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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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3.13 Les Causes socio-économiques et politiques

Certaines causes du conflit hommes-éléphants dénoncés par les populations de Mandji sont liées aux conditions socio-économiques et politiques. Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, la région de Mandji, est une région productrice de pétrole et de bois. Selon Paul Marie Lounga (1999) l'exploitation forestière a porté ses fruits dans la région de Mandji depuis 1987 avec la découverte du champ pétrolifère de Coucal et en 1991 avec celui d'Avocette, suivi du gisement Nziembou-Diguégui en 1996. Cependant, les populations ont le sentiment de ne pas bénéficier ou de ressentir les retombées de ces activités dans leur vie quotidienne. Elles estiment avoir vécu depuis longtemps dans une situation d'autarcie et de dénuement qui n'a pas facilité leur développement. De ce fait, elles ont le sentiment d'avoir été abandonnées par les pouvoirs publics sans raisons justifiées alors que leur terroir produit des richesses. Ce sentiment d'abandon ressenti par la population est reconnu par Bas dans cet extrait de discours: « L'une des raisons est que les populations se sentent délaissées par l'administration centrale qui ne se préoccupe pas de leurs problèmes quotidiens. Les gens manquent d'hôpitaux, d'écoles, d'eaux, de routes,... et ils les voient seulement pendant les campagnes électorales pour faire les promesses qu'ils ne réalisent pas et les ONG, elles pendant les campagnes de sensibilisations sur la protection. Donc ils trouvent l'éléphant comme la clé où ils greffent tous leurs plaintes. Les plaintes sur les éléphants ne sont que la manifestation de tous leurs problèmes non résolus puisqu'il y a d'autres animaux qui ravagent mais ils ne font pas de problèmes »200(*).

En effet, les populations attendent un changement de leurs conditions sociales. Elles se plaignent des routes enclavées, du manque criard d'équipement et des médicaments dans les dispensaires, de la cherté des produits de première nécessité mais également, elles réclament des meilleures conditions d'enseignement pour leurs enfants et de l'implantation d'une antenne de télévision et biens d'autres choses. Ces plaintes sont mentionnées ici par Camille Mboumba quand il dit : « Voyez-vous comment ces gens là nous traitent-ils ? Veulent-ils nous voir mourir ou vivre ? Ce sont eux qui profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque les éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous disent de ne pas les tuer. Comment va-t-on résoudre un tel problème ? Les prix chez les maliens et chez les mauritaniens ne sont pas abordables (...) Regarde notre route, lorsqu'il pleut elle se coupe. Dans notre dispensaire il n'y a pas de médicaments. Lorsqu'une personne tombe malade, elle ne fait soigner soit Mouila soit à Lambaréné (...). Nous n'avons pas de télévision ici, nous ne pouvons pas suivre les évènements du pays ceux qui en ont ne suivent que les évènements des autres pays. Nous ne savons pas ce que font les gens que nous élisons ici tous les jours et nous, nous souffrons à cause de leurs éléphants »201(*).

Le mécontentement de leurs conditions sociales actuelles est exprimé à travers le conflit hommes-éléphants. Dans la mesure où les cultures détruites sont leurs biens légitimes, les populations estiment avoir le droit d'exprimer leur désagrément. Dans leurs discours, on voit bien qu'elles dénoncent les mauvaises conditions de vie qui sont les leurs dans l'espoir que l'administration centrale réagira favorablement à leurs préoccupations. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles, nous avons remarqué l'exagération de l'ampleur des dégâts par certaines personnes. Car elles pensent que l'administration va les dédommager. Ce type de comportement a été reconnu par Mahamame Halidou Maïga (1999) dans une étude sur les relations Hommes éléphants menée au Gourma Malien. L'auteur révèle que « Les populations exagèrent faciles les dégâts dans l'espoir d'être dédommagées »202(*).

Le niveau de dégâts perçu par les villageois est beaucoup plus élevé que les dégâts effectifs quand ceux-ci sont objectivement mesurés. A Mandji, nous avons enregistré quelques cas à l'exemple de celui de Nguimbety Nzinzi Jean Claude qui nous a rapporté que toutes ses plantations avient été dévastées par les éléphants. Cependant, lorsque nous avons pris attache avec sa femme pour aller faire un constat sur les lieux, nous avons été déçu de ne constater que les dégâts occasionnés par les éléphants ont été le fait d'un simple passage des éléphants sur le champ en piétinant quelques maniocs. Par ailleurs, la définition des objectifs et des activités menées dans le cadre des projets de la gestion durable de la faune s'est généralement faite sans impliquer les populations locales. La quasi-totalité de la population locale de Mandji ne sait même pas pourquoi on leur interdit de ne plus abattre les éléphants. Cette définition ne tient pas compte des aspirations des populations locales. Ce qui en définitive crée un fossé entre l'administration et elles. Ce fossé se fait remarquer par l'usage dans leur discours des expressions telles que « batu benu » (vos gens), « yawu » (eux), « batu bagu » (tes gens), « batu bana » (ces gens là), « nzahu tsiawu » (leurs éléphants), « bane bawu » (leurs enfants). L'usage récurrent de ces termes est le signe de la non-implication et de la non-prise en compte des populations locales. Ces termes nous laissent entendre également que les éléphants sont la propriété exclusive de l'Etat et témoigne le manque d'implication des populations. Celles-ci ne se sentent pas concernées. Cette attitude des populations locales vis-à-vis de l'administration a également été soulignée par Jean Profizi (1999) dans son article « Trop d'éléphants au Gabon ? »203(*) dont le premier sous- titre «  Emportez vos enfants les éléphants » est révélateur.

Jean Profizi (1999) dans cet article, nous rapporte qu'en mars 1996, le chef du village Mambi dans la Nyanga avait répondu à une délégation du ministère gabonais des eaux et forêts sur une question relative à la santé de la forêt qui les entoure et sur les mesures qu'ils désireraient voir prendre pour leur permettre de continuer, ainsi que leurs enfants, à profiter de la forêt et si possible, d'améliorer leur sort, que : « Vous les Eaux et Forêts reprenez vos enfants les éléphants, vous nous interdisez de les chasser, d'accord, on respect. (...) Mais prenez-les dans la brousse, emmenez-les et gardez-les, chez vous. Sinon il faudra bien qu'on désobéisse à l'Etat et que la chasse reprenne...»204(*). De telles réactions sont manifestées par les populations locales de Mandji à l'exemple de celle de Camille Mboumba qui dit : « Cependant, s'ils disent seulement de ne pas tuer les animaux, lorsque les gens seront dépassés par les dégâts des éléphants, ceux qui possèdent des moyens les abattront (...) s'ils veulent que leurs enfants soient protégés, qu'ils viennent établir des limites pour les garder pour que les gens ne partent plus là où ils sont».205(*) En effet, au Gabon, comme dans beaucoup de pays en voie de développement, la première préoccupation des hommes est leur survie, et non pas la conservation de la faune sauvage telle que conçue actuellement par le pouvoir institutionnel.

Les hommes et les animaux partagent la terre, et des animaux comme les éléphants sont considérés par les premiers comme une menace à leur survie et gênent leurs objectifs de développement. C'est dans cette optique que Camille Mboumba dit : « « l'éléphant est un animal qui embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer pour qu'il ne soit plus ici»206(*). Mais le processus peut être enrayé si toutefois la faune sauvage, y compris les éléphants, sont économiquement rentable pour les populations locales. En effet, une meilleure acceptation de la présence d'éléphants ne s'avère possible qu'à partir du moment où l'animal constitue une source substantielle de revenus pour les villageois. L'aboutissement à une cohabitation pacifique entre l'homme et l'éléphant passe par la valorisation économique de l'éléphant au profit des populations locales. 

La faune sauvage doit être comme le souligne Tchamie Thiou Tanzidani Komlan207(*), un patrimoine national et, à ce titre, elle ne doit pas être la propriété exclusive de l'Etat qui tire seul profit du tourisme et de la chasse autorisée. Ainsi, pour n'avoir toujours pas, à leur avis, bénéficié des retombés de la croissance économique du pays à l'époque des vaches grasses, les populations de Mandji estiment avoir le devoir de profiter de l'exploitation des ressources naturelles conformément aux prescriptions du droit coutumier et aux pratiques traditionnelles jusque là observés. De l'Etat, elles ne récoltent que des proscriptions légales qui leur annoncent des privations de jouissances des « ressources reçues de leurs ancêtres ». Et d'après Camille Mboumba « Ce sont eux qui profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque les éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous disent de ne pas les tuer »208(*). Ainsi, à cause de la privation des retombées du pétrole exploité dans leur région, les populations de Mandji ont « depuis 1993 connu près d'une demi-douzaine de mouvements d'humeur qui émaillé les relations entre elles et les sociétés pétrolières opérant dans la région. Cette hargne récurrente puise ses racines dans la conjugaison d'un certain nombre d'évènements (...) vécus par les populations comme de véritables frustrations liées notamment au fait que ces derniers estiment ne pas profiter de l'exploitation des ressources tirées du sol et du sous-sol de Ndolou »209(*).

Cette série de crise déclenchée depuis 1993 se poursuit de nos jours et le dernier date de décembre 2004 qui a fait deux morts et plusieurs blessés. Etant donné que des conflits liés aux ressources naturelles ont déjà eu lieu dans la région, il serait impératif de chercher des solutions aux problèmes de la déprédation des cultures vivrières car le conflit homme éléphant dans la région existe bel et bien même et pourrait dégénérer à un moment donné. Et c'est là l'un des intérêts de ce travail.

* 200 Bas Huijbregts, corpus n°20, séquence n°3.

* 201 Camille Mboumba, corpus n°5, séquence n°3.

* 202Mahamame Halidou Maïga, Les relations Homme /éléphant dans le Gourma Malien, Le FLAMBOYANT, n° 50, Juin 1999, pp. 20-24.

* 203 Jean Pierre Profizi, Trop d'éléphants au Gabon ?, Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp. 18-19.

* 204 Jean Pierre Profizi, Trop d'éléphants au Gabon ?, Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp. 18-19.

* 205 Camille Mboumba, corpus n°5, séquence n° 2.

* 206 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n° 2.

* 207 Komlan Tchamie Thiou Tanzidani, Aires protégées au Togo : nécessité d'une redéfinition des stratégies de conservation et de protection de la faune, Le FLAMBOYANT, n°39, septembre 1996, pp. 12-15.

* 208 Camille Mboumba, corpus n°5, séquence n°3.

* 209 Jonas Moulenda, Après les incidents meurtriers survenus dans un village de Ndolou (Mandji), le gouvernement apaise les esprits in : l'Union, n°8681 du vendredi 3 décembre 2004, p.2.

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