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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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2.5. Les techniques de protection traditionnelles et conventionnelles

Les techniques de protection traditionnelles, sont celles qui font appel à des matériaux locaux de faible technicité disponibles à Mandji. Et les techniques conventionnelles, sont celles qui sont prévues par la loi. Ici, les systèmes de prévention mis en place consistent généralement à ceinturer les plantations de barrières utilisant des fils métalliques attachés à des arbres de diamètre moyen à l'aide de clous en laissant une zone tampon de 3 à 5m. Et sur les fils métalliques sont accrochés des boîtes vides (cannettes de jus ou de bière, boîte de conserve vides) dans lesquelles on met des petites pierres qui teintent quand on exerce une pression sur les fils métalliques, et des tissus de couleur vives ainsi le montre les photos n°1 et 2.

Photos 1 et 2 : système de protection des cultures. (Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007 et le 13 aout 2007).

Ces images ont été filmées sur la route Mandji-Yeno pendant nos visites de terrain. L'image n°1 a été prise en mai 2007. Par contre, l'autre a été filmée en aout 2007. Sur l'image n°1, nous observons une partie de la forêt constituée de gauche à droite d'herbes et d'arbustes. Au fond de l'image, on peut remarquer la présence du sous bois. Au premier plan, nous avons un arbre de petite taille sur lequel est suspendu une corde à laquelle sont accrochées des boîtes. Cette corde à laquelle sont suspendues les boîtes, s'allonge sur trois arbustes quasiment alignés. Au regard de la taille des herbes qui entourent l'arbre figurant au premier plan, on peut dire que cet espace a été défriché auparavant. Sur l'image n°2, on voit à l'arrière plan et de gauche à droite, des feuilles de manioc derrière lesquelles on observe un paysage forestier. Au premier plan, on voit un arbuste mort à coté duquel on observe un sachet de couleur rose sur un tissu qui tente vers du blanc et à l'extrême droite on remarque la présence d'un bananier. Entre ce bananier et le tissu tendant vers du blanc, on distingue la présence d'un autre tissu probablement amarré sur une corde. De la manière dont sont disposés ces tissus, on comprend aisément qu'ils sont attachés sur un fil faisant office de clôture.

Les présentes images nous présentent certaines méthodes de prévention contre les attaques des éléphants dans les champs. Ces méthodes constituent un ensemble d'obstacles mis en place à partir des matériaux naturels et de récupération afin d'empêcher la pénétration des éléphants dans les plantations. Les clôtures avec les boîtes constituent une « alarme ». Lorsqu'elles subissent une forte pression, elles teintent et ce bruit alertent les propriétaires des champs. Cependant, ces méthodes se sont le plus souvent révélées peu efficaces. Elles n'ont en général qu'un rôle symbolique et, dans bien des cas, les animaux parviennent à les franchir. Une autre méthode consiste à allumer de grands feux chaque soir en périphérie des champs et des lampes pour tenir éloignés les éléphants comme en témoigne les photos n°3 et 4.

Photos 3 et 4 : système de protection utilisant le feu et les lampes. (Cliché BIPAKILA MANGAMA Pascal et MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).

Les présentes photos ont été également prises sur la route Mandji-Yeno. La photo 3 a été filmée par Pascal Bipakila dans la plantation de sa femme. La photo 4 par contre a été prise par nous-même. A l'arrière plan de la photo 3, nous apercevons des arbres et des trouées du plafond forestier. A gauche nous voyons des jeunes plantes de manioc. Par contre, à droite nous avons non seulement des jeunes plantes de manioc mais également, nous observons des feuilles de bananiers. Et au centre, nous avons deux hommes debout dont l'enquêteur à gauche et à droite, le gardien de la plantation de la femme de Pascal Bipakila.

Entre les des deux hommes, nous apercevons une maisonnette faite de quatre poteaux qui soutiennent une petite toiture faite d'un morceau de tôle, sous laquelle nous avons une lampe accrochée. Devant les deux hommes, nous avons un tronc d'arbre allongé au sol et deux souches d'arbres. Cette photo met en exergue un système de protection des champs contre les éléphants. La lampe accrochée sous la maisonnette est allumée chaque soir par le gardien. Celle-ci témoigne la présence des hommes sur les lieux. En effet, les éléphants, ne prennent pas en général des risques de pénétrer dans un champ lorsqu'ils constatent la présence humaine surtout quand ils sont accompagnés des petits, à l'exception de quelques mâles. Donc à la vue de la lumière des lampes, ils s'éloignent. Cependant, ce système de protection au bout d'un temps devient inefficace. Une fois que les éléphants s'habituent à voir des lampes sans aucune autre réaction, ils finissent par y pénétrer. Quant à la photo 4, celle-ci nous montre à l'arrière plan, des arbres et des trouées du plafond forestier, des jeunes feuilles de bananiers puis des branches et des troncs d'arbres allongés au sol qui ont résisté au passage du feu.

Au centre, nous observons un reste de feu composé des morceaux de bois et de la cendre. Visiblement ce feu est protégé par une maisonnette dont on aperçoit un poteau qui soutient le toit de celle-ci. Le toit de cette maisonnette est constitué de vielles tôles et soutenu par des bois. Comme la photo précédente, celle-ci nous démontre comment les Bisir procèdent pour lutter contre les incursions des éléphants dans leurs champs à partir d'un système de protection qui utilise le feu. Tout comme la lumière de la lampe, la présence du feu témoigne également celle de l'homme. Aussi, selon nos informateurs, l'éléphant est très sensible à la fumée. Lorsqu'un feu est allumé et que par bonne fortune, la fumée se dirige en direction des éléphants, ces derniers s'en éloignent. Et pour rendre cette méthode plus efficace, les certaines personnes font brûler dans ces feux, des herbes et certaines plantes dont la fumée toxique a un effet répulsif sur les éléphants.

Cette technique a été reconnue par Frédéric Marchand (1999) qui nous apprend qu'au nord du Cameroun, les villageois font brûler des déjections de moutons ou de chèvres dont l'odeur est supposées avoir un effet répulsif sur les pachydermes. A Mandji, nous avons également constaté que les villageois font brûler des crottins d'éléphants associés aux pneus et à certaines espèces végétales telles que le piment, le cassia alata (gurbanga), l'ocimum gratissimum (makadumba), dont les odeurs contenues dans la fumée sont supposées avoir un effet répulsif sur les pachydermes. C'est d'ailleurs ce que confirme Marie Augustine Moumbangou quand elle dit : « Certaines personnes comme moi par exemple, je creuse une fosse dans laquelle j'allume du feu et puis nous mettons les vieux pneus, l'ocimum gratissimum, le cassia alata, les feuilles de piment et toute herbe qui sent mauvais »93(*). Selon Marchand F. (1999), certaines espèces telles que le capsicum, espèce végétale proche du piment ont pour effet d'irriter temporairement les yeux et les muqueuses des animaux provoquant leur fuite immédiate. Outre ces méthodes, les populations utilisent aussi des techniques qui utilisent le « craquement » des objets métalliques tels que des vielles limes accrochées à une corde et suspendus à l'aide d'un bois.

Ces objets produisent du bruit à l'aide du vent. Par contre, certaines personnes fabriquent des épouvantails en forme humaine à l'aide des tissus de couleurs vives. Mais ce type de dissuasion n'a cependant qu'une portée à très court terme dans la mesure où les animaux s'habituent rapidement à la présence humaine. Couplés à ces méthodes, certaines plantations possèdent un campement. Mais ces campements sont généralement fréquentés de façon sporadique par la majorité des agriculteurs, c'est-à-dire de temps en temps la nuit ou le jour, surtout pendant les périodes de semence (septembre-novembre) ou de récolte (Mars-avril) où les intrusions des éléphants dans les plantations semblent être très fréquentes. Les femmes procèdent également au ramassage des crottins d'éléphants qui sont par la suite écrasés dans de l'eau. La solution obtenue est frottée sur les bananiers. C'est que nous a confié Marie Augustine Moumbangou quand elle dit : « Nous prenons aussi ses crottes que nous écrasons dans de l'eau puis nous frottons sur les bananiers. Lorsqu'ils s'approchent en sentant l'odeur de ses crottes, il croire que ces bananiers ce sont ses crottes. Seulement il ne faut pas qu'il pleuve. S'il pleut, tu viens encore frotter. Cependant, si le champ est grand, ce travail est pénible»94(*). Cependant, ce travail est fastidieux si le champ est assez grand. De plus, l'eau des pluies nettoie souvent ce produit, ce qui annule les efforts consentis par les femmes qui sont condamnées à recommencer cette opération. Toutefois, aucune de ces barrières, aucune de ces méthodes ne peut arrêter un éléphant déterminé à passer, mais elles créent tout de même un obstacle psychologique qui peut avoir des effets répulsifs. Aussi, le facteur contraignant est le plus souvent la disponibilité du matériel pour construire ces barrières comme en témoigne Marie Augustine Moumbangou dans ces propos : « les fils métalliques que nous achetons avec les gens des chantiers. C'est un travail mon fils, même si tu as un peu d'argent en réserve tu es obligé de le sortir pour le donner au boy chauffeur pour qu'il t'apporte le fil métallique et tu paies une personne pour te débrousser les alentours du champs. Si la plantation est grande, tu peux dépenser jusqu'à cinquante mille francs »95(*).

De même, le problème des répulsifs traditionnels est qu'ils ont tendance à devenir inutiles avec le temps. Habituellement, les populations vont faire confiance à quelques méthodes, et celles-ci seront utilisées de manière répétée, avec très peu de variation. En plus, les méthodes mentionnées ci-dessus sont considérées comme « sans danger », ce qui veut dire qu'elles peuvent faire peur aux pachydermes, mais elles ne leur font aucun mal. A cause de cela, les éléphants s'y habituent et finissent par les ignorer. Ce constat a été reconnu par Stéphane LE-DUC Yeno et al. dans une étude menée aux CPAG d'avril 2004 à septembre 2006. Les auteurs admettent que «  les systèmes qui utilisent les lampes ou les feux allumés dans les plantations la nuit, des sons produits en cognant sur les fûts, deviennent inefficaces après une période d'habituation des éléphants »96(*). En effet, toutes ces méthodes utilisées seules ne sont pas efficaces. Il faut nécessairement les associer.

Et les populations reconnaissent unanimement que pour obtenir des résultats relativement satisfaisants, il faut adjoindre aux feux allumés, aux lampes, à l'émission des bruits et à la barrière, un campement avec une présence humaine permanente comme l'indique Marie Augustine Moumbangou dans cet extrait de corpus : « Malgré tous ces procédés, pour espérer avoir un peu de nourriture, il faut ériger un campement et trouver une personne pour y rester pour surveiller le champ»97(*). Et Stéphane Le-Duc Yeno et al. reconnaissent également que : « les personnes qui utilisent les fûts n'obtiennent des résultats satisfaisants qu'au terme d'une surveillance de tout instant [avec] une présence permanente dans les plantations de jour comme de nuit ». Cependant, cette entreprise est quasiment impossible à réaliser pour certaines familles dans la mesure où les parents ont des enfants qui sont scolarisés mais également pour des raisons de santé ou pour des cas de décès. Pour pallier à cette absence régulière dans les campements certaines femmes sollicitent des services des personnes volontaires à assurer le gardiennage de leurs champs moyennant un petit salaire de 15000 à 20000 CFA par mois.

Nous pouvons citer l'exemple de Mougala Jean Robert que nous avons rencontré sur la route Mandji-Yeno à 17kms de la ville de Mandji dans la plantation de Germaine Bibalou. Au regard de la dégradation des cultures par les éléphants, nous remarquons que l'émergence d'une nouvelle classe socioprofessionnelle : celle des gardiens des champs. La présence permanente d'une personne au campement participe des techniques d'effarouchement des éléphants des champs. Une fois les éléphants ont pu pénétrer dans les champs, les personnes présentent sur les lieux utilisent le feu et l'émission du bruit en criant, en cognant sur un fût ou sur des troncs d'arbre. Mais pour Frédéric Marchand (1999), « la surveillance des plantations ne constitue pas une solution efficace pour prévenir les incursions d'éléphants. Dans la plupart des cas, la seule présence humaine ne suffit pas à empêcher les pachydermes de pénétrer dans les plantations. En outre, cette méthode se révèle totalement inefficace pour les populations d'éléphants qui vivent dans les milieux fortement anthropisés et ne considèrent pas l'homme comme un danger potentiel »98(*). Ainsi, en raison de l'exaspération croissante des populations victimes des dégâts, le recours aux armes à feu est également devenu fréquent. C'est dans ce sens qu'Albert Boulikou témoigne en disant : « j'ai failli faire mourir la famille de famine. J'ai été obligé de les retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché derrière un gros tronc d'arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité »99(*).

En effet, l'usage des armes à feu demeure l'unique mesure de protection conventionnelle utilisée par les populations. Celles-ci admettent unanimement qu'une fois dans un troupeau d'éléphants, un d'entre eux a été tué ou blessé, le troupeau ne revient plus à cet endroit. Or pour Richard E. Hoare (2001), cela ne constitue qu'au mieux un répit temporaire contre les éléphants. De nombreux exemples nous permettent de supposer que les éléphants s'habituent également aux tirs de fusils s'ils y sont exposés pendant une période prolongé. R. E. Hoare (2001) nous apprend qu'au Zimbabwe, dans une étude des mouvements d'un éléphant mâle portant un col émetteur placé par un chercheur, l'un de ces compagnons a été abattu dans une zone agricole le 7 avril. Suite à cet abattage, cet éléphant portant le col émetteur est rentré dans l'asile qu'offrait le Parc National voisinant. Mais quatre nuits plus tard, il s'attaquait encore aux cultures dans la zone agricole en proximité immédiate du site d'abattage, le mois d'avril marquant le comble de la récolte. Donc l'utilisation des armes à feu n'est pas a priori, une solution efficace. De plus, elle n'est pas non plus exempte de risques pour les populations car un éléphant blessé peut devenir très dangereux.

De plus certaines personnes utilisent des fusils de petit calibre. Or l'utilisation de fusils de faible calibre n'occasionne généralement pas la mort immédiate des animaux et la plupart des pachydermes blessés ne succombent à leurs blessures qu'après plusieurs mois. L'utilisation des armes à feu par les populations n'est donc pas envisageable. En plus, à moins de posséder un permis de chasse (grande chasse) et une arme appropriée dont les coûts restent inabordables pour les populations locales, toute forme de chasse, même traditionnelle dans certains contextes, constitue pour les défenseurs de la faune sauvage, un acte de braconnage. En outre, l'utilisation du feu, l'émission du bruit et l'usage des armes à feu, sont des pratiques qui crée un tel stress au sein des troupeaux d'éléphants qu'il devient difficile de canaliser leur fuite qui, pris de panique, les animaux sont susceptibles de devenir agressifs et présentent un danger potentiel pour les personnes qui participent à ces opérations de refoulement.

* 93 Marie Augustine Moumbangou, corpus n°10, séquence n°2.

* 94 Marie Augustine Moumbangou, corpus n°10, séquence n°2.

* 95 Marie Augustine Moumbangou, corpus n° 10, séquence n°2.

* 96 Stéphane LE-DUC Yeno et al., Agriculture et comflits hommes/faune sauvage : synthèse des données collectées dans le complexe d'aires protégées de Gamba, Rapport WWF, avril 2004-septembre 2006, p. 12.

* 97 Marie Augustine Moumbangou, corpus n° 10, séquence n°2.

* 98 Frédéric MARCHAND (1999),  Les conflits entre homme et éléphants : quelles solutions ?  In : Le FLAMBOYANT, n° 50, pp.16-18.

* 99 Albert Boulikou, corpus n°2, séquence n°3.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry