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Essai d'analyse critique du role de la philosophie à travers les ouvrages de Paulin Hountondji et de Marcien Towa

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par Issiaga DIALLO
Université de Sonfonia Conakry - Maitrise 2005
  

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CHAPITRE I : LA QUESTION DU ROLE DE LA PHILOSOPHIE COMME ELEMENT DE LA PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

Depuis la fin du XIXème siècle jusqu'à nos jours, la problématique d'une philosophie africaine fait l'objet d'une abondante littérature. Les ouvrages de Towa et Hountondji sont un moment de cette littérature ; ce qui fait que parler du rôle de la philosophie chez eux passe par une étape intermédiaire mais indispensable visant à définir les termes de cette problématique, circonscrire la littérature dont elle fait l'objet et enfin faire une esquisse de la question du rôle de la philosophie.

SECTION 1 : PROBLEMATIQUE DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE

Il existe une problématique de la philosophie africaine ou une problématique de la philosophie en Afrique. Une telle affirmation peut paraître scandaleuse à première vue, pour la simple raison que sur les autres sphères géographiques du monde comme l'Asie, l'Amérique, etc. la question de la philosophie ne s'avère pas d'emblée problématique. Quand on aborde l'histoire de la pensée philosophique ; il a toujours été possible de répertorier plusieurs régionalisations de celle-ci qui font ressortir une classification en philosophie antique ; moderne ; contemporaine ; mais aussi en philosophie occidentale ; orientale etc. Mais en ce qui concerne l'Afrique la question se pose presque constamment en termes d'existence même d'une philosophie. Autrement l'expression « philosophie africaine » est de prime à bord problématique. Une étude approfondie de la question de la problématique de la philosophie africaine s'impose donc pour mieux nous situer et faire ressortir les contours de cette problématique.

La problématique de la philosophie africaine traverse tant la littérature occidentale qu'africaine. La question centrale dans ce débat tourne essentiellement autour de l'existence ou non d'une philosophie africaine. Plus concrètement il s'est agit de savoir si les peuples africains peuvent s'élever intellectuellement de façon à être capable d'exercer cette haute activité de l'esprit qu'est la philosophie. Jusqu'à une époque récente, les peuples d'Afrique étaient exclus de toute aptitude à la pratique philosophique. Durant cette époque donc la problématique de la philosophie africaine se posait en terme de son invention, de sa construction. Des travaux allant dans le sens de l'identification et de l'étude de toute forme de rationalité chez les Africains existent dans la littérature africaine et dans celle occidentale. Dans la littérature occidentale, la recherche d'une rationalité chez les Africains s'inscrit fondamentalement dans le cadre de travaux ethnologiques. C'est dans cette perspective qu'il faut ranger les ébauches de Marcel Griaule et autre Paul Radin. Ce qui ressort de manière générale de ces travaux, c'est la présence chez les Africains d'une certaine manière de concevoir le monde et de l'organiser. A cela correspond tout un développement de techniques, d'attitude, de moeurs, d'organisation politique, économique etc., ayant la particularité d'être pour l'essentiel différent de ce qu'ils connaissent chez eux. En tout état de cause les résultats de ces travaux n'ont pas convaincu la plupart des Occidentaux de cette époque pour attribuer aux africains une philosophie telle qu'ils l'ont toujours connue. Mais un tournant décisif dans cette controverse sera opéré avec la publication par le Révérend Père Placide Tempels de La Philosophie Bantoue en 1945. Ce livre marquait une rupture du fait de l'utilisation systématique du terme de philosophie mais aussi l'écho favorable qu'il a suscité auprès de d'auteurs Occidentaux de cette époque comme Oursel, Gabriel Marcel, Gaston Bachelard etc. ; même si comme souligné précédemment d'autres voix ne tardèrent pas à contester cela. En tout état de cause, il semble désormais que, la question ne se pose plus en termes de savoir s'il existe ou non une philosophie africaine. D'autant plus que son affirmation sans ambages est constatée de la part de penseurs Occidentaux, autrement dit ceux-là même qui l'ont toujours nié. A partir de ce moment la problématique de la philosophie africaine change d'orientation et se pose désormais en termes de savoir si celle-ci doit être telle qu'elle est conçue par Tempels (et qui sera appelé ethnophilosophie) et tous ceux qui par la suite ont abondé dans le même sens ; ou si elle doit être comme le dit Hountondji, un débat sans cesse contradictoire entre africains non seulement pour la saisie de ce qu'est la philosophie africaine mais aussi de toute production littéraire et philosophique d'un africain portant sur un problème philosophique ; etc. Dans l'une et l'autre de ces deux éventualités, beaucoup de choses ont été avancées aussi bien en Afrique qu'en Occident. Mais il convient dans notre propos de dépasser ces positions et de voir ce qui a été entendu comme philosophie dans la tradition internationale ; notamment occidentale pour que sur le plan africain la problématique de la philosophie ait la connotation qu'on connaît.

Du point de vue étymologique, le mot philosophie vient de philein « aimer » et de sophia « sagesse », donc dans sa conception la plus élémentaire, la philosophie a pour but la sagesse en tant qu'activité intellectuelle spécifique. Cette activité a donné naissance à une forme de savoir scientifiquement organisé qui s'est constitué en discipline spécifique et autonome ; avec un objet d'étude et une démarche elle aussi spécifique qui traverse de part en part l'histoire de la pensée des hommes. Selon Pierre Bamony2(*), cette activité a désigné trois réalités pour les présocratiques :

1. L'habileté spécialisée dans tel ou tel domaine du savoir

2. L'érudition

3. La sagesse émanant de l'expérience propre emmenée elle-même à être dépassée

En tout état de cause, la philosophie procède foncièrement d'une réflexion personnelle en tant qu'interrogation sur la vie, la destinée des hommes et du monde. En ce sens, on pense, on philosophe d'abord pour soi-même, selon une opinion personnelle, individuelle. Le philosophe part toujours de cette opinion dont le propre est d'être ; en tout cas au départ ; subjective, pour asseoir un savoir systématisé reposant sur des arguments logiquement cohérents. Cependant selon Pythagore, seuls les dieux peuvent atteindre la sagesse, les hommes peuvent tout au plus être amis, zélateurs de la sagesse. Avec Socrate et le mouvement de la sophistique le mot philosophie a eu à désigner la pratique morale, l'éloquence. Mais avec Aristote cette définition va s'étendre à d'autre domaine et ainsi devenir plus hétérogène. Dans son acception, la philosophie représente la science des premiers principes et des premières causes. Plus généralement Aristote englobe dans sa définition de la philosophie, ses ébauches de sciences expérimentales, l'astronomie, les mathématiques, la logique, la métaphysique etc. Cette définition fera son chemin et influencera profondément les siècles suivants et servira surtout de base à la doctrine de l'Eglise qui contrôlera tous les compartiments de la vie de l'Europe durant des siècles. Pour Descartes, la philosophie apparaît comme un arbre dont les racines représentent la métaphysique, le tronc la physique et les branches les autres sciences spécialisées. Cette conception de la philosophie sera elle aussi remise en cause à partir de Kant. Il en résultera une nouvelle manière de voir la philosophie où celle-ci se subdivise en métaphysique, psychologie, logique et morale. Cette autre manière de concevoir la philosophie ne sera du reste pas figée une fois pour toute, elle connaîtra une évolution considérable qui aboutit à une autonomisation des domaines jusque là abordé dans la philosophie. Le cas le plus éloquent est celui de la physique à partir du 19ème siècle. Mais l'histoire des grandes conceptions ne s'arrêtent pas là et la philosophie connaîtra bien d'autres conceptions. C'est le cas de ce mouvement philosophique qui a fait école au début du XXème siècle et connu sous le nom de philosophie analytique notamment avec le cercle de Viennes ; ou néopositivisme ou positivisme logique. Le positivisme logique est un ensemble d'idées philosophiques avancées par le cercle de Viennes ; groupe formé par des rencontres de philosophes et de savants. Leur idée est que l'âge de la science n'a pas la philosophie qu'elle mérite. Ceci pour dire que la science n'est pas suffisamment soumise à la critique relativement à son appareil conceptuel, son objet d'étude, ses résultats, les applications de ces résultats dans la vie des hommes etc. Donc ils se fixent pour objectif de fonder une philosophie qui est essentiellement une réflexion sur la science. Ils veulent fonder un discours dont la quintessence est une analyse critique et objective non seulement du discours de la science, mais aussi de sa méthode, ses résultats, des implications de ces résultats même dans la vie des hommes.

Cette petite brèche loin d'être une restitution exhaustive de ce qu'il faut entendre par philosophie, donne pour le moins un aperçu de ce qu'elle a représenté pour la plupart dans la tradition occidentale. En un mot on peut dire de la philosophie que « d'une part elle désigne un ensemble de spéculations personnelles sur des données subjectives tels que les points de vue interrogatifs ou discursifs sur la cosmologie, la cosmogonie, la vie et les hommes ou des points de vue de l'expérience scientifique à une époque donnée ; d'autre part elle désigne et implique à la fois des principes méthodiques et des éléments de base d'une science quelle qu'elle soit (épistémologie) »3(*). Cette approche a le mérite de faire ressortir que la philosophie n'est pas nécessairement une donnée homogène appelée à demeurer telle par delà l'espace et le temps. Certes il existe une spécificité de la philosophie qui subsiste, relativement à son objet d'étude et à ses méthodes, mais il convient de souligner qu'elle présente des colorations, des régionalisations, mieux qu'elle est à incorporer dans les manifestations culturelles des hommes. C'est ainsi qu'on a pu parler de philosophie orientale, de philosophie chinoise etc., on a pu également parler de philosophie contemporaine, de philosophie moderne etc. Si on part donc de cette conception standard de la philosophie, rien ne pourrait justifie qu'on nie l'existence d'une philosophie africaine, car non seulement une activité semblable a existé et existe encore de nos jours sur le contient africain, ou alors rien ne prouve que les peuples africains ne sont pas capables de produire une telle activité. A ce niveau de notre propos ; il convient de préciser que la problématique d'une philosophie africaine ne concerne en réalité que l'Afrique subsaharienne. L'Afrique du Nord a connu de grandes civilisations qui ont marqué de leur empreinte l'histoire de la pensée humaine, parce qu'elle a entretenu des contacts avec le monde Occidental depuis la plus haute antiquité ; mais aussi et surtout parce qu'elle fait partie des civilisations de l'écriture ; ce qui a pour conséquence heureuse de laisser des traces de son existence. Ainsi le constat peut être fait tout au long de l'histoire de la richesse de cette civilisation à travers des réalisations techniques de toute sorte ; mais aussi de l'existence d'une littérature notamment philosophique. Plus que cela l'histoire de la pensée occidentale elle-même montre que depuis la plus haute antiquité ; les Grecs ont bénéficié de nombreux emprunts de la pensée de l'Afrique du Nord ; notamment de l'Égypte antique. Un certain point de vue fort répandu laisse entendre que les Grecs doivent leur succès dans des domaines aussi variés que la philosophie ; l'astronomie ; les mathématiques etc., à un fin dosage entre leurs propres connaissances et différents emprunts qu'ils firent au cours de leurs nombreux voyages en terre égyptienne. Il est ainsi de nos jours reconnu que la plus part des philosophes grecs de l'Antiquité ont eu au moins une fois fait un voyage en Égypte ; pour apprendre la science et la philosophie égyptienne. Ainsi dans l'ouvrage qui nous intéresse Marcien Towa relève certaines affirmations de P. Masson-Oursel qui firent tant de bruits au sein de ses collègues occidentaux. C'est ainsi qu'il relativise tout ce qui a été jusque là admis et défendu bec et ongle par nombre de philosophes et idéologues occidentaux ; allant jusqu'à relativiser ce qu'il est communément appelé « le miracle grec ». Pour lui, il s'agit en réalité d'un pseudo-miracle, car il n'existe rien dans la pensée grecque qui ne trouver son équivalent ou quelque chose de semblable à quelques nuances près dans la pensée égyptienne. On peut ainsi remplir des pages entières où des auteurs occidentaux apportent la preuve que le succès de la Grèce est à mettre sur le compte de ses emprunts a l'Égypte antique : « Les plus célèbres parmi les savants ou les philosophes hellènes ont franchi la mer pour chercher, auprès des prêtres (égyptiens), l'initiation à de nouvelles sciences ».4(*)« L'on a eu raison d'admirer le génie spéculateur des philosophes grecs en général et de Platon en particulier ; mais cette admiration, que les Grecs méritent sans doute, les prêtres égyptiens la méritent encore mieux et, si nous leur rendons la paternité de ce qu'ils ont inventé, nous ne ferons qu'un acte de justice ».5(*) etc. Même l'écriture que certains considèrent comme étant une condition sine qua none de toute pratique philosophique, est considérée comme d'origine égyptienne. C'est ainsi que John Chadwik remarque qu'« On tient généralement l'écriture alphabétique pour une invention sémitique (c'est-à-dire phénicienne), mais i'écriture égyptienne ouvrait la voie à ce système, et il n'a été pleinement développé que par les Grecs ».6(*) Autrement dit, les Grecs n'ont pas inventé l'écriture. Ils n'ont même pas inventé l'alphabet grec qui dérive, vers 800 avant Jésus Christ, de l'écriture phénicienne, issue, elle-même, de l'écriture égyptienne. Cela fait donc ressortir qu'en réalité la problématique philosophique africaine, ne concerne que l'Afrique subsaharienne. Donc cette problématique se pose essentiellement en termes de son existence et de la forme qu'elle doit avoir relativement à la tradition philosophique internationale notamment occidentale. Cela a nourri et alimenté tous les débats et controverses qu'on connaît et qu'on va tenter maintenant d'analyser.

* 2 Pierre Bamony a soutenu le 20 Décembre 2001 une thèse d'anthropologie sociale et d'ethnologie (Université Clermont-Ferrand) sur le thème : «Structure apparente, structure invisible : l'ambivalence des pouvoirs chez les Lyéla du Burkina Faso.» Il est en outre titulaire d'un D.E.A. d'anthropologie (E.H.E.S.S de Paris) ; d'un Doctorat de 3è cycle de Philosophie (Paris IV Sorbonne). Parallèlement à sa fonction d'enseignant, il collaboçre dans des ouvrages scientifiques notamment à la Revue Anthropos (Allemagne) où il est auteur de : Équilibre social et pouvoirs chez les Lyéla de la Haute Volta, Sankt Augustin, Anthropos, p. 433-440-79-1984.; Science et anthropologie : de la notion de l'âme en général et de sa conception singulière chez les Lyéla du Burkina Faso, Sankt Augustin, Anthropos, p.p.548 à 554- 95-2000. Son propos qui nous sert de référence ici se trouve dans un article publié dans le site Hommes et Faits ( http://www.hommes-et-faits.com) , il aborde notamment le problème de la philosophie africaine.

* 3 Pierre Bamony, article précité

* 4 S. Sauneron, Les prêtres de l'ancienne Egypte, Paris, Edition du Seuil, 1957, p. 111

* 5 E. Amélineau, Prolégomènes à l'étude de la religion égyptienne, Paris, Leroux, 1916, p.219

* 6 J. Chadwick, Le déchiffrement du linéaire B. Aux origines de la langue grecque, Paris, Gallimard, 1972, pp. 70-71 (édition anglaise 1958).

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