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Les Réfugiés comme enjeu de sécurité

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par Coraline Barré
Sciences Po Grenoble - Diplôme de Sciences Po Grenoble 2006
  

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- Le rôle d'agence chef de file en question

Comme nous l'avons vu, la performance du HCR varie selon la configuration des crises. Cependant, il réaffirme sa stratégie d'inscription dans le champ opérationnel, en tant qu'agence coordinatrice de l'assistance humanitaire, à la fin de chaque crise. De son expérience au Rwanda, il tira la conclusion que « la capacité de réponse d'urgence (...) est un atout opérationnel majeur pour le HCR et devrait être non seulement maintenue mais renforcée pour permettre à l'Organisation de garder son avance internationale dans ce domaine »28 . Malgré l'échec dans ce domaine au Kosovo, le HCR réaffirma « sa détermination à renforcer ses capacités de réponse d'urgence »29. Dans le débat permanent au sein des Nations-Unies, sur la nécessité d'adopter une démarche mieux coordonnée et plus intégrée dans la réponse aux crises humanitaires (renforcée par le constat d'éclatement et de multiplication des mécanismes de réponse au Rwanda), le rôle du HCR dans cette réponse reste controversé, les divergences reflétant souvent les interprétations

28 UNHCR, «Lessons learned from the Rwanda and Burundi Emergencies», Evaluation Report, Dec. 1996

29 UNHCR comments on «The Kosovo Refugee Crisis», cité par William Hayden dans "The Kosovo Conflict : The Strategic Use of Displacement and Obstacles to International Protection", in Civil Wars, Vol. 2, n° 1, 1999

différentes de son mandat. Par exemple, au vu de l'efficacité du HCR à orchestrer la réponse internationale dans les précédents conflits des Balkans, T. Weiss et A. Pasic30 saluaient en 1997 la « réinvention » du HCR comme agence chef de file, sur le fondement d'une lecture élargie de son mandat, comme « organisation humanitaire des Nations-Unies pour les victimes de guerre », et symbolisant la « prise de responsabilité de la communauté internationale ». Considérant cette évolution comme une adaptation nécessaire aux besoins humanitaires émergeant du désordre de l'après Guerre Froide, ils considèrent qu'il est peu souhaitable que d'autres organismes de coordination soient créés (comme plus tard le BCAH), le HCR et l'UNICEF étant les deux seuls candidats susceptibles d'être désignés comme agence chef de file dans les situations humanitaires complexes.

Mais d'autres ne font pas le même constat. M. Pugh et A. Cunliffe31 considèrent eux que ce concept d'agence chef de file est insatisfaisant et qu'il représente une « position défaut » pour remplir le vide de la coordination en l'absence de mécanismes politiques forts. Disposer d'agences spécialisées, ici sur les réfugiés, pour remplir un rôle de leader global devant coordonner des éléments civils et militaires, est inapproprié. En effet, désigner une agence spécialisée pour coordonner tous les aspects humanitaires d'une crise peut poser des problèmes pour cette agence. Cela augmente la propension des agences de secours à se politiser, et ce de trois manières. Premièrement, cela peut pousser l'agence, comme on l'a vu dans le cas du HCR, à se substituer à une réponse internationale globale et cohérente, et peut la pousser à se détourner de son vrai rôle. Même si cela fonctionne, il est vrai que le HCR aujourd'hui ne fait que déléguer son travail à des ONG, son rôle d'agence leader l'ayant détourné de son rôle premier d'assistance aux réfugiés.

Deuxièmement, dans les guerres civiles en particulier, un tel rôle peut compromettre la partialité perçue de l'agence. Le HCR de par son rôle de leader se doit se faire des choix politiques, se retrouvant parfois « piégé dans des processus politiques inextricables »32, comme en Ex-Yougoslavie par exemple. Dans ce type de situations, le HCR doit prendre des positions politiques fortes, et les parties en conflit en viennent à le considérer comme partial.

Troisièmement, comme je l'ai déjà évoqué, ce rôle a tendance à accentuer les rivalités et coup-bas entre agences. Le HCR a étendu ses activités dans de nombreux domaines, allant de la création d'une cellule des opérations aériennes à Genève, à la création d'une cour des droits de l'Homme au Cambodge, en passant par le déploiement de conseillers militaires au Zaïre. Cette expansion opérationnelle a conduit bien souvent à des accusations « d'impérialisme ». Cependant, il faut noter que la coopération entre agences est souvent plus effective sur le terrain que dans les

30 Thomas Weiss et Amir Pasic, « Reinventing UNHCR : Enterprising Humanitarians in the Former Yougoslavia, 1991-1995 », in Global Governance, 1997, Vol. 3, n°1, p. 41-57

31 Michael Pugh et Alex Cunliffe, "The Lead Agency Concept in Humanitarian Assistance, the Case of UNHCR", in Security Dialogue, 1997, Vol. 28 (1), p. 17-30

32 UNHCR, "The State of World's Refugees", 2006

instances dirigeantes.

Ces auteurs développent donc une approche alternative pour éviter tous ces problèmes au HCR. Beaucoup soutiennent l'idée que le DAH serait plus à même de remplir ce rôle de coordinateur que le HCR. Mais le fait est que le DAH n'a pas suffisamment de ressources sur le terrain pour remplir ce rôle. Surtout, il semble exister peu d'enthousiasme parmi les Etatsmembres pour fournir plus de capacités et de moyens au DAH pour qu'il remplisse ce rôle. Les Etats préfèrent s'appuyer sur des instances déjà existantes et compétentes, et qui n'ont pas besoin de moyens financiers nécessaires. C'est d'ailleurs bien souvent le côté financier qui rebute la communauté internationale et fait que celle-ci ne s'engage pas plus avant.

Néanmoins, le besoin d'une structure capable de surmonter les rivalités entre agences se fait sentir. Une des clés pour créer les conditions de la coordination et donc faciliter les échanges entre agences est la préparation d'une structure stratégique basique pour les situations d'urgence. Selon M. Pugh et A. Cunliffe, ce travail devrait être fait sous la direction du Secrétaire Général, vu l'importance stratégique de ce type de situations. Surtout, ce travail devrait être élaboré sous les auspices du DAH avec l'aide des 13 membres du CIAV, ainsi que tous les autres services concernés, afin d'impliquer beaucoup d'acteurs tou en conservant l'efficacité. Le DHA a d'ailleurs fait d'importants efforts en ce qui concerne la circulation de l'information et la consultation inter- agences. Afin de contenter tout le monde, une des idées de M. Pugh et A. Cunliffe est d'équiper dans chaque crise le représentant spécial de l'ONU d'une petite équipe d'experts du DAH, comme cela fut le cas au Burundi par exemple. D'une manière générale, le Représentant local de l'ONU est mieux renseigné sur les spécificités locales et l'évolution de la situation, et peut négocier avec les autorités. Cela permettrait aussi de renforcer à la fois la capacité décisionnelle du représentant de l'ONU et par conséquent de renforcer le poids de la communauté internationale dans le conflit. Cette approche permettrait en outre d'insuffler au processus de décision une consultation d'experts, ce qui pourrait diminuer le risque de désordre dans la protection de l'aide. Enfin, le DAH a l'avantage d'avoir la responsabilité de gérer les relations avec les organisations militaires, sachant que celles-ci posent souvent problème pour la neutralité d'une agence comme le HCR. Pour la coordination, favoriser le leadership individuel avec une relation directe à l'autorité du Secrétariat de l'ONU est un concept qui laisse plus de liberté et d'initiative aux acteurs, chacun pouvant donc apporter ses compétences, le tout contrôlé par une autorité ayant une vision d'ensemble et ayant le pouvoir de prendre des décisions et de les assumer, sans autant de conséquences que pour une simple agence.

Il convient tout de même de considérer les éventuelles faiblesses d'une telle approche : la priorité pour une agence sera d'obtenir un droit d'entrée auprès du Secrétariat de l'ONU, le risque étant que des considérations politiques prennent le pas sur des critères de compétences.

Le concept d'agence chef de file, testé notamment au Rwanda puis en Ex-Yougoslavie, a

montré ses faiblesses. Deux problèmes se posent. D'abord, cette agence leader n'a de comptes à rendre à personne, si ce n'est à elle-même. Elle n'est pas responsable devant une autre instance de l'ONU, et même si elle fait partie du CIAV, celui-ci n'a que peu d'influence sur elle. Ensuite, ce concept suppose que les autres agences du même rang se subordonnent à son autorité, ce qui dans les faits ne fonctionne pas.

Des agences comme le HCR ne sont pas faites pour coordonner la réponse de la communauté internationale à des situations humanitaires complexes. L'idée d'une agence chef de file masque le véritable problème : il n'existe pas de mécanismes spécifiques, disposant d'une autorité politique internationale et de capacités professionnelles aux niveaux stratégiques et locaux, capable de gérer ces situations et de coordonner l'action internationale afin de rendre effective définitivement la sécurité humaine.

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