteurs de celle-ci sont menacés et ridiculisés. Ce passage l'illustre fort bien: « tout ce qu'il peut produire par ailleurs [...] sur un problème philosophique général sans lien privilégié avec l'Afrique, lui apparaît comme une parenthèse dans sa pensée, une parenthèse dont il doit avoir presque honte. Et s'il n'est pas assez impudique pour ne pas bleuir (d'autres auraient préféré, il est vrai, qu'il en « rougisse »), alors malheur à lui ! ces critiques ils sauront bientôt le faire taire (...)» (p.46) Ce que Hountondji récuse dans l'ethnophilosophie c'est en fait le présupposé suspect qu'elle implique. Elle a pour but de montrer aux Occidentaux que les africains savent et peuvent penser, qu'ils détiennent une philosophie. A ce titre elle vise à soustraire l'Africain du préjugé négatif dont il a été victime de la part de l'Occident. Elle vise à le réhabiliter en le rehaussant à une image digne d'attention et de respect, en mettant en exergue la richesse et l'originalité des cultures négro-africaines. Pour Hountondji cela est assimilable à attribuer à celles-ci l'intention d'une revendication mendiante qui n'a pas lieu d'être. L'Afrique n'a pas besoin d'extravertir sa culture et de l'exposer sur la place publique dans l'intention sécrète ou avouée de rechercher une reconnaissance de la part des autres peuples. Si l'Afrique a une culture et une civilisation, le combat ne se situe plus au niveau de sa reconnaissance, mais de sa réalisation, de son affirmation par des actes concrets dans l'histoire humaine. D'autre part, Hountondji rejette l'argument selon lequel les africains seraient inconscients de leur propre philosophie. Pour lui la philosophie est semblable à toutes les autres sciences constituées. Ce qui fait que les exigences méthodologies, conceptuelles, théoriques etc. présentes chez ces disciplines sont aussi présentes en philosophie. Mais surtout cela implique que de la même manière qu'il est inconcevable qu'une mathématique, une physique, une chimie ... qui soit inconsciente, une philosophie inconsciente est inimaginable. En outre l'ethnophilosophie, dans son analyse procède à des généralisations hâtives, qui consistent à transposer systématiquement ses conclusions sur un peuple africain particulier, à l'ensemble des peuples africains. C'est ainsi que le Père Tempels peut partir d'une réalité spécifique aux bantous ou à certains clans bantous, pour faire une extrapolation dans laquelle on met tous les peuples africains dans le même panier. Cette uniformisation dans laquelle tous les africains réfléchissent de la même manière implique l'absence chez eux porteurs de contradictions, de remise en question critiques, qui, seules sont susceptibles d'être de dynamisme et de mouvements d'idées. Ce qui signifie en clair que pour lui, la philosophie africaine, même si elle existe, n'est pas encore suffisamment mure pour les grands essentiellement contradictoires tels qu'on les observe dans une large partie de la tradition philosophique occidentale.

Il faut reconnaître à Hountondji le mérite d'avoir été de ceux qui ont le courage de produire une réflexion qui brise en quelque sorte la tradition littéraire de son époque. Le premier chapitre de Sur « la philosophie africaine » critique de l'ethnophilosophie a été rédigé en 1969. Cependant des écrits antérieurs existent allant tous dans le sens d'une réfutation sans ambages de l'ethnophilosophie et de tout ce qu'elle sous-entend. En effet Hountondji a publié d'autres textes dans des revues comme Diogène, Présence africaine, Cahiers philosophiques africains, Thought and Practice, Quest, Genève-Afrique, Revue sénégalaise de philosophie etc., dans lesquels la crique de l'ethnophilosophie transparaît fortement. Donc on peut dire que la position de Hountondji est courageuse, surtout dans le contexte qui l'a vu naître. Ce contexte est celui d'une époque où l'Afrique a connu colonisation et indépendance. Mais surtout une époque où l'Afrique est à la recherche de ses repères après tant de siècles de domination par l'Occident. Ainsi les Africains sont engagés dans des combats à plusieurs fronts où sur le plan philosophique, idéologique etc. la problématique est celle de la réhabilitation, de l'affirmation de soi dans l'histoire humaine. L'intervention de Hountondji présente donc le mérite de produire une certaine pluralité face à la littérature philosophique dominante et de montrer qu'au-delà de la traditionnelle lutte contre l'ex-colonisateur, d'autres problématiques restent à explorer. Mieux que cette lutte elle-même - du moins telle que la développe l'ethnophilosophie - ne fait qu'aggraver l'assujettissement de l'Afrique à l'Europe. En s'adressant à l'Europe pour prouver notre différence, on ne fait que le conforter. Il peut ainsi continuer à soutenir que sa civilisation est différente des autres civilisations, différence elle-même saisie en terme de supériorité de celle-ci sur la nôtre. Cela créait un autre amalgame. Celui ou l'intellectuel africain, l'idéologue africain professe une philosophie au nom de tous les africains sans qu'ils le lui aient demandé. De surcroît une philosophie à laquelle tous adhéraient spontanément. Tout fonctionnait comme si en Afrique tout le monde est d'accord avec tout le monde ce qui est en réalité difficile à concevoir. Ainsi, pouvaient fleurir des dictatures ou toute opposition est matée systématiquement. Sinon la conscience des africains était endormie par des propagandes tapageuses ou à la civilisation conquérante évolutionniste, scientiste occidental, on opposait une Afrique émotive, plus soucieuse d'un équilibre d'avec son espace vital. Hountondji préconise le dépassement de cette problématique. Plus précisément il faut transformer la littérature philosophique africaine pour qu'elle ne soit plus constamment un instrument de propagande idéologique, mais un débat rigoureux, scientifique qui s'inscrive dans le cadre des exigences de la philosophie, comme elle a toujours fonctionné dans la tradition philosophique internationale.

Cependant faute de rejeter systématiquement l'ethnophilosophie sans proposer quelques choses de concret dans la démarche de réappropriation de l'héritage culturel africain, sa démarche appelle à des réserves. Certes, il assigne aux philosophes africains le rôle de restituer la pensée de l'Afrique pré-coloniale. Cependant aucune démarche théorique, méthodologique n'est avancée. En sorte que notre auteur peut sembler avoir critiqué pour critiquer. D'autre part, il y a lieu de procéder à une remise en question de l'hypothèse de départ même de Hountondji ; en l'occurrence celle qui consiste à faire de la philosophie africaine l'ensemble des textes écrits par des africains et qualifiés par leurs propres auteurs de philosophiques. A première vue cette hypothèse centrale dans la position de Hountondji semble constructive, car on ne peut nier qu'il existe dans le champ littéraire africain une abondante littérature qui se qualifie de philosophique. Cependant à y regarder de près la réduction même de la philosophie à une simple littérature pose problèmes. Des problèmes d'autant plus lourds que dans une certaine mesure ils fondent et légitiment les préjugés des occidentaux sur la prétendue incapacité des africains à discourir sur le mode de leur philosophie. Entendu que dans cette littérature Hountondji ne prend en compte que la littérature écrite, qu'il érigera en condition sine qua none de toute philosophie. Cependant si la philosophie n'est qu'écrite, toute l'Afrique précoloniale en est upso facto exclue. Pour Pierre Bamony, comme pour dépasser ces stéréotypes de Hountondji, la littérature n'est qu'un domaine particulier de l'expression africaine et la philosophie en est un autre. Et tous les thèmes ne peuvent s'inscrire dans le cadre de la littérature. Certes Hountondji précise que dans sa définition de la philosophie africaine comme une certaine littérature, seul importe le recours délibéré au qualificatif et non sa valeur sémantique. A partir de ce moment tout le travail consiste à savoir, selon lui pourquoi ce qui a été appelé philosophie en Afrique diffère radicalement de ce qui l'est dans la tradition occidentale. Cependant la philosophie n'est pas telle du fait de sa qualification par quelques esprits en quête de reconnaissance, mais elle couvre et épuise un champ spécifique de la pensée humaine sur la base d'exigences théoriques et méthodologiques propres. En réalité le problème crucial ici est celui de savoir ce qu'est la philosophie elle-même pour que l'ethnophilosophie n'en fasse partie. Et dans ce débat, le moins qu'on puisse dire est que les perspectives restent ouvertes. Les Européens qui se targuent d'avoir inventé la philosophie, qui crie par tous les toits que tout autre peuple qui se mêlerait de philosophie s'aventure sur un terrain qui n'est pas le sien, ne se sont jamais entendus sur une définition de celle-ci qui ferait l'unanimité de tous les courants philosophiques, de toutes les époques philosophiques etc. Hountondji a en réalité simplement fait ressortir une certaine vision de la philosophie qui elle-même ne fait pas l'unanimité. Les pages précédentes ent sont la peuve. Il s'agit de la définition proposée par Althusser. D'où la pertinence de la critique de Pathé Diagne selon laquelle Hountondji reprend et compile aveuglément les thèses de son maitre de la Rue d'Hulm sans mettre cela en rapport avec les autres grandes conceptions philosophiques. De plus l'un de ses objectifs dans son ouvrage était de montrer que la philosophie est une histoire ; c'est-à-dire qu'elle est condamnée constamment à évoluer par dépassement dialectique. On pourait donc lui demander pourquoi ce processus de dépassement dialectique doit s'arrêter avec Altousser. Doit-on comprendre que l'histoire de la philosophie s'arrête avec Altousser ?

Par ailleurs le rôle de la transcription de tout ce qui subsiste de la philosophie et de la gnoséologie africaine prend une importance capitale dans le projet de Hountondji du fait de la dimension accordée à l'écriture dans la définition de la philosophie. En effet tout fonctionne comme si l'Afrique précoloniale avec ses civilisations orales passe comme n'ayant pas de philosophie. Cet argument lui-même découle de la conception hountondjienne que la philosophie est essentiellement un discours sur la science. Il tient cette position de son maître de la rue d'Ulm qui pensait que la philosophie doit être essentiellement un discours sur la science. Un tel point de vue sur la philosophie mérite qu'on s'y attarde. L'écriture présente certes les avantages ci-dessus soulignés par notre auteur ; autrement comme support de conservation de la pensée, qui par ce fait même sort du cadre de la mémoire pour être soumise à interrogation, à critique lucide. Cependant l'écriture elle-même est-elle aussi parfaite pour que son absence en philosophie lui enlève ses lettres de noblesses ? D'abord dans l'histoire de la philosophie occidentale elle-même qui sert de modèle à la conception hountondjienne de la philosophie, celle-ci a-t-elle toujours été un discours sur la science ? Un coup d'oeil jeté dans les pages qui précèdent montre que la philosophie n'a pas de tout temps été un discours sur la science. Plus précisément il est questions de grandes conceptions de la philosophie. Et à chaque grande conception de la philosophie correspond une certaine manière d'envisager sa définition. Par conséquent la conception de la philosophie qui fait d'elle un discours sur la science n'est en réalité qu'un moment du débat sans cesse évolutif qui pose la grande question de la définition de la philosophie. Dire de la philosophie qu'elle ne doit être qu'un discours sur la science c'est la réduire à l'épistémologie.

En outre, il ne serait pas inutile d'analyser l'écriture que Hountondji érige en condition d'une science et par ricochet d'une philosophie africaine afin de l'éprouver dans sa capacité d'être la condition de toute science. L'écriture elle-même n'est qu'une manifestation parmi tant d'autres de signes conventionnels, de collecte, de transmission de la pensée. Du reste tout signe est arbitraire. Au sens où entre l'objet, le signifié et le mot, le signifiant il n'y a pas de lien nécessaire. Quel lien existe-t-il entre "arbre" la chose et le mot qui la nomme ? Autrement dit entre le mot ``arbre'' qui n'est en dernière ressort qu'une succession de lettres à qui on a conventionnellement et par là même arbitrairement donné un sens, et la chose physique, concrète ``arbre'' quel lien de nécessité existe-t-il ? Visiblement aucun, car la chose désignée selon que l'on passe d'une langue à une autre est appelée différemment par des mots qui n'ont aucun rapport de consonance. Les mots carré ou rectangle par exemple qui désignent ces figures géométriques ne sont pas carrés ou rectangulaire. Il n'y a aucun rapport de ressemblance monographique entre un mot et sa forme graphique, entre l'écriture et la pensée. Bref l'écriture n'a de sens que dans un système de conventions établies dans lesquelles tel signe renvoie à telle réalité concrète. De plus telles que les choses fonctionnent de nos jours il y a lieu d'émettre quelques réserves sur l'écriture en tant que mode absolu de collecte et de transmission de la pensée. Le monde moderne n'accorde plus importance à un des cours seulement parlé. Il faut aussi qu'il soit écrit et présenter sous forme de textes condensés dans un livre portant un nom propre, une signature par la délégation d'un sujet du discours ou de la connaissance. Il faut qu'il s'enregistre, se retienne et s'inscrive au fil du temps. Pour cela on écrit, on signe on publie et on se fait écouler. La culture devient un business avec ses lobbyings, sa recherche effrénée de profil, de temps, au risque d'écrire n'importe quoi. L'auteur veut se faire connaître, se forger une identité dans le vaste marché international où l'esprit est vendu. Il est aidé en cela par toute une législation nationale et internationale qui garantie la propriété privée des oeuvres de l'esprit. Toujours est-il que l'esprit du penseur est ainsi à volonté chosifié, réduit à un simple objet qu'on a vendu contre des billets de banque ainsi qu'un certain prestige parmi les hommes. C'est ce processus que décrit Régis Debray quand il dit que l'auteur « loue à l'éditeur par contrat non son corps mais son esprit, l'éditeur paye l'imprimeur pour donner un corps typographique aux productions de cet esprit et le libraire réalisé la vente du produit »42(*). L'auteur n'écrit pas nécessairement pour une satisfaction individuelle et personnelle, mais pour se faire connaître et se vendre. L'éditeur représenté le label, la source de légitimité et le garant de la qualité. Dans ces conditions, le public n'achète plus une oeuvre abordant une thématique potentiellement pertinente. Mais il achète tel auteur, telle maison d'édition. Un livre est devenu aujourd'hui une couverture: un titre, surtout un nom d'auteur, un nom d'éditeur. Trois indicatifs juxtaposés qui semblent nécessaire. Sinon, l'auteur quelque soit son talent et la profondeur de ses analyses, sera toujours confinés dans l'anonymat. En tout état de cause cette dimension de l'écriture relativise un temps soit peu le statut de celle-ci en tant critère incontournable de la philosophie. Car si elle n'est qu'un moyen parmi d'autres d'expression de la pensée, rien n'empêche que d'autres moyens soient utilisés à ce même dessein. Autrement, il se peut que la philosophie s'exprime par d'autres canaux de restitution de la pensée. D'où vient-il donc que Hountondji en fasse la condition sine qua non de toute philosophie ? Du reste de nos jours il est prouvé que l'Afrique précoloniale a connu et développé des systèmes scripturaux de transmission et de conservation de la pensée qui demeure certes différents de l'écriture algébrique tant prisée de nos jours. Mais qui, présente suffisamment d'efficacité pour être le véhicule de la pensée scientifique et philosophique africaine. Dans son Etude sur la drummologie, Niangoran Bouah43(*) rend compte d'un tel système de communication. Selon lui il était fort riche et permettait de rendre compte de toute l'organisation sociale, culturelle, économique, des peuples Akan de Côte-d'ivoire. Concrètement, l'auteur s'intéresse aux « poids à peser l'or des baoulés de Côte-d'Ivoire ». G. Niangolran Bouah entend montrer un des aspects de la pensée philosophique africaine. Pour lui les poids à peser l'or constituaient un système complet d'éducation pendant la période précoloniale. Les poids à peser l'or étaient de deux sortes et allient à la philosophie et la science. Il y a des poids proverbes et des poids à forme géométrique. Les poids proverbes sont en laiton concrétisent des thèmes courants de la pensée philosophique akan. Ils sont les vestiges d'un système ancien d'écriture et de transmission de la pensée. C'est l'équivalent nègre des hiéroglyphes de l'ancienne Egypte. Voici quelques exemples de dictions illustrés dans ces poids :

o Poids gombo : si le gombo affirme avoir plus de saveur que l'arachide, c'est qu'il y a en tente entre lui, le piment et le sel.

o Poids caméléon : aller doucement a également les avantages.

o Poids porc-épic : quand le porc-épic est désigné pour une corvée, le hérisson ne doit pas se lever pour dire au revoir, etc.

Concernant les poids a forme géométriques, ils sont l'auteur la preuve irréfutable de l'esprit scientifique africain. Le système akan comporte huit séries de principaux que l'auteur énumère et dans lesquelles on s'aperçoit qu'outre qu'ils contiennent des équations aussi complexes que les équations algébriques d'aujourd'hui, ces poids constituent un véritable livre encyclopédique qui ouvre une nouvelle voie dans le domaine de la recherche en général et sur les connaissances de l'Afrique précoloniale en particulier.

Cette étude synthétique d'un exemple de système de développement, d'expression de la connaissance dans l'Afrique précoloniale s'inscrit dans le cadre de montrer que de tels systèmes ont existé sur le continent africain ; même du fait de leur sophistication, il présentait certaines lacunes44(*). Cependant, la démarche de Hountondji n'a pas été celle de faire des études sur l'histoire de la pensée africaine et éventuellement déceler de tels systèmes, et les soumettre à sa verve critique de philosophe. On peut dire que notre auteur pêche ici. Car le tout n'est pas rester confortablement assis dans un bureau et conjecturer sur l'histoire du développement de la connaissance en Afrique. Cette démarche doit s'accompagner de recherches sur le terrain. Faute de l'avoir fait Hountondji tend à nier toute existence de gnoséologie dans l'Afrique précoloniale.

En somme Hountoudji semble ne pas voir que la transposition de l'écriture comme moyen de conservation et vulgarisation du savoir en fond de commerce, rend d'avance suspectes certaines philosophies de l'écriture ou écrite. Ces deux dimensions de l'écriture livresque, montrent qu'elle est certainement importante science et en philosophie, mais de là à en faire LA condition de de toute philosophie en Afrique, il y a un pas qu'il sur lequel il faut méditer avant de franchir.

Concernant la restitution de l'histoire de la pensée africaine précoloniale, la position de Hountondji est fort pertinente. Il met surtout l'accent sur la nécessité de reconsidérer celle-ci sur la base des conclusions auxquelles ont aboutit d'autres recherches comme celles de Cheikh Anta Diop et autres Théophile Obenga. Cependant le tout sur cette question n'est pas de suggerer la restitution de cette histoire, mais de l'entreprendre même. Et sur cette question, quand on connaît la position de Hountondji sur les conditions théoriques de l'emergence d'une philosophie en Afrique, il y a lieu de dire que le préalable ici est la construction d'un cadre de réflexion propice pour entreprendre cette démarche.

* 41 Le mythe de l'ethnophilosophie fonctionne chez Hountondji comme s'il y avait une nécessité chez les auteurs africains, chaque fois qu'il est question d'écrire sur la problématique philosophique africaine, de défendre les civilisations africaines, en les mettant constament en opposition avec celles des autres continents. Mais en le faisant les auteurs africains donnent l'impression de prendre le risque de parler à la place des peuples africains sans que cela leur soit demandé.

* 42 Régis Debray, Le pouvoir intellectuel en France, Ramsay, Paris 1979, p.94

* 43 Le professeur Niangoran Bouah est considéré comme le père fondateur de la drummologie (terme qui dérive de l'anglais `drum' pour désigner le tambour et de `logie' (de logos, discours et traité). La drumologie est l' étude de tous les instruments parleurs de musique (tambour, mais aussi balafon, cor d'appel, flûte, arc musical, trompe traversière, double gong))
Il est l'ancien directeur du Musée des Civilisations de Côte d'Ivoire, ethno-musicologue de l'Université d'Abidjan, directeur du département scientifique des lettres, art, musique et musicologie, où il enseignait aux niveaux maîtrise, DEA et doctorat. La drummologie, qui s'enseigne à la fois dans les départements de musicologie et d'anthropologie.

* 44 En effet comme les hiéroglyphes égyptiennes, cette forme d'écriture présente le caractère de ne pouvoir être compris et utilise que par une poignée d'initi1és. De plus en tant qu'écriture fondamentalement basée sur la symbolique, celle-ci se limitait a la connaissance des initiés concepteurs et créateurs des caractères scripturaux qui y figuraient. En sorte que n'y figurait que ce que ceux-ci jugeaient bon. Il n'y a aucune figure pour expliquer ou exprimer ce qu'ils ne savent pas.

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