2-2 Les résistances
Il est difficile pour la population riveraine aux Monts de
Cristal de concevoir une vie normale sans aller à Mbé. Ce massif
forestier, particulièrement la partie de forêt mise
« sous cloche » est perçue comme un
« grenier ». La restriction de leurs
déplacements à cause des nouveaux règlements crée
des doutes quant à leur avenir. Les populations vivent une situation
délicate.
Entretien 30 : ADA NDOUTOUME Léontine,
58 ans, ethnie fang, mariée, mère de huit enfants, lignage
Aveba-Nzame, chef de village, village Mela, département Como-Kango, clan
Efak, sur les causes dues aux résistances vis-à-vis du Parc.
Texte en fang
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Traduction française
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bia deng dia niegue edzam ba bo'o akal na'a ebot ba te
dzam ete ba biane bia. bi sefe ji betsit ke na'a ebot ba kal afan ba siime bia.
ve bébiéne ébo be vele lom borena'a be ke bo'o be ji be
tsite. za ayiane buane y'afan, za ka yiane ke buana'a dô ? gue
ngomane a tsine ye dzang bwaneté, bi woguane dia. bia yeme dia
édzam ba kum bia. bia bine fe ane bô.
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Nous sommes retissants envers le projet parce que les
gestionnaires nous négligent. On ne peut plus exercer librement la
chasse sans qu'un agent des eaux et forêt t'arrête. Cependant, ils
sont les premiers à envoyer les braconniers faire la chasse pour eux.
Qui doit bénéficier de cette forêt et qui ne le
mérite pas ? si l'Etat continue de cette façon, on ne va
jamais s'entendre. On ne sait pas exactement ce qu'ils nous veulent. Nous
aussi, nous sommes des hommes comme eux.
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Ce texte ressort les raisons qui rendent les populations
résistantes au projet. Les populations dénoncent la mauvaise
attitude de l'Etat dans la gestion de ce massif forestier. L'Etat encourage
l'exploitation illicite de la forêt des Monts de Cristal. Les
étrangers accèdent à cette forêt pour la chasse
irrationnelle. Cependant cela y est formellement interdit à la
population autochtone. Elles sont soumises à des législations
strictes en matière de la chasse commerciale ou toute autre
activité forestière. Cette attitude inégale envers les
populations fait en sorte que les projets de conservation mis en place dans
tous les pays africains rencontrent inévitablement des
difficultés. Le projet de conservation Monts de Cristal-Gabon est
confronté sans doute à des dysfonctionnements internes,
institutionnels, de moyens, à des réticences voire des
résistances de l'ayant droit. Face à cela, Samuel Nguiffo
dira : « Il en découle pour les projets de
conservation la nécessité de s'adapter en permanence, de chercher
sans cesse des réponses à des questions nouvelles »
(2003 :211-212).
Ce projet a une autonomie de fonctionnement par rapport
à la population locale. De ce fait, il se heurte à des
résistances qui se manifestent de plusieurs manières.
Généralement, les populations expriment leur
mécontentement d'une manière pacifique. Ces dernières
craignent éventuellement des sanctions qui peuvent découler de
l'Etat. D'aucuns pensent même que ce projet est ambigu et peu pertinent,
d'autant plus qu'il manque de directives claires. Les gestionnaires
répondent : « Le parc est encore dans ses
débuts. Il faut attendre une dizaine d'années pour que les choses
soient stables ». Le manque de coordination entre les interventions
de développement est un frein incontestable à ce projet.
Tous les intervenants sont d'accord pour le projet mais des
instances efficaces de coordination ont du mal à voir le jour car
souvent les gestionnaires se voient bien en
« coordonnateur » mais acceptent mal
« d'être coordonné ». Outre ce point, le
projet fait également face à peu d'opportunités
économiques pour les communautés villageoises. Depuis la
création du Parc, aucun villageois n'a pu trouver un travail stable. Ces
derniers occupent les tâches de « garde » et sont
rémunérés à moindre coût. Le projet est
perçu comme une « illusion » sans lendemain, car il
n'intègre pas une approche de développement local.
Le cadre juridique dans lequel évolue le projet n'est
pas toujours adapté. Les statuts légalement prévus en
matière de gestion des Parcs manquent parfois de souplesse. Dans le
domaine foncier, on note une distance parfois importante entre les textes qui
réglementent officiellement l'appropriation et la gestion des terres et
les pratiques qui ont lieu sur le terrain. Des contradictions existent entre le
« droit moderne » et le « droit
coutumier », on parle alors de « flou
juridique ». le flou juridique est un obstacle au projet. A cet
effet, Sang Joseph K dira : « Le flou juridique peut placer
les agents des projets dans des situations embarrassantes quand l'analyse des
pratiques devient publique et que les communautés locales sont
lésées » (2003 : 126-128).
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