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Le refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique de la Rue Cases-Nègre de Joseph Zobel

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par Théophile Muhire
Université Natinale du Rwanda - Licence en Lettres 2004
  

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1.1.2 Son « adaptatrice »

La cinéaste Euzhan Palcy est née à Fort-de-France en Martinique, en 1957. Apres ses études primaires et secondaires à Fort-de-France, elle devint journaliste dans la presse publique où elle commença sa carrière d'artiste. Elle composa La messagère, son premier sketch télévisé (1974).

Aidée et encouragée par son père, lui aussi écrivain, Euzhan Palcy composa des poèmes, des chansonnettes et des pièces de théâtre qui présageaient déjà de son génie créateur. Pendant sa carrière journalistique, elle eut l'occasion de lire deux romans qui vont par la suite avoir un impact considérable sur sa vie cinématographique : Cry the Beloved Country, d'Alan Paton et le classique martiniquais La rue Cases-Nègres de Joseph Zobel. La lecture de ces romans lui procurèrent une envie folle de les adapter au cinéma.

Par la suite, elle se rendit à Paris où elle étudia la littérature à La Sorbonne. Elle suivit en même temps les cours de cinéma à l'école Rue Lumière. Pour trouver un financement de son projet de rêve (adaptation de La rue Cases-Nègres), elle produit Le séminaire du diable (1981-1982), un court métrage qui prouva ses talents en matière cinématographique. C'est cette réalisation qui lui servira de prototype pour son premier long métrage (Rue Cases-Nègres) en 1983, réalisation qui devint internationalement reconnue si l'on considère les prix cinématographiques qui lui ont été décernés. Au Festival de Venise de 1983, Rue Cases-Nègres a obtenu le « best first film award » (Silver Lion) et le « best actress award », tandis que, une année plus tard (1984), ce film fut couronné du César pour le meilleur film français.

Le succès de ce film conduit Euzhan Palcy à Hollywood où elle devint la première femme noire à réaliser un film pour une maison de la taille de SU.MA.FA. Productions/Orca Productions/NEF Diffusion.

1.1.3 La rue Cases-Nègres

La rue Cases-Nègres de Joseph Zobel est sans aucun doute l'un des textes les plus connus de la Caraïbe. À en juger par le nombre d'éditions, de traductions, d'extraits reproduits pour l'usage des anthologies et des guides pédagogiques, et par l'accueil enthousiaste dès sa parution en 1950 (Prix des lecteurs 1950), ce récit d'enfance a su toucher les sensibilités de plusieurs communautés de lecteurs. Paru pour la première fois en 1950, aux éditions Jean Froissart, et puis, ensuite en 1955, aux Quatre Jeudis, La rue Cases-Nègres devra attendre jusqu'à 1974, lors de la nouvelle édition publiée par Présence africaine, avant de recevoir ses titres de noblesse de la critique et du public. Par ailleurs, l'adaptation filmique d'Euzhan Palcy (couronnée par le César pour le meilleur film en 1984, le Lion d'argent et le prix de la meilleure actrice au Festival de Venise en 1983) a su toucher à la fois le public antillais et un public plus vaste de cinéphiles et de téléspectateurs. La disponibilité du film sous forme de vidéocassette contribue aujourd'hui à son rayonnement et à sa consécration. La meilleure preuve en est que le texte figure désormais dans bon nombre de programmes scolaires et de cours universitaires.

A travers ce roman, l'auteur narre le récit de sa propre enfance et nous décrit la Martinique des années trente. José vit Rue Cases-Nègres avec sa grand-mère M'man Tine. Ce village est composé de deux rangées de « trois douzaines de baraques en bois couvertes en tôles ondulées » près de plantations de cannes à sucre.

Le matin, lorsque les grandes personnes se rendent au travail dans les cannaies, les enfants s'abandonnent à toute sorte de jeux ponctués de bêtises : ils déchirent leurs vêtements, cassent le bol de M'man Tine, mettent le feu sur la haie du domaine de Monsieur Saint-Louis, et, fatigués de ces désagréments, les travailleurs agricoles décident de ne plus laisser les enfants déambuler seuls à la rue Cases. Cette décision est saluée par M. Gabriel, le gérant de la plantation, qui exhorte les parents à envoyer leurs enfants dans les petites bandes pour sarcler les cannes.

Au lieu d'envoyer son petit-fils dans les petites bandes, M'man Tine l'enverra à l'école pour qu'il apprenne à « signer son nom » ce qui lui éviterait l'enfer de la canne. Sa vivacité d'esprit est entretenue et éveillée par ses longues discussions avec Médouze, l'ancien du village. Il est là pour lui rappeler l'histoire de son peuple, celle des esclaves révoltés.

Le pouvoir écrasant des colons est évoqué à travers le contraste entre les rues Cases-Nègres et les domaines des békés (Blancs créoles) et cela même si l'esclavage traditionnel avait été aboli, il y a longtemps. Médouze résumait la situation en une seule phrase : « le maître devient le patron ». Chaque semaine, les coupeurs de cannes ont un salaire misérable décidé par les hommes impitoyables qui les ont réduits à la dépendance économique.

José se consacre corps et âme à ses études qui le mèneront successivement de la Rue-Cases à Petit-Bourg et de Petit-Bourg à Fort-de-France, où il obtiendra son baccalauréat au lycée Schoelcher. A Fort-de-France, José retrouve sa mère Délia qui travaille comme lavandière chez les békés du quartier Sainte-Thérèse, puis comme bonne chez un riche propriétaire béké de la Route Didier. C'est à une année de la fin de ses études que M'man Tine mourra suite à une longue maladie causée par le travail sans repos dans les plantations de cannes.

Cet ouvrage est écrit en « peignant avec la mémoire du coeur et des blessures, la vaillance, la dureté et la tendresse des descendants d'esclaves acharnés à bâtir pour leurs enfants un pays plus libre et plus généreux »30(*). C'est une autobiographie romancée surtout qu'en 1950, en 1955 et en 1974, années où paraissent les diverses éditions de La Rue Cases-Nègres, le récit de vie et les autobiographies sont des genres à la mode. On répertorie un nombre croissant de récits à la première personne sous la plume d'intellectuels noirs de l'Afrique et des Antilles. Citons, entre autres, Climbié (1956) et Un nègre à Paris (1959) de Bernard Dadié, L'enfant noir (1953) de Camara Laye, Une vie de boy (1956) de Ferdinand Oyono, Dominique, Nègre esclave (1951) de Léonard Sainville, Je suis un civilisé (1953) d'A.E. Whily-Tell. Ces récits à la première personne tiennent un discours engagé contre les idéologies colonialistes de l'époque.

1.2 Différence de structure événementielle entre La rue Cases-

Nègres et Rue Cases-Nègres

L'impression d'ensemble, après la vision du film Rue Cases-Nègres et la lecture du roman La rue Cases-Nègres est double : les deux récits se ressemblent et ne se ressemblent pas. Déjà, les modifications apportées au titre en disent beaucoup. L'on pourrait à juste titre se demander pourquoi Euzhan Palcy a omis l'article sur le titre de son adaptation, laissant ainsi devenir « Rue Cases-Nègres » ce qui était « La rue Cases-Nègres ». L'omission de cet article révèle déjà une affirmation de distance vis-à-vis du texte d'origine.

Dans un premier temps un inventaire systématique des modifications opérées dans le film (coupures, ajouts, synthèses, déplacements dans la chronologie, glissements...) par rapport au roman s'impose dans le cadre de cette étude. Au cours de ce chapitre, nous verrons successivement la différence d'ensemble, la différence narratologique, la différence énonciative ainsi que la différence des temps forts entre le roman et le film.

* 30 Propos inscrits sur la quatrième page de la couverture de La rue Cases-Nègres

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry