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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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3.17 Impacts des éléphants sur les hommes

Les conflits hommes éléphants sont entre autres l'une des conséquences des nouvelles politiques environnementales. En effet, l'impact des politiques environnementales sur les activités socio-économiques traditionnelles a fait l'objet de plusieurs rapports à la demande des organismes de protection de l'environnement. A l'exemple de ceux de Sally Lahm (1994 ; 1996), Languy Marc et Moussounda Nzamba P. (1996), Languy Marc (1996) et Blaney S. et al. (1998). A propos de ces rapports, Claudine Augée Angoué note dans une étude menée sur les populations de la réserve de la Lopé, qu' « ils ont souvent mis l'accent sur la déprédation des cultures par les animaux (éléphants, mandrills et rongeurs) et les moyens d'y faire face, sans pour autant remarqué que les conditions de développement entraînées par les activités de protection et de conservation de forêt peuvent nuire au bon fonctionnement de la société rurale»221(*).

Les problèmes de conflits entre les hommes et les éléphants bien que localisés au Gabon, causent préjudices aux populations locales affectées. A Mandji, nous avons remarqué comme l'avait également remarqué Claudine Augée Angoué que « les dispositions prises par les populations locales pour protéger leurs champs ne peuvent faire face aux dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique protégés par l'interdiction de la grande chasse au Gabon depuis le début des années quatre-vingt. Du fait de l'accroissement de la population animalière qui annule les efforts entrepris par les femmes et des difficultés éprouvés par celles-ci à changer le comportement socio-économique. (...) »222(*). Ainsi, ne pouvant plus faire face aux incursions des éléphants, certaines familles victimes des dégâts causés par les éléphants, ont abandonné des plantations entières cultivées comme nous l'apprend Diawou Marie Augustine dans cet extrait de corpus : « Moi j'étais à Luba, j'ai abandonné ce secteur à cause des éléphants il y a deux ans. Il n'y a plus des gens, ceux qui restent, on les comptes. Moi je suis parti à Dubandzi les autres sont partis sur la grande route de Yeno. J'ai encore tenté à Dubandzi. La saison sèche au cours de laquelle je suis passé à Dubandzi ils ont dévasté ma plantation, cette saison je n'ai plus débroussé, on a seulement fait un jardin »223(*).

Cette conséquence explique le rapprochement des champs près des terres situées à proximité des villages, zone souvent composées de terres appauvries par plusieurs décennies de cultures sur brûlis. Les parcelles arables sont devenues exiguës et la jachère n'est plus suffisante pour régénérer les sols. A cet égard, la productivité s'effondre et les villageois s'appauvrissent. Cet état d'appauvrissement est le fait qu'aujourd'hui, l'agriculture demeure la principale activité traditionnelle génératrice de revenus pour les familles à côté de la chasse qui se pratique de moins en moins à cause des nouvelles lois relatives à l'exploitation de la faune sauvage. Nous avons également constaté que les villageois victimes de dégâts rencontrent des difficultés économiques et financières suite aux dégâts. Plusieurs d'entre eux n'ont pas, ou peu, eu de revenus de la saison agricole et ont manqué d'argent et d'aliments de base pour organiser leurs cérémonies rituelles en conséquence et pour préparer la saison agricole suivante. En effet, chaque femme, à chaque début de saison agricole, compte toujours sur son ancien champ pour récolter les plants qui vont servir à la culture du nouveau champ. Mais également aux revenus issus de celui-ci pour satisfaire défricheurs et abatteurs. Or si tout le champ a été dévasté par les éléphants, elle se retrouve sans moyens pour aménager son nouveau champ. Aussi, les dégâts causés par les éléphants, plongent les populations dans une situation d'insécurité alimentaire les entraînant ainsi à changer certaines de leurs habitudes alimentaires mais également les relations entre elles et les populations urbaines. Cette situation d'insécurité alimentaire a été reconnue par Elie Hakizumwami (2005) qui soulignait déjà que « l'assistance aux populations locales à mieux maîtriser les conflits de cohabitation entre les hommes et les éléphants contribuerait à limiter les dégâts que causent ces animaux et à éviter l'insécurité alimentaire qui résulterait de ces dégâts »224(*). Aujourd'hui, nombreuses sont, les familles qui survivent qu'avec de la nourriture achetée. C'est ce constat que nous fait partager Kassou Charlotte quand elle dit : « Je connais plusieurs familles ici qui ne vivent qu'avec de la nourriture qu'elles achètent. Or si une personne n'a plus de nourriture, elle souffre, elle a la famine, elle ne vit qu'en quémandant chez les autres et en achetant. Or la nourriture que l'on quémande ne peut nourrir la famille parce que si je quémande aujourd'hui, demain je ne pourrais pas aller quémander et pour acheter, il faut avoir l'argent »225(*).

Or au regard des prix d'achat, il n'est pas souvent évident aux familles d'offrir à leurs familles une nourriture de bonne qualité de manière régulière et en quantité suffisante. Ce qui amène les femmes à recourir à l'entraide alimentaire. Cependant, dans la société traditionnelle gisir, une femme qui passe son temps à demander à d'autres la nourriture est considérée comme une femme paresseuse. Voilà pourquoi l'on a observé que malgré les dégâts que les éléphants causent dans leurs champs, les femmes redoublent d'efforts pour faire d'autres champs. Car pour éviter d'être taxé de paresseuse par les autres femmes, vaut mieux avoir une plantation détruite par les animaux que ne rien avoir du tout. Cependant, ce comportement modifie leur rapport à l'environnement. En effet, traditionnellement, l'agriculture pratiquée par les populations de Mandji est une agriculture itinérante sur brûlis dont les superficies des champs s'étendent de deux à trois hectares, basée sur un système où des terres anciennes cultivées sont mises en repos pour y être exploités de nouveau après une période de 5 à 6 ans pendant que de nouvelles terres sont mises en culture. Cependant, le constat fait sur le terrain révèle que la tendance est plutôt à une agriculture de conquête, où de plus en plus de nouvelles terres sont colonisées et les anciennes laissées à l'abandon.

Aussi, pour tenter d'échapper aux dégâts causés par les éléphants, les femmes ont adopté l'habitude de faire 2 ou 3 grandes plantations dans des secteurs différents avec l'espoir que si l'une d'entre elles est détruite, elles pourront survivre avec les autres, ainsi nous précise Diawou Marie Augustine dans le segment de corpus suivant : « Certaines personnes qui ont des moyens font désormais deux ou trois plantations parce que si les éléphants viennent dévaster une d'entre elles, elles peuvent survivre avec le reste. D'autres, font des très grandes plantations de cette manière si les éléphants viennent la dévaster, ils ne finiront pas toutes les cultures en une seule nuit»226(*). D'autres femmes par contre, optent pour la réalisation d'une seule plantation mais avec une dimension assez importante de 5 à 7 hectares avec l'espoir également que si une partie de la plantation est détruite, elles peuvent se nourrir avec l'autre partie comme en témoigne Perrine Mawouiri quand elle souligne que : « Cette année j'ai fait une seule grande plantation (...) cette plantation, je l'ai divisé. Une partie j'ai mis les tubercules, le manioc. L'autre partie, je n'ai mis que la banane puis entre les bananiers, j'ai mis les taros blancs et rouges, les ignames, les aubergines, les tomates, le tabac, le piment, l'oseille (...) de cette manière même s'il mange une partie je pourrais survivre avec l'autre »227(*). Cependant, ce comportement nuit à l'environnement dès lors que des nouvelles terres sont de plus en plus exploitées. Ces conflits ont également un impact important sur la psychologie des populations et en particulier sur celle des femmes. Une fois que la présence des éléphants a été identifiée dans un secteur où elles ont des plantations, elles n'hésitent pas à les abandonner à cause de la peur que suscite cet animal. Ce sentiment de peur qui anime les populations est exprimé par Germaine Bibalou dans le fragment de texte suivent : « J'ai une plantation qui a été dévasté par les éléphants dont nous n'avons même pas goûté une seule nourriture, même une patate douce n'a pas été goûtée pendant l'année 2002. Je l'avais faite au village qu'on appelait Maniani. Une fois que j'avais fini de cultiver, les plantes commençaient à produire. Mais nous n'étions que deux femmes dans le campement (...) toutes les autres ne restaient pas au campement qu'au village donc les éléphants étaient devenus plus menaçants parce qu'il n'y avait pas des gens pour les chasser dans tout le secteur. Les éléphants ne s'éloignaient plus et puis nous avons pris peur, nous sommes rentrées au village. Et les éléphants ont tout détruit, elle était comme cette cours, même une bouture de manioc, on ne pouvait plus en trouver.»228(*).

D'ailleurs, nous avons constaté que les gens ne peuvent plus rester dans leurs champs au-delà de 15h car à partir de 17h, les éléphants font leur entrée dans les champs. Cette peur engendre un autre coût social qui réside dans la baisse du rendement du travail dans la journée dès lors que les gens ne peuvent plus travailler dans leur champ en toute quiétude. Certaines personnes ont cédé au découragement. Ce découragement a un grand impact sur les jeunes générations de femmes qui sont appelées à perpétuer la pratique agricole comme en témoigne Diawou Marie en disant : « Regarde même Mimi qui voulait commencer à apprendre à faire sa propre plantation l'année dernière, est découragée à cause des éléphants or si moi je meurs comment va-t-elle faire avec les enfants ? Il faut qu'elle apprenne à faire les travaux d'une femme »229(*).

* 221 Claudine Augée Angoué, Valuing forest for conservation purposes, [En ligne]. Disponible sur : http://www.earthwatch.org/site/pp.asp?c=crLQK3PHLsF&b=479905 consulté le le 06 Mars 2007.

* 222 Claudine Augée Angoué, Valuing forest for conservation purposes, [En ligne]. Disponible sur : http://www.earthwatch.org/site/pp.asp?c=crLQK3PHLsF&b=479905 consulté le le 06 Mars 2007.

* 223 Marie Augustine DIAHOU, corpus n° 3, séquence n° 1.

* 224 Elie HAKIZUMWAMI (2005), Elaboration de la stratégie régionale pour la conservation des éléphants en Afrique Centrale, WWF, p.11.

* 225Charlotte Kassou, corpus n°11, séquence n° 1.

* 226Marie Augustine DIAHOU, corpus n° 3, séquence n° 2.

* 227 Perrine Mawouiri, corpus n° 6, séquence n° 2.

* 228 Germaine Bibalou, corpus n° 8, séquence n°2.

* 229 Marie Augustine Diahou, corpus n°3, séquence n°2.

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