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L'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine au regard du Droit du Travail en Haiti: Etude basée sur des Observations faites à Port-au-Prince, Gonaïves et Cap-Haïtien à partir de 1994

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par Jean Marc-Antoine PREDESTIN
Université d'etat d'Haiti - Licence en Droit 2007
  

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CHAPITRE I

TOUR D'HORIZON SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS

Le travail des enfants fait souvent l'objet de vives controverses; certains pensent qu'il est tout à fait inadmissible que des enfants travaillent et d'autres pensent le contraire. Les militants et organisations de défense des droits de l'enfant sont ceux qui considèrent le plus souvent le travail des enfants comme une situation intolérable et qui mérite d'être éradiqué complètement. Pour les observateurs et les secteurs les plus prudents, le travail des enfants ne donne pas toujours l'apparence d'une activité insupportable, il a aussi des bons côtés. Lors de la conférence d'Amsterdam sur le travail des enfants en 1997, des points de vue sévères ont été exprimés contre le travail des enfants, mais il y avait également des réserves allant jusqu'à considérer le travail comme faisant partie intégrante de la vie de l'enfant. Il est un but important en soit et un moyen pour l'enfant de participer à l'économie et à la vie de la société. Le constat suivant a été fait:

Le travail peut être une part essentielle du processus de socialisation de l'enfant et un moyen de transmettre des qualifications des parents aux enfants. Souvent aussi, les enfants sont occupés dans des ateliers artisanaux, des petits établissements de services et dans des établissements ou métiers de type familial, ce qui leur permet d'acquérir des qualifications et de devenir progressivement des travailleurs pleinement avertis. [...]. Ce qui nous préoccupe plutôt, ce sont les enfants qui sont privés de leur enfance et d'un avenir, qui travaillent de longues heures pour de bas salaires, souvent dans des conditions préjudiciables à leur santé et à leur développement physique et mental, qui sont parfois séparés de leurs familles et qui sont fréquemment privés d'éducation21(*) [Sic].

Cette réflexion est tout aussi vraie dans le contexte haïtien, les analyses faites dans le cadre de cette étude vont dans le même sens. Nous abordons le problème de façon réaliste, en tenant compte à la fois du côté destructeur et du côté bénéfique du travail des enfants.

Le présent chapitre considère les aspects essentiels d'ordre général relatifs au travail des enfants. Nous avons dans un premier temps fait des considérations générales nous permettant de situer l'étude tant au niveau du cadre conceptuel que des données statistiques. Ensuite, nous avons présenté les caractéristiques des enfants travailleurs, les catégories de travail des enfants et enfin les abus et les exploitations dont ils sont habituellement victimes. Il est à noter que les données fournies à travers ce chapitre reflètent en partie les informations recueillies sur le terrain auprès d'un échantillon d'enfants choisi dans les villes de Port-au-Prince, des Gonaïves et du Cap-Haïtien. Toutefois, ces observations nous permettent de constater que les enfants, partout où ils travaillent en Haiti, vivent presque dans les mêmes conditions d'abus et d'exploitation de la part de leurs employeurs.

1.1. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Le terme « Travail des enfants » revêt plusieurs sens, tout dépend du contexte dans lequel il est employé. Il indique, dans un sens restrictif, le travail auquel les enfants sont astreints en dehors des normes établies par l'Organisation Internationale du Travail, c'est-à-dire une activité économique, quelle qu'elle soit, exercée par un enfant de moins de 15 ans22(*). Le travail des enfants pris dans ce sens restreint est condamnable de la part des défenseurs des droits de l'enfant et est même considéré comme pire forme de travail lorsqu'il est exécuté par des enfants de moins de 12 ans. D'un autre côté, le travail des enfants pourrait désigner toute activité économique exercée par des êtres humains âgés de moins de 18 ans. Là, il n'est pas condamnable en lui-même, tout dépend de la situation en présence; il peut être agréable pour l'enfant comme il peut être destructeur. Car, les enfants exercent, selon l'UNICEF, des activités diverses dans des conditions différentes que l'on pourrait représenter sur une ligne continue23(*). A une extrémité de cette ligne, le travail pourrait être bénéfique, renforçant ou favorisant le développement physique, mental, spirituel, moral ou social de l'enfant sans compromettre sa scolarité, ses loisirs et ses repos.24(*) Dans ce cas, il est effectué en respectant les droits et la dignité de l'enfant. A l'autre extrémité, il est manifestement destructeur ou synonyme d'exploitation25(*) et se réfère à des activités auxquelles les enfants sont astreints en violation des normes établies.

Donc, des considérations générales sur le travail des enfants vont nous permettre de définir le cadre conceptuel et surtout de mieux situer la recherche par rapport à la réalité haïtienne. Une analyse sur l'indisponibilité de données statistiques exactes et cohérentes sera faite. Et également un coup d'oeil historique tant sur le plan national qu'international sera tout aussi important à la compréhension de la problématique d'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine en Haiti.

1.1.1. Cadre conceptuel

Avant de préciser le sens de «Travail des enfants » dans le cadre de cette recherche, il est nécessaire de considérer la définition du « Droit du Travail », en tant que domaine de notre étude. Celui-ci est défini comme l'étude de l'ensemble des rapports juridiques qui naissent entre les employeurs, les travailleurs et l'Etat26(*). C'est aussi un ensemble de règles juridiques applicables aux relations individuelles et collectives qui naissent entre les employeurs et ceux qui travaillent sous leur autorité à l'occasion de ce travail. Ces règles ou dispositions juridiques se trouvent principalement dans des Codes du travail et également dans des Lois, des Décrets, des Conventions collectives, etc. En Haiti, la situation des enfants travailleurs est régie à travers le chapitre VIII du Code du Travail Haïtien. Ce chapitre traite du travail des mineurs et contient environ une dizaine d'articles. En fait, le travail des enfants relève de toute évidence du domaine du Droit du travail.

En outre, le terme « Travail des enfants » regroupe deux mots clés qu'il convient de définir, il s'agit de « Travail » et « Enfant ». Le dictionnaire encyclopédique Hachette donne plus d'une dizaine de définitions pour le «  Travail », mais de toutes ces définitions, nous retenons celle qui semble la mieux adaptée à notre recherche. Il s'agit d'une obligation exécutée sur les ordres et sous le contrôle d'un employeur en contrepartie d'une rémunération. C'est aussi l'ensemble des activités économiques des hommes, d'un pays, en vue de produire quelque chose d'utile pour la communauté27(*). L'expression «activité économique», en ce sens, désigne la production de biens et services, comme définie par le système de comptabilité nationale des Nations Unies28(*). Le Code du Travail en son article 2, définit le travail comme une activité humaine libre, manuelle ou intellectuelle, permanente ou temporaire, exécuté de son plein gré par une personne privée au service d'un autre, quel que soit son objet, pourvu qu'il découle des stipulations d'un contrat de travail. Il s'agit dans cette définition, selon les termes de Me. François LATORTUE, d'une « acception restreinte aux rapports juridiques qui naissent de l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes pour le compte d'autrui, lorsque l'exécution de ces actes s'accompagne d'une subordination.29(*)»

Pour ce qui a trait au terme « enfant », il se définit comme une période de la vie de l'être humain, s'étendant de la naissance jusqu'à l'âge de la puberté30(*). D'un autre côté, l'article premier de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant le définit comme tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. Dans le cas spécifique d'Haiti, certains textes de lois utilisent le plus souvent le terme mineur pour désigner l'enfant ; c'est le cas par exemple de l'article 392 du Code civil haïtien qui parle du mineur comme toute personne n'ayant pas encore atteint l'âge de dix-huit ans accomplis. Le Code du Travail haïtien fait mention du terme mineur également, mais n'a pas précisé une limite d'âge (voir l'article 332). Pour l'essentiel, la République d'Haiti fait partie des Etats qui considèrent l'enfant comme une personne âgée de moins de dix-huit ans, car la Constitution du 29 mars 1987 en son article 16-1 fixe l'âge de la majorité à dix-huit ans.

Ainsi dans le cadre de cette étude, le « travail des enfants » englobe toute activité économique effectuée par un être humain de moins de dix-huit ans, quel que soit son statut professionnel, qu'il soit salarié, travailleur indépendant, travailleur domestique, etc. Toutefois, il n'inclut pas les travaux ménagers réalisés par les mineurs au domicile de leurs parents. Et de plus, s'inspirant de la position de l'UNICEF31(*) sur le travail des enfants, nous considérons comme exploitation de la main d'oeuvre enfantine dans nos analyses, tout travail qui répond aux caractéristiques suivantes :

· Un travail à plein temps à un âge précoce ;

· Un travail qui exige de nombreuses heures par jour ;

· Les travaux qui entraînent des contraintes physiques, sociales et psychologiques excessives ;

· Un travail et une vie dans la rue, dans des conditions peu salubres et dangereuses ;

· Une rémunération insuffisante ;

· L'imposition d'une responsabilité excessive ;

· Un emploi qui entrave l'accès à l'éducation ;

· Un travail qui entraîne des atteintes à la dignité et au respect de soi des enfants, comme l'esclavage ou la servitude et l'exploitation sexuelle ;

· Un travail qui ne facilite pas l'épanouissement social et psychologique complet.

1.1.2. Défaut de statistiques exactes

Tant en Haiti qu'à travers le monde, aucune précision ne peut être apportée sur la quantité exacte d'enfants travailleurs. Le Bureau International du Travail, qui fait autorité en la matière, est lui-même conscient des difficultés relatives à la collecte des données sur les enfants. Nous lisons que « les données concernant les enfants et leur vie sont encore incomplètes, car ils sont souvent exclus des statistiques officielles, généralement centrées sur les adultes ou les institutions officielle33(*)». En outre, des efforts sont en train d'être faits par des institutions internationales en vue de résoudre ce problème d'indisponibilité de méthodes, de mesures fiables et de statistiques sur le travail des enfants et qui constitue l'un des obstacles à l'élimination de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine.

Les plus récentes estimations du Bureau International du Travail, l'instance de l'OIT qui est responsable de la publication des documents, remontent à l'an 2000 et faisaient état d'un nombre de 352 millions d'enfants de 5 à 17 ans dans le monde qui exerçaient une activité économique34(*). De ce chiffre, nous déterminons des détails importants :

· 211 millions d'enfants de 5 à 14 ans exerceraient une forme ou une autre d'activité économique. Sur ce nombre, 186 millions seraient astreints à une forme de travail qui doit être éradiqué et qui peut appartenir à la catégorie des pires formes de travail35(*) ;

· 141 millions d'adolescents de 15 à 17 ans exerceraient une activité économique. Sur ce nombre, 59 millions seraient astreints à un travail qui révèle des pires formes de travail36(*) ;

· environ 106 millions seulement sont affectés à des types de travaux acceptables pour des enfants ayant atteint l'âge minimum d'admission à l'emploi, ou à des travaux légers rentrant dans le cadre de leur éducation37(*) ;

· dans le groupe de tous les enfants du monde âgés de 5 à 17 ans, un sur six entre dans la catégorie des enfants travailleurs et un sur huit, soit encore 180 millions environ, sont exploités et assujettis aux pires formes de travail, celles qui mettent en danger leur santé physique ou mentale38(*).

En Amérique Latine et dans les Caraïbes dont se situe Haiti, les estimations régionales de l'incidence du travail des enfants donnent un peu plus de 17 millions d'enfants de 5 à 14 ans qui travaillent, soit 16% de l'ensemble de tous les enfants de cette tranche d'âge vivant dans cette région39(*). Pour Haïti, il n'existe que des données relatives aux travailleurs domestiques appelés aussi « Restavèk ». Ces derniers, selon l'Institut Psychosocial de la Famille, sont des enfants remplissant le rôle de domestique ou accomplissant des tâches ménagères dans des maisons autres que celles de leurs pères ou mères, sans être payés40(*). Là encore les données sont différentes d'une institution à une autre. L'UNICEF les évalue en 1998 à 250,00041(*), les dernières estimations statistiques publiées par l'Institut des Etudes Internationales Appliquées de la Norvège les estiment à 173,00042(*).

1.1.3. Survol Historique

Avant d'arriver au niveau d'Haiti, nous voulons fournir certaines informations historiques relatives au travail des enfants dans d'autres sociétés. Par ailleurs, il a été difficile pour nous de repérer des sources de données historiques concernant le travail des enfants en Haiti, connaissant généralement le problème d'indisponibilité d'informations scientifiques qui existe dans ce pays. L'intérêt de ce rappel historique est de montrer que le phénomène du travail des enfants ne date pas d'aujourd'hui et concerne toutes les sociétés, autant les pays riches que les pays pauvres.

Dans les sociétés traditionnelles, l'enfant participa dans des activités laborieuses qui sont essentiellement d'ordre domestique, agricole ou artisanal. Dès qu'il atteint l'âge de sept ans, il peut dans sa campagne être employé à de menus travaux qui n'exigent pas trop d'efforts physiques43(*). Au Moyen-âge, l'enfant s'initia à un métier au sein de sa famille où auprès d'une autre famille selon un contrat d'apprentissage qui entraîne un quasi-transfert de l'autorité paternelle. Le travail constitua, à côté de l'école déjà fréquentée de manière plus ou moins suivie par un certain nombre d'enfants, une forme d'encadrement et d'intégration sociale qui met à l'abri des tentations de la rue et de la misère44(*). Le Moyen-âge paraît attentif et indulgent vis-à-vis de l'enfant sous l'influence de la pensée chrétienne sensible à l'innocence enfantine. Mais des menaces pèsent sur cette enfance médiévale. On releva des cas précis d'enfants devant effectuer des travaux pénibles ou dangereux. Des enfants endurèrent des violences, spécialement les petites servantes, proies faciles pour des maîtres sans scrupules45(*).

Du XIIe siècle au XVIIIe siècle, on remarqua un durcissement des pratiques de la mise au travail des enfants, après la souplesse médiévale vient le temps de la rigueur des réformes catholique, protestante et de la Monarchie absolue. Si l'initiation au métier continua très souvent à se faire dans le cadre de la famille, surtout chez les paysans et les artisans, l'apprentissage hors du foyer familial, toujours fondé sur un contrat selon la tradition médiévale, prenait cependant une nouvelle vigueur et un nouveau sens. Cet arrachement du milieu familial était une brutalité estimée à ce moment là nécessaire et formatrice, une indispensable étape de socialisation, même si l'enfant est fréquemment confié à un parent plus ou moins éloigné. Violences et sévérités à l'égard des jeunes prenaient valeur pédagogique et se manifestèrent au sein de l'atelier de la part du maître ou des compagnons46(*).

Dès le XVIIe siècle, pour faire face au vagabondage et à la misère de nombreux enfants abandonnés ou errants, furent ouverts des établissements ou l'on s'efforça d'enfermer et de faire travailler ces enfants pour les instruire et les moraliser par le travail. Jusque là, on ne pouvait en réalité parler de pires formes de l'exploitation de l'enfant par le travail. C'était surtout avec l'essor de la grande industrie, à partir de la fin du XVIIIe siècle, qu'apparaissaient les conditions de travail les plus scandaleuses. La révolution industrielle, fondée sur la force de la vapeur et le travail mécanique, fut la grande dévoreuse de la main-d'oeuvre enfantine47(*).

Au cours du XIXe siècle, l'embauche des enfants devenait massive dans les industries textiles et métallurgiques. Au début des années 1840, on aurait compté jusqu'à 143.000 enfants dans la grande industrie, dont 93.000 dans le seul secteur textile. En fait, les usines étant de plus en plus mécanisées, de nombreux postes de travail sont occupés par des ouvriers sans qualification. Dès l'âge de 8 ou 9 ans, les enfants sont employés à ces travaux qu'aucune machine ne peut exécuter à cette époque. Les patrons encouragent le travail des enfants. Leur habilité et leur petite taille sont bien utiles pour certaines tâches. Et surtout, un adulte effectuant un travail similaire doit être payé trois à quatre fois plus48(*). C'est également au cours de ce XIXe siècle que quelques protecteurs commencèrent à jeter un cri d'alarme face à cette sombre réalité d'exploitation du travail des enfants. Contre la liberté économique revendiquée par les patrons et contre la liberté du père de famille souvent avancée pour justifier le travail des enfants ou l'absence de scolarisation, l'Etat fut tenu d'intervenir pour réglementer le travail des enfants. Dès 1881, les enfants de moins de 8 ans ne pouvaient être admis dans les fabriques. Il faut souligner aussi que des mouvements d'hostilité ouvrière à une main-d'oeuvre enfantine trop bon marché et l'application stricte d'une législation davantage protectrice de l'enfance avaient freiné considérablement le rythme d'enfants astreints au travail. Ainsi, Pierre Berrier opinant sur les progrès réalisés, a fait la réflexion suivante :

Le travail des enfants, longtemps considéré comme la manière la plus naturelle de s'intégrer au monde des adultes, fut, dorénavant, perçu comme immoral car trop souvent fondé sur l'exploitation de l'enfance, alors que ce premier temps de la vie doit être consacré à une instruction qui doit permettre un meilleur épanouissement professionnel. Telle est la réponse du monde contemporain, élaborée au cours de ce siècle de fer qu'est le XIXe siècle49(*).

Dans le cas D'Haiti, il est rapporté dans une étude sur les fondements de la pratique de la domesticité des enfants en Haiti réalisée par Haiti Solidarité Internationale, commanditée par l'UNICEF et le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, que cette pratique a commencé depuis la période coloniale, quand le petit esclave commençait son apprentissage comme gardien de moutons et de chèvres sous la supervision d'un plus ancien chargé de la surveillance du gros bétail50(*). D'ailleurs, le Code noir de 1685, dans son article 12, stipulait que : « les enfants nés d'esclaves sont esclaves et sont la propriété du maître de leurs mères ».

A cette époque, l'enfance devrait prendre fin à 12 ans, âge auquel il fallait rejoindre ses parents dans les champs ou dans la résidence du maître pour y travailler51(*). Cette pratique resta en vigueur jusqu'à la révolte des esclaves de 1791. Selon Carl V. Raymond, vers 1793, la métropole française, obligée de faire abolir officiellement l'esclavage dans la colonie, prescrivit, dans la Proclamation de Sonthonax, deux dispositions concernant les enfants au travail52(*). D'une part, une rémunération équivalant à la moitié du montant versé aux adultes devait être octroyé aux enfants de 10 à 15 ans pour les mêmes services, selon l'article 18 de la Proclamation de Sonthonax. D'autre part, des tâches spécifiques étaient dévolues aux enfants telles: soin des animaux, cueillette du coton et du café (Article 21 de la Proclamation de Sonthonax).

De plus, on cite un colon répondant au nom de Barré de Saint Venant qui a noté que « l'esclave dès l'âge de 10 ans travaille pour son maître53(*)». Les équipes spécialisées dans les travaux de plantation disposent des graines d'indigo dans les petites fosses creusées par les esclaves cultivateurs et les enfants les recouvrent en poussant les mottes de terre au moyen de balais très touffus, a-t-on appris de Trouillot Hénock cité par Haiti Solidarité Internationale54(*). On poursuit pour avancer qu'on distingue « deux types d'atelier : le grand atelier et le petit atelier. Les enfants âgés de onze à quinze ans étaient affectés au grand atelier pour se livrer à des taches secondaires moins contraignantes.55(*) »

Durant la période post-coloniale, à cause de certaines transformations subies par le milieu socio-économique, on enregistra plus ou moins un changement dans la pratique du travail des enfants, en particulier la domesticité des enfants. Pour HSI, le type de domesticité développé à l'époque coloniale ne résista guère aux assauts de la révolution56(*). Toutefois, Beaubrun ARDOUIN cité dans les fondements de la Pratique de la Domesticité des enfants en Haiti, révèle les traces du travail domestique enfantin dans la jeune Haiti. Il signale que les généraux haïtiens, en matière de représailles, dans le cadre de la campagne entreprise sous le gouvernement de Dessalines contre la partie de l'Est, avaient ordonné d'emmener en captivité les enfants des deux sexes. Ces enfants étaient adoptés ou destinés à travailler comme domestiques chez des hauts dignitaires57(*).

On a vu qu'à cause de l'effondrement du régime politique haïtien, la pratique du travail des enfants ou plus précisément de la domesticité enfantine a pris plus de relief et devient plus visible dans la période de 1915 à 194658(*). Depuis lors, l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine ne cesse de grandir en intensité. A bien suivre certaines idées développées par Haiti Solidarité Internationale (HSI), on arriverait jusqu'à considérer le XXe siècle comme celui du début réel d'exploitation de la main d'oeuvre enfantine en Haiti. On a présenté un ensemble de mutations tant économiques que politiques qui ont favorisé l'expansion de ce phénomène. Suivons les réflexions suivantes de HSI pour en être convaincues :

Le régime post colonial et le cadre économique dans lequel ont évolué les relations de domesticité en Haiti accusent une même courbe chronologique dans leur évolution et subiront les grandes mutations durant la conjoncture de l'occupation américaine de 1915. Ces mutations aussi bien politiques qu'économiques affecteront de manière assez sensible les relations de domesticité [...]. On est presque tenté d'avancer que ces transformations ont contribué à faire du XXe siècle, un siècle déterminant dans l'évolution de cette forme de travail forcé59(*).

Il faut noter que c'est à partir de l'année 1934, sous la présidence de Sténio Vincent qu'un discours public se développe sur l'enfance en service60(*). Et cela a débouché sur la loi du 12 septembre 1947 fixant les conditions pour avoir sous sa garde ou à son service un ou plusieurs enfants en domesticité. Cet effort a été mené en fonction de la montée du phénomène d'exploitation du travail des enfants dans la société haïtienne.

1.2. LES CARACTERISTIQUES DES ENFANTS TRAVAILLEURS

Les données que nous avons recueillies sur le terrain auprès des enfants des trois villes soumises à nos observations nous permettent de dresser le profil des enfants travailleurs. D'ailleurs, il n'existe pas de grandes différences entre les enfants travailleurs de Port-au-Prince, des Gonaïves et du Cap-Haïtien; on retrouve les mêmes traits, presque le même profil chez ces enfants travailleurs. Les caractéristiques que nous identifions concernent le profil socio-économique des enfants travailleurs, leur niveau de scolarité, leur niveau d'âge et de sexe.

1.2.1. Enfants Démunis

Il n'y a nul doute que les enfants qui travaillent en Haiti sont issus de familles pauvres des bidonvilles et des campagnes. Legrand Bijoux, cité par Irdèle Lubin, en a fait également le constat61(*). D'ailleurs, ce n'est pas seulement dans le cas d'Haiti, dans presque toutes les enquêtes relatives au travail des enfants, la pauvreté est le facteur le plus évoqué par les informateurs pour justifier ce phénomène. Sur l'ensemble des enfants interviewés, 215, soit 94% avouent que leurs parents sont des personnes à faible revenu, ne pouvant pas prendre soins d'eux. Ils sont obligés de travailler pour survivre. Donc, les familles les plus pauvres sont celles qui encouragent le travail de leurs enfants. Lorsque les parents sont complètement privés de ressources matérielles et financières pour s'occuper des enfants, ils les placent dans une autre famille comme domestique ou les envoient travailler. Dans une étude de Haiti Solidarité Internationale, nous lisons que : « La grande pauvreté des parents naturels les conduit à placer leurs enfants en domesticité pour soulager les dépenses occasionnées par leur maintien à charge et leur garantir un meilleur mode de vie aux soins de familles plus aisées62(*) ». Ce constat est aussi vrai pour les enfants « des rues » et ceux « dans la rue » qui travaillent. Nous tenons à faire la différence entre ces deux termes, car il s'agit de deux réalités plus ou moins distinctes :

Les enfants « de la rue » selon une définition de l'UNICEF tiré d'une étude d'Haiti Solidarité Internationale, font référence à celles ou ceux qui n'appartiennent à aucun groupe familial: la rue constitue leur unique foyer et abri et ils doivent y trouver nourriture et protection. L'unité sociale à laquelle ils appartiennent en général est le groupe d'enfants ou d'adultes avec lequel ils ont établi des liens de suivie63(*). Les résultats de notre enquête ont montré que 46% des enfants travailleurs, soit 106 de l'échantillon, sont des enfants qui ont la rue pour demeure. Ils n'ont pas de domicile fixe et ne vivent pas avec leurs familles. Ils sont pour la plupart des orphelins ou des enfants abandonnés qui ne se souviennent même pas du visage de leurs mères ou pères. Ils se voient imposer purement et simplement la rue pour demeure.

L'autre catégorie, ce sont des enfants « dans la rue ». Toujours selon l'UNICEF, les enfants dans la rue font partie d'un groupe familial quelconque autour duquel ils évoluent. Leur vie ne se résume pas à leur insertion dans la rue. Ils fréquentent parfois l'école et le plus souvent regagnent un cadre familial ou bien un foyer le soir64(*). Il s'agit dans ce cas des enfants qui sont encouragés à travailler par leurs parents lorsque ces derniers sont dans l'impossibilité d'endosser leur responsabilité à leur égard. Un pourcentage de 14 %, soit 32 enfants de notre échantillon se trouvent dans cette situation.

Donc, il est presque généralement admis que le niveau économique précaire des familles est le facteur le plus important qui favorise le travail des enfants, non pas seulement en Haiti, mais partout. Aude CADIOU avance dans son étude sur le travail des enfants que : «  Les liens sociologiques entre pauvreté et travail des enfants sont aujourd'hui clairement établis : être pauvre, c'est lutter sans cesse pour disposer du minimum vital, chercher chaque jour de quoi nourrir sa famille, et sur le long terme être privé de tout pouvoir de décision sur sa propre vie 65(*)». 

1.2.2. Enfants Sous-éduqués

Les travailleurs domestiques sont ceux qui fréquentent le plus souvent un centre scolaire parmi les enfants qui travaillent en Haiti, pourtant ils sont rares ceux qui dépassent le niveau de Certificat d'Etudes Primaires. Pour ceux qui exercent des métiers de rue ou qui évoluent dans les petites entreprises, ils fréquentent rarement l'école. Globalement, nous avons trouvé que seulement 112, soit 49 % de notre échantillon, ont fréquenté un centre scolaire durant leur existence; de ce nombre 24 continuent de fréquenter un centre scolaire et seulement 9 atteignent le cycle secondaire. Par ailleurs, 117 autres, soit 51 % de l'échantillon, n'ont jamais fréquenté l'école dans leur vie (Voir tableau IV de l'annexe II).

Cela se comprend, car la carence intellectuelle est considérée comme l'une des conséquences les plus néfastes du travail des enfants. Les études ont souvent montré qu'un travail trop précoce peut nuire gravement au développement de l'enfant66(*). Selon des chercheurs américains, le rendement scolaire des jeunes de 12 à 17 ans serait généralement affecté après plus de 15 heures consacrées par semaine à une activité de travail67(*). Or, ce seuil est souvent très largement dépassé dans les pays en développement, même chez les travailleurs enfants âgés de moins de 12 ans. Dans ces pays, les rares données disponibles sur les relations entre le travail précoce et le rendement scolaire des enfants signalent que l'impact du premier sur le second est très négatif. A titre illustratif, une récente enquête réalisée au Pérou révèle que la proportion d'enfants de 6 à 14 ans ayant du retard dans leurs études était de 61 pour cent parmi ceux qui exerçaient une activité économique et de 39 pour cent chez ceux qui ne faisaient qu'étudier68(*).

1.2.3. Enfants des deux Sexes

Certains enfants rencontrés, 27 en tout, ce qui représente 12% de l'ensemble des enfants interviewés, commencent à exercer une activité économique avant leur dixième anniversaire. Mais, les enfants âgés 10 à 14 ans sont prédominants, ils sont évalués à 115, soit 50% environ de notre échantillon. Nous trouvons ensuite 87 enfants de 15-17 ans et il représente 38 % de notre échantillon (Voir annexe II/Tableau I).

A bien comparer ces données à celles rapportées par l'OIT, nous réalisons une certaine similitude, selon cette organisation :

Un premier motif de préoccupation est lié au fait que de nombreux enfants sont mis au travail très jeunes [...]. Certes, la grande majorité des enfants économiquement actifs appartiennent au groupe d'âge des 10 à 14 ans. Cependant, la proportion de ceux qui sont âgés de moins de 10 ans est loin d'être négligeable; elle peut atteindre 20 pour cent dans certains pays. L'emploi d'enfants très jeunes est un problème inquiétant; en effet, plus jeune est l'enfant et plus il est vulnérable aux risques physiques, chimiques et autres présents sur les lieux de travail et, bien sûr, à l'exploitation économique de son travail69(*). [Sic]

Pour ce qui a trait au sexe, les enfants travailleurs sont des deux sexes. Les filles dominent les secteurs des travailleurs domestiques, car dans la majorité des cas le profil de l'enfant en domesticité est celui d'un enfant de sexe féminin, 75% selon une estimation de IPSOFA faite en 1993 citée par HSI70(*). Par contre les enfants de sexe masculin dominent la catégorie des travailleurs des rues évoluant dans le secteur informel. On retrouve beaucoup plus de garçons qui exercent une activité économique dans les agglomérations urbaines que de filles. Notre sondage nous a révélé, pour l'ensemble des enfants travailleurs interviewés, 73 filles, soit 32%, contre 156 garçons, soit 68% (Voir Tableau II).

1.3. LES SECTEURS D'ACTIVITÉS DES ENFANTS TRAVAILLEURS

Des enquêtes réalisées au niveau mondial indiquent que dans les pays en développement, la majorité des enfants qui travaillent exercent une activité dans le secteur informel71(*). En fait l'informel, dans le sens large, est défini comme quelque chose « qui n'est pas organisé avec rigueur, qui n'est pas soumis à des règles72(*) ». De façon plus technique et plus spécifique, le terme est défini comme « toute activité économique spontanée, échappant en grande partie au contrôle de l'administration, souvent en marge des obligations légales, non recensées dans les statistiques officielles, bénéficiant rarement des activités promotionnelles de l'Etat 73(*)». Dans le même ordre d'idée, G. De Villers pense que les activités du secteur informel seraient donc des activités pratiquées généralement par des pauvres, exercées plus ou moins en marge des lois et des institutions officielles et relevant des normes spécifiques par rapport à celles de la modernité74(*).

L'OIT, de son côté, constate dans l'ensemble des pays en développement, une véritable explosion des activités de l`économie informelle, terme selon cette organisation, qui vise le vaste ensemble de travailleurs et d'entreprises dont les activités s'étendent de simples stratégies de subsistance aux activités de production dotées d'un important potentiel de croissance. Elle parle également de l'invisibilité de ce secteur en ces termes: « N'étant pas déclarés ou enregistrés officiellement, extérieurs par conséquent à tout encadrement législatif, réglementaire et statistique, ils sont voués à une sorte d'invisibilité qui les empêche de bénéficier d'une protection75(*)». Ce qui est important c'est que dans toutes les définitions, on retrouve l'idée selon laquelle, les activités économiques dans ce secteur échappent aux circuits officiels.

En tant que pays en développement, Haiti ne fait pas exception à la règle, c'est réellement dans le secteur non-organisé que l'on trouve la majorité des enfants qui travaillent en Haiti. L'existence d'enfants dans le secteur économique structuré est très rare en Haiti. Cela se comprend aisément, car à cause du taux très élevé de chômage, même les adultes qualifiés ont du mal à trouver un emploi dans le secteur formel, à plus forte raison pour les enfants généralement sans expérience, ni compétence.

Contrairement au secteur informel, le secteur formel de son coté s'apparente à toutes les activités dotées des attributs de l'activité économique classique, à savoir le lien salarial et l'encadrement légal. Malheureusement, en Haiti et même dans les autres pays, très peu d'enfants évoluent dans ce secteur. C'est le secteur informel qui regroupe la majorité des enfants travailleurs. Le rapport de la conférence d'Amsterdam sur le travail des enfants en donne la confirmation :

Le secteur moderne de l'économie joue un rôle relativement mineur comme source d'absorption de la main-d'oeuvre enfantine. La très grande majorité des travailleurs enfants se rencontrent, en effet, dans les innombrables et minuscules établissements, souvent de type familial, du secteur rural traditionnel et du secteur urbain informel, au domicile des particuliers comme travailleurs domestiques et, quoique dans une mesure beaucoup moindre, dans la rue comme travailleurs indépendants76(*).

Ainsi, les enfants travailleurs exercent diverses activités économiques, toutefois dans le cadre de cette étude, nous ne considérons que les deux types d'activités suivantes : Le travail domestique et le travail dans le secteur informel de l'économie.

1.3.1. Travail Domestique

S'appuyant sur la définition du Travail comme une « obligation exécutée par une ou plusieurs personnes sur les ordres et sous le contrôle d'un employeur en contrepartie d'une rémunération77(*) », nous distinguons dans cette étude deux types d'enfants domestiques: les rèstavèk qui ne reçoivent pas de salaire en espèces et les domestiques à gages qui, eux, reçoivent un salaire de leurs employeurs. Un enfant domestique âgé de moins ou de plus de 15 ans et, qui ne reçoit aucun salaire, ne peut-être considéré comme un travailleur selon le sens juridique du terme (Article 19 du Code du travail). De ce fait, nous ne considérons comme travailleurs domestiques que les enfants qui perçoivent un salaire en contrepartie des services rendus.

Toutefois pour l'UNICEF quel que soit l'âge des enfants soumis à la domesticité, qu'ils soient rémunérés ou pas, la domesticité enfantine est considérée comme une forme de travail78(*). Souvent considéré comme un arrangement de parrainage, le travail domestique des enfants doit être reconnu pour ce qu'il est devenu : l'exploitation du travail des enfants79(*). Et pour Maggie Black de Anti-Slavery international, le service domestique est l'une des formes les plus courantes d'emploi des enfants dans le monde80(*).

Nous lisons aussi dans une étude de l'Institut des études internationales appliquées de la Norvège sur les enfants domestiques en Haiti que: « dans le monde entier, l'attention est plus traditionnellement tournée au travail des enfants dans les industries et les manufactures plutôt qu'à leur travail dans le cadre domestique. Cependant aux cours des dix dernières années, le travail des enfants domestiques a été reconnu et classé comme une forme de travail des enfants81(*) ». Le travail domestique des enfants se réfère à toutes situations où les enfants sont engagés pour accomplir des tâches domestiques au foyer d'une tierce personne ou d'un employeur à des fins d'exploitation. Ces sont en outre les activités des enfants liées étroitement à la sphère du foyer82(*). En principe, le travail effectué par les mineurs dans leurs maisons, sous la surveillance ou l'autorité parentale, peut être considéré comme le travail des enfants par la législation internationale dans le cas où ce travail interférerait avec la scolarité de l'enfant. Cependant, il est devenu commun de se référer au travail de l'enfant domestique comme emploi dans une maison autre que la tienne, selon Blabrough et Glynn cités dans une étude de l'OIT sur la domesticité en Haiti83(*).

Donc, face à toutes ces positions en rapport au statut des enfants domestiques, nous avons donné la priorité à l'esprit du Code du Travail. Nous ne considérons dans cette étude que les enfants qui reçoivent une rétribution en contrepartie des services rendus, ceux qui sont considérés dans le sens juridique du terme comme des travailleurs. Les « rèstavèks » ne sont pas considérés comme travailleurs en ce sens qu'ils ne reçoivent pas de rémunération en espèces en retour des services fournis. Dans notre investigation sur le terrain, les enfants domestiques recevant un salaire est le groupe le plus important après les travailleurs des rues, ils représentent 34 %, soit 77 de notre échantillon.

1.3.2. Travail dans le secteur informel

Dans le secteur informel de l'économie, on retrouve généralement comme travailleurs les « enfants de rue » et les « enfants dans la rue ». Nous avons déjà expliqué la nuance qui existe entre ces deux catégories de mineurs. Les premiers évoluent en permanence dans les rues et les seconds travaillent dans la rue certes, mais ils gardent le contact avec leurs parents naturels. Habituellement, ce sont des garçons âgés de 10 à 17 ans qui composent ces deux catégories d'enfants. Contrairement aux enfants domestiques qui travaillent à l'intérieur d'une maison sans que les yeux des passants ne les voient, les enfants exerçant les activités dans les rues travaillent dans les endroits les plus en vue qui soient. On les retrouve dans les coins et les recoins des villes et des agglomérations urbaines effectuant toutes sortes de petits travaux en vue de gagner leur vie. Ils sont partout, nous dit le rapport de l'UNICEF sur la situation des enfants en 1997 :

Vantant leur marchandise sur les marchés ou se faufilant dans les embouteillages, proposant leurs services dans les stations d'autobus et les gares, en face des hôtels et des centres commerciaux. Ils partagent la rue avec des millions d'adultes, dont beaucoup les considèrent comme des désagréments, sinon comme de dangereux petits criminels. En fait, ce que font la plupart de ces enfants dans les rues, c'est, bien sûr, travailler. La rue est un lieu de travail cruel et dangereux, menaçant souvent la vie même des enfants. Ils peuvent être tués par le crime organisé, par d'autres jeunes ou même par la police84(*). [Sic]

Ces enfants travaillent au jour le jour dans les rues des grandes villes d'Haiti où ils effectuent les mêmes travaux que tous les autres enfants des pays pauvres. Ils travaillent dans des petites entreprises telles : des restaurants, épiceries, salons de coiffure, etc. L'UNICEF en a fait d'ailleurs le constat : « Qu'ils fouillent les décharges, cirent les chaussures aux portes d'Hôtels ou mendient aux carrefours embouteillés, ces jeunes sont les baromètres des sociétés vivant en tension. On les trouve surtout dans le monde en développement, mais aussi dans les pays riches85(*) ».

Ces travailleurs des rues, selon les observateurs, représentent une catégorie très fragile des points de vue social, sanitaire et éducationnel. Selon le rapport de Suivi d'Application de la Convention Relative aux Droits de l'Enfant, l'Etat haïtien reconnaît que ces enfants: « vivent totalement dans les rues et proviennent de familles très défavorisées logées dans les bidonvilles. Leur situation ne leur permet pas d'aller à l'Ecole et ils sont ainsi obligés de chercher durant la journée une occupation pouvant leur rapporter de l'argent pour leur survie86(*) ». Dans le cadre de cette étude, l'enquête de terrain nous permet de réaliser que les enfants exerçant une activité économique dans les rues représentent 60%, soit 138 sur un échantillon total de 229.

1.4. LES ABUS ET L'EXPLOITATION SUBIS PAR LES ENFANTS TRAVAILLEURS

L'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine est un défi majeur de notre temps. Elle est d'une dimension massive et produit des conséquences fatales sur l'avenir des enfants qui y sont victimes. Cette forme d'exploitation est très cruelle à l'égard des enfants et constitue une insulte à leur dignité en tant que personne humaine. C'est aussi l'une des plus importantes formes d'exploitation ou d'abus commises aujourd'hui contre les enfants dans une grande partie du monde87(*). Dans cette section nous examinons les abus et l'exploitation dont sont victimes les enfants qui travaillent. Les facteurs qui caractérisent ces abus et exploitation ont rapport à l'âge des enfants, les heures de travail ainsi que les dangers et les humiliations auxquels ils sont victimes.

1.4.1. Durée excessive de travail

Les investigations menées sur le terrain prouvent que beaucoup d'enfants effectuent sur le marché du travail une activité à plein temps et à un âge précoce, c'est-à-dire en dessous de l'âge d'admission au travail fixé par les législations nationales et internationales. Sur 229 enfants interviewés, 89% d'entre eux, soit 204 travaillent plus de 10 heures par jours, seulement 3%, soit 7 travaillent moins de 8 heures par jour et les autres totalisant 18 % travaillent de 8 à 10 heures par jour (Voir Annexe II/Tableau VII). Et de plus, les exploiteurs de ces enfants ne font, généralement, pas de distinction entre les travaux légers que ceux-ci peuvent accomplir sans risque et les travaux dangereux qui sont au-dessus de leur force physique et de leur capacité émotionnelle. L'organisation Internationale du travail autorise des enfants de 12 ou de 13 ans à effectuer des travaux légers, mais pas avant 18 ans pour les travaux dangereux et en plein temps. Néanmoins, l'OIT, comme d'ailleurs le Code du Travail haïtien fixe à 15 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi pour autant qu'il ne soit inférieur à l'âge de la fin de la scolarité obligatoire88(*).

Hormis l'âge précoce d'admission à l'emploi, le fait même que des enfants soient obligés de travailler à plein temps est déjà considéré comme une forme d'exploitation. Le Code du Travail dans son article 96 fixe la durée normale de travail à huit heures par jour et 48 heures par semaine. Alors que la réalité montre que des enfants travaillent au-delà de cette limité légale de travail à plein temps. Or, le travail dans de telle condition est nuisible au développement de l'enfant puisque ce dernier n'a aucun moment de la journée pour s'épanouir : ses droits à l'éducation, aux loisirs et au repos sont donc bafoués. Ils se voient astreints à un rythme totalement opposé à leur développement naturel.

1.4.2. Charge excessive de travail

Un autre aspect des abus et l'exploitation qu'endurent les enfants au travail en Haiti, concerne le volume excessif de travail qu'ils ont à accomplir, que ce soit dans les maisons privées ou dans les rues. Dans le rapport de l'UNICEF sur le travail des enfants, il est fait remarquer que ces enfants sont soumis à la manutention de lourdes charges et restés assis pendant de longues heures dans des positions généralement inconfortables qui risquent d'handicaper leurs corps en pleine croissance89(*). Toujours selon ce même rapport, un enfant qui doit accomplir pendant des années un travail physique pénible peut perdre jusqu'à 30% de son potentiel biologique de développement corporel, puisqu'il dépense des réserves d'énergie qui auraient dû normalement suffire jusqu'à l'âge adulte90(*).

Les enfants quel que soit leur âge ou le secteur dans lequel ils travaillent, ne devraient être employés qu'à des travaux légers qui ne mettent pas en danger leur développement physique et intellectuel. Pourtant en Haiti, c'est tout à fait le contraire, des situations où les enfants sont astreints à une charge excessive de travaux sont très courantes. Qu'il s'agisse des travailleurs des rues ou des enfants domestiques, ils se voient contraints le plus souvent d'effectuer des tâches supérieures à leur âge et à leur capacité physique. Ils accomplissent souvent des tâches pénibles qui pourraient être redoutables même pour des adultes.

1.4.3. Salaire insuffisant

Les enfants travailleurs sont le plus souvent mal payés. Ils perçoivent un salaire très minime par rapport au volume de travail qu'ils produisent. D'ailleurs c'est surtout à cause de leur main d'oeuvre à bon marché qu'ils sont recrutés. La rémunération est généralement inférieure à celle donnée à un adulte pour le même travail et pour la même durée. On considère généralement que les employeurs recourent à la main-d'oeuvre enfantine parce qu'elle leur coûte moins cher que la main-d'oeuvre adulte. Des considérations de coût entrent également en jeu dans le cas des petits établissements non déclarés et financièrement précaires que l'on rencontre en masse dans le secteur informel du pays.

Particulièrement, les travailleurs domestiques sont parmi ceux qui travaillent dans des conditions les plus précaires. Ils travaillent sans avoir passé aucun contrat formel avec leurs employeurs. Dans une étude financée par l'alliance Save The Children, on décrit avec exactitude la situation de la plupart de ces enfants en ces termes : « Ils ne reçoivent pas une rémunération équitable pour le travail accompli et peuvent être renvoyés à n'importe quel moment avec ou sans motif valable. Les lois censées les protéger contre les abus et mauvais traitements des employeurs, ne sont pas appliquées 91(*)(sic) ». En fait, ces enfants domestiques particulièrement, n'ont ni d'horaire de travail, ni description de tâches. Ils travaillent selon le caprice de leur employeur, à tout moment du jour ou de la nuit.

Dans le cadre de notre enquête de terrain, il n'a pas été facile de déterminer le niveau de salaire exact des enfants travailleurs. Non seulement ces derniers accomplissent divers types de travaux, mais également les méthodes de paiement ne sont pas les mêmes. Certains enfants sont payés selon un rythme mensuel et d'autres le sont selon les modalités de paiement des travailleurs à la tâche et à la pièce établies par l'article 19 du Code du Travail haïtien (Voir aussi le Tableau IX en annexe).

1.4.4. Accomplissement de travaux dangereux

Si l'on prend particulièrement les enfants qui travaillent dans les rues, on constate avec évidence que la nature des travaux qu'ils effectuent apparaît plutôt insalubre, dangereuse et dégradante. Pourtant, le Code du Travail dans son article 333 avance que les mineurs ne pourront être occupés à des travaux insalubres, pénibles ou dangereux du point de vue physique ou moral. Dans une évaluation de la situation de ces enfants dans les pays en développement, l'UNICEF réfléchit sur certaines des incidences négatives du travail sur la santé de ces enfants :

Ils contractent diverses maladies de peau, ulcères, gales, etc. en ramassant des morceaux de fer rouillé, il n'est pas rare qu'ils s'écorchent les mains, au risque d'attraper le tétanos. Les débris de verre cachés dans les ordures peuvent blesser leurs pieds nus, ce qui provoquera des lésions suppurantes. L'exposition à des conditions climatiques extrêmes peut être à l'origine d'autres problèmes : insolation, pneumonie, grippe. Porter de lourdes charges sous les bras ou sur le dos nuit à leur développement en taille et en poids, épuise leurs forces et leur énergie92(*).

Les dangers qui les menacent sont évidemment liés au travail qu'ils accomplissent, mais bien plus encore au milieu dans lequel ils évoluent : circulation automobile, insécurité, insalubrité, tracasseries diverses, violence et autres. Il suffit seulement de jeter un coup d'oeil à travers les rues pour constater tous les dangers auxquels certains enfants travailleurs font face. Personne ne souhaiterait voir ses progénitures évoluer dans de telles conditions. Dans un document de l'Organisation Internationale du Travail, il est fait mention des risques psychosociaux qu'encourent certains enfants affectés à des types spécifiques de travaux :

Comme des chercheurs et des praticiens le soulignent depuis longtemps, certains types d'emploi peuvent causer aux enfants de graves problèmes d'ordre psychologique et social. Ce risque est particulièrement grand pour les enfants, dont une majorité de filles, de plus en plus nombreux qui travaillent comme domestiques et vivent hors du domicile familial. Les rares renseignements dont on dispose indiquent qu'ils travaillent très dur, privés de toute affection et presque de tout contact avec leur famille et leurs amis. Ils sont, par ailleurs, fréquemment victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques et d'abus sexuels. Tout cela met en péril leur équilibre psychosocial93(*).

1.4.5. Accès limité à l'éducation

Nous avons déjà dit en maintes occasions que le travail en plein temps est l'ennemi le plus farouche d'une bonne formation scolaire chez les enfants. Lorsqu'un enfant travaille en plein temps, il ne peut aller à l'école et bénéficier des avantages de l'instruction. Ce travail absorbe la totalité de ses temps et énergie l'empêchant ainsi de fréquenter un centre d'enseignement scolaire. Cet état de fait qui relève d'exploitation est monnaie courante dans la société haïtienne. Plus de 50% des enfants travailleurs rencontrés lors de notre enquête, soit 117 sur un total de 229, n'ont pas accès à l'école. Cela a pour cause non seulement le manque de moyens économiques, mais aussi et surtout le volume excessif de travaux qui est confié à ces enfants. Ils ne disposent pas de temps suffisant pour fréquenter un centre d'enseignement scolaire. Alors que le Code du Travail en son article 346 stipule clairement que : « ils ne doivent pas être astreints à des travaux susceptibles de nuire de quelque manière que ce soit à leur santé, à leur développement normal et de préjudicier à leur assiduité à l'école ». De plus, l'article 10 de ce Code stipule que chaque enfant travailleur a droit à une instruction professionnelle appropriée en plus de l'enseignement primaire obligatoire.

Selon l'article 32-3 de la Constitution de mars 1987 et l'article 28 de la Convention Internationale des droits de l'enfant, l'enseignement primaire est gratuit et obligatoire pour tous. Donc en aucun cas des enfants ne devraient pas se trouver dans une situation où l'accès à l'éducation est une chose difficile, voire impossible. Dans la réalité haïtienne, les enfants astreints au travail et qui ont la chance de fréquenter un établissement scolaire, sont très peu nombreux. Et selon le constat de Carl Raymond, ceux qui ont accès à l'école fréquentent généralement des établissements du soir où l'instruction donnée est de piètre qualité et où les élèves sont peu assidus, car ils sont fatigués suite aux corvées réalisées durant la journée. La conclusion, nous dit Carl Raymond, est que ces enfants n'apprennent pas grand-chose et ont peu de chance d'atteindre le niveau secondaire94(*).

1.4.6. Humiliations subies par les enfants

L'exploitation sexuelle est l'une des formes d'humiliation que subissent les enfants travailleurs, en particulier les filles, que ce soit dans les maisons privées ou dans les rues. Les enfants domestiques sont les plus exposés. Les filles particulièrement sont parfois soumises à des sévices émotionnels et sexuels de la part des résidents de la maison où elles travaillent. Elles sont privées de l'affection et du soutien de leurs parents et humiliées par les enfants de leurs employeurs95(*). Les humiliations subies par les enfants travailleurs entraînent souvent chez eux des troubles psychologiques et sociaux. Isolés du reste de la communauté, ils connaissent un fort repli sur soi96(*). Dans une étude réalisée sur les conditions de vie des enfants travailleurs en Haiti, on rapporte que des psychologues haïtiens qui ont travaillé avec ces enfants, signalent chez eux des états dépressifs, des replis sur soi, des troubles du sommeil et de l'alimentation, une peur et une anxiété chroniques97(*).

Ainsi, nous pouvons constater à travers ce tour d'horizon que le phénomène de travail des enfants n'est pas un simple fait, mais plutôt une question assez sérieuse qui attire l'attention tant sur le plan International que national. Il ne s'agit pas non plus de l'affaire uniquement des petits pays, même si la majorité des enfants travailleurs exploités se trouvent dans les pays pauvres comme Haiti. C'est aussi une préoccupation pour les grands pays. Dans le chapitre suivant, nous allons aborder le problème, plus profondément, au niveau d'Haiti.

CHAPITRE II

L'EXPLOITATION DE LA MAIN-D'OEUVRE ENFANTINE EN HAITI

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine n'est pas un phénomène typique des pays pauvres, partout à travers le monde, il existe des enfants au travail et, dans la plupart des cas, ils subissent diverses formes d'abus et d'exploitation. Donc, il s'agit d'un phénomène universel. Dans un document de l'OIT, nous lisons que : « Le travail des enfants n'est pas le lot des seuls pays pauvres ou en développement. Son existence est attestée à des degrés divers, dans tous les pays. Les récentes estimations du BIT indique que, dans les pays développés, trois pour cent environ des enfants appartenant au groupe d'âge 10-14 ans sont économiquement actif98(*)». Normalement la grande majorité des enfants travailleurs qui subissent l'exploitation se trouvent dans les pays en développement. Toutefois, dans les pays industrialisés, il est fait également usage de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine.

Dans ce chapitre, nous abordons le problème d'exploitation du travail des enfants dans la société haïtienne. Nous mettons accent sur son ampleur, ses causes, ses conséquences et en même une analyse critique est faite sur le fonctionnement des institutions publiques chargées de protéger les enfants en général et ceux qui travaillent en particulier, contre les abus et l'exploitation.

2.1. AMPLEUR DU PROBLEME

La première constatation à faire c'est que la présence d'une population enfantine sur le marché de l'emploi informel en Haiti est un phénomène dynamique qui évolue en permanence. Le nombre d'enfants obligés de travailler s'accroît de plus en plus en Haiti et, plus particulièrement dans les grandes villes. Partout on rencontre des enfants astreints au travail et dans des conditions tout à fait inquiétantes pour leur développement et leur épanouissement de ces enfants. Tout au long de ce travail, nous avons toujours mentionné les difficultés d'établir des chiffres exacts concernant le travail des enfants, ce qui nous empêche de quantifier les enfants soumis au travail dans les villes de Port-au-Prince, des Gonaïves et du Cap-Haïtien. Toutefois, l'existence du problème ne crée aucun doute, sa visibilité est à la portée des observateurs même les moins avertis. On rencontre les enfants travailleurs partout : dans les maisons privées, dans les rues, dans les petites entreprises, etc.

2.1.1. Au niveau des maisons privées

Le dénombrement des enfants qui travaillent comme domestiques à gages en Haiti n'est pas exact, mais évidemment ils sont des milliers et sont âgés en moyenne entre 10 et 18 ans, selon une affirmation de Carl V. Raymond99(*). Globalement, la pratique de la domesticité enfantine en Haiti s'inscrit dans un cadre consensuel. Il ya a toujours un contrat tacite entre la famille d'origine de l'enfant et sa future famille d'accueil avant que le placement n'ait lieu, nous dit Carl V. Raymond. Il poursuit que ce contrat tacite entre les familles d'accueil et celles des enfants prévoit comme contrepartie à fournir pour le gîte, la nourriture et les autres soins dont ceux-ci seront bénéficiaires, l'accomplissement des tâches ménagères, mais dans la réalité, le petit travailleur domestique se verra attribuer des tâches diverses liées au petit commerce, aux soins et accompagnement de bébés ou d'enfants plus jeunes, des personnes âgées ou handicapées, et autres100(*). Certains observateurs vont jusqu'à assimiler à l'esclavage la situation des enfants domestiques en Haiti101(*). Pour ce qui a trait à l'âge et le sexe de ces enfants, toutes les études s'accordent sur le fait que les filles sont majoritaires, 75% selon une enquête de 1998102(*) et 59% selon la plus récente étude103(*) et leur âge se trouve entre la fourchette de 10 à 18 ans104(*).

Toutefois, il faut un peu de réserve vis-à-vis de ce type de travail des enfants. Dès cas où les droits des enfants employés comme domestiques soient respectés ne sont pas courants certes, mais parfois, on trouve des enfants qui avouent être traités avec respect et bonté de coeur par leurs employeurs. Ils trouvent ainsi dans les familles où ils sont employés des opportunités et possibilités de réussir leur vie. Certains anciens domestiques ne cessent de témoigner de la bonne foi de leurs patrons sans lesquels ils ne seraient rien dans la vie. On distingue des cas où ces enfants chanceux sont traités conformément à la loi et n'effectuent que des travaux légers qui ne contrarient en rien leur développement physique et intellectuel. Dans une étude réalisée par la HSI sur les fondements de la domesticité en Haiti, on retient la déclaration d'une jeune fille qui était placée en domesticité dans son enfance et pour qui la domesticité a été une chance et un privilège105(*).

2.1.2. Au niveau des rues

Dans son rapport alternatif au comité des Droits de l'enfant de l'Organisation des Nations-Unies, la Coalition Haïtienne pour la Défense des Droits de l'Enfant (COHADDE) a fait remarquer une grande expansion de quantité d'enfants de rue au cours des années 90. En outre, la Coalition a fait état des causes qui ont provoqué cette prolifération d'enfants à travers les rues. Les lignes suivantes en donnent beaucoup plus de détails :

Depuis 1991, le nombre des enfants de la rue a triplé en Haïti. Les causes provoquant ce phénomène sont multiples, ainsi plusieurs garçons et filles de la rue sont des enfants en domesticité qui ne pouvaient plus supporter la domesticité ou encore la violence familiale ou qui deviennent orphelins (entre autres les orphelins du sida) viennent grossir la masse des enfants de la rue et des jeunes prostituées. Une grande partie, sinon la majorité, des enfants de la rue proviennent du milieu rural qui convergent vers la ville avec l'espoir de meilleurs lendemains106(*) [Sic].

Dans une étude publiée en 2004 par le Mouvement International ADT Quart Monde, on estime à environ 10 000 le nombre d'enfants vivant dans les rues en Haiti107(*). Ce qui est le plus important pour nous, c'est que tous les enfants des rues sont en même temps des travailleurs, ils exercent tous une activité économique. Car pour leur survie, ils sont dans l'obligation de travailler ou de mener une activité à caractère économique. Ils constituent une catégorie de travailleurs plus visible que les enfants travailleurs domestiques. On les rencontre partout à travers les rues des grandes villes d'Haiti, plus particulièrement, à Port-au-Prince, Gonaïves et Cap-Haïtien exerçant diverses activités économiques allant des travaux autonomes108(*) aux travaux subordonnés109(*).

2.1.3. Au niveau des petites entreprises

Nous avons déjà donné assez de détails concernant le travail des enfants dans le secteur informel. Les petites entreprises auxquelles nous faisons allusion dans ce travail appartiennent exclusivement au secteur informel. Ce sont surtout de petits commerces, des restaurants, des ateliers divers dépourvus de structures administratives et de base légale. On les retrouve, à l'instar d'ailleurs des enfants des rues, partout dans les grandes villes du pays. A cause des capitaux très faibles dont elles disposent, il se trouve le plus souvent dans leur personnel un ou plusieurs enfants. La main-d'oeuvre enfantine étant beaucoup plus à bon marché que celle des adultes, les propriétaires de ces entreprises préfèrent recourir aux enfants.

Ces employés mineurs sont recrutés à la fois parmi les « enfants de rues » et ceux « dans les rues ». Ces derniers, comme nous avions déjà expliqué, travaillent dans les rues certes, mais contrairement aux premiers, ils gardent le contact avec leur famille. D'habitude ces institutions de type informel embauchent des enfants dans la tranche d'âge de quatorze à moins de dix-huit ans. Environ 10 à 15 pour cent des « enfants travailleurs des rues » de notre échantillon, travaillent dans ces entreprises. Normalement, il y a de fortes possibilités que le pourcentage soit quelque peu supérieur à celui trouvé dans notre enquête (Voir Annexe II/ Tableau III).

2.2. LES CAUSES DU PROBLEME

Les causes de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine en Haïti doivent être analysées à partir de trois catégories. Il s'agit tout d'abord des causes les plus visibles qui ont une incidence directe sur les enfants et sur leurs parents. Elles sont, en outre, constituées par la pauvreté et des événements qui modifient l'équilibre financier de la famille110(*). Ensuite, les causes qui ont rapport aux valeurs et situations qui pourraient prédisposer les familles à encourager le fait que leurs enfants travaillent. Et enfin, il s'agit des causes structurelles intervenant au niveau de l'économie et de la société dans son ensemble et agissant sur le milieu dans lequel le travail des enfants peut prospérer ou au contraire être découragé111(*). L'un des aspects que revêtent ces dernières causes est lié à la mauvaise qualité du système éducatif, voire l'inexistence d'une structure éducative permettant aux enfants d'atteindre en toute quiétude au moins le niveau primaire.

2.2.1. Première catégorie de causes

Bien que l'exploitation économique des enfants ne concerne pas uniquement les pays en développement, mais sa liaison à la pauvreté est indéniable et largement reconnue. Dans une étude menée par P. Fallon et Z. Tzannatos pour le compte de la Banque Mondiale, il est montré que dans les pays dont le revenu annuel par habitant est inférieur ou égal à 500 dollars américains, les enfants de 10 à 14 ans représentent 30 à 60% de la population active, contre seulement 10 à 30% dans les pays où ce revenu se situe entre 500 et 1000 dollars américains112(*).

D'un autre côté, l'Agence canadienne de développement International (ACDI) a fait remarquer que: « Les pays caractérisés par les taux d'analphabétisme les plus élevés, les ratios les plus faibles d'inscription à l'école et de graves carences alimentaires sont généralement ceux où le nombre d'enfants qui travaillent est proportionnellement le plus élevé113(*) ». Toujours dans le même sens, l'ACDI poursuit que : «  Le travail est une question de survie pour les enfants de familles pauvres. Il est estimé qu'envoyer un enfant à l'école primaire peut représenter une dépense qui dépasse le tiers du revenu monétaire des familles pauvres et que ces familles ont souvent plus d'un enfant en âge d'aller à l'Ecole114(*) ».

De façon spécifique, les causes de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine en Haiti identifiées dans cette catégorie sont liées aux facteurs suivants :

· un pouvoir d'achat faible ou inexistant ;

· l'accroissement du prix des produits de première nécessité ;

· la demande de main-d'oeuvre à bon marché ;

· les difficultés de la part des employeurs de faire appel à une main-d'oeuvre salariée plus ou moins qualifiée ;

· l'inexistence d'école dans certaines zones, notamment les zones rurales et les milieux populeux ;

· Un système éducatif inapproprié à la réalité des enfants issus des familles pauvres.

Tous ceux-là, ce sont des facteurs attachés à la mauvaise situation économique du pays. En conséquence, la pauvreté apparaît, incontestablement, comme la principale cause de l'exploitation du travail des enfants.

2.2.2. Deuxième catégorie de causes

En côtoyant les enfants qui travaillent en Haiti et particulièrement dans les villes soumises à nos observations, nous réalisons qu'un grand nombre d'entre eux sont encouragés à  travailler par leurs parents. Les raisons qui poussent ces parents à inciter leurs enfants à mener une activité économique sont diverses certes, mais elles tournent constamment autour de la pauvreté. Par exemple dans le cadre du programme focal sur le travail des enfants, l'IPEC a fait remarquer ce qui suit : « La pauvreté est la cause première du travail des enfants. Elle contraint nombre d'entre eux à travailler à plein temps pour assurer leur propre survie et celle de leurs proches115(*) ».

Il est d'ailleurs évident que les enfants issus des familles plus ou moins aisées ne se trouvent presque pas sur le marché du travail en Haiti. A quoi bon pour des enfants de travailler lorsque leurs parent sont en mesure de pourvoir à leurs besoins ? Par contre, les enfants des familles pauvres sont obligés à le faire :

Et lorsque la famille est si pauvre que tous ses membres doivent travailler pour s'assurer un revenu de subsistance, comment pourrait-elle financer la scolarisation des enfants? [...]. L'enseignement public gratuit représente en général un très lourd investissement pour une famille pauvre qui doit prendre à sa charge livres, fournitures scolaires, uniformes et frais de transport, voire verser de l'argent aux enseignants116(*).

De plus, le taux de fécondité est aussi une cause non moins important du travail des enfants. Il est prouvé que ce sont généralement les familles pauvres qui ont le plus d'enfants; or on sait que la taille de la famille a une incidence déterminante sur le travail des enfants. Les statistiques montrent que plus une famille est nombreuse, plus il y a de probabilités que les enfants travaillent, et plus le taux de fréquentation et de réussite scolaires baisse. Des études récentes indiquent qu'une politique consistant à limiter ou à réduire progressivement la taille moyenne de la famille est susceptible de réduire le nombre d'enfants qui travaillent et d'accroître le taux de fréquentation scolaire117(*).

Spécifiquement, nous déterminons à travers cette deuxième catégorie des causes de l'exploitation du travail des enfants, les aspects suivants :

· la désintégration de la famille élargie

· la déficience des systèmes informels de protection sociale (solidarité entre les habitants, les voisins, etc.) ;

· le manque d'instruction du côté des parents ;

· un taux de fécondité élevé ;

· les aspirations sociales concernant les enfants, le travail et l'éducation ;

· la conscience d'être pauvre et le désir d'accéder à la consommation et à un meilleur niveau de vie.

2.2.3. Troisième Catégorie de causes

Nous identifions dans cette catégorie des facteurs qui sont liés à la structure économique, juridique et sociale d'Haiti. Il s'agit des causes structurelles de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine et comme nous l'avons dit au départ, ces causes ont trait à la défaillance du système éducatif haïtien qui ne permet pas aux enfants d'atteindre, au moins, en toute sérénité le niveau d'études primaires jugé obligatoire par l'article 32-3 de la constitution de 1987. Lorsque l'Etat ne peut effectivement garantir à tous les enfants le droit à l'éducation et que les parents n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour supporter les charges scolaires de leurs enfants, l'exercice d'activités économique s'impose automatiquement aux enfants. Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) en a fait le constat et écrivit ce qui suit :

Outre que la famille n'a pas les moyens d'envoyer les enfants à l'école, beaucoup d'entre eux vivent dans des communautés où il n'y a pas d'écoles, et par conséquent ils travaillent. Là où il y a des écoles, le coût de la scolarité est tel pour une famille pauvre qu'il faut que l'investissement soit rentable. Or c'est rarement le cas, car l'enseignement offert aux enfants pauvres est souvent exécrable. Il offre si peu d'espoir de promotion sociale qu'il ne justifie pas de si lourds sacrifices. Les témoignages abondent de familles qui voudraient que leurs enfants acquièrent de l'instruction et qui soit n'en ont pas les moyens, soit jugent que l'école coûte trop cher pour ce qu'elle est118(*).

Les principales causes structurelles de l'exploitation du travail des enfants en Haiti concernent particulièrement les aspects suivants :

· le Revenu National faible et en baisse ;

· les crises de société : instabilité politique, insécurité, chocs financiers ou économiques, etc. ;

· l'engagement financier ou politique insuffisant en faveur de l'éducation, des services de base et de protection sociale ;

· l'absence de bonne gouvernance119(*) ;

· l'exclusion des groupes marginaux ;

· le manque de travail décent pour les adultes ;

· la non-actualisation du cadre juridique de protection des enfants

· l'absence d'un mécanisme efficace d'application des lois.

2.3. LES CONSÉQUENCES DU PROBLEME

Comme nous l'avons déjà signalé, le travail n'a pas toujours des incidences négatives sur la vie de l'enfant. Par exemple un travail léger effectué par des enfants dans le cadre des normes juridiques en vigueur, c'est-à-dire en respectant l'âge minimum d'admission à l'emploi et autres prescrits légaux, peut être bénéfique. En Haiti, dans la plupart des cas, le travail de l'enfant relève de l'exploitation. Le plus souvent, les employeurs ne tiennent pas compte des besoins fondamentaux de l'enfant ou plus précisément ses droits à l'éducation, à la survie, à la protection, aux loisirs, etc. Nous le répétons, le plus grave problème des enfants travailleurs haïtiens est le fait qu'ils n'ont pas le plein accès à l'éducation. Or nous savons tous le rôle fondamental de l'éducation dans la vie d'un individu, d'une famille ou de la société en général.

En septembre 2000, lors du Sommet du Millénaire des Nations-Unies, les dirigeants politiques du monde entier ont convenu d'un ensemble de huit objectifs mesurables et limités dans le temps pour combattre les principaux problèmes de l'humanité. L'un de ces objectifs ayant rapport directement aux enfants est de « généraliser la scolarisation en primaire en s'assurant, à l'horizon 2015, que 100% des enfants, filles comprises, bénéficient d'un cursus complet en primaire120(*) ».

C'est pourquoi pour mesurer les conséquences de l'exploitation de la main- d'oeuvre enfantine, nous considérons comme facteur clé, la difficulté d'accès à l'éducation de la majorité des enfants travailleurs dans notre pays. Donc cet état de fait est préjudiciable à tout le pays en raison des conséquences néfastes qu'il exerce sur les enfants qui travaillent et sur leurs familles.

2.3.1. Conséquences sur les enfants eux-mêmes

Les premières victimes de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine sont les enfants eux-mêmes. Il faut mentionner les graves répercussions de cette exploitation sur la santé et le développement physique de ces enfants. Ils sont habituellement exposés à des risques physiques énormes, on a qu'à prendre l'exemple de nombreux enfants évoluant dans les rues des grandes villes du pays comme travailleurs d'autobus, transporteurs de colis, marchands ambulants, etc. Ils sont souvent victimes de graves accidents occasionnant des handicaps, voire la mort. Mais le plus important, ce sont les conséquences négatives, plus ou moins à long terme, causées par le manque ou l'absence de formation intellectuelle chez ces enfants.

La majorité des enfants travailleurs ne fréquentent pas l'école et ceux qui ont l'opportunité de suivre des cours dans un centre scolaire n'ont pas eu vraiment le temps nécessaire pour pouvoir apprendre convenablement. Le travail est en grande partie responsable de la difficulté que rencontrent ces enfants à exercer leur droit à l'éducation et à en tirer véritablement profit lorsqu'ils y ont accès121(*). L'Organisation Internationale du travail à travers le programme focal sur le travail des enfants a fait état des conséquences énormes de l'épuisement engendré chez les enfants travailleurs par des horaires trop lourds. Et par ailleurs, elle poursuit que passé un certain seuil de durée, qui varie en fonction de l'âge et du type d'activité, l'exercice d'une activité économique nuit gravement à la capacité d'apprendre des enfants122(*). Or, le fait d'être privé de la possibilité de recevoir une éducation élémentaire est particulièrement grave car il est, à notre époque, plus que jamais important de savoir lire, écrire et compter ainsi que d'avoir acquis un certain sens de la réflexion critique pour pouvoir s'intégrer raisonnablement bien dans la société123(*).

2.3.2. Conséquences sur les familles

La plupart des enfants victimes de l'exploitation par le travail appartiennent à une famille, même parmi ceux qui exercent des activités diverses dans les rues, on en trouve qui sont attachés à des liens familiaux. Normalement, il s'agit de familles pauvres qui autorisent ou incitent même leurs enfants à travailler pour la survie, la nourriture, l'habillement, etc. Ces familles, ne pouvant pas prendre soin de leurs enfants, sont obligées d'encourager la présence de ces derniers sur le marché du travail et ceci dans de très mauvaises conditions. En terme de conséquences, il paraît évident que le travail de ces enfants contribue à perpétuer la pauvreté des familles. Ces enfants, le plus souvent, commencent à travailler dès leur plus jeune âge et sans avoir reçu une éducation scolaire. Ils grandissent dans les rues et ne reçoivent aucune des formes de protection prévues par la loi. Face à une telle situation, il est presque certain que ces enfants deviennent à coup sûr des adultes pris au piège des emplois non qualifiés et mal payés124(*) .

Et en plus de cela, les familles auxquelles ils appartiennent demeurent pauvres durant toute leur vie. Il est toujours avancé que la participation des enfants de façon précoce aux activités économique et la pauvreté sont indubitablement liées. Dans un rapport de l'OIT sur le travail des enfants, on a mis en évidence cette synergie qui existe entre le travail des enfants et la pauvreté :

La pauvreté et la participation des enfants à l'activité économique se renforcent mutuellement, la pauvreté engendrant le travail des enfants et celui-ci perpétuant celle-là. Il semble raisonnable de penser qu'effectivement, dans la mesure où il exclut ou limite l'accès à l'éducation et compromet les possibilités d'ascension sociale, le travail des enfants perpétue la pauvreté puisque le manque d'instruction se ressent sur les gains de toute une vie125(*).

Dans un pays comme Haiti où les familles comptent beaucoup sur l'Ascension sociale de leurs enfants pour vivre une situation meilleure, il parait réellement difficile pour des enfants travaillant dans des conditions aussi pénibles de satisfaire l'attente de leurs familles. Au contraire, plus les enfants sont contraints à travailler plus les conséquences seront lourdes pour leurs familles, plus elles seront perpétuées dans la misère et le dénuement.

2.3.3. Conséquences sur la société

Le travail des enfants dans des conditions ignobles n'a pas seulement de graves répercussions sur les enfants et leurs familles, mais aussi sur la société toute entière. L'exploitation généralisée des enfants et leur exposition à des conditions d'emploi préjudiciables à leur dignité, leur moralité, leur sécurité, leur santé et leur éducation compromettent gravement la réalisation des objectifs économiques et sociaux du développement. Il n'est pas un secret pour personne que le développement socio-économique d'un pays est étroitement lié à la qualification de ses citoyens. En ce sens, l'OIT a apporté des éclaircissements assez intéressants, l'Organisation a fait remarquer que :

Dans un monde soumis à la concurrence, la prospérité nationale dépend pour beaucoup des qualifications et donc des investissements dans les ressources humaines, lesquels sont incompatibles avec l'exploitation du travail des enfants. C'est pourquoi, soucieux d'assurer leur avenir, les pays font preuve d'une fermeté beaucoup plus grande à l'égard de ce phénomène et s'interrogent sur les moyens les plus durables et les plus efficaces de le combattre et, si possible, d'y mettre fin. En particulier, les pays pauvres, qui ne peuvent se permettre de disperser leurs efforts et leurs ressources, veulent savoir quelles sont les interventions les plus susceptibles d'être suivies d'effets et comment les combiner pour un impact maximal126(*).

Donc, l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine reste un problème préoccupant pour la société haïtienne, et ceci à plusieurs niveaux. D'abord, en raison du nombre important d'enfants concernés par ce phénomène, ils sont de plus en plus nombreux dans les rues. Ensuite et surtout, en raison des conséquences négatives que le travail précoce entraîne, par suite des mauvaises conditions dans lesquelles il est souvent pratiqué, à la fois sur le développement personnel de l'enfant et sur le développement économique et social du pays. L'exploitation égocentrique des enfants joue un rôle directement ou indirectement dans la mauvaise situation que connaît la société haïtienne durant ces derniers jours. Que l'on veuille ou non, ces enfants abandonnés, qui travaillent dans les rues et qui ont tendance à augmenter de jour en jour, constituent un danger pour les paisibles citoyens. A cause de leur naïveté, des adultes les emploient souvent dans l'exécution des tâches criminelles visant à perturber la stabilité sociale. Le problème d'exploitation économique des enfants devrait être une préoccupation pour tous les citoyens honnêtes puisque ses conséquences à moyen ou à long terme pourraient être tout à fait fatales pour le pays.

2.4. LES INSTITUTIONS PUBLIQUES CHARGÉES DE PROTÉGER LES ENFANTS CONTRE LES ABUS ET L'EXPLOITATION

L'appareil étatique dans son ensemble, a pour rôle de protéger tous les enfants contre les abus et les exploitations, quelle que soit leur nature, qu'ils auraient subis. Mais particulièrement, en termes d'élaboration, de mise en oeuvre et de suivi de politiques sociales, il y a des institutions dont la responsabilité première est d'assurer la protection des enfants. Cette noble tâche incombe principalement au Ministère des Affaires Sociales et du Travail par le biais de l'Institut du Bien-être Social et de recherche (IBESR) et la Direction du travail. Sans compter, la Police Nationale, le Système Judiciaire à travers les tribunaux pour enfant en étroite collaboration avec l'IBESR, les juges de paix et les commissaires du gouvernement. Dans l'esprit de l'article 207 de la Constitution haïtienne de 1987, l'Office de la Protection du Citoyen pourrait aussi jouer le rôle de protecteur des enfants lorsque ceux-ci sont victimes d'exactions des autorités publiques.

Donc, le pays dispose d'un certain nombre d'institutions ayant la vocation de protéger les enfants et de faire respecter leurs droits. Cependant il se pose un sérieux problème en ce qui a trait à l'opérationnalisation de ces institutions et à la connaissance par le grand public des lois y relatives. C'est en ce sens que L'IPEC dans son étude sur l'exploitation des mineurs en Haiti, a fait remarquer que :

Les textes relatifs aux structures étatiques de protection des mineurs ne sont pas suffisamment détaillés ni suffisamment publiés. C'est comme s'ils n'existaient pas. Principalement en ce qui concerne le travail des mineurs, tant dans des entreprises commerciales ou industrielles que dans des familles. L'institut de bien-être Social et de recherches et le Bureau du travail du Ministère des affaires sociales, en principe chargés de protection des mineurs sont incapables d'informer sur la situation générale des enfants, voir les protéger127(*).

Dans cette section, nous mettons l'accent sur les principales institutions chargées de protéger les enfants contre l'exploitation qu'ils auraient subie en tant que travailleurs. Si ces institutions étaient opérationnelles, elles contribueraient à coup sûr à réduire ce phénomène dans le pays en général et dans les villes de Port-au-Prince, des Gonaïves et du Cap-Haïtien en particulier.

2.4.1. Le Ministère des Affaires Sociales et du Travail

L'un des aspects fondamentaux de la mission du Ministère des Affaires Sociales est d'élaborer et de mettre en oeuvre la politique sociale du gouvernement et d'en assurer sa coordination en matière de la protection des enfants en général et ceux qui sont en situation spéciale en particulier128(*). L'aspect opérationnel de toutes ces démarches est assuré par l'institut du Bien-être Social et de Recherches. Ce rôle combien important est confié a l'IBESR par la loi organique du ministère des Affaires sociales qui est son ministère de tutelle129(*). Cette instance créée par la loi du 25 février 1958 demeure la principale instance étatique chargée de protéger les enfants et surtout ceux qui sont en danger physique ou moral, notamment les enfants moralement ou physiquement abandonnés, les enfants qui travaillent dans les rues et les enfants placés en dehors de leurs familles.

Malheureusement, les capacités tant structurelles que matérielles de l'IBESR sont très défaillantes, en ce sens l'institution ne peut pas remplir son rôle comme il devrait être. Dans la réalité, le service de la protection des Mineurs qui relève de la direction de l'IBESR n'existe que de nom. Des quatre sections qui dépendent de ce service, seule la section d'inspection fonctionne de manière sporadique, et avec des ressources et moyens inappropriés, inadéquats et insuffisants, souligne une étude menée par Haïti Solidarité Internationale130(*).

Dans le rapport de suivi d'application de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'Etat haïtien admet que :

La domesticité est une pratique de fait condamnée par les instances publiques. Autrefois, l'Institut du Bien-être Social et de Recherches (IBESR) devait accorder l'autorisation d'engager ou de prendre un/une enfant en domesticité. De nos jours, il s'y oppose de fait et n'en délivrant aucune. Evidemment, il ne dispose pas de moyens de contrôle des conditions de vie que connaissent ces enfants dans ces familles131(*).

Normalement, ce rapport a été présenté avant l'adoption par le Parlement de la Loi relative à l'interdiction et à l'élimination de toutes formes d'abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants132(*)». L'article premier de cette Loi abroge le chapitre 9 du Code du Travail Haïtien sur les enfants en service. Cette Loi sanctionnait la pratique de la domesticité des enfants dans le pays. Bien que cette disposition légale interdise explicitement le travail domestique des enfants, mais elle encourage les familles haïtiennes à poursuivre la tradition de l'adoption informelle d'enfants désavantagés pour leur offrir une éducation et des soins de santé aussi adéquats qu'à leurs propres enfants, comme l'établit les articles 259 à 262 de la Constitution du 29 mars 1987.

La Direction du Travail est l'autre instance dépendant du Ministère des Affaires sociales chargée de protéger les enfants au travail. Son rôle principal est de s'assurer que les mineurs âgés de moins de 18 ans soient reconnus capables d'occuper un emploi donné, à la suite d'un examen médical approfondi. Dans le cas contraire, selon l'article 336 du Code du travail haïtien, des mesures appropriées doivent être prises par cette institution pour la réorientation ou la réadaptation physique et la formation professionnelle des adolescents chez lesquels l'examen médical aura révélé des inaptitudes, des anomalies ou des déficiences. L'article 337 de ce Code donne également à la Direction du travail la prérogative de délivrer sans frais le certificat ou le permis d'emploi pour l'admission des mineurs de 15 à 18 ans dans les établissements agricoles, industriels ou commerciaux.

2.4.2. La Police Nationale

Selon l'article 269 de la constitution, le fonctionnement de la police relève du Ministère de la Justice. Elle est créée pour la garantie de l'ordre public et la protection de la vie et des biens des citoyens. Il s'agit là d'un des aspects du devoir de garantie de l'Etat établi par cette Constitution: «  l'Etat a l'obligation impérieuse de garantir le droit à la vie, à la santé et au respect de la personne humaine, pour tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme (Article 19) ». D'un autre côté, la loi du 29 novembre 1994 portant sur la création de la PNH, en son article 7 déclare que: « Les policiers ont pour mission d'assurer la protection et le respect des libertés des personnes, des vies et des biens, de garantir la sûreté des institutions de l'Etat et de maintenir l'ordre, la paix, la sécurité, la tranquillité et la salubrité publique ». Donc d'une façon ou d'une autre, la police détient l'autorité d'intervenir en vue de la protection des enfants.

En tant qu'auxiliaire de la Justice, la Police a pour rôle aussi de rechercher les contraventions, les délits et les crimes commis en vue de la découverte et de l'arrestation de leurs auteurs (Article 273 de la Const. de 87). En ce sens, les auteurs des abus et des exactions commis contre les enfants travailleurs, partout où l'action se passe, devraient être poursuivis par la Police dans le souci de protéger ces enfants.

2.4.3. Les Autorités Judiciaires

Les autorités judiciaires en général, le Commissaire du Gouvernement, les Juges d'Instruction et le juge de paix en particulier, peuvent intervenir pour protéger les enfants contre les abus et les violations de leurs droits. De plus, il y a des agents de la Police Nationale d'Haiti qui bénéficient d'une formation spécifique en vue d'exercer certaines fonctions appartenant aux officiers de Police Judiciaire, à conditions qu'ils soient contrôlés par les autorités judiciaires et en premier lieu par le Commissaire du Gouvernement. A noter que la loi du 23 mars 1928 déclare le Commissaire du Gouvernement protecteur naturel des enfants et lui fait obligation formelle d'intervenir toutes les fois qu'il y a un mineur en cause, même lorsqu'il n'a pas été touché par une plainte133(*).

2.4.4. L'Office de la Protection du Citoyen

L'office de la protection du Citoyen est créé par la constitution de 1987 en vue de protéger tout individu, adulte ou enfant, contre toutes formes d'abus de l'Administration publique. Son intervention en faveur des plaignants se fait sans frais aucun, quelle que soit la juridiction (Article 207 de la Constitution). D'ailleurs, nous avons trouvé des cas où des enfants travaillant dans les rues se plaignent de violences exercées contre eux par des agents de Police. En ce sens, il est de la responsabilité de l'Office de Protection du Citoyen de recevoir les plaintes des enfants contre les exactions de la Police Nationale ou de tout autre membre de l'Administration Publique.

Ainsi, après avoir fini d'élaborer sur la profondeur du problème d'exploitation de la main-d`oeuvre enfantine dans nos principales villes, également, ses causes, ses conséquences et les différentes institutions publiques chargées en premier lieu de le combattre ce phénomène, nous allons aborder dans le chapitre suivant le cadre juridique en vigueur relatif au travail des enfants en Haiti.

CHAPITRE III

EVOLUTION ET CADRE JURIDIQUE

DU DROIT DES ENFANTS AU TRAVAIL EN HAITI

Dans ce chapitre consacré au cadre juridique du Droit des enfants au travail en Haiti, nous abordons dans un premier temps, très brièvement, les principaux organismes et certaines étapes juridiques importantes qui ont marqué la lutte pour la protection des enfants travailleurs. Ensuite, il convient également de faire un tour d'horizon des législations internationale et nationale relatives aux enfants travailleurs, avant de se pencher sur des faiblesses de la législation haïtienne en matière de travail des enfants. L'analyse concerne en premier lieu Haiti, mais il s'avère nécessaire de ne pas négliger des faits internationaux qui ont directement ou indirectement influé sur la réalité haïtienne. En outre, nous ne pouvons passer sous silence, le rôle prépondérant qu'a joué l'Organisation Internationale du Travail en matière de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine dans le monde.

Les sacrifices consentis par les travailleurs au début du XXe siècle et les craintes suscitées par la révolution russe de 1917 ont renforcé l'influence des organisations ouvrières. C'est donc sous leur pression que les gouvernements participant à la Conférence de la paix en janvier 1919, décidèrent d'inclure dans le traité de Versailles la partie XIII consacrée à la création de l'OIT. Cette partie XIII définit les objectifs, la structure et les moyens d'action de l'OIT. Instituée en 1919 par le traité de Versailles134(*), l'Organisation internationale du travail (OIT) a donc pour objectif essentiel de promouvoir la justice sociale, et par-là même, de contribuer à la paix mondiale. Au cours de cette même année, l'organisation a adopté la Convention sur l'âge d'admission à l'emploi135(*). Tout au long du développement de ce chapitre, nous allons mettre l'accent sur les multiples efforts, tant sur le plan juridique que social, consentis par l'OIT contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine au niveau des pays membres, dont Haiti.

3.1 . EVOLUTION DES INSTRUMENTS JURIDIQUES

RELATIFS AU TRAVAIL DES ENFANTS

En matière d'adoption de normes relatives au travail des enfants, l'Organisation International du Travail (OIT) est l'instance principale, celle qui détient la plus grande autorité dans ce domaine. C'est pourquoi, dans cette section qui consiste à faire succinctement la genèse des instruments juridiques relatifs au travail des enfants, nous mettons un accent particulier sur les actions de cette organisation.

  Il faut distinguer trois étapes dans l'action menée par l'OIT pour combattre l'exploitation du travail des enfants136(*). Dans une première étape, allant de 1919 à 1973, il a été question d'action normative et qui fut de première importance. L'OIT s'est efforcée d'influer sur les réglementations et les pratiques relatives au travail des enfants dans les Etats membres essentiellement en adoptant des conventions et recommandations internationales, concernant en particulier l'âge minimum d'admission à l'emploi137(*). Depuis 1979, et surtout depuis 1983, quand le Directeur Général a fait du travail des enfants le thème de son rapport à la conférence internationale du travail, l'OIT a mis davantage l'accent sur les campagnes de sensibilisation de l'opinion publique et la diffusion d'informations sur les formes de travail des enfants qui doivent être abolies138(*). Et enfin la troisième étape, amorcée au début des années 90, privilégie très nettement l'assistance technique directe aux gouvernements, grâce à la création du Programme International pour l'Abolition du Travail des enfants communément appelé l'IPEC qui repose sur le renforcement de la capacité des pays de s'attaquer à ce problème et sur la création d'un mouvement mondial pour le combattre139(*).

Devant l'ampleur de sa mission, l'IPEC se concentre, dans un premier temps, sur l'éradication des formes les plus abusives et intolérables de travail des enfants. Toutefois, certaines actions à entreprendre pour combattre les causes profondes de ce phénomène étant du ressort d'autres organisations, OIT a agi en concertation avec celles-ci. Il s'agit pour la plupart d'organismes déconcentrés de l'ONU et d'autres types tels : l'UNICEF, l `UNESCO, la Banque Mondiale, l'Organisation Mondiale du Commerce, etc. L'UNICEF et l `UNESCO surtout ont contribué à créer l'élan mondial en faveur des enfants qui mobilise aujourd'hui fortement l'opinion internationale sur le problème du travail des enfants140(*).

3.1.1. Evolution des mesures prises au niveau international

En ce qui a trait aux actions normatives en matière de travail des enfants, l'OIT principalement a adopté plusieurs conventions dont la première en 1919, l'année même de sa création. En plus des conventions, il y avait d'autres décisions juridiques de très grande importance qui ont été prises dans le but de réglementer la participation des enfants au travail. Les différents textes qui suivent marquent les étapes de la protection des enfants travailleurs sur le plan international :

· 1919 : la Convention No. 5 sur l'âge minimum d'admission des enfants aux travaux industriels adoptée par la Conférence Internationale du travail à sa première session. Elle a fixé l'âge minimum d'admission des enfants aux travaux industriels à 14 ans. De nombreux autres textes de l'OIT, s'appliquant à d'autres secteurs de l'économie, ont suivi, notamment neuf conventions sectorielles sur l'âge minimum d'admission à l'emploi dans les branches ou professions suivantes : l'industrie, l'agriculture, les soutiers et chauffeurs, le travail maritime, les travaux non industriels, la pêche et les travaux souterrains ;

· 1930 : Convention No. 29 de l'OIT sur le travail forcé. Le rôle essentiel de cette convention était de protéger la personne humaine en général, les enfants comme les adultes, contre le travail forcé ou obligatoire, c'est-à-dire tout travail ou service imposé par la menace à des personnes qui ne se sont pas portées volontaires. Elle vise à supprimer le recours au travail forcé ou obligatoire, c'est-à-dire au « travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel le dit individu ne s'est pas offert de plein gré ». Etant applicable à toute personne, quel que soit son âge, elle protège les enfants contre le travail forcé ou obligatoire et est appliquée à certaines formes les plus inacceptables de travail des enfants, telles que la servitude et l'exploitation de ces derniers notamment à des fins de prostitution ou de pornographie. Cette convention est l'un des instruments fondamentaux de l'OIT et fut l'un des plus largement ratifiés : 149 Etats pour la convention n°29 et 130 Etats ont ratifié la convention n°105 sur l'abolition du travail forcé en 1957 qui complète la convention n°29 ;

· 1966 : Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies et entré en vigueur en 1976. Ce pacte affirme les principes des Droits de la Déclaration Universelle des Droits l'Homme de 1948 concernant les Droits civils et politiques et obligent les Etats parties à prendre des mesures pour la mise en oeuvre de ces droits. Selon ce pacte, personne, y compris les enfants, ne doit être tenue en esclavage ou servitude, ni astreint à un travail forcé ou obligatoire (Art. 8) ;

· 1966 : Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies et entrée en vigueur en 1976. Ce pacte affirme les principes des Droits de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 concernant les Droits économiques, sociaux et culturels. Dans son article 10, il est fait obligation aux Etats parties de protéger les jeunes contre l'exploitation économique et contre toute forme de travail susceptible de nuire à leur santé, à leur vie, à leur développement normal ou à leur moralité. Il oblige également les Etats parties à fixer des limites d'âge au-dessous desquelles l'emploi rémunéré de main-d'oeuvre enfantin sera interdit et sanctionné par la loi ;

· 1973 : la Convention No. 138 de l'OIT sur l'âge minimum d'admission à l'emploi. Elle se substitue à tous les instruments antérieurs de l'OIT sur le travail des enfants applicables à des secteurs économiques limités. Elle prescrit aux Etats membres de poursuivre une politique nationale visant à assurer l'abolition de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Elle prévoit qu'aucun enfant ne peut être employé dans un secteur économique, tant qu'il n'aura pas dépassé l'âge de la scolarité obligatoire, et dans tous les cas jamais avant 15 ans. l'âge minimum d'admission à tout type d'emploi ou de travail susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents ne peut être inférieur à 18 ans. Il y a aussi la Recommandation No. 146 accompagnant la Convention qui fixe l'âge minimum d'admission à l`emploi à 16 ans, mais celle-ci n'as pas force obligatoire ;

· 1989 et 1999 : marquent les années des plus récentes adoptions d'instruments internationaux de protection d'enfants au travail. Il y a la Convention Internationale des droits de l'enfant adopté en novembre 1989 par l'assemblée générale des Nations Unies et la convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants adopté en 1999 par la Conférence International du Travail.

3.1.2. Evolution des mesures prises au niveau national

Au niveau National, il faut faire remarquer que la République d'Haiti a ratifié un certain nombre de ces instruments internationaux considérés ci-dessus et d'autres qui sont tout aussi important pour le renforcement de la législation haïtienne, ne l'ont pas été. Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention No. 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi et plus récemment la Convention No.182 sur les pires formes de travail des enfants sont parmi les plus importants instruments internationaux qui attendent d'être ratifiés par le Parlement Haïtien.

En Haiti, le travail des enfants ne fait pas l'objet d'une législation spécifique, c'est-à-dire, il n'existe pas un « Code du Travail » spécifiquement pour les enfants. Il existe pourtant des mesures de protection générale, applicable à tous les enfants, sans qu'il y ait de mention particulière à une catégorie donnée. Toutefois, nous essayons de partager dans cette section certaines mesures légales d'ordre général de protection d'enfants travailleurs prises dans la législation haïtienne. Nous ne considérons que les étapes les plus remarquables :

· 1826 : le code Rural de 1826 imposa aux propriétaires et fermiers l'obligation de faire soigner les enfants en bas-âge qui travaillaient sur leurs propriétés ; ceux de 9 à 11 ans devraient être occupés selon leur âge ou leur force, et ceux de 12 ans à 16 ans révolus selon leur capacités141(*) ;

· 1946-1947 : l'année 46 peut être considérée comme l'année du début de la législation sociale en Haiti. C'est la révolution de 1946 qui a posé pour la première fois sur le plan politique le problème de la protection des travailleurs, nous dit Me. François LATORTUE142(*). Le 30 novembre de cette année a été crée le bureau du travail et à partir de là, la législation du travail à peine amorcée, allait voir le jour. Peu de temps après, soit en 1947, au moins une dizaine de lois allaient être promulguées dont: la Loi du 28 juillet 1947 sur l'emploi des mineurs et la Loi du 12 septembre 1947 sur les enfants en service ;

· 1960 : le décret du 8 décembre 1960143(*) faisant obligation aux parents ou personne responsable d'un mineur de l'envoyer à l'école et sanctionnant ces derniers d'emprisonnement quand l'enfant est trouvé dans la rue. Cette loi ne s'applique pas directement au travail des enfants, mais entretient un certain rapport dans la mesure où le plus souvent les enfants de moins de 10 ans qui mènent une activité économique fréquentent rarement un établissement scolaire ;

· 1961 : Décret du 12 septembre 1961 mettant à jour le Code du Travail, c'est donc la première codification des « Lois sur le Travail en Haiti »144(*). Ce Code a été révisé et mis à jour par le décret du 24 février 1984. Deux chapitres y sont consacrés aux enfants ;

· 1987 : l'article 35-6 de la constitution de 1987 fait référence à des lois spéciales devant réglementer le travail des enfants et l'article 261 assure la protection à tous les enfants et leur accorde le droit à l'amour, à l'affection, à la compréhension et aux soins moraux et matériels de leurs père et mère ;

· 2003 : Loi relative à l'interdiction et à l'élimination de toutes formes d'abus, de violences, de mauvais traitements ou traitements inhumains contre les enfants145(*). Cette Loi abroge le chapitre 9 du Code du Travail Haïtien, qui sanctionnait le travail domestique des enfants (appelés couramment restavèk). Le Parlement a également passé une Loi interdisant le trafic d'enfants sous toutes ses formes à des fins de travail domestique, d'exploitation sexuelle, de prostitution, de pornographie, d'activités criminelles, à des fins scientifiques ou d'utilisation d'organes, ou encore pour des conflits armés146(*).

3.2. LES INSTRUMENTS INTERNATIONNAUX

SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS EN VIGUEUR EN HAITI

Dans cette section, nous abordons les instruments internationaux dûment signés et ratifiés par les autorités haïtiennes. En effet, selon l'article 276-2 de la Constitution de 29 mars 1987, les traités, accords ou conventions sanctionnés et ratifiées dans les formes prévues par la constitution, font partie de la législation d'Haiti et abrogent tous les lois qui leur sont contraires. Dès lors, le pays est juridiquement engagé par ces normes internationales et, de droit, ils intègrent sans réserve le système de lois interne. En termes de législation internationale touchant en tout ou en partie le problème du travail des enfants, nous retenons la convention Internationale des Droits de l'enfant, les quatre conventions internationales de l'OIT ratifiés par Haiti et d'autres textes traitant indirectement le travail des enfants.

3.2.1. La Convention Internationale des Droits de l'Enfant

La Convention Internationale des Droits de l'enfant, comme nous l'avons déjà souligné fait partie d'emblée de la législation haïtienne147(*). Cette Convention est l'instrument juridique le plus complet en matière de protection des enfants. Elle définit des droits interdépendants et individuels de tous les enfants, sur les plans civil, économique, social et culturel. Il s'agit des droits essentiels à la survie, au développement, à la protection de tous les enfants sans distinction. Pour ce qui a trait au travail de l'enfant, l'UNICEF, dans son rapport sur la situation des enfants de 1997, souligne ce qui suit : « Faisant le lien entre droits, survie et développement des enfants, quasiment tous les articles de la convention tournent autour du travail des enfants, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de la nutrition, du repos de la sécurité ou des responsabilités des parents148(*)».

Mais, directement l'article 32 de cette Convention condamne l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine ou plus généralement son exploitation économique. Tout travail comportant des risques ou susceptible de compromettre l'éducation, de nuire à la santé ou au développement physique, mental, spirituel, moral ou social des enfants, est condamnable. Donc, Haiti en tant qu'Etat partie est contraint par cet instrument juridique de prendre des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour l'application de cet article. A cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des autres instruments internationaux ratifiés également par Haiti, l'Etat doit prendre des mesures appropriées pour assurer l'application effective de tous ces instruments juridiques.

Le Bureau International du Travail communique régulièrement des informations sur l'application des dispositions pertinentes de cet instrument au Groupe de travail de présentation du Comité des Droits de l'Enfant, qui examine les rapports des Etats parties relatifs à l'application de la Convention des Droits de l'enfant. De plus, certains articles de la convention concernent d'autres formes extrêmes de travail des enfants que nous ne traitons pas dans cette étude, par exemple, l'exploitation et la violence sexuelles, l'enlèvement, la vente et la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et toutes autres formes d'exploitation préjudiciables à tout aspect de leur bien-être. L'article 39 de la convention invite les Etats parties à prendre toutes les mesures possibles et appropriées pour faciliter la réadaptation physique, psychologique et sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices.

3.2.2. Les Conventions de l`OIT

Haiti a déjà ratifié quatre conventions de l'OIT sur le travail des enfants, bien que ces Conventions ne soient plus ouvertes à la ratification, c'est-à-dire ils sont modifiés ou remplacés par d'autres conventions plus récentes, mais dans le cas d'Haïti elles sont toujours en vigueur. Il est fait mention que les présentes Conventions demeureraient en tout cas en vigueur dans sa forme et teneur pour les membres qui les auraient ratifiés et qui ne ratifieraient pas la convention portant révision149(*). Les quatre conventions concernées ont été toutes remplacées par la Convention No. 138 sur l'âge Minimum d'admission à l'emploi qui n'est pas encore ratifiée par le Parlement Haïtien. Il s'agit respectivement de :

· La Convention fixant l'âge minimum d'admission des enfants aux travaux industriels. : Cette Convention a été adoptée en 1919 par la Conférence Internationale du travail, elle a été révisée en 1937 et ratifié par Haiti en 1956150(*). Cette Convention interdit les enfants de moins de 15 ans d'être employés ou de travailler dans les établissements industriels, publics ou privés, ou dans leurs dépendances ;

· La Convention concernant le travail de nuit des enfants dans l'industrie : elle a été révisée en 1948 par la Convention n°. 90 et ratifié par Haiti en 1956151(*). Selon cette Convention, les enfants de moins de 18 ans ne devront pas être employés ou travaillés la nuit dans les entreprises industrielles, publiques ou privées, ou dans leurs dépendances, sauf dans des cas spéciaux (Sic)152(*). Pour les enfants de moins de seize ans, cette période comprendra l'intervalle écoulé entre 10 heures du soir et 6 heures du matin. Pour les enfants de 16 ans révolus, mais de moins de dix-huit ans, cette période comprendra un intervalle déterminé par l'autorité compétente d'au moins sept heures consécutives s'insérant entre 10 heures du soir et 7 heures du matin ;

· La Convention concernant l'examen médical d'aptitude à l'emploi des enfants et des adolescents pour des Travaux non-industriels : adoptée le 9 octobre 1946 par la conférence Internationale du travail et ratifié par Haiti en 1956153(*). Elle exige pour les enfants et les adolescents de moins de dix-huit un examen médical d'aptitude à l'emploi effectué par un médecin qualifié agréé par l'autorité compétente et devra être constaté soit par un certificat médical, soit par une annotation portée au permis d'emploi ou au livret de travail. Pour des travaux qui présentent des risques élevés pour la santé, l'examen médical d'aptitude à l'emploi et ses renouvellements périodiques doivent être exigés jusqu'à l'âge de vingt et un ans au moins. Ces examens, de plus, ne doivent entraîner aucun frais pour l'enfant ou l'adolescent ou pour ses parents. Exception de faire ces examens, est faite pour l'emploi dans les entreprises familiales où sont occupés seulement les parents et leurs enfants ou pupilles, pour l'exécution de travaux qui sont reconnus n'être pas dangereux pour la santé des enfants adolescents. Cette convention exige également que des mesures appropriées soient prises par l'autorité compétente pour la réorientation ou la réadaptation physique et professionnelle des enfants et des adolescents chez lesquels l'examen médical aura révélé des inaptitudes, des anomalies ou des déficiences154(*) ;

· La Convention concernant l'examen médical d'aptitude à l'emploi dans l'industrie des enfants et des adolescents. Elle a été adoptée le 9 octobre 1946 par la conférence Internationale du travail et ratifiée par Haiti en 1956155(*). Cette convention fait les mêmes exigences que celle concernant l'examen médical d'aptitude à l'emploi des enfants et des adolescents pour des Travaux non- industriels. La seule différence, c'est que celle-ci ne fait pas d'exception par rapport à celle faite à l'article 1-1 concernant l'emploi dans les entreprises familiales qui n'a pas besoin de cet examen médical d'aptitude à l'emploi. 

3.2.3. Autres instruments internationaux

Il y a d'autres textes qui, en fonction de leur dimension, concernent les droits de tous les êtres humains ; qu'il s'agisse d'enfant ou d'adulte. De ce fait, ces instruments juridiques peuvent être évoqués comme des dispositifs de protection des enfants travailleurs. D'autres en plus, ils sont tous, heureusement, signés et ratifiés par les autorités haïtiennes. Ce sont : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, le Pacte Relatif aux Droits Civils et Politiques et la convention Américaine Relative aux Droits de l'Homme. Nous ne considérons à travers ces textes que les articles qui proscrivent la pratique de toutes les formes d'esclavage, de servitude et de travaux forcés :

· La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948156(*) stipule dans son article 4 que «  nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes » ;

· le Pacte Relatif aux Droits Civils et Politiques157(*) reprend aussi au terme de son article 8 que «  personne ne doit être tenu en esclavage ou en servitude, ni astreint au travail forcé » ;

· La Convention Américaine relative aux droits de l'Homme du 18 Août 1979 dans son article 19 déclare que « tout enfant a droit aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur, de la part de sa famille, de la société et de l'Etat158(*) ».

Dans une certaine mesure, nous pouvons même considérer la déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux159(*) au travail qui concerne tous les membres de l'OIT. L'article 2 de cette Déclaration précise que : «  l'ensemble des Membres, même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en question, ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions ». L'une des exigences fondamentales de cette Déclaration est l'abolition effective des pires formes de travail des enfants. Elle n'a pas force de loi certes, mais elle suscite des obligations morales en faveur des travailleurs, enfants ou adultes.

3.3. LES INSTRUMENTS JURIDIQUES NATIONAUX

SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS

Cette section concerne les principaux instruments juridiques adoptés au niveau national touchant le travail des enfants. C'est bien malheureux que depuis environ une dizaine d'années, les efforts pour doter la législation haïtienne d'un « Code de l'enfant » n'ont jamais abouti. Comme conséquence, des lois spéciales régissant le Droit de l'enfant dans tous ses aspects sont peu nombreuses. A part le Code du Travail qui consacre quelques articles au travail des mineurs, il n'en existe presque pas. La Constitution de 1987 n'en parle qu'indirectement et de façon vague. Dans les paragraphes subséquents, nous analysons le contenu de ces deux textes par rapport au travail des enfants en Haiti.

3.3.1. La Constitution Haïtienne de 1987160(*)

L'article 35 de la charte fondamentale de la République d'Haiti est le seul qui aborde la question du travail. Cet article traite de la liberté du travail de façon générale. Il garantit la liberté de travail à tout individu. Chaque citoyen est du même coup obligé de se consacrer à un travail de son choix en vue de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, de coopérer avec l'Etat à l'établissement d'un système de sécurité sociale. Disons mieux la constitution accorde à tout citoyen travaillant dans une institution privée ou publique le droit à un juste salaire, au repos, au congé annuel payé et au boni. Et de plus l'Etat garantit aux travailleurs l'égalité des conditions de travail et de salaire quels que soient son sexe, ses croyances, ses opinions et son statut matrimonial.

Mais pour le travail des enfants typiquement, cette constitution ne traite la question que superficiellement au niveau de l'alinéa 6 de l'article 35 : «  la loi fixe la limite d'âge pour le travail salarié. Des lois spéciales réglementant le travail des enfants mineurs et des gens de maison [Sic] ». Certainement, elle se réfère aux chapitre VIII du Code du Travail qui réglementent la situation des mineurs au travail.

3.3.2. Le Code du Travail

L'élaboration du premier Code du Travail en Haiti remonte à l'année 1961. Son objet a été de reprendre les principes généraux admis en la matière en vue d'harmoniser les rapports du travail et du Capital, d'assurer le bien-être du travailleur en favorisant le relèvement de son niveau de vie sur le plan physique, moral, matériel et spirituel161(*). L'actuel Code du Travail a été révisé et mis à jour par le décret du 24 février 1984162(*). Il est le principal document de base de la législation haïtienne en matière de travail des enfants. Un chapitre y est consacré strictement aux enfants ; il s`agit du chapitre VIII sur le travail des mineurs. Il faut faire remarquer que les dispositions de ce chapitre sont loin d'être suffisantes pour résoudre un problème de si grande ampleur. Toutefois, si elles étaient appliquées à la lettre, le phénomène d'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine dans nos centres urbains ne serait pas aussi alarmant.

Le travail des mineurs est traité à travers les articles 332 à 340 du code du travail :

· d'abord l'article 332 rassure que les mineurs auront les mêmes droits et les mêmes obligations que les majeurs sous l'empire de la législation du travail ;

· contrairement à ce qui se passe à travers les rues de Port-au-Prince, des Gonaïves et du Cap-Haïtien, voire dans toutes les grandes villes du pays, l'article 333 stipule que les mineurs ne pourront être occupés à des travaux insalubres, pénibles ou dangereux du point de vue physique ou moral, ni prêter leurs services dans des lieux où se débitent les boissons alcooliques ;

· L'article 334 empêche le travail de nuit des mineurs de moins de dix-huit ans dans des entreprises industrielles, publiques ou privées ou dans leurs dépendances ;

· sans aucune forme d'exception, l'article 335 déclare formellement que les mineurs âgés de moins de 15 ans ne pourront travailler dans les entreprises industrielles, agricoles ou commerciales. Cet article entretient un rapport direct avec l'article 10 du Code du travail qui sous-entend que les mineurs autorisés à travailler par la Loi dans les entreprises industrielles, agricoles et commerciales font l'objet d'une protection spéciale. De plus, cet article 10 du Code du Travail ajoute que : « Chaque enfant a droit à une instruction professionnelle appropriée en plus de l'enseignement primaire obligatoire »;

· pour les mineurs âgés de moins de 18 ans, mais de plus de 14 ans, ils ne pourront travailler dans une entreprise que s'ils ont été reconnus aptes à l'emploi auquel ils seront occupés à la suite d'un examen médical approfondi. En outre, des mesures appropriées doivent être prises par la direction du travail pour la réorientation ou la réadaptation physique et la formation professionnelle des adolescents chez lesquels l'examen médical aura révélé des inaptitudes, des anomalies ou des déficiences. Nous venons de citer l'article 336 ;

· l'article 337 déclare que le mineur de 15 à 18 ans devra obtenir préalablement à son entrée en service dans un établissement agricole, industriel ou commercial, un certificat ou permis d'emploi délivré sans frais par la Direction du Travail ;

· l'article 338 exige que le permis d'emploi au mineur soit délivré en triple exemplaire dont un doit être remis à chacune des parties et l'autre gardé à la Direction du Travail. La copie de l'employeur doit rester en sa possession pendant tout le temps que le mineur est à son service et sera retournée par ses soins à la Direction du Travail en cas de cessation de service de l'enfant et quand celui-ci aura atteint l'âge de 18 ans. En effet de telle pratique n'existe que sur papier ; dans la réalité aucun travailleur ne dispose de ce permis ;

· l'article 339 fait obligation aux employeurs qui ont des mineurs de 15 à 18 ans à leur service de tenir un registre comportant certaines informations sur les mineurs, leurs parents ou personnes responsables, l'entreprise, etc. Là encore, ce sont des dispositions purement théoriques qui n'ont rien à voir avec la réalité. Elles ne pourraient être appliquées que dans le secteur formel, mais malheureusement la grande majorité des enfants travaillent dans les secteurs dépourvus de structures. Ces informations obligatoires sont les suivantes :

1. âge du travailleur ;

2. nom et prénom, domicile et résidence du travailleur ;

3. nom et prénom des père et mère du travailleur ou, le cas échéant de ses représentants légaux ;

4. nom de l'entreprise et de l'employeur, domicile et résidence de ce dernier ;

5. autorisation écrite des père et mère ou des représentants légaux du travailleur ;

6. occupation des père et mère ;

7. horaire de travail ;

8. forme et montant de la rétribution ou du salaire ;

9. date du début de l'emploi ;

10. numéro et date du certificat ou permis d'emploi délivré au mineur par la Direction du Travail.

· Enfin l'article 340 prévoit une amende, de 3.000.00 à 5.000.00 gourdes pour chaque infraction, contre tout patron ou chef d'entreprise qui aurait engagé dans son entreprise un mineur non muni de son certificat ou permis d'emploi.

Soulignons également deux autres articles importants du code du Travail ; il s'agit des articles 20 et 233. Le premier permet aux mineurs autorisés par la Direction du Travail de conclure des contrats de travail. Le second permet aux mineurs de moins de dix-huit ans de s'adhérer aux syndicats, moyennant l'autorisation de leurs parents ou des personnes responsables. Même s'ils sont admis à faire partie des membres des syndicats, mais en aucun cas ils ne pourront participer à l'administration ou à la Direction de ces associations. Pour la majorité des enfants qui travaillent dans les rues, c'est sûr qu'ils ne pourraient jamais participer dans les syndicats, car ils n'ont ni parents, ni personnes responsables. On ne pourrait même pas parler de l'IBESR qui est censé la principale instance responsable de ces enfants, celui-ci n'a pas les moyens de sa politique et est quasiment non-fonctionnel.

Les observateurs et militants des droits de l'enfant avaient toujours considère comme une aberration grave le fait que la domesticité soit reconnue dans la législation haïtienne. Ils luttaient beaucoup pour que les articles traitant de la domesticité soient abrogés dans le Code du Travail. Effectivement, à force de lutter, ils avaient eu enfin gain de cause. En mai 2003, le Parlement a passé une Loi abrogeant le chapitre 9 du Code du Travail d'Haiti, qui sanctionnait le travail domestique des enfants (appelés couramment restavèk). Bien que cette Loi interdise explicitement le travail domestique des enfants, mais elle encourage les familles haïtiennes à poursuivre la tradition de l'adoption informelle d'enfants désavantagés pour leur offrir une éducation et des soins de santé similaires à ceux offerts à leurs propres enfants, comme l'établit le Titre X de la Constitution du 29 mars 1987. Le Parlement a également passé une Loi interdisant le trafic d'enfants sous toutes ses formes à des fins de travail domestique, d'exploitation sexuelle, de prostitution, de pornographie, d'activités criminelles, à des fins scientifiques ou d'utilisation d'organes, ou encore pour des conflits armés163(*). Mais jusqu'à maintenant, ces Lois sont méconnues de certains professionnels du droit et défenseurs des Droits de l'enfant, faute d'un mécanisme efficace de vulgarisation des mesures législatives adoptées dans le pays. Le Moniteur, journal officiel de la République, ou ces dispositions sont publiées, n'est opérationnel qu'au niveau de Port-au-Prince.

3.4. LES FAIBLESSES DU CADRE JURIDIQUE NATIONAL RELATIF AU TRAVAIL DES ENFANTS

Les plus grandes faiblesses du cadre juridique haïtien résident au niveau de l'inadaptation des anciennes lois à la réalité contemporaine. Il s'agit également de la réticence des pouvoirs exécutif et parlementaire à adopter les dispositions spéciales commandées par la Constitution en vigueur. Par exemple, la majorité des lois spéciales imposées par la Constitution du 29 mars 1987 ne sont jamais adoptées. Nous venons de le souligner précédemment, la Charte Fondamentale de la République ne donne qu'une idée générale du travail des enfants, elle renvoie à des Lois spéciales pour les détails nécessaires, pourtant près de vingt ans après l'élaboration de cette Constitution, la majorité de ces lois spéciales se font toujours attendre. Ce sont en fait, pour la plupart, des Lois désuètes, des Lois dépassées par la réalité contemporaine qui décident du sort des enfants travailleurs.

Dans cette section, nous allons analyser les défaillances de la législation haïtienne en matière de travail des enfants. Cette analyse est faite par rapport aux faiblesses du Code du Travail, à la non-actualisation de la Législation Nationale et au vide laissé par la non-ratification des Conventions Nos. 138 et 182 de l'OIT, respectivement, sur l'âge minimum d `admission à l'emploi et sur les pires formes de travail des enfants.

3.4.1. Les faiblesses du Code du Travail

La première remarque à faire c'est que le Code du Travail régit surtout le travail des enfants évoluant dans le secteur formel structuré, lequel secteur qui est d'ailleurs très restreint en Haiti. Le travail de la grande majorité des travailleurs enfantins qui évoluent dans le secteur informel constitué des petites entreprises, des petits commerces, des travaux divers des rues, n'est pas réglementé dans ce Code. A bien analyser certaines de ses dispositions, il est facile de constater que le Code du travail ne prend pas en compte les spécificités sociales et économiques des enfants travailleurs, voire leurs employeurs. D'ailleurs en Haiti, nous constatons de toute évidence qu'en majorité, ce sont des individus ou des entreprises de faibles moyens économiques qui emploient le plus souvent les enfants. Ces modestes employeurs disposent des revenus ou des capitaux très maigres, donc ils n'ont d'autres choix que d'introduire dans leur personnel des mineurs. La main-d'oeuvre enfantine étant beaucoup plus à bon marché que celles des adultes, les propriétaires de ces entreprises préfèrent recourir aux services des enfants. En ce sens, le Code du Travail ou toutes autres Lois relatives au Travail des enfants devraient tenir compte de cette réalité. Une personne ou une institution qui n'est pas en mesure de respecter le droit de l'enfant travailleur à un salaire raisonnable, ne doit pas non plus l'embaucher. Il revient à la Loi de poser les conditions pour empêcher à certains individus de recourir à la main-d'oeuvre enfantine.

Parmi les autres faiblesses relativement remarquables du Code du travail en matière de travail des mineurs, on pourrait retenir la carence des sanctions prévues à l'encontre des contrevenants, qui sont généralement trop légères pour avoir un effet dissuasif. De plus, l'interdiction est faite certes aux employeurs d'engager des enfants à des travaux susceptibles de nuire à leur santé ou à leur sécurité; c'est-à-dire des travaux insalubres, pénibles ou dangereux du point de vue physique ou moral. Cependant, il n'y a pas de dispositions réglementaires qui permettraient de savoir avec exactitude en quoi consistent ces travaux. Cette imprécision est une faiblesse dans la mesure où elle pourrait donner lieu à des interprétations diverses.

3.4.2. La non-actualisation de la Législation Nationale

Nous avons à plusieurs reprises mentionné le caractère généraliste de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. Elle énonce tous les droits fondamentaux de l'enfant allant des droits civils, sociaux, culturels et économiques. Donc, il y a un effort à faire du côté des autorités constituées en vue d'actualiser le cadre juridique haïtien aux exigences de cette convention. Certaines dispositions relatives au travail des enfants méritent d'être actualisées non seulement pour répondre à la réalité des instruments internationaux dûment ratifiés, mais aussi pour être en accord avec la réalité contemporaine.

3.4.3. La non-ratification des Conventions de l'OIT

Les Conventions 138 et 182 de l'OIT sont considérées comme deux Conventions Fondamentales sur le travail des enfants. La première sur l'âge minimum d'admission à l'emploi a été adoptée en 1973 et remplaçait toutes celles adoptées antérieurement. Et la seconde concerne les pires formes de travail des enfants, elle a été adoptée en 1999. Ces deux Conventions sont de nos jours signées par l'Etat haïtien, mais ne sont pas encore ratifiées par le Parlement.

La Convention No. 138 exige des Etats la définition et la mise en oeuvre d'une politique nationale visant à assurer l'abolition effective de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Elle fait injonction aux Etats parties à élever progressivement l'âge minimum d'admission à l'emploi à un niveau permettant aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental. Cette Convention n'admet pas que l'enfant soit employé en dessous de l'âge minimum requis. Le strict minimum d'âge autorisé par la Convention No. 138 est de 13 ans pour des travaux légers qui ne soient pas susceptibles de porter préjudice à la santé et au développement des enfants. Des travaux qui ne soient pas de nature à porter préjudice à leur assiduité scolaire, à leur participation à des programmes d'orientation ou de formation professionnelle approuvés par l'autorité compétente ou à leur aptitude à bénéficier de l'instruction reçue.

L'autre texte concerne la Convention No. 182 sur les pires formes de travail des enfants. La non-ratification de cette Convention crée un vide assez considérable dans la législation haïtienne. Cette dernière n'a pas beaucoup de provisions légales et bien définies concernant ces pires formes d'exploitation enfantine décrites par la Convention 182. Pourtant, ces pratiques criminelles sont pour la plupart très répandues en Haiti. Dans cette Convention, l'expression « les pires formes de travail des enfants » est définie au terme de l'article 3. Elle comprend toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. Il y a aussi l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques, sans oublier l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants.

Enfin de compte, après l'étude de l'évolution des instruments juridiques relatifs au travail des enfants tant sur le plan international que national, l'analyse des différents textes de lois sur le travail des enfants en vigueur en Haiti et surtout des faiblesses de ces textes, le chapitre suivant fera place aux recommandations pour la définition d'un Plan de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine.

CHAPITRE IV

POUR UN PLAN DE LUTTE EFFICACE CONTRE

L'EXPLOITATION DES ENFANTS  TRAVAILLEURS

Nos recommandations se tournent autour de la définition d'un Plan de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine en Haiti. Il s'agit d'un Plan qui doit associer tous les segments de la société haïtienne. Il serait irréaliste de croire qu'un problème aussi profond que celui de l'exploitation des enfants travailleurs puisse être résolu sans l'action conjointe de toutes les institutions concernées par la question, tant au niveau national qu'international. Face à l'ampleur et à la complexité de ce fléau dans nos villes, il faut un Plan national de lutte répondant aux exigences  suivantes: les actions à entreprendre, les acteurs à impliquer dans la mise en oeuvre et les stratégies d'application de ce Plan. En d'autres termes, ce Plan englobe les mesures concrètes à adopter, les différents acteurs qui doivent s'engager dans le processus et comment il faut y parvenir.

Pour ce qui a trait au calendrier, il est difficile de définir un calendrier précis d'application, les efforts doivent être faits le plus vite que possible pour améliorer la situation des enfants travailleurs soumis à l'exploitation. Ces enfants ne peuvent plus attendre, pour répéter les mots de Marilia SARDENBERG164(*). Toutefois, étant donné que le problème ne peut pas être résolu en un seul temps, la priorité doit être accordée à l'éradication des pires formes de travail des enfants en Haiti, c'est-à-dire les activités conduites dans des conditions proches de l'esclavage, particulièrement dangereuses ou dégradantes. Sans délai, il faut que des mesures de prévention soient prises dans le but de protéger les enfants qui ne sont pas encore astreints aux travaux éreintants compromettant leur épanouissement intellectuel et physique. L'expérience du Programme International pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) a montré qu'il est plus facile et moins coûteux de prévenir le travail des enfants que d'en affranchir ceux qui y sont astreints et de les réadapter165(*).

4.1. LES ACTIONS À ENTREPRENDRE

Nous réalisons que l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine est liée à la pauvreté et au sous-développement, de plus les ressources disponibles pour en réduire l'incidence et les méfaits sont singulièrement limitées dans un pays comme Haiti où le problème se pose avec plus d'intensité. Le nombre des enfants qui travaillent, même si l'on ne considère que ceux qui le font dans des conditions dégradantes est assez élevé, il suffit tout simplement de jeter un coup d'oeil à travers les rues des grandes villes pour constater les dégâts. Aucun pays digne de ce nom ne peut admettre que ses enfants subissent ce triste sort, les enfants constituent nécessairement l'avenir de la société haïtienne, tout doit être mis en oeuvre en vue d'assurer leur épanouissement physique, intellectuel et psychologique. Des actions concrètes doivent être entreprises le plus promptement possible afin de combattre l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine en Haiti.

Ces actions pour être efficaces doivent être menées en synergies avec tous les secteurs intéressés par la question de protection et du bien-être des enfants, néanmoins, il faut fondamentalement un engagement politique au niveau national, un engagement ferme de l'Etat appuyé par des ressources et se traduisant par un ensemble de mesures concrètes. Parmi lesquelles, nous distinguons des efforts pour l'instauration de la stabilité politique en Haiti, la lutte contre la pauvreté, l'application et le renforcement de la législation relative à l'enfant et le renforcement de la capacité des institutions publiques nationales.

4.1.1. Instaurer la stabilité politique

Le premier grand effort à faire pour améliorer la situation des enfants travailleurs consiste à favoriser un environnement politique stable dans le pays sans lequel aucune mesure durable et efficace ne peut-être prise. Il n'est un secret pour personne que la situation socio-politique du pays commence à s'aggraver à partir des deux dernières décennies. Les différentes luttes pour le contrôle du pouvoir à partir de 1985 détruisent presque toutes les institutions du pays et comme conséquence l'Etat perd de plus en plus son autorité, notre économie est réduite au niveau le plus bas. Pour une amélioration du sort des enfants travailleurs, il faut que tous les citoyens oeuvrent à l'instauration de la stabilité politique en Haiti. Aucun Plan de lutte contre le travail des enfants ne sera efficace sans la stabilité politique en Haiti, les querelles politiques, l'insécurité, l'intolérance, l'anarchie ne sont que favorables à l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine.

Pour que des lois de protection puissent être adoptées ou ratifiées en faveur des enfants, il faut qu'il y ait un Parlement régulier élu selon les prescrits constitutionnels. Les querelles politiques, les luttes acharnées pour le contrôle du pouvoir et la conquête du pouvoir par les moyens détournés et inconstitutionnels doivent cesser dans le pays en vue d'une amélioration des conditions de vie des enfants en général et des mineurs travailleurs en particulier. Comment peut-on imaginer que des mesures concrètes soient prises au bénéfice des enfants travailleurs sans une stabilité politique ?

4.1.2. Lutter contre la pauvreté

La lutte contre la pauvreté apparaît aussi comme une action importante à accomplir pour améliorer la situation des enfants travailleurs. La pauvreté est reconnue comme l'une des principales causes de l'exploitation des enfants travailleurs. Non seulement les enfants qui sont astreints au travail proviennent des familles à très faibles revenus, mais aussi en majorité les employeurs de ces enfants sont des gens à condition économique modeste. Il faut donc s'attaquer aux racines du mal, c'est-à-dire la pauvreté, et combattre en même temps les facteurs qui sont à son origine. Il faut en particulier s'appuyer sur des stratégies qui créent des emplois durables pour les déshérités dans le cadre de programmes de lutte contre la pauvreté. Des mesures doivent être prises en vue de promouvoir la croissance économique, à répartir plus équitablement le revenu national et à mettre en valeur les ressources humaines. Il faut offrir aux enfants qui travaillent dans les mauvaises conditions, des alternatives viables comme une éducation ou une formation qui leur permette de se réincorporer dans le système scolaire ou un autre emploi rémunéré qui soit plus compatible avec leur âge. Pour mener cette lutte acharnée contre la pauvreté, l'Etat peut-être appuyé dans cette démarche par la communauté internationale, car lors du sommet du millénaire des Nations-unies en 2000, l'un des objectifs fixés a été de réduire l'extrême pauvreté et la faim166(*).

4.1.3. Appliquer et renforcer la Législation sur les enfants

En plus de l'instauration de la stabilité politique et de la lutte contre la pauvreté en Haiti, d'autres actions tout aussi importantes sont à entreprendre. L'application et le renforcement de la législation sur les enfants en est une. Car, en Haiti, il y a tant bien que mal des lois visant à la protection des enfants au travail, ce qui est surtout problématique, c'est l'inexistence d'un mécanisme de mise en application de ces lois. A un certain niveau, il y a aussi le besoin de renforcer le cadre juridique existant, en y ajoutant des mesures réglementant le travail de toutes les catégories de travailleurs enfantins, qu'ils évoluent dans le secteur formel ou informel de l'économie. Il faut prévoir des peines contre les auteurs des abus et d'acte d'exploitation sur la personne des enfants travailleurs. Le renforcement doit se faire aussi en ratifiant des Conventions Internationales relatives au travail des enfants. Il faut qu'il y ait des interventions préventives se traduisant par l'adoption de lois protectrices en faveur des enfants travailleurs ainsi que le contrôle de leur application. Ce qui permettra de réguler les comportements des employeurs, c'est-à-dire les auteurs directs de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine.

Cependant, il y a lieu de souligner que le fait de mettre en place un cadre juridique ne résoudra pas à lui seul le problème. Il est aussi indispensable de parvenir à mettre la Législation sur le Travail des Enfants en pratique. D'autant plus qu'en Haiti, le Travail des Enfants est localisé dans l'économie informelle ou à l'intérieur des foyers et que, les services de protection des enfants font face à un manque considérable de ressources nécessaires pour effectuer leur tâche efficacement. Donc, le mieux, c'est de définir des mécanismes pratiques et réalistes de lutte contre l'exploitation des enfants travailleurs. Il ne suffit pas seulement d'adopter des lois, mais il faut aussi des mesures d'accompagnement nécessaires à l'application de ces lois.

4.1.4. Renforcer la capacité des institutions

Du point de vue de l'efficacité de la protection assurée par la loi contre le travail des enfants, le principal obstacle est constitué par les défaillances qui caractérisent les institutions chargées de protéger les enfants et de faire appliquer la loi en leur faveur. Ces institutions ont rarement la capacité d'accomplir leur mission. Pour lutter contre l`exploitation des enfants travailleurs, il faut donc également renforcer la capacité de ces institutions. Ainsi, elles pourront contrôler la multitude de lieux de travail où l'on rencontre la plupart des enfants travailleurs comme, par exemple, les métiers des rues, les petits établissements commerciaux et, dans le cas des domestiques à gages, au domicile des particuliers.

En plus du renforcement des institutions chargées de protéger les enfants et de faire respecter leurs droits, il faut penser aussi au renforcement du système éducatif en particulier. Il faut mettre à la disposition des enfants des familles les plus pauvres des écoles primaires qui leur soient accessibles du point de vue des distances à parcourir, qui soient gratuites ou en tout cas libérées de tout coût direct. Ces Ecoles doivent dispenser un enseignement pertinent, c'est-à-dire adapté à l'environnement économique et social de ces enfants et leur donnant de bonnes chances de s'y insérer professionnellement par la suite. La charge de fournir une telle opportunité est, bien sûr, l'une des responsabilités fondamentales de l'Etat. Elle pourrait à coup sûr aider à lutter contre le travail des enfants dans les mauvaises conditions. Le fait de prendre des mesures pour rendre l'éducation primaire obligatoire, pourra empêcher l'admission prématurée des enfants sur le marché du travail. Car, les enfants admis au travail à un âge précoce sont souvent les plus exploités.

4.1.5. Autres actions

D'autres actions d'ordre général sont aussi importantes à accomplir dans le processus de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Il s'agit des mesures accompagnatrices susceptibles de rendre plus efficace les efforts d'amélioration des conditions d'existence des enfants astreints au travail :

· Il faut encourager la participation active des communautés locales à la surveillance des conditions dans lesquelles les enfants travaillent et à la dénonciation systématique des abus constatés ;

· Il faut faire connaître la législation qui protège les enfants contre les conditions de travail dangereuses ou abusives à tous, principalement aux enfants, parents et employeurs.

4.2. LES ACTEURS CONCERNÉS

La lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine en Haiti ne concerne pas un seul secteur de la société. Il est de la responsabilité de tout un chacun de chercher une solution à ce grave problème qui touche une bonne partie de la population enfantine. Une bataille en ce sens, doit impliquer tous les citoyens et les forces vives de la Nation. Pour la concrétisation de ce Plan, le pays a besoin de l'aide tant du côté des instances locales, nationales qu'internationales. C'est à l'Etat qu'il incombe en premier lieu de prendre le leadership du Plan de lutte et de son application, mais, à lui seul, il ne pourra jamais venir à bout de l'exploitation des enfants travailleurs. Il faut une mobilisation sociale efficace qui rallie différents points de vue à l'intérieur de cette cause commune qui est le combat contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine dans notre pays. Cette mobilisation doit contribuer, selon l'UNICEF : «  à forger un consensus entre ceux qui oeuvrent à l'amélioration des conditions de travail des enfants et ceux qui dans une perspective à plus long terme, ambitionnent de surmonter les obstacles structurels, sociaux, économiques ou juridiques à l'abolition du travail des enfants167(*)».

Les organisations d'employeurs et de travailleurs, ainsi que d'autres groupes de la société comme, par exemple, les organisations qui oeuvrent pour la défense des droits de l'homme et de la protection des enfants, ont également un rôle important à jouer, sans oublier les médias, les universités, etc. Tous les secteurs doivent s'engager dans la bataille contre l'exploitation des enfants travailleurs. Dans cette sous-section nous ne considérons que les principaux acteurs.

4.2.1. L'Etat et le Gouvernement

Le rôle de l'Etat et du gouvernement, tel que nous le concevons, c'est avant tout de coordonner l'application de ce Plan de lutte contre l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine. Ces deux institutions ont la mission générale de créer ou de renforcer un mécanisme institutionnel chargé de définir les priorités en étroite collaboration avec les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs et, d'autres groupes intéressés de la société civile qui oeuvrent en faveur des enfants. Ils ont pour tâche de promouvoir et de coordonner les activités des différents ministères, surtout ceux qui s'occupent du travail, de l'éducation, des jeunes, de la famille, de la santé et de la protection sociale. Ils doivent encourager la participation du secteur des ONG et veiller à ce que les mesures prises par le secteur public et les organisations non-gouvernementales en faveur des enfants se complètent et ne soient pas isolées ou en contradiction. S'il y a provision, les pouvoirs publics pourront même appuyer sur les plans technique et financier, les projets pilotes entrepris au niveau local afin de prévenir l'exploitation des enfants. Ces initiatives locales peuvent aussi réadapter les enfants qui ont été soustraits à des types d'emploi ou de travail dangereux ou dégradant.

4.2.2. La Société civile

Toutes les composantes de la société civile ont une contribution à apporter dans l'application du Plan de lutte contre le travail des enfants. Sans vouloir considérer tous les éléments faisant partie de cette société civile, nous soulignons le rôle des secteurs suivants:

· les Syndicats: la participation active des syndicats à la lutte contre le travail des enfants doit se fonder sur une approche progressive. Les syndicats sont les mieux placés pour dévoiler les abus. Ils peuvent se faire les ardents défenseurs des enfants travailleurs exploités en établissant des dossiers sur des cas concrets d'abus et en montrant leurs effets sur les victimes. Les syndicats d'enseignants sont particulièrement bien placés pour défendre le droit des enfants à l'éducation, pour faire comprendre aux familles les avantages qu'il y a à scolariser les enfants plutôt que de les faire entrer prématurément dans la vie active. Le rôle à jouer par les enseignants est décisif car l'éducation est au centre de toute stratégie efficace visant à lutter contre le travail des enfants. Ils peuvent aider à maintenir les enfants à l'école en offrant un enseignement de qualité ;

· Les employeurs et leur organisation ont aussi un rôle indispensable à jouer dans la lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. La meilleure chose que peut faire une entreprise dans ce domaine est de respecter strictement les dispositions de la législation nationale applicables à l'emploi de main-d'oeuvre enfantine. Dans ce cas, les employeurs doivent notamment veiller à tenir les enfants éloignés de tout produit ou matériel dangereux et à ne pas leur imposer des horaires susceptibles de nuire à la fréquentation et aux résultats scolaires. Etant donné que ce sont principalement, les petites entreprises du secteur informel qui emploient la majorité des enfants travailleurs, il est indispensable que les patrons de ces entreprises s'engagent à renoncer à la main-d'oeuvre enfantine dans des mauvaises conditions ;

· Les médias constitués des radios, journaux, télévisions et autres ont la mission particulière d'informer le public sur les abus et l'exploitation auxquels sont assujettis les enfants travailleurs. La sensibilisation de l'opinion publique sur les dangers de l'exploitation des enfants se fera principalement à travers les médias ;

· les Universités et les universitaires sont de précieux partenaires à la lutte contre l'exploitation du travail des enfants. Comme nous avons pris l'initiative de conduire cette étude, les universitaires pourront également mener des recherches sur d'autres aspects du problème tels: l'évaluation de l'impact des programmes de lutte contre le phénomène, l'ampleur du problème, les autres formes d'exploitation enfantine et leurs conséquences sur la société, etc.

4.2.3. Les ONG nationales et internationales

Les Organisations non-gouvernementales nationales et internationales font partie de la société civile, mais tenant compte de la place décisive qu'elles occupent en Haiti dans la lutte pour la défense des droits de l'enfant, nous avons résolu de les considérer à part. Ces organisations sont toutes importantes dans le processus, qu'il s'agisse de celles qui luttent à part entière contre le travail des enfants ou de celles qui s'occupent de la protection de l'enfant en général ou encore d'autres organisations n'ayant pas pour vocation première de s'occuper des enfants, telles que les institutions religieuses ou de défense des droits de l'homme. Elles sont bien placées pour découvrir des cas concrets d'exploitation d'enfants au travail et les dénoncer. Elles peuvent également recueillir des données sur les graves dangers auxquels des enfants travailleurs sont exposés dans certains domaines, activités ou lieux de travail, et pour dénoncer les carences des pouvoirs publics, en matière de contrôle de l'application des lois et règlements.

D'ailleurs, les ONG internationales ont beaucoup d'atouts pour concevoir et mettre en oeuvre des programmes d'action visant à combattre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Elles ont un personnel beaucoup plus spécialisé et possèdent les moyens financiers nécessaires à la conduite de leur politique.

4.2.4. Les Parents et les Enfants

Il ne faut pas sous-estimer le rôle des parents et des enfants dans le combat contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Même si le plus souvent la pauvreté des parents les empêche de prendre soin de leurs enfants, mais parfois c'est par manque d'intérêt qu'ils ne s'occupent pas de leurs progénitures. Ils ne prennent pas assez de responsabilités vis-à-vis de leurs enfants. Les parents, même s'ils sont de conditions économiques modestes, pourraient, par des efforts, empêcher que leurs enfants tombent dans le piège de travail à un âge précoce et dans des conditions déshonorantes.

Pour les enfants, ils ont aussi un rôle à jouer dans la défense de leurs propres droits. Pour répéter les termes de Loïc Picard du Bureau International du travail : «  les enfants sont des acteurs dont la participation est essentielle pour mettre fin aux situations intolérables dans lesquelles ils se trouvent »168(*). Il suffit de leur conscientiser des conséquences néfastes du problème sur leur avenir.

4.3. LES STRATÉGIES DE LUTTE

Les résultats de la lutte contre l'exploitation économique des enfants ne pourront être obtenus que par l'adoption d'une approche progressive, en fonction du caractère complexe de ce phénomène. Il parait impossible de résoudre ce problème en un revers de main; des mesures de prévention devront être prises pour empêcher l'accroissement du nombre d'enfants soumis prématurément au travail, et en même temps, des mesures intérimaires devront être appliquées afin de soulager le sort des enfants déjà soumis aux activités économiques dangereuses et déshonorantes. Donc, nécessairement, le processus exige que des priorités soient fixées pour déterminer par où commencer exactement. Mais pour ce qui a trait aux stratégies de lutte contre ce fléau, elles doivent être développées simultanément. Il ne s'agit pas dans ce cas précis d'ordonner tel aspect par rapport à un autre, ils doivent être abordés en même temps et suivant une approche globale prenant en compte le caractère complexe du problème. Nous avons déjà dit qu'aucun type d'intervention n'est à lui seul suffisant pour enrayer le problème, c'est sur de nombreux fronts que le travail des enfants doit être combattu. Il faut prendre des mesures d'interdiction juridique contre l'exploitation des enfants travailleurs, mais si elles ne sont pas accompagnées d'autres mesures visant à agir sur les déterminants économiques et sociologiques à l'origine de ce phénomène, ce sera peine perdue169(*).

Les meilleures stratégies de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine doivent être intégrantes en incluant le plus de partenaires que possible et doivent être également intégrées, en ce sens que toute une série d'actions doivent être combinées en vue d'aboutir aux résultats escomptés. Il faut informer l'opinion publique, la sensibiliser à la gravité du problème et à l'urgence d'oeuvrer à sa solution. Il faut aussi la coopération de l'Etat avec d'autres organisations afin de disposer des moyens nécessaires au combat contre l'exploitation de ces enfants travailleurs. Il faut établir un cadre juridique pour l'abolition de l'exploitation des enfants parallèlement à des mécanismes efficaces permettant d'en assurer l'application. Sans oublier le renforcement du système éducatif haïtien en faisant, particulièrement, d'importants investissements dans l'enseignement primaire.

4.3.1. La Mobilisation de l'opinion publique 

Quels que soient les moyens dont on dispose, un Plan de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine sera difficilement applicable sans la sensibilisation des parties prenantes en particulier et de l'opinion publique en général. Il faut sensibiliser l'opinion publique sur les mauvaises conséquences qu'entraîne l'exploitation des enfants pour le pays, cela doit se faire par la mobilisation sociale. Une mobilisation, qui exige, selon l'UNICEF, une détermination et un engagement à changer, une action consécutive à une prise de conscience réelle pour mettre fin à l'exploitation économique et aux abus dont sont victimes les enfants170(*). Et pour être efficace la mobilisation sociale doit rallier les différents points de vue à l'intérieur d'une cause commune. Elle doit contribuer à forger un consensus entre ceux qui oeuvrent à l'amélioration des conditions de travail des enfants et ceux qui dans une perspective à plus long terme, ambitionnent de surmonter les obstacles structurels, sociaux, économiques ou juridiques à l'abolition du travail des enfants171(*).

La société doit se mobiliser de plus en plus massivement, pour mettre un terme, à l'exploitation dont les enfants sont victimes. La meilleure stratégie de lutte consiste à sensibiliser la population, car l'expérience montre clairement que sans pression marquée de l'opinion publique on ne peut faire avancer politiquement la cause des enfants qui travaillent. Aussi longtemps que l'opinion publique en général ne se mobilise pas, il sera impossible de faire bouger les choses. En revanche, si la société dans son ensemble prend conscience du problème, tous les éléments sont réunis pour que soient rejetées les formes les plus affligeantes du travail des enfants.

Spécifiquement, les éléments de la stratégie de mobilisation de l'opinion publique sont :

· l'adoption d'une politique en faveur de l'enfance, élaborée conjointement par l'Etat et la Société civile ;

· la sensibilisation des pouvoirs publics à investir davantage dans l'enseignement primaire ;

· la sensibilisation des employeurs ;

· la sensibilisation des enfants et des parents sur les méfaits du travail exercé par les enfants à un âge précoce ;

· la Sensibilisation des communautés de provenance des enfants qui travaillent sur des mesures de solidarité à prendre pour enrayer le mal ;

· la tenue d'émissions dans les médias pour sensibiliser la société sur les impacts négatifs de l'exploitation de la main d'oeuvre enfantine sur la société ;

· l'incitation de tous les secteurs à participer dans la lutte contre l'exploitation des enfants travailleurs.

4.3.2. La Coopération inter-Institutionnelle

La lutte contre l'exploitation des enfants travailleurs requiert des moyens énormes tant sur le plan des ressources financières que des ressources humaines. La coopération entre le gouvernement haïtien et les différentes organisations locales et internationales est essentielle pour pouvoir disposer de ces moyens. S'il revient à l'Etat de créer les conditions favorables à une bataille efficace contre l'exploitation des enfants, mais il ne pourra pas à lui seul régler ce problème qui nécessite des efforts concertés entre divers secteurs. Les institutions spécialisées de l'organisation des Nations-Unies telles l'OIT, L'UNICEF, l'UNESCO, le PNUD, voire l'OEA. Des institutions financières Internationales telles le FMI, la Banque Mondiale, la Banque Inter-Américaine de Développement et autres ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre l'exploitation des enfants en Haiti. Ces dernières permettront au pays de trouver l'encadrement et les fonds nécessaires à son développement économique, formalité essentielle à l'éradication du travail des enfants dans des conditions d'exploitation.

De façon détaillée, les éléments de la stratégie de coopération inter-institutionnelle concernent les aspects suivants :

· le développement par l'Etat haïtien d'un cadre de coopération technique avec les ONG et organisations internationales consistant à faire venir des missions consultatives dans le pays en vue de recevoir des conseils pour l'application de certaines normes et afin d'aider à mesurer l'ampleur du problème et de ses conséquences, à améliorer la législation sur le travail des enfants et son application ;

· le renforcement de la coopération entre l'Etat haïtien et le Programme International de L'OIT pour l'Abolition du Travail des Enfants (IPEC) ;

· la coopération financière avec les bailleurs de fonds internationaux (prêts, dons, financement de projets ponctuels, etc.) ;

· la recherche de financement en faveur des campagnes de sensibilisation contre l'exploitation économique des enfants ;

· l'établissement d'une démarche soucieuse de l'enfant associant tous les secteurs concernés par la défense de l'enfant ;

· la mise en place d'un cadre d'action intégrée créant une meilleure base pour que les parties prenantes se concentrent ensemble sur le respect des droits des enfants.

4.3.3. Le Renforcement des mesures juridiques

Nous insistons beaucoup sur le renforcement des mesures juridiques ; c'est à la fois une action à accomplir et une stratégie de lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Il est indispensable de disposer d'une législation s'appliquant aux types d'emploi, de travail ou d'activité dans lesquels sont occupés la plupart des enfants exposés à l'exploitation économique ou à des conditions de travail dangereuses. Cette stratégie, combinée à d'autres mesures visant à agir sur les différents déterminants économiques et sociaux à l'origine de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine, constitue un puissant instrument pour lutter contre ce fléau.

Les éléments de cette stratégie sont :

· le renforcement et l'actualisation du cadre juridique haïtien en général ;

· l'adoption de nouvelles lois en faveur de la protection des enfants ;

· la prévision de sanctions bien définies contre les contrevenants aux droits des enfants travailleurs ;

· l'établissement d'un mécanisme d'application des lois ;

· le renforcement des institutions chargées de faire respecter les Droits des enfants ;

· la ratification des normes internationales relatives à la protection des enfants

· la ratification et l'utilisation des normes de l'OIT pour combattre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine.

4.3.4. Le Renforcement du système éducatif

Si le travail des enfants est inextricablement lié à la pauvreté, son abolition est liée à l'éducation, nous dit un document publié par l'organisation internationale du travail172(*). En ce sens, un système d'éducation accessible et de qualité peut contribuer à éviter que des enfants s'engagent dans des formes intolérables de travail. En outre, les faiblesses du système public d'éducation et l'absence de programme de formation adéquat perpétuent l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Donc, le renforcement du système éducatif favorisera l'accès à un enseignement de qualité adaptée à la réalité nationale et accessible à tous les enfants. Cela constituera, entre autre, une stratégie contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine.

Lorsque l'éducation est accessible à tous les enfants et perçue comme étant appropriée et de bonne qualité, les parents sont prêts à faire d'énormes sacrifices pour que leurs enfants puissent aller à l'école. Relever le défi du développement, selon l'OIT, c'est veiller à ce qu'une éducation de qualité soit proposée, en la combinant avec des mesures contre la pauvreté, de sorte que les parents puissent gagner assez pour pourvoir aux besoins de leurs familles et maintenir leurs enfants à l'école173(*). Donc, l'investissement dans l'éducation des enfants leur offrira une excellente occasion de réussir leur vie et ils risqueront moins de quitter prématurément l'école pour travailler.

De façon Spécifique, les éléments de la stratégie de renforcement du système éducatif sont :

· la subvention intégrale de l'enseignement primaire en commençant par les livres, uniformes jusqu'au frais scolaires ;

· l'amélioration du revenu des familles par le biais de politique ciblées visant à assurer la scolarisation des enfants et leur accomplissement des études primaires ;

· la formation des maîtres et l'amélioration de l'espace physique des écoles ;

· la création d'écoles primaires au niveau de toutes les sections communales du pays ;

· l'établissement d'horaires flexibles pour les enfants travailleurs ;

· la disponibilité de moyens gratuits de transport ;

· l'adaptation des programmes scolaires à la réalité sociale des enfants

· l'établissement obligatoire de cantines scolaires dans toutes les écoles primaires.

En effet, nous sommes persuadé que les présentes recommandations, si elles sont prises en compte, pourraient apporter une amélioration à la situation des enfants travailleurs en Haiti, et en particulier à ceux travaillant à Port-au-Prince, Gonaïves et Cap-Haïtien. Les résultats seront d'autant plus intéressants qu'ils contribueront à réduire le phénomène de la délinquance juvénile, des enfants des rues, de la domesticité et même de l'analphabétisme. Tout cela débouchera inévitablement à un mieux-être collectif. Car, le travail des enfants dans des conditions avilissantes à des incidences négatives sur l'enfant, sa famille, voire sur la Société. Donc, une amélioration du sort de ces enfants aura, directement ou indirectement, des retombées positives sur les conditions de vie en Haiti. Les enfants, disons-nous généralement, constituent l'avenir de la Nation, leur développement et leur épanouissement ne pourront être que bénéfique pour le pays.

CONCLUSION

Enfin de compte, personne ne sait exactement à combien s'élève le nombre d'enfants soumis à l'exploitation en Haiti. Toutefois, ce qui paraît évident, c'est que le problème existe bel et bien et ne cesse de gagner de l'ampleur au niveau des maisons privées, des rues et des petites entreprises de nos grandes villes. Nous savons tous que dans presque toutes les sociétés, on trouve des enfants qui travaillent, même si les travaux qu'ils effectuent et les conditions dans lesquelles ils le font varient selon les sociétés et évoluent avec le temps. Le travail peut être une part essentielle du processus de socialisation de l'enfant et un moyen de transmettre des qualifications des parents aux enfants. Le travail est intolérable c'est lorsqu'il est exercé dans des conditions abjectes comme celles dans lesquelles des milliers d'enfants évoluent particulièrement au niveau de Port-au-Prince, des Gonaïves et du Cap-Haïtien. On les retrouve principalement dans les foyers familiaux et dans les agglomérations effectuant tout un éventail de travaux, les uns plus dangereux que les autres. Les conditions de vie de ces enfants travailleurs sont de plus préoccupantes et sont en inadéquation avec la législation du travail des enfants en Haiti.

En dépit de l'interdiction de la loi, ils travaillent durant de longues heures pour de bas salaires, à un âge précoce et souvent dans des conditions préjudiciables à leur santé et à leur développement physique et mental. Dans la plupart des cas, ils sont séparés de leurs familles, privés d'affection de leurs parents, de loisirs et d'éducation. Pourtant la Convention Internationale des droits de l'enfant proclame le droit de l'enfant à l'éducation et à la protection contre son exploitation économique. L'enfant ne devrait être en aucun cas et pour aucune raison astreint à un travail comportant des risques, susceptible de compromettre son éducation, de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

La majorité des enfants travailleurs évoluent dans un cadre informel, où leurs droits sont complètement annihilés. La législation existante n'a aucun effet sur leur travail. Ils travaillent dans des situations qui mettent en danger leur santé et parfois même leur vie, ils sont sous rémunérés et parfois ne reçoivent pas un salaire en espèce. Ils sont souvent maltraités, humiliés et abusés par l'employeur ou ses proches. Ils n'ont aucun pouvoir de décider de leur sort, car les conditions de travail dépendent entièrement de l'employeur, au mépris de leurs droits et besoins. Le travail de ces malheureux enfants-travailleurs, au lieu de leur apporter de l'espoir, les enfoncent plutôt dans une extrême pauvreté où ils sont privés de presque tout ce qui est essentiel à leur survie et à leur épanouissement social.

Une remarque importante à faire est que le problème de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine ne date pas d'aujourd'hui et n'existe pas seulement dans des pays en développement comme Haiti. Nous avons vu que depuis le Moyen-âge, la plupart des enfants ont travaillé dès leur plus jeune âge. A la campagne, ils étaient employés aux travaux des champs. A la ville, ils aidaient leurs parents artisans. Le travail se faisait en famille et ils devenaient souvent ce qu'étaient leurs pères: paysan, maçon, ouvrier, etc. Aujourd'hui encore, partout à travers le monde, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, le problème existe.

En Haiti, les enfants travaillent principalement dans les ménages et dans le secteur informel de l'économie. Il n'y a qu'une quantité très faible d'enfants qui évoluent dans le secteur structuré. En fonction des grandes difficultés d'emploi où même des adultes qualifiés et expérimentés ont du mal à trouver un travail agréable, on ne pourrait s'attendre à ce que des enfants, avec peu ou presque pas de qualification, aient des emplois convenables. Néanmoins, on ne devrait pas non plus assister à ces scènes macabres où nos enfants travaillent dans des situations odieuses. Selon les résultats de notre enquête, seulement 3% d'enfants actifs économiquement travaillent dans des entreprises de type formel. Il s'agit surtout d'adolescentes employées dans des entreprises commerciales de grandes villes du pays et tout le reste évolue dans le secteur informel caractérisé par les petites entreprises, les activités des rues, le transport en commun, etc.

Les causes du problème ont été identifiées et sont regroupées en trois principales catégories. Les premières sont les plus visibles et les plus évidentes et ont une incidence directe sur l'enfant et sur sa famille. Elles sont constituées par la pauvreté et des événements qui modifient l'équilibre financier de la famille. Les deuxièmes sont des valeurs et des situations qui pourraient prédisposer une famille à accepter et même à encourager que son enfant travaille et les troisièmes appelées causes structurelles interviennent au niveau de l'économie et de la société dans son ensemble, en agissant sur le milieu dans lequel le travail des enfants peut prospérer ou au contraire être découragé. Nous avons déjà démontré tout au long de ce travail que la pauvreté est la cause principale de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Donc, toutes les catégories de causes pivotent autour de la pauvreté. Cette dernière contraint beaucoup d'enfants à travailler à plein temps et prématurément pour assurer leur propre survie, voire celle de leurs parents et d'autres enfants de la famille.

Dans un sens la pauvreté incite les enfants à travailler dans des conditions déplorables et dans un autre, elle est la conséquence du travail des enfants exercés dans ces mauvaises conditions. Comme nous avons dit, il paraît évident que le travail de ces enfants, dans de telle condition, contribue à perpétuer la pauvreté des familles. Ces enfants, le plus souvent, commencent à travailler dès leur plus jeune âge et sans avoir reçu une éducation scolaire. Ils grandissent dans les rues et ne reçoivent aucune forme des protections prévues par la loi. Face à une telle situation, il est presque certain que ces enfants deviennent à coup sûr des travailleurs adultes non-qualifiés qui ne soient en mesure de percevoir qu'un salaire de misère. Sauf par hasard, il n'est pas évident qu'un enfant exploité à ce niveau pourra s'épanouir dans la vie à l'âge adulte.

Pour ce qui a trait aux conséquences de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine, l'impact est exercé à la fois sur les enfants, leurs familles et la société. Nous l'avons à maintes occasions, le travail n'a pas toujours des incidences négatives sur la vie de l'enfant. Par exemple un travail léger effectué par des enfants dans le cadre des normes juridiques en vigueur, c'est-à-dire en respectant l'âge minimum d'admission à l'emploi et autres aspects des droits de l'enfant, ou en tant qu'élément d'une éducation ou d'une formation informelle peut être favorable. Mais dans la réalité haïtienne, le travail des enfants relève dans la plupart des situations de l'exploitation et il ne tient pas compte des droits fondamentaux de l'enfant. Le plus grave problème des enfants travailleurs haïtiens c'est le fait qu'ils n'ont pas le plein accès à l'éducation. Or on est tous conscient du rôle capital que pourrait jouer une bonne formation intellectuelle dans la vie de l'enfant, de sa famille et de son pays.

Le cadre juridique en matière de travail des enfants est étudié à travers les instruments internationaux dûment ratifiés par le Parlement Haïtien, ainsi qu'à travers des textes de lois adoptés au niveau national. Nous avons mis l'accent sur l'évolution de ce cadre juridique tant au niveau national qu'international où de grands moments dans la lutte en faveur de la protection des droits d'enfants sont soulignés. Par rapport à la législation nationale, nous avons fait ressortir certains points de défaillance. Ces faiblesses résident surtout au niveau de l'inadaptation des anciennes lois à la réalité contemporaine et de la négligence à l'adoption de dispositions spéciales recommandées dans la charte fondamentale de la République. Par exemple, la Constitution de 1987 renvoie à des lois spéciales relatives au travail des enfants, pourtant près de deux décennies après, aucune nouvelle disposition légale n'a été adoptée en ce sens. Ce sont en fait des lois datées de plus de 40 ans, dépassées par la réalité d'aujourd'hui, qui décident du sort des enfants travailleurs haïtiens.

Enfin, face à ce grave problème, notre obligation de citoyen nous incite à passer à l'action en vue de contribuer à trouver une solution. Nous avons proposé un ensemble d'actions à entreprendre en vue de lutter efficacement contre ce fléau. L'exploitation des enfants travailleurs est une réalité complexe et pour le combattre, la participation de toutes les forces vives de la Nation s'avère nécessaire. Les pouvoirs publics, la société civile, les ONG devraient être les parties prenantes à cette bataille. Ils doivent conjuguer leurs efforts ensemble pour mieux se compléter. Aucun secteur ne peut à lui seul solutionner ce problème qui requiert l'accumulation des forces.

La responsabilité de respecter et de faire respecter les droits des enfants qui travaillent incombe au premier plan à l'Etat, mais aussi aux individus, aux familles, aux employeurs, aux organisations, aux groupes religieux, etc. Les actions de chacun de ces acteurs devraient être coordonnées en vue de favoriser dans sa mesure le respect des enfants, les préparant ainsi à jouer avec efficacité leur rôle de citoyen de demain pour une Haiti juste, démocratique et prospère. La lutte contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine représente un grand défi pour nous tous. L'application et l'actualisation des textes traitant le travail des enfants doivent être réglés avec le plus grand sérieux. A cet égard la Convention internationale des droits de l'enfant ratifiée par la République d'Haiti est un guide incontournable car elle conçoit l'enfant comme une entité active de la société, qui est en interaction avec son entourage. Il est tout à fait urgent de jeter, particulièrement, un regard responsable sur les conditions de vie des enfants travailleurs. Des dispositions tant sur le plan législatif, politique, social et économique doivent être prises pour que ces enfants soient protégés.

Ce travail de recherche est limité dans une certaine mesure et n'a pu aborder tous les aspects ignobles de l'exploitation des enfants et de plus il y a certaines catégories d'enfants qui n'ont pas été considérées dans nos observations. Nous abordons les formes de travail les plus courantes exécutées par les enfants : travail domestique, travail dans le secteur informel, les activités de rue, etc. Nous ne tenons pas compte de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, de la traite des enfants et des enfants engagés dans des gangs armés, ni non plus du travail effectué par les enfants pour le compte de leurs parents. Ces formes d'exploitation des enfants ne sont pas traitées, non pas parce qu'elles ne sont pas importantes, au contraire ce sont des aspects du problème qui méritent tout aussi notre attention, mais plutôt en fonction de nos moyens limités. En effet, Nous ne pourrions tout aborder en même temps, donc, il était question pour nous de traiter dans ce travail les cas les plus ordinaires de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine dans la perspective d'explorer au fur et à mesure le sujet. Nous n'allons pas nous arrêter là et nous espérons dans le futur, à un titre ou à un autre, apporter d'autres contributions à l'étude de la problématique de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine.

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* 21 OIT/BIT, Combattre les formes les plus Intolérables du travail des enfants : Un défi Universel (Conférence d'Amsterdam sur le travail des enfants du 26 et 27 février 1997), Genève, 1997, pp. 3-4.,

www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/ams/1accleng.htm

* 22 OIT/BIT, Le travail de l'enfant: Que faire ? Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, Genève, 1996, p. 2, www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/whatintro.htm

* 23 UNICEF, La Situation des enfants dans le monde en 1997, Genève, 1997, p. 25.

* 24 Ibid.

* 25 Ibid.

* 26 François LATORTUE, Le Droit du Travail en Haiti, Editions des Antilles, P-AU-P., 1991, p. 14.

* 27 Emmanuel FOUQUET et al., Dictionnaire Encyclopédique HACHETTE, éd. 2001, Page 1899.

* 28 OIT/BIT, Recommandations internationales en vigueur sur les statistiques du travail, 1988, p. 57.

* 29 François LATORTUE, Op.cit, p. 13.

* 30 Emmanuel FOUCHET et al., Op.cit., p. 633.

* 31 32 UNICEF, Op.cit., p. 25.

* 33 OIT/BIT, Un Avenir sans travail des enfants, 1ere éd., BIT, Genève, 2002, p. 16.

* 34 Ibid., p. 18.

* 35 Ibid., p. 19.

* 36 Ibid.

* 37 Ibid., p. 21.

* 38 Ibid.,. Pp.21-22.

* 39 Ibid, p. 20.

* 40 IPSOFA, Rèstavèk : La domesticité Juvénile en Haiti, Port-au-Prince, 1998, p. 9.

* 41 IPSOFA, Op.cit., p.7.

* 42 FAFO, Op. Cit., p. 39.

* 43 Berrier PIERRE, Le Travail des enfants : Nouveauté de notre Siècle?, Journal de L'Association Enfant du Monde, No. 79, Mars 1999, page 4.

* 44 Ibid.

* 45 Ibid.

* 46 Ibid.

* 47 Ibid., pp. 4-5.

* 48 Jean-Charles CHAMPAGNAT, Historique du travail des enfants en France, diffusé sur le site: www.droitsenfant.com/19siecle.htm

* 49 Bernier PIERRE, Loc. Cit, p.5.

* 50 HSI / UNICEF/MAST, Les Fondement de la Pratique de la Domesticité des enfants en Haiti,

P-au-P., 2002, p. 38.

* 51Carl V. RAYMOND, Op. Cit., p. 17.

* 52Ibid.

* 53 HSI, Op. Cit., page 38.

* 54 Ibid.

* 55 Ibid.

* 56 Ibid., page 39.

* 57 Ibid., page 42.

* 58 Ibid., page 43.

* 59 Ibid., p. 42.

* 60 Ibid.

* 61 Irdèle LUBIN, Op.cit., p.47.

* 62 HSI, Op. Cit., p. 84.

* 63 HSI, Défis du Présent et rêves d'avenir : Plaidoyer pour une responsabilité Sociale, Etude sur la Situation et la condition des filles de la rue et des filles dans la rue de la Zone Métropolitaine de Port-au-Prince, P-au-p., 2003, p. 4.

* 64 Ibid.

* 65 Aude CADIOU, Op. Cit, P. 37.

* 66 OIT/OIT, Le travail des enfants : L'intolérable en point de mire, Genève, Bureau International du Travail, 1996, p.10.

* 67 L. STEINBERG et S.M. DORNBUSH: Negative correlates of part time employment during adolescence: Replication and evaluation, dans Development Psychology (Washington D.C.), 1991, Vol. 27, No. 2, pp. 304-313), cité par l'organisation Internationale du travail (OIT) lors de la Conférence d'Amsterdam sur le Travail Des Enfants (26 et 27 février 1997) Genève, Janvier 1997.

* 68 Walter Alarcón GLASINOVICH: Trabajo y educación de niños y adolescentes en el Perú, 1995 Conférence d'Amsterdam sur le Travail des Enfants (26 et 27 février 1997) , Genève, Janvier 1997.

* 69 OIT/BIT, Le travail de l'enfant : Que faire ? Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, Genève, 1996, pp. 4-5. / http://www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/what1.htm

* 70 HSI/UNICEF/MAST, Les Fondement de la Pratique de la Domesticité des enfants en Haiti, Port-au- Prince, 2002, p. 55.

* 71 OIT/BIT, Un Avenir sans travail des enfants, 1ere éd. , BIT, Genève, 2002, p. 24.

* 72 Emmanuel FOUCHET et al., Op. cit., p. 961.

* 73 G. VERHAEGEN, le rôle du Secteur informel dans le développement économique du Zaïre, cité par Opanga EKANGA, approche globale du secteur informel. Concepts et pois dans l'Economie du Zaïre, communication tenue lors du colloque sur l'Informel : suivie ou chance pour le Zaïre ? Kinshasa, 1995, inédite et cité enfin dans le document de Inwent (Internationale Weiterbildung und Entwicklung) publié sur le site : www.inwent.org/E+Z/1997-2002/df502-7.htm

* 74 G. de VILLERS, le Pauvre, le Hors-la-loi, le métis. La question de l'Economie Informelle en Afrique, Bruxelles, Cedaf, 1992, p.4.

* 75 OIT/BIT : L'Economie Informelle, Fiches Thématiques, p. 2.

* 76 OIT/BIT, Combattre les formes les plus Intolérables du travail des enfants : Un défi Universel (Conférence d'Amsterdam sur le travail des enfants du 26 et 27 février 1997), Genève, 1997, p. 5,

www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/ams/1accleng.htm

* 77 Emmanuel FOUQUET et al., Op.cit., p. 1899.

* 78 UNICEF, La Situation des enfants dans le monde en 1997, Genève, 1997, Page 32

* 79 Ibid.

* 80 Maggie BLACK, Les enfants domestiques, Manuel pour la Recherche et l'Action, Anti-Slavery International, 1997, p. 1.

* 81 FAFO, Op. cit., p.11.

* 82 Ibid., p. 13.

* 83 Ibid., p. 15.

* 84 UNICEF, Op.Cit., p. 43.

* 85 Ibid., p 44.

* 86 Haiti, Rapport de suivi de l'Etat Haïtien sur l'Application de la CIDE, 2000, p. 57.

* 87 OIT, Op.cit., p. 2.

* 88 En Haiti, la scolarité obligatoire arrive jusqu'au certificat d'étude primaire, car selon l'article 32-3 de la constitution de 1987, l'enseignement primaire est obligatoire.

* 89 UNICEF, Op.cit., p. 26.

* 90 Ibid.

* 91 Carl V. RAYMOND, Op.cit, p.14.

* 92 UNICEF, Op.cit.., p. 46.

* 93 OIT/BIT, Le travail de l'enfant: Que faire ? Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, Genève, 1996, p. 7, www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/what1.htm

* 94 Carl V. RAYMOND, Op.Cit.

* 95 UNICEF, Op.cit., p. 26.

* 96 Ibid., p.35.

* 97  Ibid.

* 98 OIT/BIT, Un Avenir sans travail des enfants, 1ere éd. , BIT, Genève, 2002, p. 23.

* 99 Carl V. RAYMOND, Op. cit., p.4.

* 100 Ibid, p. 11.

* 101 Anti-Slavery International/CISL, Le travail forcé au 21e Siècle, Publiset, Bruxelles, 2002, p. 18.

* 102 IPSOFA, Op. cit., p 7.

* 103 FAFO, Op.cit., p. 39.

* 104 Carl V. RAYMOND, Op. cit., p. 4.

* 105 HSI, Op. cit., p. 22.

* 106 COHADDE, Rapport alternatif au comité des droits de l'enfant, 2002, p. 15.

* 107 Eugen BRAND et al.., Quand l'extrême pauvreté sépare parents et enfants : Un défi pour les Droits de l'Homme, Editions ADT Quart Monde, Méry-sur-Oise, France, 2004, p.51.

* 108 Des activités telles : cireurs de bottes, laveurs de voitures, transporteurs de colis, etc.

* 109 Des activités où ils dépendent directement d'un employeur : embarquement d'autobus, vendeurs ambulants de breuvage, de nourritures, etc.

* 110 OIT/BIT, Un Avenir sans travail des enfants, 1ere éd., BIT, Genève, 2002, p. 54.

* 111 Ibid.

* 112 Ibid., p. 53.

* 113 ACDI, La lutte contre le travail des enfants, 1997, p. 1, www.acdi-cida.gc.ca/cida_ind.nsf/0/7567170ACB25D316852564A0005BBA55?OpenDocument#sec1

* 114 Ibid, p. 2.

* 115 OIT, Op. cit., p.8.

* 116 Ibid.

* 117 Grootaer, C., et Kanbur, R., « Le travail des enfants: un point de vue économique», Revue internationale du Travail, vol. 134, no 2.

* 118 OIT/BIT, Le travail de l'enfant : Que faire ? Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, Genève, 1996, p. 8. / http://www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/what1.htm

* 119 La bonne gouvernance est devenue un mot-clé du développement international, et il est appliqué à tous les secteurs. Ce concept est apparu à la fin des années 80, au moment où la mise en oeuvre des programmes d'ajustement structurel posait de sérieuses difficultés, diagnostiquées comme des erreurs dans la gestion des affaires publiques, imputables à l'impondérabilité, au paternalisme et au manque de gouvernance des gouvernements. La bonne gouvernance se définit comme la manière dont le pouvoir en exercice gère les ressources économiques et sociales d'un pays en faveur de son développement. Elle se caractérise habituellement par un ensemble de principes tels que le respect de la primauté du droit, la bonne gestion des affaires publiques, la lutte contre la corruption, le respect des droits humains ou la promotion de la démocratie et d'un développement participatif (Réf. site de la Coopération économique de développement/SECO) :

http://www.seco-cooperation.ch/entwicklungsarbeit/00464/?lang=fr

* 120 PNUD, les objectifs du millénaire pour le développement : Progrès, revers et défis / Objectif no.2.

* 121UNICEF, Education et Travail des enfants, Document d'information, Oslo, 27-30 octobre 1997, p.1.

* 122 OIT, Op.cit., p. 5.

* 123 OIT/BIT, Combattre les formes les plus Intolérables du travail des enfants : Un défi Universel (Conférence d'Amsterdam sur le travail des enfant du 26 et 27 février 1997), Genève, 1997, p. 9,

www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/ams/1accleng.htm

* 124 UNICEF, Op. cit.., p. 20.

* 125 OIT/BIT, Le travail de l'enfant : Que faire ? Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, Genève, 1996, p. 11, http://www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/what1.htm

* 126 Ibid, p.1, www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/what2.htm

* 127 OIT/IPEC, Etude exploratoire sur l'Exploitation sexuelle des mineurs à des fdins commerciales, Genève, 2003, p. 33.

* 128 La loi portant organisation du Ministère des Affaires Sociales et du Travail, Moniteur no. 82 du 24 novembre 1983.

* 129 Ibid.

* 130 HSI, Défis du présent et rêves d'avenir : Plaidoyer pour une responsabilité sociale, Etude sur la situation et la condition des filles de la rue et des filles dans la rue de la zone métropolitaine de port au prince, P-au-p., 2003, p. 52.

* 131 REPUBLIQUE D'HAITI, Rapport de suivi d'application de la convention relative aux droits de l'enfant, 2002, p.59.

* 132 Moniteur No. 41 du jeudi 5 juin 2003.

* 133 OIT/IPEC, Op.cit., p. 26.

* 134 Traité de Paix signé entre l'Allemagne et les puissances alliées victorieuses, le 28 juin 1919.

* 135 Aude CADIOU, Le travail des enfants, s.m.é., Nantes, 2002, p. 2.

* 136 David WEISSBRODT, Abolir l'Esclavage et ses formes Contemporaines, HCDH, Genève, 2002, p.41.

* 137 Ibid.

* 138 Ibid.

* 139 Aude CADIOU, Op.Cit.

* 140 Ibid.

* 141 François LATORTUE, Op.cit., page 39..

* 142 Ibid., page 45.

* 143 Moniteur No. 120 du 12 décembre 1960 et moniteur No. 1 du 2 janvier 1961.

* 144 Moniteur No. 82 du jeudi 24 novembre 1983 et No. 18-A du lundi 5 mars 1984.

* 145 Moniteur No. 41 du jeudi 5 juin 2003.

* 146 Ibid.

* 147 Moniteur No. 59 du 31 juillet 1997.

* 148 UNICEF, Op.cit., p.19.

* 149 Mention faite au niveau des dispositions finales des quatre conventions concernées.

* 150 Décret du 13 juillet 1956 sanctionnant cette Convention, Moniteur No.95 du 6 septembre 1956.

* 151 Décret du 24 juillet 1956 sanctionnant cette convention, Moniteur No.95 du 6 septembre 1956.

* 152 Article 3 alinéas 2 à 4 de la convention n°. 90 concernant le Travail de nuit des enfants.

* 153 Décret du 13 juillet 1956 sanctionnant cette convention, Moniteur No.95 du 6 septembre 1956.

* 154 Article 6 de la Convention concernant l'examen médical d'aptitude à l'emploi des enfants et des adolescents

pour des Travaux non- industriels. 

* 155 Décret du 13 juillet 1956 sanctionnant cette convention, Moniteur No.95 du 6 septembre 1956.

* 156 La déclaration Universelle des Droits de l'Homme est publié en Haiti le 10 Décembre 1948

* 157 Moniteur No. 2 du 2 janvier/Sanctionné par le décret du 23 novembre 1991.

* 158 Moniteur No. 77 du 1er octobre 1979.

* 159 OIT, Déclaration relative aux principes fondamentaux/ Document: (CIT/1998/PR20A)

* 160 Publiée dans le Moniteur No.36 du 28 avril 1987.

* 161 François LATORTUE, Op. cit., page 48.

* 162 Ibid.

* 163 REPUBLIQUE D'HAITI, Concrétisation de la Démocratie : Survol des réalisations récentes du gouvernement d'Haiti, XXXIIIe Session de l'Assemblée Générale de l'OEA, Document Officiel distribué au média, Santiago, 9 juin 2003.

* 164 Marilia SARDENBERG. « La Convention sur les Droits de l'Enfant : Un défit pour tous les Etats et pour tous les Adultes », Genève, 1999, Page 2, article publié sur le site : www.droitsenfant.com , consulté le 13 septembre 2001.

* 165 OIT/BIT, Le travail de l'enfant : Que faire ? Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, Genève, 1996, p. 4. / www.ilo.org/public/french/standards/ipec/publ/policy/what/what2.htm

* 166 PNUD, Les objectifs du millénaire pour le développement, 2000.

* 167 UNICEF, La Mobilisation Sociale et travail des enfants / Document d'Information, Oslo, 27-30 octobre 1997, p. 7.

* 168 Loïc PICARD, Enfant et Travail : Une incompatibilité évitable, 4e séminaire de l'Institut International des droits de l'enfant, 23-29 octobre 1997, Genève, suisse)

* 169 Mohammed BOUGROUM et Aomar IBOURK, les déterminants du travail des enfants et analyse micro-économique de la demande d'éducation formelle au Maroc : cas du secteur de l'artisanat, 1999, p. 2.

* 170 UNICEF, Mobilisation Sociale et Travail des enfants/documents d'information, Oslo, 27-30 oct. 1997, p. 2.

* 171 Ibid., p. 7.

* 172 OIT/BIT, Un Avenir sans Travail des enfants, Genève, 2002 p. 60.

* 173 OIT/BIT, Comprendre les Droits au Travail : Déclaration relative aux principes et Droits fondamentaux au travail, Genève, p. 23.

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