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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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3.18 L'impact des dégats pendant la saison sèche et la saison de pluie

Comme nous l'avons dit précédemment, les éléphants peuvent attaquer les cultures à la fois en saison des pluies et en saison sèche, avec quand même des préférences pour certaines périodes dans les saisons. Dans notre zone d'étude, l'endommagement des cultures, pendant ces deux saisons, a un impact très différent sur la vie des populations locales. Pendant la saison des pluies, de septembre à novembre, les populations s'adonnent intensivement à la culture des arachides, maïs, canne à sucre, taro, igname, patate douce, tubercule et banane. La mise en culture peut parfois se poursuivre de janvier jusqu'en mars. La période de septembre à octobre correspond également au moment de la récolte, c'est la période où les cultures des anciens champs arrivent en maturité. Au cours de cette période, non seulement les éléphants s'attaquent aux cultures mûres qui sont dans les anciens champs mais également à celles qui sont encore jeunes dans les nouvelles plantations.

Ces cultures qui sont attaquées par les éléphants au moment de la mise en culture même si elles sont rarement et complètement détruites, les populations considèrent ces dégâts comme très lourdes de conséquences car elles comptent sur ces cultures pour se nourrir pendant la saison sèche. Les attaques de ces jeunes cultures, accroît le travail des femmes qui sont obligées de reprendre la mise en culture en la prolongeant jusqu'en décembre. Les incursions des éléphants dans les champs de février en avril correspondent au moment où les cultures sont en état de croissance intermédiaire si elles n'ont pas subies des attaques en septembre et octobre. Mais si elles ont subies des attaques entre septembre et octobre, et que la mise en culture a été refaite, les éléphants les trouvent en état de croissance jeune. Ces cultures pluviales représentent les principales récoltes vivrières d'une année donc lorsqu'elles sont détruites, c'est la sécurité alimentaire de toute une année qui est menacée. Pendant la saison sèche, les mois de juin et juillet correspondent au moment de la récolte de certaines cultures telles que les taros, les tubercules et les ignames. Par contre le manioc et les bananes sont dans un état de croissance intermédiaire si elles n'ont pas subies de dégâts. Donc pendant la saison sèche, non seulement les éléphants continuent d'attaquer les cultures lorsqu'elles parviennent en maturité mais également celles qui ont un age intermédiaire. Cependant, la saison sèche est la période par excellence des cérémonies traditionnelles donc l'une des conséquences c'est le manque d'aliments de base pour les organiser.

3.3. L'Impact des hommes sur les éléphants 

Tout l'impact du conflit hommes éléphants n'est pas seulement ressenti par les humains. Les éléphants connaissent également des pertes. Selon une information de Intégration Régional Information Net Works, rapportée par Melissa Groo, dans le territoire de Rutshum, à l'Est de la République Démocratique du Congo, de février à avril 2005, huit (8) éléphants ont été abattus par des militaires à cause de la dévastation des cultures. Dans notre zone d'étude, les conflits hommes éléphants provoquent la colère des communautés envers les éléphants, à cause de l'impact négatif qu'ils peuvent avoir sur leur vie. D'après Camille Mboumba, « (...) les Bisir tuaient les éléphants à cause de la destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel à un chasseur parce que à cette époque on voyait les éléphants rarement »230(*). Une telle colère peut nuire à la conservation des éléphants, et pousse les populations à tuer les éléphants ou à fermer les yeux sur leur braconnage par vengeance pour les dégâts causés. C'est d'ailleurs, cette colère qui explique les discours du type : «Moi si j'achète ma carabine, je peux souvent abattre les éléphants et les défenses je les vendrais. Hormis cela, l'éléphant est un animal qui embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer pour qu'il ne soit plus ici »231(*).

En plus, dans la conception des populations de Mandji, il y a une idée très répendue selon laquelle, si un éléphant, peu importe son sexe ou sa taille, même un éléphanteau est abattu ou blessé, le troupeau abandonne de fréquenter le site où un des leurs a été touché . C'est dans ce sens que Charlotte Kassou nous dit que : « mais celui qui vient détruire les cultures des gens, c'est celui là qu'on doit abattre. Il faut en abattre parce que si un chasseur abat un éléphant à proximité de la plantation, tu peux demeurer même pendant un an les autres ne reviennent pas parce qu'ils sentent l'odeur de leur congénère »232(*). Cette idée amène certaines personnes exacerbées par des dégâts à prendre souvent des risques d'affronter les éléphants. C'est ainsi que Boulikou Albert nous rapporte que : « Moi ici, j'ai failli faire mourir la famille de famine. J'ai été obligé de les retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché derrière un gros tronc d'arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité »233(*). D'autres par contre procèdent à la pose des pièges. Cependant, malgré ce sentiment de vengeance qui anime les populations vis-à-vis des éléphants, la population d'éléphants n'est pas du tout menacée à Mandji.

Nombreuse sont les personnes qui admettent que l'on ne peut abattre tous les éléphants à cause des dégâts qu'ils occasionnent à leurs cultures car l'éléphant est une espèce indispensable, c'est un « gisiemu » chez les Bisir c'est-à-dire quelque chose de précieux. Par contre certains sont d'avis pour abattre uniquement les éléphants responsables des dégâts. Mais à Mandji rares sont les personnes qui sont détentrices d'une arme de grande chasse. Car celles- ci ne sont pas à la portée des populations locales du fait de leurs prix et ceux des fournitures (balles) qui sont inaccessibles pour elles. Selon la responsable de Safari Gabon, une arme de type calibre 375 (4 coups) de grande chasse coûte 1.196.120. FCFA. De plus, les dispositions relatives à la grande chasse ne sont pas souvent à la portée des populations. Selon l'article 163 de la loi 0016/2001, nul ne peut chasser au Gabon s'il n'est détenteur d'un permis de chasse ou d'une licence de chasse. Cependant, les permis de chasse ne peuvent être délivrés qu'aux détenteurs d'un permis de port d'arme (article 165). Quant à l'achat d'une arme, celui-ci nécessite la présentation d'un permis d'achat d'arme délivré par le Ministère de l'Intérieur, de même que celui des munitions qui demande un bon d'achat. Toutes ces dispositions ne favorisent pas une grande possibilité aux populations de pratiquer la chasse à l'éléphant. Toutefois, Jules Olago nous a signalé des cas d'abattage illégal d'éléphants dans la zone. Mais il précise que « Les éléphants même s'ils sont abattus par les populations de manière clandestine, c'est pas à but de braconnage ou commercial en vendant les pointes mais c'est juste pour la protection de leurs cultures et pour la viande »234(*). Les quelques rares fusils de grande chasse appartiennent aux cadres du coin ou sont l'objet d'une donation par les hommes politiques de la localité.

Mais, même si nous relevons l'existence des telles armes à Mandji, le manque criard des chasseurs professionnels et des fournitures de chasse notamment celles des balles freinent les populations à assouvir leur vengeance. L'achat des balles se fait exclusivement à Libreville et le prix d'une balle est de 8.665 FCFA soit 173.300 FCFA la boîte de 20 cartouches selon la responsable de Safari gabon. Or selon Albert Boulikou (corpus n°2, séquence n°3), pour procéder à une partie de chasse à l'éléphant, il faut au minimum cinq balles sinon plus. Cette attitude clémente des populations à l'égard des éléphants et le manque de moyens nous amène à soutenir l'assertion de certains experts de la faune qui disent qu'«  au Gabon, la faune sauvage est abondante et aucune espèce n'est en danger »235(*).

* 230 Camille Mboumba, corpus n°8, séquence n°2.

* 231 Camille Mboumba, corpus n°4, séquence n°1 et 3.

* 232 Charlotte Kassou, corpus n°11, séquence n°3.

* 233 Albert Boulikou, corpus n°2, séquence n°3.

* 234 Jules Olago, entretien n°18, séquence n°6.

* 235 PFBC (2006), Les forêts du Bassin du Congo : Etat de foret 2006, p.134.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand