WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

( Télécharger le fichier original )
par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.6 L'éléphant, proverbes et contes chez les Bisir

Tout mode de discours ethnologique en rapport avec la nature dans n'importe quelle communauté bantu de référence renvoie à un ordre écologique certain et obéit en même temps à un processus de manipulation sociale et d'appropriation contextuelle de la part des personnes-ressources de la communauté productrice. Jean Emile Mbot (1999) déclare à propos que « les animaux dans les contes fang apparaissent comme des marques où des lecteurs des rôles, de fonctions, d'attitudes et rapports sociaux réels dans les communautés fang »148(*). Ces rapports sociaux sont ce que nous traduisons ici sous les vocables de « codes écologiques » et codes de « projets sociaux ».

Les « codes écologiques » reflètent la diversité biologique d'une part, et d'autre part, ils expriment la nature cosmique ou biologique des règles animal, végétal, minéralogique, astrologique, etc. Ils constituent un « des multiples canaux culturels [qui] donnent dès l'enfance à connaître une collection assez stéréotypée d'animaux qui constituent le premier cycle du savoir zoologique »149(*). Les codes de « projets sociaux » sont sous-tendus par le jeu perpétuel et constant de manipulation et de déformation sociales de la réalité écologique aboutissant ainsi à de véritables significations sociales c'est-à-dire à de véritables « leçons de choses ».

Quelques exemples empruntés à nos corpus de terrain suffisent pour l'attester, à l'exemple du conte «kughu i muendu wenda fudu ne nzahu »150(*). Ce conte s'adresse à une personne à qui l'on a fait du bien et qui ne s'est pas rendu compte du bien qu'on l'a fait même si ce bien n'est pas visible et qu'il n'a pas l'air de s'en souvenir. Et elle croit plutôt que c'est lui qui vous a fait du bien alors qu'au fond dès le départ, de part votre morphologie, votre manière de parler ou d'être, c'est vous qui aviez été le meilleur garant de son succès. L'éléphant n'aurait jamais pu soulever un autre éléphant sur son dos donc Dieu a bien fait que la tortue soit plus petite que l'éléphant et c'est ce qui a fait que l'éléphant ait pu le porter et parvenir à poursuivre leur voyage.

Un autre exemple est celui tiré des proverbes suivants : « Bisasaku bia bondisi kari bia bondugi ka mu mukakela nzahu »151(*). Ce proverbe nous apprend que lorsqu'un homme vient à fonder une grande famille, lorsqu'il est le responsable de la famille, tous les problèmes qui vont survenir au sein de celle-ci sont sous sa responsabilité, parce qu'il en est le chef. Cette pensée renvoie au sens de la responsabilité du chef de famille. Les singes qui font tomber les branches mortes ici, représentent les éventuels problèmes que les personnes (progéniture) qui sont sous le contrôle du chef de famille peuvent créer. Le deuxième proverbe « Ayenu nzahu akubeli si bukanu dubila »152(*), est une variante du proverbe français « ce n'est pas le jour du marché qu'on nourrit le coq ». Chez les Bisir, ce proverbe est un conseil à tout homme qui entreprend une tache. Il faut lorsqu'on s'engage dans une entreprise, prévoir tout le matériel pouvant être utile, nécessaire à l'obtention des résultats escomptés.

A travers la culture orale gisir, on constate que les ressources animales en particulier l'éléphant, sont dotées de qualités humaines : on les imagine parlant un langage humain, bâtissant des cases et des villages, vivant en famille, se mariant, échangeant des biens, etc. En définitif, ce jeu de projection social du monde humain sur le monde animal se révèle éminemment propre à penser en retour le premier car, « aux traits de leurs comportements, écologiques réels correspondent les caractères sociaux qu'une communauté leur confère, selon des projets sociaux précis »153(*). Et c'est aussi dans cette optique Radcliffe Brown note que : « l'univers de la vie animale est représentée sous forme de relations sociales, comme celles qui prévalent dans la société des hommes »154(*).

Dans la société gisir, les codes de « projets sociaux » se déploient comme un ensemble de valeurs éthiques et morales, comme un cours théorique et pratique de stratégies sociales sous-jacentes à la vie individuelle et communautaire en matière de gestion et de cohésion sociale entre l'ensemble des catégories sociales : aînés et cadets, hommes et femmes, pères et fils, etc. Pour les Bisir, l'éléphant symbolise plusieurs qualités humaines telles que la force, la grandeur d'esprit, etc. En effet, l'éléphant dégage une importance dans l'expression des valeurs sociales qui sont au fondement des attitudes et comportements (pouvoir-dire, pouvoir-faire, savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre) qui doivent être préférés et valorisées par la communauté. Ainsi, il est conseillé par exemple d'avoir un grand coeur afin de supporter et d'assumer toutes les responsabilités des membres de votre famille comme l'éléphant supporte toutes les branches mortes que les singes font tomber sur son dos (cf. proverbe n°1). Car un homme qui aspire à être un chef de famille doit s'attendre à assumer les conséquences des actes qui seront posés par sa progéniture. De même, avant de se lancer dans une entreprise il faudrait s'assurer de vos propres capacités à la réussir comme l'éléphant qui avait avalé la noix du Poga oleosa parce qu'il comptait sur ses capacités physiques à l'expulser. 

* 148 Jean Emile Mbot (1999), Esquisse d'une lecture anthropologique des écrits des français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.389.

* 149 Marlène Albert-Llorca (1991), L'ordre des choses : les récits d'origine des animaux et des plantes en Europe, p.54.

* 150 Corpus n°15.

* 151 Corpus n°15.

* 152 Corpus n°15.

* 153 Jean Emile Mbot (1999), Esquisse d'une lecture anthropologique des écrits des français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.399

* 154 Cité dans Lévi-Strauss Claude, 1962, Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, p. 130.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein