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L'exécution par l'administration des décisions du juge administratif

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par Antonia Houhoulidaki
Université Paris I - Sorbonne - DEA Droit Public Compare des Etats Europeens 2002
  

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INTRODUCTION

Dans une société démocratique, régie par le principe de l'État de droit, la protection juridictionnelle de l'administré constitue un élément fondamental.  « La démocratie suppose que l'État connaisse bien le droit comme frontière de sa puissance »1(*).

Pour que l'on puisse affirmer que l'État est véritablement lié par le droit, encore faut- il que l'administration active applique effectivement les décisions de la juridiction administrative.

Mais, avant même de rentrer dans le coeur de cette étude, il est fondamental de délimiter le champ de notre analyse.

La non-exécution d'une décision semblerait, alors, paradoxale. Les décisions juridictionnelles ont une force obligatoire et s'imposent à toutes les parties, qu'elles soient privées ou publiques. Elles ne constituent pas des avis. Cela signifie que l'État et son prolongement, l'administration, ne peuvent pas échapper à leur exécution.

L'autorité de la chose jugée fait peser sur l'administration deux séries d'obligations ; une obligation négative qui consiste à ne rien faire qui puisse aller à l'encontre des décisions de justice et une obligation positive, à savoir l'obligation d'agir.2(*)

Ainsi, toute décision de justice qui revêt l'autorité de la chose jugée, doit être exécutée et toute considération d'opportunité doit être écartée.

La notion d'administration, est vaste. De ce fait, nous devons définir les administrations qui sont susceptibles d'être condamnées par le juge administratif en cas d'inexécution de sa décision.

Dans un premier temps, on vise l'État. Ce dernier est devenu très puissant. Il ne souhaite pas voir son action freinée par le droit. Néanmoins, il peut se trouver débiteur d'une obligation et en cas de non-respect, voir sa responsabilité engagée.

À part l'État, les collectivités locales, ainsi que les établissements publics, parties à un procès, sont tenus d'exécuter la chose jugée.

Concernant les établissements publics, ces derniers peuvent être définis, comme des personnes morales de droit public, autres que l'État et les collectivités territoriales, spécialement chargés d'une ou plusieurs missions de service public. Ils constituent une forme de décentralisation dite fonctionnelle, ou par services.

Ces établissements peuvent se distinguer, soit en établissements publics administratifs, soit en établissements publics industriels et commerciaux.

En cas de contentieux, le juge administratif ne pourra être compétent, en principe, qu'à l'égard des établissements publics administratifs.

Enfin, concernant les personnes privées exerçant une mission de service public, même si elles sont considérées comme des autorités administratives, elles restent des personnes privées et par conséquent, en cas d'inexécution elles seront condamnées selon les règles du droit privé, à savoir la possibilité de procéder à l'exécution forcée.

La question qui s'est posée, tant en France qu'en Grèce, est celle de savoir si une autorité administrative indépendante pouvait être condamnée. Le critère déterminant, dans ce cas, est la personnalité juridique.

Si l'autorité ne dispose pas de personnalité juridique, comme c'est le cas en France et en Grèce, 3(*)c'est l'État qui est condamné et pas l'autorité en tant que telle.

Par ailleurs, le juge administratif, quant à lui, joue le rôle de rempart face à cette puissance publique. En effet, par juge administratif, il faut entendre l'ordre juridictionnel administratif, qui se compose au premier degré, des tribunaux administratifs, au second degré, des cours administratives d'appel et au degré suprême, du Conseil d'État.

A ce point là, il semble nécessaire de présenter brièvement les juridictions administratives existantes dans les deux pays, en raison des quelques différences dans leurs fonctions.

Le Conseil d'État français, créé par la Constitution de l'an VIII, à la fin de l'année 1799, était, au début, une assemblée politique et non un juge administratif.

La justice ne lui sera déléguée qu'en 1872. À cette date, il reçut du législateur le pouvoir de rendre la justice au nom du peuple français.

Pourtant, dès le 1er janvier 1954, il a perdu la qualité de juge de droit commun en premier et dernier ressort, qui lui était reconnue depuis l'arrêt Cadot de 18894(*), laquelle a été transférée aux nouveaux tribunaux administratifs, créés en 1953.

En outre, depuis le 1er janvier 1989, sa compétence d'appel est allée en se rétrécissant.

Aujourd'hui, il reste au sommet de l'ordre administratif et cumule les qualités de cour suprême et de juridiction de cassation avec une compétence de premier ressort étendue.

Il faut noter que la loi de réforme du contentieux, du 31 décembre 1987, ne l'a pas privé complètement de sa compétence d'appel, puisqu'il n'est incompétent en appel que dans les cas prévus par la loi, transférant cette compétence aux cours administratives d'appel.

Comme juge de cassation, il statue sur les recours en cassation formés contre les décisions des juridictions administratives spécialisées de premier ou dernier ressort. Avec la réforme de 1987, il se trouve compétent à connaître des recours en cassation dirigés contre les arrêts des cours administratives d'appel.

En ce qui concerne les tribunaux administratifs, instaurés par le décret-loi du 30 septembre 1953 et ayant succédé aux conseils de préfecture, ils sont désormais les juges de droit commun, en premier ressort, du contentieux administratif.5(*)

Cependant, l'innovation la plus significative était celle de la création des cours administratives d'appel. Depuis cette date, le principe du double degré de juridiction a trouvé son application.

Les cours connaissent des appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs et de la quasi-totalité des appels interjetés contre les arrêts rendus sur recours en annulation des décisions administratives.

Par conséquent, le Conseil d'État, n'est compétent en appel que dans deux hypothèses ; pour les appels formés contre « les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales » et ceux des jugements rendus sur recours « incidents », en appréciation de légalité ou interprétation.6(*)

Ainsi vu les caractéristiques de la justice administrative en France, il paraît logique de continuer avec la présentation de l'ordre juridictionnel administratif en Grèce.

Dans un premier temps, le Conseil d'État hellénique a été créé en 1835 en utilisant le modèle du Conseil d'État français. Il a fonctionné jusqu'en 1844, année pendant laquelle il a été dissout par l'article 102 de la Constitution. Après avoir été plusieurs fois dissout et réinstauré, il a finalement fallu attendre la Constitution de 1927, notamment la loi 3713/1928, pour le maintenir définitivement.

Ses compétences et sa composition sont prévues par l'article 95 de la Constitution, révisée pour la dernière fois en 2001.

Selon le premier paragraphe de cet article, la Haute juridiction est compétente pour les recours en annulation contre les actes administratifs, ainsi que pour les recours en cassation dirigés contre les jugements des tribunaux administratifs.7(*)

Pourtant, ce qui le caractérise, c'est le fait qu'il est principalement un juge du fond et c'est là, la différence la plus significative avec le Conseil d'État français.

Néanmoins, mis à part le Conseil d'État , font partie de la justice administrative hellénique , les tribunaux administratifs « ordinaires ». Cette appellation concernait, au début, uniquement les tribunaux fiscaux. C'est avec la loi 1406/1983 que la compétence de ces tribunaux a été complétée. Désormais, ils sont les juges du fond dans tous les cas qui ne relèvent pas du Conseil d'État. Dans cette même catégorie, on trouve également les cours administratives d'appel.

Par ailleurs, il est important de présenter les intérêts de cette étude comparative. Comme le souligne effectivement J.Rivero, dans sa préface, à la version française de E.Spiliotopoulos, « (...) peu de droits administratifs en Europe sont aussi proches l'un de l'autre, que celui de la Grèce et celui de la France ». 8(*)

De plus, le comparatiste se trouve en terrain connu, lorsqu'il étudie les deux systèmes : les termes français correspondent souvent aux termes grecs et les notions de base, sont les mêmes de part et d'autre.9(*)

En matière d'exécution par l'administration des décisions de la justice administrative, le problème se pose quasiment dans les mêmes termes, dans les deux pays. Toutefois, les modalités existantes pour obtenir l'exécution en question, divergent.

Finalement, ce contexte de similitudes et de différences élargit le champ du débat et augmente l'intérêt théorique de la question de l'inexécution par les personnes publiques, des décisions du juge administratif.

Ayant terminé cette présentation générale, on peut s'interroger sur l'effectivité réelle de la justice administrative. Car si l'administration dispose de son juge et s'il existe un contrôle de sa part, les cas d'inexécution des décisions du juge administratif sont loin d'être rares. L'autorité administrative a encore du mal à réaliser qu'elle est obligée d'exécuter. Elle n'aime pas être au même pied d'égalité avec n'importe quel administré.

La source du problème vient du fait que l'administration fait partie du pouvoir exécutif, lequel a été renforcé par la Constitution française de 1958. Désormais, il y a un fort déséquilibre de pouvoir qui joue en faveur de l'administration. Ce déséquilibre présente des conséquences intéressantes pour les rapports entre l'administration et son juge.10(*)

En effet, elle se trouve en concurrence permanente avec le juge administratif qui essaie de la contrôler, tout en respectant ses prérogatives.

La question essentielle qui se pose, est, alors, de savoir dans quelle mesure et par le biais de quels moyens, le juge administratif peut contraindre l'administration à se conformer à ses décisions.

En effet, le juge administratif est garant de la légalité et en cas de violation, il doit sanctionner. Mais l'administration n'est pas une personne privée. Par conséquent, il est intéressant de rechercher les techniques qui pourraient assurer sa soumission réelle et effective au droit.

Cela est fondamental, du fait qu'un sentiment de justice ou d'équité, doit exister pour qu'un État puisse fonctionner.

L'administré, victime des abus des personnes publiques, doit être en mesure, par le biais de la juridiction administrative, d'obtenir une réparation intégrale du préjudice qui lui a été causé.

Cette problématique, a soulevé beaucoup de réactions et a fait verser beaucoup d'ancre. Dès le début du siècle dernier, beaucoup d'auteurs se sont rebellés contre cette «  impunité voulue » de l'administration et cela tant en France qu'en Grèce.

En guise d'illustration, on peut citer pour le cas hellénique, F.Végleris, qui dès 1934, a soulevé le problème de la conformation de l'administration aux décisions du juge administratif.11(*)

Pour le cas français, outre d'innombrables écrits, on peut citer, la circulaire du 13 octobre 1988, adressée par le Premier ministre (M.Rocard), aux membres du gouvernement, qui se rapporte au « respect des décisions du juge administratif » par les autorités de l'État12(*). En bref, elle demande à ses destinataires, de rappeler aux fonctionnaires, dont ils sont les supérieurs, « le caractère impératif d'une exécution correcte et rapide de la chose jugée ».

Comme l'a indiqué cette circulaire, l'administration, face à une décision de justice, n' a d'autre choix que de l'exécuter. Cependant, on doit examiner les rapports entre cette dernière et le juge administratif, pour démontrer que la puissance publique est un sujet particulier du droit.

L'autorité administrative, qui a l'obligation juridique de respecter la chose jugée, le fait volontairement. Cet aspect volontariste est conforté par le principe de son indépendance à l'égard de la juridiction administrative(1ère Partie).

Enfin, si la personne publique refuse de se conformer aux commandements du juge administratif, elle adopte « une attitude d'inexécution »13(*). Or, cette situation est, souvent, justifiée par sa mauvaise foi.

Il est, alors, nécessaire de la contraindre à un changement de comportement. À cet effet, nous devons rechercher les moyens juridictionnels ou non juridictionnels, qui permettront de donner suite à la chose jugée( 2ème Partie).

* 1 H.Oberdorff :  L'exécution par l'administration des décisions du juge administratif, Thèse, Paris 2, 1981, p.9.

* 2 Ö.ÂåãëåñÞò:  Ç óõììüñöùóéò ôçò äéïéêÞóåùò ðñïò ôáò áðïöÜóåéò ôïõ Óõìâïõëßïõ ôçò Åðéêñáôåßáò , 1934, óåë.29.

* 3 Exception faite du Conseil des marchés financiers français, lequel dispose d'une personnalité juridique.

* 4 Chapus ;  Droit administratif général, tome 1, 2001, p.776.

* 5 Depuis 1983, ils sont juges de premier et dernier ressort quant ils statuent sur les recours des appelés au service national contre les décisions ministérielles rejetant leurs demandes d'obtention du statut d'objecteurs de conscience.

* 6 Chapus : Droit administratif général, précité, p.784

* 7 Óðçëéùôüðïõëïò ; Åã÷åéñßäéï Äéïéêçôéêïý Äéêáßïõ, Óáêêïõëáò ÁèÞíá 2001. p.463.

* 8 E.Spiliotopoulos : Droit administratif hellénique, LGDJ 1991.

* 9 Il faut souligner, dès le début, certaines différences essentielles du droit public hellénique, afin que le lecteur puisse suivre plus aisément notre étude.

Premièrement, la Constitution hellénique réserve au Parlement, la quasi-exclusivité de la production des normes juridiques, alors que celle de France distingue entre domaine législatif et réglementaire. En outre, elle organise un contrôle de constitutionnalité des lois, diffus et a posteriori (article 93 al.4), effectué par tous les tribunaux, sous l'autorité de la Cour Suprême Spéciale(art. 100). Enfin, on doit noter une différence terminologique : en Grèce, on parle surtout de la « conformation » de l'administration aux décisions du juge administratif, alors qu'en France on utilise le terme « exécution ».

* 10 Oberdorff, précité, p.17

* 11 Ö.Âåãëñçò: précité.

* 12 JCP 1988, n° 62008 ; RFDA 1988, p.932.

* 13 H.Oberdorff : précité, p.26.

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