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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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1.2 Etat de la documentation

La documentation écrite sollicitée pour notre travail comprend quelques ouvrages et travaux de recherche ayant plus ou moins traité des rapports de l'homme à son environnement. Cette étape de la recherche est capitale dans la mesure où « la fécondité de la collecte est déterminée par la lecture d'ouvrages fondamentaux renseignant sur la zone d'étude, les domaines et les disciplines que les recherches en cours impliquent. En fait, il s'agit d'avoir un minimum d'informations théoriques. Il est donc nécessaire de prendre connaissance de quelques travaux »38(*). En effet, bien que la tradition anthropologique soit par marquée par la pratique du terrain, il est indispensable de se munir des outils théoriques afin de les confrontés avec les éléments du terrain qui est le nôtre. Parmi les ouvrages et travaux de recherche, nous avons retenu :

LEVI-STRAUSS, Claude, 1962[8ème éd. 1996], Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, 159 p.

Né en le 28 novembre 1908 à Bruxelles (Belgique), Claude Lévi-Strauss fait ses études secondaires à Paris jusqu'à l'obtention de son baccalauréat. En 1928, il prépare son agrégation de philosophie qu'il obtient en 1931. en 1935, il rejoint son premier poste universitaire à la chaire de sociologie de Sao Paulo où il y enseigne jusqu'en 1938. A la fin de l'année 1935, sa femme et lui effectuent une mission pour le compte du musée de l'Homme et de la ville de Sao Paulo. C'est au cours de cette mission à l'intérieur du Brésil, dans le Mato Grosso qu'il s'initie à l'ethnographie en réalisant sa première enquête chez les indiens Caduveo et Bororo. C'est d'ailleurs la narration de ce premier voyage qui occupe une bonne partie de Tristes Tropiques. Il enseigne respectivement à New-York (1941-1944) et au collège de France (1959-1982). Entre temps, en 1973, il est élu à l'académie française et a dirigé plusieurs missions scientifiques en Amazonie méridionale et au Brésil.

En 1982, il prend sa retraite mais reste membre du Laboratoire d'Anthropologie Sociale. Il a écrit nombre d'articles et d'ouvrages dont celui-ci. Comme Lévi-Strauss l'a lui-même présenté, Le totémisme aujourd'hui est une sorte d'introduction à La pensée sauvage. Dans cet ouvrage reparti en cinq chapitres, l'auteur trace les traits majeurs des publications liées à la question du totémisme, en reprenant les thèses aussi bien des adversaires que des partisans de cette question. Ensuite, il déconstruit et construit le phénomène totémique en offrant des exemples typiques de sa réalité empruntée à plusieurs régions et sociétés du monde telles que les Ojibwa des Grands Lacs, les Tikopia de Polynésie, les Maori de la Nouvelle-Zélande, les Tallensi du nord de la Gold-Coast, les kwakiutl de la Colombie britannique, etc. En le rétablissant dans les faits, l'auteur voit dans celui-ci, un système de classification et de correspondances imagées entre l'ordre de la nature et celui de la culture.

Dans cet ouvrage, nous nous sommes particulièrement intéressé au chapitre IV, intitulé « Vers l'intellect ». Dans celui-ci, Lévi-Strauss nous fait assister à la disposition de l'idée même de totémisme et à l'émergence de l'hypothèse structurale chez les anthropologues anglo-saxons et dont certains étaient liés aux positions fonctionnalistes notamment M. Fortes et R. Firth, Radcliffe-Brown et Evans-Pritchard. Dans son ouvrage sur les Tallensi, rapporte Lévi-Strauss, Fortes montre que ce groupe ethnique observe des prohibitions alimentaires, communes à d'autres groupes de la région sur une vaste étendue. Ces prohibitions portent sur des oiseaux comme le canari, la tourterelle, la poule domestique ; les reptiles comme le crocodile, le serpent, la tortue ; quelques poissons ; la grande sauterelle ; le singe ; le porc sauvage ; des ruminants ; chèvre et mouton ; des carnivores : chat, chien, léopard, etc. Mais Lévi-Strauss remarque que l'hypothèse fonctionnaliste n'est dans ce cas d'aucun secours tant cette liste est hétéroclite. Certains de ces animaux n'offrent aucun intérêt économique, d'autres, très inoffensifs, ne présentent aucune signification particulière du point de vue du danger ou de son évitement. Sur ces faits, Lévi-Strauss soulève deux problèmes à savoir pourquoi le symbolisme animal et pourquoi le choix de certains animaux plutôt que d'autres, c'est-à-dire pourquoi tel symbolisme plutôt que tel autre ? Pour Fortes, certaines prohibitions sont individuelles et d'autres collectives.

Parmi ces dernières, certaines sont liées à des lieux déterminés. Ainsi s'affirme un lien entre certaines espèces sacrées, des clans et des territoires. On comprend mieux par exemple le rapport établi entre les ancêtres, imprévisibles et capables de nuire, et certains animaux carnassiers. D'une manière générale, les animaux, estime Fortes, sont aptes à symboliser les conduites humaines ou celles des esprits ; l'utilisation des différents types correspond aux différences dans nos conduites et nos codes sociaux et moraux. C'est une hypothèse du même genre que propose Firth dans son étude sur le totémisme polynésien quand il se demande pourquoi les animaux l'emportent sur les plantes ou autres éléments. Mais que faire des totems non animaux ? Et même des animaux autres que carnassiers qui se prêtent mal dans les analyses de Fortes et Firth à la ressemblance avec les ancêtres ? Pour Lévi-Strauss, ces deux auteurs conçoivent la ressemblance entre animaux et ancêtres de manière très empirique, c'est-à-dire comme des correspondances de qualités repérées de part et d'autre. Cependant, c'est à ce point que Lévi-Strauss situe la faiblesse essentielle de leur méthode. Ces deux auteurs tendent en effet à mettre en parallèle des signifiés alors que le problème à résoudre est de savoir pourquoi une série animale. Autrement dit comment une série de différence répond à une autre série de différence.

Selon Lévi-Strauss, poser la question ainsi, c'est comprendre que « ce ne sont les ressemblances, mais les différences qui se ressemblent »39(*). C'est ce qui diffère dans chaque série qui est significatif ; les séries de différences repérées dans le monde naturel servent alors de « code » pour instituer et désigner des différences dans le monde humain : « la ressemblance, que supposent les représentations dites totémiques, est entre ces deux systèmes de différences ». Ainsi, à la reprise d'un texte d'Evans-Pritchard, Lévi-Strauss va pouvoir avancer l'hypothèse selon laquelle : ce qu'on a appelé « totémisme » n'est qu'un cas particulier d'un procédé général dans les sociétés sauvages et qui consiste à signifier les différences dans la société au moyen de différences répertoriées dans le monde naturel.

Il termine ce chapitre en mentionnant qu'un animal dit « totémique » n'est donc pas un animal qui serait l'objet d'une mystérieuse identification entre lui et tel individu ou tel groupe ; un animal, c'est d'abord un « outil conceptuel », car comme organisme il est un système à lui tout seul et comme individu il est élément d'une espèce ; il peut donc parfaitement servir à signifier l'unité d'une multiplicité et le multiple d'une unité. Pour notre part, nous avons retenu cet ouvrage pour qu'il nous aide à appréhender le concept de l'éléphant chez les Bisir. En effet, chez les Bisir un éléphant n'est pas vu seulement comme un animal et surtout pas un animal quelconque. Il constitue d'abord un symbole, un génie, un protecteur, un guide avant d'être considéré comme une source de protéines animales.

LEVI-STRAUSS, Claude (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, 389 p.

Dans cet ouvrage, l'auteur pose des questions qui se rattachent à la fois à la philosophie, à la linguistique ainsi qu'à l'anthropologie cognitive. Il veut par ailleurs, montrer que les hypothèses utilisées notamment les thèses utilitaristes, économiques et alimentaires sont insuffisantes d'intérêt. En effet, après avoir rassembler et comparer des informations pour l'essentiel constituées de témoignages des observateurs, explorateurs, missionnaires, biologistes, etc. provenant de plusieurs régions du monde, Claude Lévi-Strauss va critiquer la thèse selon laquelle : « le sauvage est gouverné exclusivement par des raisons organiques ou économiques »40(*).

Il entreprend de montrer que le sauvage est aussi rationnel que le civilisé. Cette démonstration repose sur le refus de Lévi-Strauss de considérer les sauvages comme des individus inférieurs. Ce refus louable, va conduire l'auteur à décrire leurs cosmologies, leurs modes d'ordonnancement du monde comme des entreprises logiques, conduites par la pensée classificatoire. Pour y parvenir, il effectue un travail de déconstruction des thèses de certains de ces prédécesseurs sur la question du comportement et des manières d'agir et de faire des peuples traditionnels, pour ensuite mettre sur pied la « science du concret » qui est selon lui, une pensée organisatrice du monde naturel, afin d'appréhender et de comprendre autrement la pensée de l'«Autre ».

Avec la publication de La pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss opère ainsi, une profonde et remarquable transformation dans l'étude du rapport des sociétés « primitives » à leur milieu immédiat. En parlant du monde animal, il note qu' « un animal peut à lui tout seul devenir un outil conceptuel très complexe et complet »41(*). En cela, il nous guide encore dans notre réflexion sur l'évolution des rapports de l'homme gisir avec la faune sauvage. Car tout comme les autres peuples traditionnels, les Bisir poursuivent des objectifs variés par rapport à leur faune, ils ne les orientent pas exclusivement vers la satisfaction des besoins alimentaires. Cependant, du point de vue de la méthode et des données, pour Lévi-Strauss, peu importe de savoir qui parle et avec qui il parle. Pour nommer ses informateurs, il parle d'indigène. La conception qu'il a de la méthode consiste à mettre en avant un modèle logique de la réalité et, ce faisant, il investit l'anthropologue du pouvoir scientifique, reléguant de la sorte l'indigène au second plan.

DESCOLA, Philippe (1986), La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, Paris, Ed. MSH, Coll. Fondation Singer-Polignac, 450 p.

Anthropologue français, Philippe Descola est directeur d'étude à l'école des Hautes Etudes en Sciences Sociales (E.H.SS) et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale au collège de France à Paris. Etudiant en philosophie, il découvre peu après l'ethnologie et les « sociétés exotiques » puis prend attache avec les mythologies amérindiennes de Claude Lévi-Strauss.

Par l'entremise du Laboratoire d'Anthropologie Sociale sous la direction de Lévi-Strauss, Philippe Descola bénéficie d'une mission du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) au cours de laquelle, il se familiarise avec les indiens Achuar. Pour ce qui est des Achuar, il s'agit d'un groupe appartenant à l'ensemble Jivaro, situé dans le haut Amazone, à la frontière entre le Pérou et l'Equateur. Ce sont, à l'époque (année soixante-dix) des nouveaux venus sur la scène ethnographique. Cette méconnaissance est d'ailleurs sans doute due à la méfiance qu'inspirait ce peuple d'Amazonie en guerre permanente et célèbre pour sa technique de réduction de la tête de leurs ennemis tués au combat. Philippe Descola et son épouse Anne-Christine Taylor ont réalisé leur terrain parmi les Achuar de Pérou entre 1976 et 1979, y réalisant plusieurs séjours prolongés. De retour en France en 1984, il rédige une thèse qui sera publiée sous le titre : La nature domestique. Considéré comme l'ouvrage qui a donné naissance à l'anthropologie de la nature, La nature domestique a fait date dans l'histoire de la discipline. En battant en brèche les thèses de certains de ses devanciers, son ambition a été de déconstruire le caractère réductionniste ainsi que de relier les aspects symboliques et les aspects matérialistes dans une étude des relations entre les Achar et leur environnement.

En effet, dans l'introduction de cet ouvrage, il explique la volonté qui est la sienne de dépasser les fondements de l'anthropologie écologique, encore nettement dépendante de l'opposition nature-culture. Il critique la séparation théorique, dans les études des populations amazoniennes entre morphologie symbolique qui appréhende la nature comme un objet de la pensée taxinomique et cosmologique ; et le réductionnisme écologique qui aborde toutes les manifestations de la culture comme des épiphénomènes du travail « naturant » de la nature.

Tout compte fait, la séparation nature-culture offre un pendant théorique : séparation entre étude de la matière et l'étude de la pensée. Autrement dit soit on explique la nature par la culture, soit la culture par la nature. Pour Descola, ces approches ont pour défaut un dualisme excessif et un intérêt insuffisant envers la pratique. L'objectif de son anthropologie de la nature serait « d'analyser les rapports entre l'homme et son environnement sous l'angle des interactions dynamiques entre techniques de socialisation de la nature et les systèmes symboliques qui les organisent »42(*). Car pour lui, «c'est à cette condition que l'on peut  montrer comment la pratique sociale de la nature s'articule à la fois sur l'idée qu'une société se fait d'elle-même, sur l'idée qu'elle se fait de son environnement matériel et sur l'idée qu'elle se fait de son intervention sur cet environnement »43(*).

Ainsi, il présente la société Achuar comme une société où l'imaginaire donne à la nature toutes les apparences des sociétés humaines. Aussi, en examinant les dynamiques et les processus de socialisation de la nature sous leurs formes techniques, symboliques, matérielles, idéelles, quantitatives et qualitatives, l'auteur vient à conclure que la société achuar dans ses rapports avec l'environnement ne sépare pas les « déterminants techniques des déterminants mentales »44(*). Il fait le constat selon lequel, les achuar ont « une connaissance pragmatique et théorique de la diversité de leur environnement, connaissance qui est instrumentalisée dans leurs modes d'usage de la nature et notamment, dans les techniques agricoles »45(*).

DESMOND Morris (1990), Des animaux et des hommes : partager la planète, Saint-Armand-Montrond, Ed. Calmann-Levy, 206 p.

Morris Desmond est professeur de sociologie à l'Université d'Oxford et auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels, Les best-sellers, Le singe nu, Le chat révélé, Le chien révélé, pour lesquels il a obtenu le prix littéraire Trente Million d'Amis. Cet ouvrage a été traduit en anglais par Edith Och avec la collaboration de Monique Lebailly (1992). Dans ce document, l'auteur fait un bref exposé de ses points de vue sur les comportements tyranniques et abus répétés des hommes à l'égard des animaux. Tout en militant en faveur du bien-être du règne animal, il invite à respecter fondamentalement les grands principes de la conduite humaine au risque de devenir des nouveaux dinosaures c'est-à-dire les fossiles d'une ère future.

Dans cet ouvrage, nous nous sommes personnellement intéressé à la première partie intitulée La compagnie des animaux qui brosse un contour historique et spatial des relations étroites et particulières de nos lointains ancêtres avec nos compagnons les animaux. Il s'agit des relations empruntes de mythes et légendes, de cérémonies occultes, danses rituelles et de totems.

Selon l'auteur, le poids de certaines de ces représentations symboliques élaborées continuellement à partir des drames d'animaux mimés exerçait une influence positive sur les affaires humaines et suscitait sacralisation animale. Cet ouvrage nous interpelle d'autant plus que l'on retrouve aussi ces multiples formes de croyances et de symbolisme animal chez les peuples bantu du Gabon, notamment dans leurs pratiques initiatiques et rituelles et parfois même dans l'attribution des noms de personne empruntés au monde animal,etc. Et chez les gisir, l'éléphant appelé « nzahu » en langue gisir, est aussi un nom attribué aux hommes notamment aux jumeaux. De même, dans certains rites tels que le « bwiti ndeya » ou le ngubi, l'éléphant a une grande signification.

BODINGA-BWA-BODINGA, Sébastien et VAN der VEEN, Lolke J. (1995), Les proverbes evia et le monde animal : la communauté traditionnelle des evia (Gabon) à travers ses expressions proverbiales, Paris, L'Harmattan, 95 p.

Bodinga-Bwa-Bodinga Sébastien est natif de Mavovo, village situé sur la rive droite du fleuve Ngounié, en face de la ville de Fougamou. Il est comptable de formation et ancien Secrétaire du gouverneur de la province de la Ngounié à Mouila. Actuellement admis à la retraite, il est cependant très actif, en particulier dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine linguistique de son groupe ethnoculturel. Lolke Van der Veen est né en 1959 à Hellendoom au Pays-Bas. Il est maître de conférences à l'Université Lumière-Lyon2 et enseigne la linguistique et la sémiologie. Il est par ailleurs membre du Laboratoire de Phonétique et Linguistique Africaine. La plupart de ses travaux de recherche, notamment sa thèse de doctorat soutenu en 1991, porte sur les parlers du groupe B30.

Cet ouvrage est une compilation de proverbes tirés du socle culturel des evia du village Mavovo en face de la ville de Fougamou au Gabon. Les evia parlent une des nombreuses langues bantu nommée le gevia appartenant au groupe linguistique B30 selon la classification de Malcolm Guthrie. Dans ce document, Sébastien Bodinga-Bwa-Bodinga justifie le choix de cette entreprise par le fait que le patrimoine culturel et moral des evia, pourtant nécessaire pour l'éducation des enfants et pour le savoir-vivre, tend progressivement à disparaître. De ce point de vue, son objectif est donc de sauvegarder ces expressions proverbiales et imagées qui ont de toute évidence, un lien avec l'histoire de cette communauté.

Ces expressions ont été récoltées principalement par lui-même en août 1965 auprès de son père, grand-père paternel et auprès d'un ancien passeur administratif. La vérification des transcriptions phonétiques, des traductions en français et des commentaires sont l'oeuvre de Lolke Van der Veen. Dans le premier chapitre, on retrouve l'ensemble des proverbes de la traduction gevia qui mettent en scène des animaux. On en compte 235 au total. Elles sont énumérées par rapport aux principes de classification de la faune : reptiles, oiseaux, mammifères, poissons, invertébrés, etc. outre la présentation littérale, chaque proverbe est suivi d'un « mini-commentaire » explicatif. Les auteurs ont également pris soin d'établir la correspondance entre les termes animaux en evia et les termes scientifiques mais également en français. Dans le chapitre2, est faite une analyse des particularités linguistiques de la langue evia. Il s'agit tout au plus d'un inventaire des types de construction de la langue à travers sa structure grammaticale. En se référant à chaque expression proverbiale, il a relevé un certain nombre d'entre elles à savoir : le recours à la personnalisation, à la métaphore, à l'antithèse, aux propositions verbales déclaratives.

Dans le chapitre suivant, il nous est présenté une analyse de l'influence du monde animal dans l'expression des valeurs morales chez les evia. Puis, il se dégage les principales tendances du regard des evia sur le monde animal c'est-à-dire les caractéristiques qu'ils retiennent pour chaque espèce : comportements physiques, expériences de la chasse, de la pêche, pratiques culinaires, indication du temps, du miel, des noix de palme, etc. Enfin au quatrième chapitre, l'auteur analyse le système des valeurs. Il fait un classement thématique en trois rubriques des valeurs préconisées par la société evia. Ainsi, on peut voir comment vivre en famille, avec les autres où comment faire face aux remparts de la vie.

Cela montre finalement combien le monde animal a un intérêt pour l'homme afin de se construire, de se forger tant au niveau individuel, de la famille qu'au niveau de la communauté tout entière. On s'y réfère très souvent pour lire le passé, le présent, l'avenir, pour se protéger, pour chercher les moyens énergétiques, etc. Toute la philosophie dégagée dans cet ouvrage n'échappe pas au monde gisir. Fréquemment, il est fait usage des corpus oraux issus de la tradition orale dans lesquels des animaux apparaissent comme outil pédagogique.

MAYER Raymond (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, pp.43-49.

Dans ce document, nous nous sommes particulièrement intéressé à la rubrique « Patrimoine Animal », et plus précisément au texte intitulé : « Des caméléons et des hommes » de Raymond Mayer, professeur en anthropologie à l'Université Omar Bongo. Dans ce texte, Raymond Mayer attire l'attention des dirigeants des programme de la protection des animaux sur la nécessité de prendre compte les comportements culturels des populations vis-à-vis des animaux avant l'application d'un quelconque programme car dit-il « ...un animal n'est pas vu de la même manière suivant les sociétés humaines dans lesquelles il se trouve, et au voisinage desquels se trouve son écosystème »46(*).

A cet effet, il précise que si l'on envisage un programme de protection des animaux dans un espace donné, il est indispensable de commencer par essayer de savoir quel est le comportement traditionnel des populations qui y vivent à l'égard des animaux. Autrement dit, « il est nécessaire de connaître l'axiologie particulière de chaque « ethnoculture » vis-à-vis des animaux avant d'y envisager une intervention exogène. Car à l'intérieur d'un même territoire, les attitudes vis-à-vis d'une même espèce animale peuvent changer ». Il note par exemple qu'il y a des populations qui mangent le chien et le chat, d'autres qui réprouvent ce type de comportement alimentaire. Certains animaux sont vus comme menaçants par certaines populations, alors qu'ils sont considérés comme inoffensifs par d'autres. C'est notamment le cas de l'éléphant qui est domestiqué en Asie, alors qu'il constitue une grande menace et un gros gibier en Afrique. Certains animaux sont, continue-t-il, vus dans la plus totale indifférence, alors que d'autres leur vouent un culte quasi sacré et d'autres, occupent des positions totémiques, liées à des interdits alimentaires. Il poursuit son texte en soulignant que : « si l'animal n'occupait q'une position naturelle, on pourrait dire que les jeu sont faits. Il serait un donné brut de la nature, sur lequel l'homme n'aurait pas ou peu de prise. Il serait difficile de concevoir un changement de mentalité dans ces conditions. Au contraire, la position culturelle des animaux rend possible la modification des attitudes humaines vis-à-vis de chaque animal. Les cultures sont identitaires, mais elles sont aussi évolutives, et donc modificatrices de comportements humains »47(*).

Enfin, il rappelle qu' « il n'y a pas d'animaux naturels : il n'y a que des animaux  culturels. A la taxinomie des animaux correspond aussi une taxinomie des comportements »48(*). Car chaque animal occupe une position spécifique dans l'entendement et le comportement des hommes même si le comportement confine parfois à une attitude d'indifférence. Ainsi, en s'appuyant sur ce texte, nous envisageons de voir si les thèses de Raymond Mayer peuvent s'appliquer à notre terrain. Etant entendu que la situation conflictuelle qui prévaut à Mandji et partout ailleurs, est née de la différence de conception vis-à-vis du monde animal entre les sociétés traditionnelles et les acteurs de la protection des animaux dits sauvages.

En effet, de nos jours, de nombreuses campagnes de sensibilisation sur l'environnement sont réalisées mais elles ne tiennent pas toujours compte des traditions de nos sociétés qui structurent encore aujourd'hui l'imaginaire des populations en particulier celles vivant en zone rurale. Les affiches de ces campagnes font connaître les animaux protégés à travers une image, une dénomination courante en français et un nom scientifique mais aucun lien, aune attache n'est faite suggérée entre les populations auxquelles s'adresse le message et les différents animaux inventoriés sur l'affiche. Or étant donné que les connaissances sur l'écologie comportementale de l'éléphant au Gabon ne sont pas encore fiables, intéressant serait-il d'inclure les peuples traditionnels dans les programmes de protection de la faune et en particulier de l'éléphant car ils détiennent depuis des longues décennies des savoirs sur la faune.

LATOUR Bruno (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire, 382 p.

Bruno Latour est professeur à l'école nationale supérieure des mines de Paris et à l'université de Californie à San Diego. Après une agrégation et un doctorat en philosophie, il a fait plusieurs études ethnographiques en Afrique puis en Amérique. Il est l'auteur de nombre d'ouvrages dont Les microbes : guerre et paix (1984), La vie de laboratoire (1989) avec Steve Woolgar, La science en action (1989), Nous n'avons jamais été modernes : essai d'anthropologie symétrique (1991). Toutefois, il est prudent de débuter en insistant sur le fait que Bruno Latour est un personnage atypique dans la discipline anthropologique. Au contraire de l'ensemble des anthropologues de la nature, Latour n'a pas de terrain « exotique », il n'a même pas un terrain qui corresponde à quoi que ce soit de classique en anthropologie.

En effet, son terrain, c'est un laboratoire scientifique à San Diego. Il est évident que ce choix fait de lui un chercheur difficile à classer dans le champ anthropologique. Dans ce livre, Bruno Latour traite plus particulièrement de l'anthropologie de la nature. Le point de départ de sa réflexion est : les écologistes, selon leurs propres dires, auraient fait entrer la nature en politique. Le problème tient dans le fait que le concept de « nature » auquel ils font allusion dépend encore trop largement de la science occidentale qui est chargée d'en étudier les lois. Or, cette nature telle qu'elle est conçue dans le champ scientifique, repose sur l'édifice moderne de la séparation fondamentale entre nature et culture. Dans cette perspective, la nature constitue ce qui est objectif et indiscutable et se place comme extérieure au monde de la culture qui, lui, est subjectif et discutable.

Pour Latour, la modernité est la naissance séparée et simultanée de l'humanité et de la nature, elle est issue de la division de ces deux sphères, lesquelles, dans les sociétés non modernes, sont souvent liées. La nature, pour un homme moderne, c'est tout ce qui ne relève pas de l'humanité : choses animées et inanimées, lois auxquelles ces choses obéissent. C'est donc à l'aide de la modernité que l'homme s'exclut de la nature, créant en même temps une classe de phénomènes qualifiés de « naturels » et une autre où ceux-ci seront dits « humains », sans compter les quelques « hybrides », mi-naturels mi-humains, qui déambulent çà et là en cherchant de quel côté se ranger. Pour l'homme moderne, la nature représente donc tout ce qui lui est extérieur.

Elle est régie par des lois mécaniques qui ne prennent en comptent aucun critère présent dans les rapports humains, comme les sentiments ou la conscience. D'ailleurs, ce positionnement est logique : pour maîtriser et dominer la nature, mieux vaut s'en extraire. La juxtaposition de ces deux (nature et culture) termes est donc impossible puisqu'ils ont été créés pour exister en opposition. Cela suppose l'existence d'une nature dont s'occupent l'écologie et de plusieurs sociétés dont s'occupe la politique. Donc, pour lui, le terme « écologie politique » ne veut rien dire. A moins bien sur de repenser ces termes dans leur fondement. En cela, l'écologie politique marque non pas l'entrée de la nature en politique, mais plutôt la fin de la nature en tant que « façon particulière de totaliser les membres qui partagent le même monde »49(*).

Mais alors que proposer en échange de cet ancien collectif à deux chambres ? Une optique intéressante, selon Bruno Latour, serait de concevoir l'écologie comme la réunion des humains et non-humains sur la base de nouveaux critères. Et sur ce point, il affirme que l'anthropologie peut venir en aide à ce nouveau projet en « permettant d'extraire les occidentaux de l'exotisme qu'ils s'étaient imposés à eux-mêmes »50(*). En effet, « ce ne sont plus eux, les sauvages, qui apparaissent comme des étrangers parce qu'ils mélangeraient ce qui ne devrait en aucun cas se mélanger, les « choses » et les « personnes » ; c'est nous, les occidentaux, qui vivions jusqu'ici dans l'étrange sentiment qu'il fallait séparer en deux collectifs distincts, selon deux formes de rassemblement incommensurables, les « choses » d'un coté, et les « personnes » de l'autre ».51(*) Donc la division nature-culture ne va pas de soi.

Mais sur quels critères allons nous fonder ce monde commun, Latour propose de le définir comme une assemblée d'êtres capables de parler. Mais il ajoute qu'il faut se méfier des scientifiques qui font parler les objets en laissant supposer que ces derniers parlent d'eux-mêmes ; car ce faisant, ils taisent le fait que la science est un système de représentation des choses qui n'est universel. Latour propose donc de chercher d'autres intermédiaires dont le « porte-parole » semble être un bon exemple. En effet, ce dernier se place davantage dans le doute, il parle au nom des autres. Le recours au porte-parole pourrait, selon Bruno Latour, permettre un premier rassemblement « qui ne diviserait plus d'avance les types de représentations entre ceux qui démontrent ce que sont les choses et ceux qui affirment ce que veulent les humains »52(*). En cela, nous pourrions ouvrir le dialogue avec les autres cultures que nous avions, dans notre projet absolu d'aller de l'avant, rejetés au ban de la société. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que ce soit au moment où le modernisme montre ses failles que les occidentaux se montrent plus enclins à l'ouverture et à la prudence. Peut-être est-il trop tard, remarque Latour, aurait-il fallu y penser avant ? Mais il affirme que ce qui est fait est fait et que cela ne doit pas nous empêcher de tenter le dialogue. Il faut en effet que les entités jusqu'à aujourd'hui ignorées soient représentées dans le collectif.

Et si l'anthropologie a déjà avancé sur ce terrain, Latour lui adjoint aujourd'hui des talents de la diplomatie. En effet, le diplomate, qui appartient à une des parties en conflit représente beaucoup d'avantages dans le cadre de la médiation ; « a aucun moment il n'utilise la notion de monde commun de référence puisque c'est pour construire ce monde commun qu'il affronte tous les dangers »53(*). Il cherche la médiation entre les exigences et les expressions. Le projet de cette anthropologie diplomatique serait donc de répartir l'unité et la multiplicité autrement : « les faits établis par le diplomate, il faut dorénavant que les parties adverses les aiment, les apprécient, les partagent, ou du moins les supportent ». Latour conclut en affirmant que l'écologie politique, à ce stade, est loin de régler la question du collectif ; au contraire, sa vertu est de laisser ouverte la question. En effet, la médiation que la modernité niait d'emblée est aujourd'hui recherchée. C'est sur cet horizon-là que Latour espère développer un rapprochement entre les cultures.

Cependant, le projet « latourien » n'est pas de décrire ce qui est mais ce qui devrait être. En soi, cette définition de l'anthropologie est loin d'emporter l'adhésion de tous. En effet, c'est encore et toujours, dans la discipline anthropologique, le terrain et sa description qui prime. S'il est évident que Bruno Latour construit son analyse sur des faits actuels annonciateurs d'un changement, sa théorie prend très vite des envolées théoriques sur la matière d'organiser ce changement. En cela, il faut prendre son travail pour ce qu'il est une hypothèse ; et comme toute hypothèse, celle-ci doit se conformer à ce qui se passe réellement dans le monde. Aussi, si pour Latour il est évident que les occidentaux n'ont jamais été modernes et qu'il non faut donc construire un monde « non-moderne », il n'est pas évident que ce constat trouve un écho dans la manière dont les individus pensent le monde et leur relation avec celui-ci. De notre point de vue, cet ouvrage nous interpelle d'avantage à appréhender chez les acteurs de la protection, leur conception de la faune, son importance et la place que celle-ci occupe dans leur vision du monde par rapport à celle des populations villageoises.

LEPEMANGOYE MOULEKA Sandry Franck (2003), Ethnozoologie du Monde Bantu : Représentation, contexte d'usage et pratiques liés à l'écologie animale chez les Banzébi du Gabon, Mémoire de Maîtrise Anthropologie, Libreville, Université Omar Bongo, 133 p.

Ce mémoire de maîtrise est composé de trois parties. La première partie présente l'état des lieux des documents consultés sur la question et ceux relatifs à la population d'enquête. La deuxième partie fait état des différents corpus oraux et factuels récoltés. Dans la troisième partie, il est question de l'exploitation et de l'analyse des corpus en présentant les principes de nomenclature, de catégorisation et de taxinomie nzébi et linnéenne. Au terme de son étude, Lepemangoye Mouleka Sandry Franck aboutit aux conclusions selon lesquelles : Pour les nzébi, l'animal reste alors un partenaire, un « associé », mieux un « doublet » de personne humaine avec qui on peut échanger des messages dans divers contextes singuliers. De sorte, certaines pensent que tout individu a la possibilité de s'incarner dans l'animal ou un animal adopter la forme d'un être humain.

En cela, l'auteur justifie ses propos par un « perspectivisme » de Philippe Descola qui rend compte de la vision des populations banzébi de l'humanité des personnes animales lorsqu'il dit « La métaphore n'est pas un dévoilement de l'humanité des personnes animales, ou un déguisement de l'humanité des personnes humaines, mais le stade culminant des relations ou chacun, en modifiant la position d'observation que sa physicalité originelle impose, s'attache à coïncider avec la perspective sous laquelle, il pense que l'autre s'envisage lui-même : l'humain ne voit plus l'animal comme il voit d'ordinaire, mais il ne se voit pas d'habitude, mais tel qu'il souhaite être vu en animal »54(*) . L'homme et son « alter ego » l'animal forment ensemble ce que Merleau-Ponty appelle des « corps associés »55(*).

OVONO EDZANG Noël (2004), Apport du géographe dans l'analyse des conflits ruraux : exemple du conflit agriculture-faune à Asséwé (Gabon). Rapport non publié.

Détenteur d'un doctorat en géographie, Noël Ovono Edzang est chercheur à l'IRSH (Institut de Recherche en Sciences Humaines) et il officie des cours au département de géographie à l'Université Omar Bongo. Ce présent document est une communication qu'il avait faite lors d'un colloque à l'Université Dschang au Cameroun en Mai 2004. Cette communication avait pour objet l'évaluation des difficultés et des potentialités d'une protection des cultures face aux menaces de destruction causées par les éléphants. En effet, c'est lors d'une mission réalisée dans le village Asséwé dans le département d'Etimboué en mars 2002 que les villageois de cette bourgade ont fait part du problème récurrent auquel ils étaient confrontés à savoir la destruction de leurs plantations par les éléphants. A la suite de ces plaintes, le géographe et ses collaborateurs vont entreprendre une étude sur les dégradations provoquées par les animaux sur les cultures et l'abattage de ces animaux par les villageois.

En d'autres termes, il s'agissait de la gestion de ce conflit dans la lagune du Fernan-Vaz et plus précisément dans le village d'Asséwé. Après avoir présenté l'origine du conflit, et identifié les différents protagonistes à savoir les agriculteurs, les autorités locales, les notables, les chasseurs, les exploitants forestiers, les animaux (premiers responsables des destructions des plantations) et les sociétés de conservation (WWF et WCS), l'auteur met en lumière les méthodes de lutte contre la destruction des plantations. Puis, il poursuit en fournissant la méthodologie retenue pour collecter les informations en vue d'une médiation ensuite, en indiquant le matériel utilisé et enfin en présentant l'outil de gestion des conflits qui est la médiation. Mais dans le cas du conflit d'Asséwé, l'auteur précise qu'ils se sont limités à l'étape de l'étude du conflit et la restitution des observations. Et de cette restitution, il ressort que les raisons de la présence régulière des éléphants dans les plantations sont la disparition du « Moabi » (arbre dont les fruits sont consommés par les éléphants). Il fait le constat suivant : « il est à noter que l'ensemble des villageois ont leurs plantations du coté ouest du village. C'est dans ces anciennes forêts que se pratiquait l'exploitation forestière qui a progressivement fait disparaître le Moabi ».

ALFA GAMBARI IMOROU, Safouratou et al. (2004), Les conflits homme-éléphants (loxodonta africana) dans la zone cynégétique de la Djona (bénin) adjacente au parc régional du W : cas des villages d'Alfakoara in : CHARDONET Philippe, LAMARQUE François, BIRKAN Marcel (eds.), Actes du 6ème Symposium International sur l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage : « La faune sauvage : une ressource naturelle », du 6 au 9 juillet 2004 à Paris, France, Tome 2, Game Wildl. Sci., pp.553-569.

Ce document de très bonne facture, est un rapport d'étude réalisé par Safouratou Alfa Gambari Imorou et ses collaborateurs à l'occasion des Actes du 6ème Symposium International sur l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage organisé par la Fondation Internationale pour la Sauvegarde de la Faune en partenariat avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le Ministère français des Affaires Etrangères, le Muséum National d'Histoire Naturelle, l'UNESCO, le MAB, le CIRAD et la Fondation de la Maison de la Chasse et de la Faune à Paris en juillet 2004. Dans cette étude, l'objectif visé, était de relever les problèmes rencontrés par les diverses catégories socio-professionnelles du fait de la présence des éléphants dans les zones de cultures, puis d'appréhender leur perception des éléphants. L'enquête s'est déroulée entre 1999 et 2002 dans la zone cynégétique de la Djona située au nord de la République du Bénin entre 11°20' et 11°60' de latitude Nord et 2°50' et 3°20' de longitude Est.

La démarche méthodologique retenue par les auteurs à consister à recueillir les données sur l'évaluation des dégâts dans les champs, sur la perception de l'éléphant par les populations locales et sur les paramètres écologiques. En ce qui concerne l'évaluation des dégâts, les dégâts dus aux éléphants ont été évalués grâce à la mesure et au calcul des superficies de cultures détruites dans les champs. Ces superficies ont été mesurées à l'aide d'un mètre ruban, et ont été calculées par culture et par champ, et totalisées pour toute la saison agricole. Cela a permis de récolter : la taille des troupeaux ayant causé les dégâts, les heures des dégâts, les cultures touchées, les superficies détruites et les moyens utilisés pour faire sortir les éléphants des champs.

Pour la perception de l'éléphant, les chercheurs ont procédé à des entretiens avec chaque catégorie socio-professionnelle pour un échantillon de 30 personnes. Les 18 villages ciblés, ont été choisis parmi ceux faisant partie de l'aire de répartition des éléphants dans la zone. Deux ou trois voire quatre clusters composés soit d'un agriculteur et d'un éleveur, soit de deux agriculteurs, d'un éleveur et d'un braconnier, soit de deux agriculteurs et d'un éleveur ou chasseur ont été interrogés. Les paysans pris pour les études de cas ont été choisis au hasard parmi ceux qui avaient enregistré des dégâts d'éléphants dans les champs en 2001 ou pendant les années 1999-2000. Le but pour ces auteurs, était de recueillir les avis réels des paysans victimes de dégâts, sur la présence des éléphants.S'agissant des paramètres écologiques, les variations saisonnières de l'espace vital et du régime alimentaire de l'éléphant ont été analysées.

Aussi, des observations directes ont permis de recenser les espèces végétales appétées sur leurs parcours. Des crottes ont été collectées et analysées pour recenser et identifier les semences d'espèces végétales non digérées. Ainsi, au terme de cette enquête, les auteurs sont venus à conclure que lors des incursions des éléphants, de nombreux dégâts sont causés aux cultures. La superficie de cultures détruites au cours de la saison 2001-2002 a représenté 49,70 ha sur un total de 152 ha, soit une perte de 61 tonnes de productions dans les villages explorés. Les résultats ont également montré que 80% des personnes interrogées avaient chaque année enregistré des dégâts sur une période d'au moins quatre ans. Concernant les méthodes utilisées pour chasser les éléphants des champs, 90% des paysans produisent du bruit pour les renvoyer ou les effrayer. Les 10% restant allument des feux les soirs ou entourent les champs avec des câbles formant une clôture. Cependant, ils soutiennent que les paysans victimes de dégâts ont rencontré des difficultés économiques et financières suite aux dégâts : 60% n'ont pas, ou peu, eu de revenus de la campagne agricole et ont manqué d'argent pour préparer la saison agricole suivante et faire des cérémonies rituelles. Sur la question de la perception de des éléphants, les enquêteurs notent que certains agriculteurs ont affirmé que les éléphants n'offraient aucun avantage pour eux à cause des déprédations qu'ils occasionnent.

Toutefois, malgré l'intensité des rapports de compétition pour les ressources qui existe entre l'homme et l'éléphant, les relations entre ces deux composantes restent plus ou moins satisfaisantes. Ainsi, 77,7% des personnes ont avoué qu'elles acceptaient les éléphants contre 18,5% qui les toléraient et 3,8% qui les détestaient. Par ailleurs, les résultats d'observations directes ont montré que les groupes d'éléphants faisaient des incursion dans les zones non classées et hors réserve étendant ainsi leur domaine vital dans les terroirs villageois en saison pluvieuse (mai-septembre) ; en saison sèche, ce domaine se réduit à la mare aux éléphants, seul point d'eau gardant de l'eau ; l'aire de répartition des éléphants varie donc selon la disponibilité en eau et en nourriture dans la zone qui est elle-même fonction du temps.

RABOURDIN Sabine (2005), Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, 224 p.

Sabine Rabourdin, est ingénieur et diplômé en ethnoécologie mais également journaliste-écrivain. Son travail s'oriente sur la rédaction de la société face aux changements globaux de l'environnement en jonglant avec plusieurs domaines dont l'écologie, l'ethnologie, la sociologie, l'histoire des civilisations, etc. Après s'être imprégné à travers un tour du monde des savoirs écologiques accumulés par certains auteurs qui ont tenté d'analyser les relations qui lient les sociétés traditionnelles aux êtres de la nature et de sa propre expérience de terrain au Ladakh en région septentrionale de l'Inde, l'auteur élabore une étude comparative entre la conception de la nature des sociétés traditionnelles et celles dites modernes. De cette étude, elle note que les différences d'impacts sur la nature entre le mode de vie des ladakhis et celui de leurs sociétés modernes sont indéniables. L'homme moderne s'est exclu de la nature alors que l'homme « traditionnel » vit dans et avec la nature. L'homme moderne s'est déconnecté de son environnement, il a pris des distances vis-à-vis de la nature, ne la fréquente en moyenne qu'en de rares occasions.

Et elle précise que « l'exclusion conceptuelle de la nature avait contribué à sa domination et à sa détérioration ; l'exclusion physique amène au même résultat »56(*). Cependant, « cette perception de l'homme hors de la nature est loin d'être celle de tous les peuples actuels : certaines communautés attribuent à des nombreuses plantes ou animaux, voire même aux nuages, (...), des caractéristiques qui relèvent des rapports humains et sociaux »57(*). Et dans nos sociétés traditionnelles et en particulier chez les Bisir certaines espèces animales notamment l'éléphant est une espèce très proche de l'homme, il est considéré comme un protecteur et un génie. Dans le monde animal l'éléphant et l'hippopotame sont deux êtres vivants considérés par les Bisir comme des jumeaux au même titre que les jumeaux humains.

KIALO Paulin, (2005), Pové et forestiers face à la forêt gabonaise : Esquisse d'une anthropologie comparée de la forêt, Thèse de doctorat, Université ParisV René Descartes, 380 p.

Paulin Kialo, anthropologue de formation, est attaché de recherche à l'Institut de Recherche en Sciences Humaines (I.R.S.H) du Gabon et officie des cours au département d'anthropologie de l'Université Omar Bongo et à l'Institut National des Sciences de Gestion (INSG) en Dess option Economie Forestière. Comme l'indique le titre de sa thèse, les travaux de cet auteur s'inscrivent dans l'angle d'une anthropologie comparée des modes d'exploitation de la foret des sociétés traditionnelles gabonaises et les exploitants forestiers occidentaux. Dans cette étude comparative, il démontre l'existence de deux modèles d'exploitation de la forêt qui sont nettement différentes : celui des sociétés traditionnelles et celui des forestiers occidentaux. Le premier serait pro-forêt et le second anti- forêt.

En effet, les sociétés traditionnelles gabonaises et les pové en particulier avaient, avant les contacts avec le monde occidental, un mode d'exploitation de la forêt pro-forêt, basé sur les croyances et les valeurs culturelles issues de leur « ethnoculture » respective, respectueuses de la nature. Alors que la société occidentale au regard de la technologie de plus en plus pointue et toujours innovée des moyens de production et des objectifs de profits qui l'animent serait anti-forêt. Cependant, à l'issue des contacts des cultures, le mode de vie occidental a dominé le mode de vie traditionnel selon la teneur des relations avec les uns et les autres. Cette domination a fait que l'humanité vit désormais au rythme de occident. Mais les sociétés occidentales ayant développé un mode d'exploitation de la forêt anti- forêt, l'humanité tout entière se retrouve dans une logique de l'exploitation de la forêt anti-forêt. De nos jours, et les sociétés traditionnelles et les sociétés occidentales sont devenues anti-forêt.

PRINCE ONGOGNONGO, BOBEMELA EKOUTOUBA Dieudonné, STOKES Emma J., Conflit homme-éléphant dans la périphérie du Parc National de Nouabele-Ndoki au Nord Congo : Evaluation des méthodes de lutte contre la dévastation des champs de manioc par les éléphants dans le village Bomassa, Mars 2006, 49 p.

Le présent document est un rapport réalisé entre mai 2004 et décembre 2005 par Prince Ongognongo, Dieudonné Bobémela Ekoutouba et Emma J. Stokes à Bomassa dans le département de la Sangha au nord du Congo auprès des communautés bomassa, ngombé et mbenzélé. L'objet de cette étude visait à apporter des solutions durables pour limiter et empêcher les dégâts causés ou occasionnés sur les cultures par les éléphants pouvant contribuer à la survie de la population de Bomassa et leur coexistence avec l'éléphant de forêt. Pour la réalisation de cette étude, les auteurs s'étaient fixé deux principaux objectifs, à savoir : déterminer et quantifier l'importance des dégâts causés par les éléphants sur les cultures vivrières notamment de manioc et évaluer l'impact des mesures prises par le projet du parc National pour lutter contre la destruction des cultures vivrières par les éléphants.

Pour atteindre ces objectifs, la méthode utilisée à consister à mettre en place deux champs expérimentaux. Dans le premier champ, l'approche expérimentale utilisait les piments comme approche fondamentale des mesures de contrôle additives et multiple. En plus du champ expérimental, un champ témoin employant ni des mesures actives ni passives était mis en pratique afin d'évaluer le niveau de dommages des cultures sous les conditions « traditionnelles » de protection. Ce champ reflétait la réalité paysanne; aucune mesure de protection n'était utilisée. Les contrôles passifs se pratiquaient sur deux axes. Le premier était une zone tampon du côté avoisinant la forêt et les barrières. Il y avait deux types de barrières : tout d'abord une clôture avec deux couches de câbles en acier et une seule couche de fil de fer barbelé. Les boites vides remplies des pierres attachées étaient suspendues dans les barrières (comme un moyen dissuasif audible pour les éléphants et un signal pour prévenir les habitants du villages). Le deuxième axe était orienté vers une bande de piment en forme de haie mise en pratique dans le champ expérimental à l'intérieur de la clôture, afin de fournir une deuxième barrière de défense. Ce piment était cultivé à partir des graines dans le but d'une pépinière dans le village Bomassa. Les jeunes plantules étaient transplantées en Mai 2004 dans le champ expérimental dans une bande de 5 mètre à l'intérieur de la clôture. Toutes les deux barrières étaient entourées par une bande de 5m éclairé comme zone tampon entre l'extérieur des champs et le bord de la forêt.

Les mesures actives utilisées pour faire chasser les éléphants étaient basées sur les briques pimentées. Les fruits de piment eux-mêmes étaient récoltés de la bande de piment au champ expérimental, séchés et employés pour fabriquer les briques de piment. Les briques étaient préparées à partir des piments séchés mélangés aux crottes des éléphants. Les briques étaient brûlées autour de la zone tampon afin de produire une fumée nocive pour chasser activement loin les éléphants dans la zone. Le manioc avait été planté en Mai 2005 dans les deux champs (expérimental et témoin) et la récolte s'est faite en Décembre 2005. Les fiches de collecte de données étaient employées dans les deux champs (expérimental et témoin) tous les jours au travers de la phase expérimental pour suivre a) l'étendue de dommages de manioc par les éléphants b) l'étendue de dommage au contrôles passives, par exemple sur la clôture et la bande de piment et les pénétrations dans la zone tampon et c) les réaction des éléphants aux mesures actives, par exemple la brûlage des briques des piments.

Au sortie de cette étude, les auteurs nous démontrent après une comparaison des dégâts dans les deux champs, que les dégâts ont commencés à être observer à partir du mois de juin correspondant ainsi au pic de visitations au village, mais caractéristique à partir du mois d'août dans le champ témoin et ont augmenté jusqu'à la dévastation totale du champ témoin au mois d'octobre par les éléphants correspondant au pic de fréquentation des éléphants au village. Par contre au niveau du champ expérimental, les dégâts ont débutés en octobre (donc, après un délai de 3 mois) période correspondant non seulement au pic de visitation au village, mais aussi de la dévastation totale du champ témoin. Cette destruction était de plus de 20%, ce qui correspond à la période où les tubercules de manioc étaient déjà formés. Aussi, à la suite de ces pénétrations il se dégage deux catégories des dégâts : les visites et les attaques. Les visites correspondent aux cas où les éléphants traversent le champ en produisant peu de dégâts, qui peuvent être simplement le résultat du piétinement et les attaques correspondent aux cas où la culture est consommée.

Parmi les 28 pénétrations enregistrées dans le champ témoin, il y a eu 21 cas d'attaques et 7 cas de visites pendant cette étude. Par contre au niveau du champ expérimental rien que les cas d'attaques ont été enregistrés notamment 6 entre octobre et novembre, période correspondant à la haute visitation des éléphants au village, mais aussi au stade ou les tubercules étaient déjà bien formés. En plus les poteaux placés entre les arbres étaient devenus mous, du fait de la pression des éléphants sur la barrière physique constituée des câbles métallique et du fait des attaques des termites. Par ailleurs, en ce qui concerne l'efficacité de chaque mesure passive employée, la zone tampon a vraiment jouer le rôle dissuasif, car ayant enregistrée le plus de pénétrations des éléphants, mais n'entraînant pas directement une pénétration. Au sujet des deux autres mesures, il faut aussi dire qu'une résistance a été enregistrée du côté de la barrière physique des câbles métalliques qui était badigeonnée de la graisse pimentée, car jusqu'au mois de septembre, cinq mois après le mise sous terre aucune pénétration de cette mesure n'a été signalée. En octobre les pénétrations surgissent, période correspondant à l'augmentation des visitations des éléphants au village et à l'existence des tubercules dans le champ, la barrière étant devenu souple du fait de la pression des éléphants et des coupures du fil de fer barbelé voire des attaques des poteaux par les termites. En ce qui concerne la barrière de piment, les dégâts causés sur cette barrière n'ont été que les cas de piétinement, rarement les cas de consommations sinon qu'une seule fois dont le plant a été consommé et rejeter par la suite et le moment des pénétrations a correspondu au moment ou le piment était en fin de production.

LE-DUC YENO Stéphane et al. (Avril 2004 - Septembre 2006), Agriculture et conflits hommes/faune sauvage : synthèse de données dans le Complexe d'Aires Protégées de Gamba, 18 p.

Le présent document est un rapport de terrain réalisé par Stéphane Le-Duc Yeno, Simplice Mbouity, Emmanuel Mve Mebia et Christian Mboulou Mve suite à une étude socio-économique portant sur la problématique du conflit homme/faune sauvage entre avril 2004 et septembre 2006 soit 2ans et 5mois. Les objectifs poursuivis par Stéphane LE-DUC YENO et ses collaborateurs étaient entre autres, d'évaluer l'ampleur de la problématique « Conflit Homme/ Faune Sauvage » qu'ils nomment dans leur document Conflit Homme/Animal, et d'aborder de façon spécifique le cas de l'éléphant (CHE)58(*). Pour aborder cette étude, les auteurs ont fait usage de deux méthodes. La première méthode a consisté à travers un ensemble de questions posées au cours d'entretiens avec les populations, d'obtenir des informations sur : Les activités traditionnelles menées par l'informateur, Les activités économiques principales (génératrices de revenus d'appoint), Les problèmes les plus importants liés à la pratique de l'agriculture, Les problèmes rencontrés avec les animaux sauvages (espèces impliquées, importance des dégâts, fréquence des dégâts, types de cultures détruites, age des cultures détruites, qualité des cultures détruites), les problèmes spécifiques impliquant les éléphants (les pertes de récoltes liées aux passages des éléphants, les systèmes de protection mis en place pour solutionner le problème des éléphants et leur efficacité, les autres types de dégâts occasionnés par les éléphants, règlement des conflits).

La deuxième méthode mise en oeuvre par les enquêteurs les a conduit à se rendre dans les plantations des personnes prises dans les 10% de leur échantillon de départ, ayant subis des dégâts peu de temps avant leur arrivée dans les villages, pour y enregistrer de la façon la plus objective que possible les dégâts constatés. Dans ces plantations, les informations suivantes ont été collectées : cartographie du pourtour de la plantation, dénombrement du nombre de pieds de cultures mangées, piétinées et déracinées, l'age et qualité des cultures détruites, espèces incriminées, description des systèmes de protection mis en place par l'agriculteur. Cette étude a été menée auprès de 152 personnes dans 30 villages situés dans ou à la périphérie du CPG (Complexe d'Aires Protégées de Gamba). Pour chaque localité visitée, l'échantillon représentait 10% de la population totale du village sélectionné de façon aléatoire.

Dans le cadre de cette étude, la trentaine de villages retenue est répartie sur cinq départements à savoir : le département de Ndoungou, le département de la Basse-Nyanga, le département de Mougoutsi, le département de Douigny et le département de Mougalaba.A l'issue de cette enquête, les auteurs soutiennent que parmi les activités exercées par les populations de ces villages, celle qui tend le plus vers un caractère économique et constitue la principale source de revenus d'appoints utiles pour subvenir à leurs besoins de base, est encore l'agriculture dans presque tous les département. Cependant, celle-ci souffre d'un certain nombre de problèmes. Les principaux problèmes identifiés par les populations dans la pratique de cette activité sont la déprédation des cultures par la faune sauvage, notamment les éléphants et les grands primates (gorilles et chimpanzés), la faiblesse des transport pour l'acheminement des produits vers les grandes villes, le manque de marchés pour écouler leurs produits et le manque d'une main d'oeuvre dû à l'exode rural très prononcé dans la majorité des villages. Toutefois, bien que les espèces animales souvent impliquées dans les conflits enregistrés soient clairement identifiées par les villageois et confirmées par les enquêteurs eux-mêmes, les avis sur les ampleurs des dégâts ne sont pas souvent en accord entre les villageois et les autorités de gestion des aires protégées.

Aussi, les systèmes de protection des cultures mis en place par les populations sont majoritairement jugés inefficaces par elles-mêmes et un manque de communication soutenue entre ces derniers et les autorités de gestion de la faune, des aires protégées et des collectivités locales conduisent les populations à un sentiment d'abandon. Ce sentiment d'impuissance amène souvent les villageois à faire leur propre justice en organisant des battues non autorisées par l'administration. Dans notre étude, notre visée théorique est de parvenir à une grille de lecture de la société gisir à travers l'examen systématique des modes de discours, des valeurs et des comportements relatifs à l'animal afin d'en dégager les logiques sociales et modèles symboliques sous-jacents. Autrement dit, cette étude se propose de montrer tout l'intérêt scientifique que présente un traitement anthropologique des comportements anciens et contemporains liés à l'éléphant. Parmi les auteurs sollicités, nous avons retenu principalement les travaux de Claude Lévi-Strauss (1962).

Cet auteur a pendant longtemps battu en brèche le préjugé si cher aux fonctionnalistes selon lequel les sociétés « sauvages » ne manifestent d'intérêt pour le monde environnant qu'à proportion des besoins qui y sont liés. Mais ce préjugé trouve son origine dans la différence entre la conception de la nature de l'indigène et celle de l'occidental. En effet, dans la société gisir, un animal n'est pas vu que pour se procurer de la viande, un animal c'est un « tout ». C'est notamment le cas de l'éléphant qui est à la fois un guide, un protecteur à plusieurs niveaux, un génie, un symbole de pouvoir, de puissance et de force mais également un totem. Comme il l'indique, « les individus eux-mêmes ont parfois le sentiment aigü du caractère « concret » de leur savoir, et ils l'opposent vigoureusement à celui des blancs. »59(*)En effet, l'homme blanc voit à un animal qu'un être biologique qui suscite admiration et curiosité et que l'on peut soumettre à une étude, etc. mais pour l'indigène c'est un « tout ».

Dans la conception occidentale, l'éléphant par exemple, est une source de revenu, et un produit de grande beauté, de solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par le fusil ou la photo, etc. Cependant dans la conception des peuples traditionnels, l'éléphant revêt une dimension symbolique importante. Et l'auteur illustre ce point de vue en mentionnant que « (...), l'animal, le totem, ou son espèce, ne peut être saisi comme entité biologique ; par son double caractère d'organisme (...) l'animal apparaît comme un outil conceptuel aux multiples possibilités, pour « détotaliser » et pour « retotaliser » n'importe quel domaine situé dans la synchronie ou la diachronie, le concret ou l'abstrait, la nature ou la culture »60(*).

* 38 Patrick Mouguiama Daouda (1997), Collecte en linguistique et en ethnozoologie in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°4, Ed. du Luto, p.116.

* 39Claude LEVI-STRAUSS, (1962), Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, p.115.

* 40Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 5.

* 41 Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 218.

* 42 Philippe DESCOLA, (1986), La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p.12.

* 43 Philippe DESCOLA, La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p. 12.

* 44 Philippe DESCOLA, (1986), La nature domestique : Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p. 18.

* 45 Philippe DESCOLA, (1986), La nature domestique : Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p.60.

* 46 Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°5, Libreville, Ed. du LUTO, P.U.G, p.44.

* 47Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.46.

* 48 Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.48.

* 49 Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.376.

* 50Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.64.

* 51Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.67.

* 52Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, Coll. Armillaire, p.102.

* 53Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, Coll. Armillaire, p.280.

* 54 Philippe Descola, Anthropologie de la nature, p. 629.

* 55 Merleau-Ponty, 1974 cité dans Sandry Franck LEPEMANGOYE MOULEKA (2003).

* 56Sabine RABOURDIN (2005), Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, p.33.

* 57Sabine RABOURDIN (2005), Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, p.29.

* 58 Conflit Homme/éléphant.

* 59Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 51.

* 60Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p.196.

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