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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

Disponible en mode multipage

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DEDICACE :

Je dédie ce travail à tous les membres de ma famille qui n'ont jamais lésiné sur les moyens et m'ont soutenu tout au long des difficiles années académiques. Je pense particulièrement :

A MON PERE+, monsieur Ojong Peter

A MA MERE, madame Ndip épse Ojong Christine

Mon infinie reconnaissance.

A tous mes frères et soeurs, Mbu David, Achale Elias, Ndip Salomon, Alice Ebot, Besson Agathe, Nkongho Hélène.

Puisse chacun de vous réaliser son rêve.

REMERCIEMENTS

Je voudrais exprimer ma sincère gratitude ici à mon Directeur et Superviseur, le Professeur Nicole-Claire Ndoko, pour l'enrichissant et indéfectible encadrement.

Egalement, toute ma reconnaissance à l'endroit du Doyen de la faculté le Professeur H. Désiré Modi Koko et le Docteur James Mouangue Kobila pour tous leurs conseils qui nous ont insufflé le culte de l'effort.

Je ne saurais oublier tous les enseignants de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Douala qui n'ont ménagé aucun effort au fil des ans pour nous dispenser les précieux enseignements des sciences juridiques et politiques. Je manifeste un attachement particulier envers le Docteur Roger Sockeng pour son inqualifiable contribution.

Ma gratitude va aussi en direction de l'Abbé Mouaha Marc-Désiré, pour ses prières et encouragements, en reconnaissance de l'affection qu'il nous porte ; le magistrat Kiam Jean Paul, substitut n°1 du procureur de la République près le TPI de Ndokoti, qui a toujours été présent par ses judicieux conseils ; aux aînés académiques messieurs Djongoué Gérard, Mbandji Etienne et madame Deuffi Virginie pour leurs encouragements.

Je m'en voudrais de ne pas dire mes sincères remerciements à mes amis notamment, Nlem Daniel, Tietcheu Eric Bruno et la famille Mongoué, Kenneth et Elisabeth Nnamani, Bangya Paul, Zogo Alain et Bédiga Véronique, Tamnou Jean-Marie, Bébo Michel, Ndong Elong Corine, madame Elong Berthe, la famille Essomè particulièrement à Ndong Essomè Josiane, Essoungou Mbango Philomène, Ngo Bissé Marcelle, Mahop Landry, Leuga Carine, Akem Clarisse pour leur soutien moral permanent.

Toute ma sympathie à l'endroit de tous les autres lauréats de cette 3e promotion de DEA de la FSJP de l'université de Douala (2005-2006) et spécialement aux membres de l'association des juristes doctorants (AJD) de l'université de Douala.

Pour tous ceux que j'aurais omis de mentionner, je leur suis grandement reconnaissant pour la compréhension.

AVERTISSEMENT :

Les opinions émises dans ce mémoire sont propres à leurs auteurs. A celles-ci, la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université de Douala n'entend donner aucune approbation ni improbation

« Si je peux à la manière des anciens jurisconsultes, interroger les voix des peuples qui ne sont plus, je puis, à plus forte raison, consulter quelques fois les législateurs [...] Serions-nous humiliés d'imiter nos voisins dans les choses qui sont mieux pour nous, et qui peuvent d'ailleurs s'allier avec nos moeurs et notre constitution ? »

Prost de Royer, Dictionnaire de jurisprudence et des arrêts, ou nouvelle édition du dictionnaire de Brillon, Lyon, D'Aimé de la Roche, 1781, t. I, p. LXXXI. Sur cet auteur, M. Boulet - Sautel, « un traité de science administrative à la fin de l'ancien régime », Hommages à Robert Besnier, Société d'histoire du droit, 1980, pp.57-66.

LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS :

Al  : alinéa

Art : article

Cf.   : confère

Chr  : chronique

Coll.  : Collection

c.p  : code pénal

c.p.f  : code pénal français

c.p.p.c  : code de procédure pénale camerounais

c.p.p.f   : code de procédure pénale français

Crim  : criminelle

C.S  : cour suprême

C.S.E  : cour de sûreté de l'Etat

D.  : recueil Dalloz

Dalloz : Librairie Dalloz

Ed. / édt.  : édition

Gaz. Pal. : Gazette du Palais

H.C.J. : Haute Cour de Justice

Ibid.  : ibidem

Idem  : de même

Infra  : ci-après

J.C.P  : Jurisclasseur Périodique

L.G.D.J.  : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

Op.cit.  : ouvrage cité

Ord.  : Ordonnance

p. /pp.  : Page ou pages

R.I.E.J  : revue interdisciplinaire d'études juridiques

R.L.J.C : revue de législation et de jurisprudence camerounaises

R.S.C  : revue de sciences criminelles

S. : Sirey

Somm.  : Sommaire

Ss / sq.  : suivant

Supra  : ci-haut

T.P.I  : tribunal de première instance

T.M  : tribunal militaire

V° / vr  : voir

SOMMAIRE

Dédicace....................................................................................I

Remerciements............................................................................II

Avertissement ............................................................................III

Liste des principales abréviations.......................................................V

Sommaire .................................................................................VI

Résumé ..................................................................................VII

Abstract ................................................................................VIII

Introduction Générale......................................................................1

Première partie : L'infraction politique avant la bourrasque législative de 1990..........................................................................................9

Chap. I : Les critères de détermination de l'infraction politique...................11

Sect. I : Les critères classiques de définition de la criminalité politique.........12

Sect. II : Le régime particulier de l'infraction politique.............................21

Chap. II : La répression de l'infraction politique : le particularisme procédural d'antan.....................................................................................37

Sect. I : L'existence des juridictions d'exception....................................37

Sect. II : Les critiques du système répressif d'antan.................................50

Conclusion de la première partie........................................................66

Deuxième partie : Le paradoxe sur l'existence de l'infraction politique depuis la réforme pénale de 1990....................................................67

Chap. I : La disparition de la notion générique d'infraction politique en droit pénal camerounais........................................................................70

Sect. I : L'abrogation de la législation anti-subversion et l'amnistie des condamnations politiques................................................................71

Sect. II : La suppression de la peine de détention....................................86

Chap. II : La persistance du particularisme procédural..............................98

Sect. I : Le maintien des juridictions exceptionnelles...............................98

Sect. II : L'appréciation critique du régime procédural actuel....................111

Conclusion de la deuxième partie.....................................................123

Conclusion générale....................................................................124

Bibliographie ...........................................................................131

Annexes .................................................................................134

Table des matières......................................................................144

RESUME :

L'infraction politique est définie selon une conception objective comme tous agissements qui portent directement atteinte à un intérêt ou à une prérogative de nature politique, telle une atteinte à l'existence ou à l'organisation de l'Etat, autrement dit lorsque la valeur sociale protégée par la qualification pénale est politique. Selon une autre conception, subjective, toute infraction peut être qualifiée de politique dès lors que les mobiles qui l'inspirent menacent les mêmes intérêts et prérogatives. Un examen des différents systèmes pénaux des Etats du monde fait apparaître de manière évidente qu'aucune de ces définitions n'est définitivement satisfaisante et admise, mais qu'il existe un régime propre à cette infraction. Cette existence est reconnue par tous à travers l'application de certains privilèges relatifs à la répression des auteurs de telle infraction. Il s'agit entre autres de la compétence des juridictions particulières et de l'application de la peine de détention, peine politique par excellence. Le Cameroun a pendant longtemps respecté ces signes extérieurs. Or, en 1990, sans toute autre précision sur le statut des prisonniers politiques, le législateur national va supprimer et la peine de détention et l'infraction politique. Cette situation amène à se demander si l'on doit confondre l'existence des prisonniers politiques et de l'infraction politique. Car, au moment où est supprimée cette infraction, sciemment ou par manque de lucidité, le législateur crée une juridiction qui n'est compétente qu'en matière de répression d'infraction politique par nature. D'où l'interrogation à l'heure actuelle au Cameroun sur l'existence ou non de cette infraction.

ABSTRACT 

Political offence is defined according to an objective conception as actions that directly strike a blow at an interest or a privilege of political nature, such an infringement on the existence or the organization of the state, otherwise when the social value protected by the penal qualification is political. According to another conception, subjective, any offence can be qualified of politics ever since then the aims those inspire it threat the same interests and prerogatives. Although none of these definitions satisfies the criminologists of the world, the existence of this offence is still recognised and accepted through the application of a different treatment to his authors which distinguishes them from so-called common law infractions. They enjoy certain privileges among which, the exemption from common law courts and the application of a particular sentence called detention, political penalty in excellence. Cameroon has a long while respected these external signs. But, in 1990, without any other precision on the political prisoners' status, the national lawgiver will do away with the detention sentence and the political offence. This situation lead one's up to ask if confusion must be made between the existence of political prisoners and political offence. Because, while this infraction is suppressed, the legislator knowingly or by lack of lucidity, was at the same moment creating a new jurisdiction competent only in repression of political offences by nature. Whence the query actually in Cameroon about the existence or not of political offence.

INTRODUCTION GENERALE

La classification des infractions fondée sur leur nature amène à distinguer généralement les infractions de droit commun des infractions politiques et militaires. L'infraction de droit commun n'ayant pas de définition propre, on en est réduit à la qualifier de celle qui n'est ni politique ni militaire. La reconnaissance à côté des infractions ordinaires d'infractions politiques soumises à un régime particulier spécifique peut être inspirée par des raisons très variables.

Le grand juriste Guizot écrit : « l'immoralité des délits politiques n'est pas aussi claire ni aussi immuable que celle des délits de droit commun ; continuellement modifiée et observée par les vicissitudes des choses humaines, elle varie en suivant le temps, les événements, les droits et les mérites du pouvoir et vacille à tout instant, sous les coups de la force, qui prétend donner une forme selon ses besoins. Difficilement, dans la sphère de la politique, on trouve des actes innocents ou méritoires qui n'ont pas reçu en quelque partie du monde une inculpation légale... Or, tandis que personne ne veut légitimer les crimes contre les personnes ou la propriété, il se trouve toujours une fraction, plus ou moins grande de la population qui donne une certaine approbation aux délits politiques »1(*). De cette présentation faite par Guizot, on comprend que l'infraction politique est une notion contingente. En effet, certains groupes, certains individus, qui furent accusés de « saper les fondements de l'ordre établi », ont fini par représenter l'ordre établi : Dans bien des pays, les monarchistes furent remplacés par les républicains, les libéraux par les socialistes ou les colonisateurs par les colonisés, et leur propre pouvoir (est) menacé déjà par d'autres groupements qui préparent l'assaut du pouvoir...

De même, Me Lachaud, dans sa plaidoirie en défense du maréchal Bazaine disait : « les procès politiques ont cela de particulier que le criminel politique d'aujourd'hui peut devenir le héros de demain, et que, sur le lieu du supplice, on fait plus tard une apothéose et on dresse une statue ».

Quel est cependant le contenu de l'infraction politique ? Au coeur de cette notion se trouvent l'idée de l'infraction et l'idée de politique.

L'infraction d'abord, d'après Raymond Guillien et Jean Vincent, est une action ou omission définie par la loi pénale et punie de certaines peines également fixées strictement par celle-ci2(*).

Le concept politique quant à lui, disait Voltaire « ...porteur de nombreux sens différents, est l'un des plus ambigus du vocabulaire français s'employant au masculin tantôt au féminin »3(*). Au masculin, le politique est « l'espace social dans lequel les individus choisissent de soumettre leur conflit d'intérêts à la régulation d'un pouvoir qui détient le monopole de la coercition légitime »4(*). Au féminin, la politique est « la science du gouvernement des Etats »5(*) ; elle est encore « l'art et la pratique des gouvernements des sociétés humaines »6(*).

La qualification de politique attribuée à un fait social est variable, et rend difficile voire impossible une définition claire du fait qu'elle qualifie. Raison pour laquelle il n'existe pas à proprement parler une définition satisfaisante de cette infraction. Le législateur camerounais à l'instar de son homologue français ayant préféré le mutisme, nous pouvons néanmoins, avec Henri Lévy-Brühl, résumer quelques observations permettant de la définir :

a) Le mot politique est mal choisi pour le (délit) désigner : il est en effet trop étroit. De nombreuses infractions aux législations religieuses sont dénuées de motifs égoïstes : sacrilège, hérésie, blasphème..., ont longtemps figuré parmi les délits d'une grande gravité. Il existe des délits politico-sociaux qui appartiennent à la même catégorie : luttes syndicales et manifestations politiques, par exemple. Par conséquent, il n'y a pas que les délits qui concernent le gouvernement des Etats qui appartiennent à cette catégorie. En effet, ces derniers, comme les délits religieux et sociaux sont inspirés par le même genre de motivation. C'est pour cela que Lévy-Brühl suggère le terme « délit idéologique ».

b) plus que toutes les autres, la catégorie qui nous intéresse est liée aux courants d'opinion et aux principes dominants dans la société.

Au 20e siècle, deux espèces d'Etats sont à distinguer, car on y envisage les infractions politiques d'une façon fort différente : les Etats démocratiques d'une part et les Etats autoritaires d'autre part. dans ces derniers, les infractions politiques sont considérées avec une extrême sévérité et la notion même du droit de l'individu est pratiquement inexistante, le pouvoir cherchant alors à éliminer systématiquement toute forme de contestation de son ordre établi, de sa politique par « l'écrasement » des opposants réels ou supposés. Tel était le cas dans bon nombre d'Etats et particulièrement du Cameroun à travers la diabolisation de l'adversaire politique qui était promu au rang d' « ennemi de la nation », c'est le subversif de l'ordonnance n° 62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion. Ces Etats procèdent ainsi à la création de délits aux contours délibérément vagues, la subversion devenant une faute extensible mieux une faute à cordéon, pour laquelle le pouvoir en fait ce qu'il veut selon ce qui lui paraît bon en fonction des cas et des circonstances. Le jugement sera confié à des juridictions d'exception - qui ne sont parfois que des machines à condamner- le cas de l'URSS de Staline est une parfaite illustration, dont le droit pénal avait pour but annoncé, selon les termes du code pénal de 1926, « de protéger par la répression les rapports sociaux correspondant aux intérêts des masses travailleuses qui se sont organisées en classe dominante pendant la période de passage du capitalisme au communisme »7(*).

c) Au contraire, dans les contextes démocratiques, comme les délinquants politiques sont mus la plupart du temps par des motifs désintéressés, ils bénéficient souvent de régimes de faveur. Leur situation y demeure cependant compliquée au regard de la loi. L'indulgence dont bénéficient dans les pays démocratiques, les délinquants politiques, est cependant toute relative car dès que l'acte blesse tant soit peu profondément la sensibilité du public, leur auteur perd sa situation privilégiée.

En définitive, nous pouvons reprendre à notre compte les définitions de Lévy-Brühl : « sont des délits politiques, les infractions commises en vue d'un intérêt qui dépasse celui de l'auteur et qui tendent à réaliser une réforme de l'ordre politique, social, religieux... Toutefois, elles sont privées des avantages qui les caractérisent et sont assimilées aux délits de droit commun si elles heurtent, par les moyens utilisés, l'opinion publique »8(*). Autrement dit, l'infraction politique repose dans notre contexte sur un acte que l'auteur a dirigé contre la forme ou contre l'action du gouvernement, dans le but de faire triompher sa propre conception de l'organisation sociale : nous aurons l'occasion de préciser ce point .

Le droit pénal camerounais constitue notre espace thématique. Il est pris ici au sens large et désigne la branche du droit positif qui détermine les actes punissables, les sanctions qui frappent leurs auteurs et les autorités et formes qui président à l'application de ces sanctions. Entendu en ce sens, le droit pénal comprend : le droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et le droit pénitentiaire ou pénologie.

Mais pourquoi mener une réflexion sur le thème « l'infraction politique en droit pénal camerounais » ? C'est que une étape a été franchie sur le plan des réformes législatives qu'on voudrait propitiatoires à la consolidation d'un processus démocratique dont on situe l'accélération au début des années 1990. En effet, dans le cadre de la libéralisation de la vie publique, on peut lire de l'exposé des motifs de la loi n°90/061 du 19 décembre 19909(*) qu' « il a paru nécessaire de supprimer du code pénal toute allusion au caractère politique des infractions... c'est pourquoi l'article 1er du présent projet de loi modifie l'article 18 c.p. qui prévoyait la peine de détention, pour la supprimer... ». Il s'agit donc de voir si cette suppression de l'infraction politique est vraiment effective dans notre droit positif. Ou au contraire si en dépit de cette disposition législative la supprimant cette infraction persiste toujours.

En bref, le problème posé par notre sujet est celui de savoir si l'infraction politique existe toujours au Cameroun à l'heure actuelle.

A la vérité, la déception guette l'observateur attentif à l'édiction des lois par le législateur camerounais. Ce dernier ayant fait des imprécisions textuelles un de ses principes. En effet, comment peut-on supprimer une infraction de son système pénal et conserver ou créer les juridictions compétentes pour en avoir connaissance.

Cette situation, pour le moins paradoxale, mérite alors une attention particulière. Comment comprendre ce manque de lucidité du législateur ? Quels sont les éléments qui militent en faveur de la thèse de la disparition de l'infraction politique d'une part et en faveur de sa persistance en droit camerounais d'autre part ? Quels sont les pas à franchir par le législateur pour expurger complètement au Cameroun toute référence à une prétendue nature politique de l'infraction ? Toutes ces questions révèlent l'importance d'une analyse sur le thème de notre étude.

En effet, cette étude permettra en plus d'éclaircir la notion d'infraction politique, de résoudre l'épineux problème de sa suppression ou de sa persistance en droit camerounais. Et par conséquent, invitera le faiseur de lois à conduire l'évolution à son terme en prenant les dispositions manquantes.

Mener une réflexion en science juridique nécessite que soit explicitée une méthode. En ce qui concerne le thème sur « l'infraction politique en droit pénal camerounais », nous adopterons les méthodes juridique et dialectique.

La méthode juridique selon le professeur Charles Eisenmann, a deux composantes : la dogmatique et la casuistique10(*).

La dogmatique consiste à analyser les textes et les conditions de leur édiction. Il s'agit de l'étude du droit écrit, de la norme juridique au sens strict, et plus spécifiquement du droit positif tel qu'il ressort de l'armature législative. Elle permettra de nous appesantir sur le sens des lois et le contexte de leur édiction. En d'autres termes, il s'agira d'une prospection pour découvrir les progrès et les incohérences des textes législatifs.

Cependant, la méthode juridique, dans cette seule composante se confondrait à une spéculation philosophique. Pourtant, « la recherche juridique échappe au danger de la spéculation abstraite »11(*). La norme juridique nécessite une confrontation aux réalités sociales, car la fonction essentielle du droit est de régenter l'ordre social. C'est à ce moment qu'interviendra la casuistique.

Cette seconde composante nous permettra d'apprécier la démarche du juge, lorsqu'il est confronté à une situation où il doit donner une solution précise prévue par la norme juridique.

Par ailleurs, le Cameroun ayant connu deux phases évolutives, il serait important de voir comment l'infraction politique était perçue à l'ère du parti unique et depuis l'ère démocratique. D'où la méthode dialectique, qui pour Madeleine Grawitz « est la plus complète, la plus riche et semble-t-il la plus achevée des méthodes conduisant à l'explication en sociologie »12(*). Celle-ci donnera à notre étude de présenter l'attitude du droit pénal camerounais vis-à-vis du délinquant politique pendant le régime autoritaire et depuis la libéralisation. Cette méthode nous permettra d'affirmer avec Hegel que « chaque étape de l'histoire des sociétés contient toutes les étapes précédentes. Mais aucune de ces étapes n'est entièrement supprimée ou conservée. Chacune d'entre elles reçoit la place qui lui est propre comme un élément constitutif de la totalité historique ».

C'est donc pour cette raison que notre étude se construira autour de deux pôles :

Le premier consistera à présenter l'infraction politique avant la réforme pénale du 19 décembre 1990. Cette période marquée par une utilisation "tous azimuts" du droit pénal en vue de l'instauration et du maintien d'un pouvoir fort.

Dans le second pôle, nous verrons comment l'ère démocratique pressant la législation à suivre l'évolution voulue par les gouvernants, le législateur national commettra des textes qui malheureusement s'avèreront paradoxaux. En fait, toute la difficulté de notre sujet provient curieusement de la législation démocratique de 1990 en matière des libertés.

Ces analyses seront ainsi constituées :

Première partie : L'infraction politique avant la bourrasque législative de 1990.

Deuxième partie : Le paradoxe sur l'existence de l'infraction politique depuis la réforme pénale de 1990.

PREMIERE PARTIE

L'INFRACTION POLITIQUE AVANT LA BOURRASQUE LEGISLATIVE DE 1990.

Incontestablement, le système politique mis en place pendant cette période visée était sans n'en point douter un régime présidentialiste « fort »13(*)avec un président de la République dont l'importance des prérogatives conduisait à l'instrumentalisation du droit pénal à des fins politiques.

Le code pénal camerounais n'ayant prévu aucune définition de l'infraction politique, l'on a assisté à un élargissement du carcan répressif par la criminalisation de la simple contestation politique ; plusieurs interrogations sous-tendent cette partie qui du reste est d'importance capitale. En effet l'on est curieux de savoir sur quelle base partait le juge pour réprimer les délinquants dits politiques, puisque le législateur ne définissait nulle part cette infraction. Comment dès lors se conformer au principe de la légalité si une infraction n'est pas prévue, définie, mais est réprimée ?

Raison pour laquelle avant d'évoquer le régime répressif procédural d'antan de cette infraction (chap. 2) qui est sujet à équivoque, il serait capital que nous ressortions les éléments d'identification de la délinquance politique à travers les critères de détermination de l'infraction politique. (Chap. 1)

CHAPITRE I : LES CRITERES DE DETERMINATION DE

L'INFRACTION POLITIQUE.

A l'inverse de certains codes étrangers, comme le code italien14(*), notre code pénal ne comporte aucune définition de l'infraction politique. Ce silence singulier, qui n'a pas été levé à l'occasion des multiples réformes pénales, s'explique pour partie par la difficulté de définir cette infraction.

Il importe dès lors, afin de cerner la notion d'infraction politique, de s'attacher à toutes les conceptions théoriques possibles et aux efforts fournis par la jurisprudence.

Tout d'abord, il faudrait écarter le critère tenant à la qualité du coupable. Les infractions commises par un responsable politique (chef d'Etat ou de gouvernement, ministre, parlementaire, élu local...) dans l'exercice de ses fonctions ne sont pas nécessairement des infractions politiques. La précision paraît nécessaire car la multiplication récente «  d'affaires » mettant en cause des hommes politiques pourrait susciter une confusion sur ce point. Il reste cependant que les infractions commises par ces personnes sont parfois soumises à des règles dérogatoires.

Dans l'optique de faciliter l'identification et la détermination de cette infraction, ce chapitre traitera dans sa première subdivision des critères classiques de définition de la criminalité politique (sect. 1). La deuxième subdivision quant à elle sera consacrée au régime particulier assorti à ce type de délinquance (sect.2).

SECTION I : LES CRITERES CLASSIQUES DE DEFINITION DE LA

CRIMINALITE POLITIQUE.

Ces critères tirent leur essence de la doctrine et de la jurisprudence. Deux tendances se sont opposées. Une première conception, objective, fondée sur la considération de l'objet : c'est le critère matériel (par.1).

Une seconde conception, subjective, s'attache non plus au résultat matériel de l'infraction, mais au mobile animant son auteur et non au dessein du législateur15(*) : c'est le critère psychologique (par.2).

Paragraphe I : La conception objective : le critère matériel

Ce critère tient compte de l'objectif de l'action. C'est une première manière d'appréhender matériellement le criminel que de déterminer objectivement l'infraction. Dans cette conception, le droit lésé devient la réalité fondamentale à partir de laquelle se construit la notion d'infraction. C'est par cette méthode, et en l'absence de toute définition légale, que la doctrine (A) et la jurisprudence (B) ont largement contribué à une approche définitionnelle acceptable de l'infraction politique.

A- LA DOCTRINE SUR LA NOTION D'INFRACTION OBJECTIVEMENT POLITIQUE

De nombreux auteurs (1) ont individuellement contribué à cette conception de l'infraction politique fondée sur la considération de l'objet. Tout comme de multiples travaux communs de congressistes à travers des conventions internationales (2) ont joué un rôle non négligeable tendant à rendre universelle la définition de cette notion.

1- Ils sont nombreux, des auteurs, qui ont contribué à une définition de l'infraction politique objective. Mais, malheureusement nous ne saurons tous les retenir.

En effet, en 1886, Ortolan donnait la définition suivante : « Répondez à ces trois questions : quelle est la personne directement lésée par ce délit ? L'Etat ; dans quelle sorte de droit l'Etat se trouve-t-il lésé ? Dans un droit touchant à son organisation sociale et politique ; quel genre d'intérêt a-t-il à la répression ? Un intérêt touchant à cette organisation sociale et politique. Le délit est politique »16(*).

Si cette définition d'Ortolan paraît restreinte, elle va gagner en extension à travers l'apport du jurisconsulte allemand Von Liszt. Pour ce dernier, « sont politiques, les délits commis intentionnellement contre l'existence de la sûreté de l'Etat ou d'un Etat étranger, de même que ceux qui sont dirigés contre le chef du gouvernement et les droits politiques des citoyens »17(*).

Ces deux définitions de l'infraction politique constituent en fait le socle à partir duquel d'autres auteurs partiront pour améliorer davantage la conception objective. Et même, lors de rencontres internationales visant l'harmonisation de cette définition, c'est la même optique qui sera retenue.

2- Dans le même esprit, la conférence internationale pour l'unification du droit pénal, tenue à Copenhague en août 1935, proposait de qualifier comme politiques, « les infractions dirigées contre l'organisation et le fonctionnement de l'Etat, ainsi que celles qui sont dirigées contre les droits qui en résultent pour les citoyens »18(*).

Dans cette théorie, l'Etat constitue le sujet passif de toute infraction politique bien que cette dernière porte atteinte aux intérêts, aux droits de l'Etat considéré comme puissance publique. Sont donc par conséquent exclus de cette qualification d'infraction politique, les délits contre l'Administration ainsi que contre les droits et autres prérogatives de l'Etat. Une simple violation de l'ordre politique n'est cependant pas suffisante pour constituer une infraction politique et il faut qu'il y ait une intention de destruction totale ou partielle de l'ordre politique.

Outre la doctrine, la jurisprudence a largement contribué à une définition de la criminalité politique.

B- LE CRITERE JURISPRUDENTIEL TIRE DE LA NATURE DES FAITS

Dans l'ensemble, la jurisprudence adopte le critère objectif en matière politique. Et c'est très souvent à propos de la contrainte par corps qu'elle se prononce sur le caractère politique des infractions : elle se rappelle alors que cette mesure d'exécution est exclue en matière politique. La qualification politique est ainsi limitée par elle aux infractions politiques par nature (1) auxquelles sont toutefois assimilées les infractions connexes19(*), mais ce choix n'est pas admis à l'unanimité (2).

1- Les infractions politiques par nature

Il n'est pas nécessaire qu'une infraction soit prévue dans le titre I du code pénal20(*) consacré aux crimes et délits contre la chose publique pour être qualifiée de politique : sont donc politiques par nature, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation : trahison, espionnage, attentats, complots, mouvements insurrectionnels... on peut ajouter les fraudes électorales, l'offense au président de la République, et les infractions portant atteinte aux diverses libertés politiques (de réunion, de presse, de l'enseignement, du travail, d'un culte...).

A l'inverse, il est certain qu'il ne suffit pas, loin s'en faut, qu'une infraction soit prévue dans ce titre du code pénal pour que la jurisprudence lui confère un caractère politique. La plupart des infractions prévues au titre sus-évoqué, tels la non-dénonciation de crime, le faux ou la fausse monnaie, ne sont pas politiques par leur nature. Seules sont susceptibles d'être qualifiées comme telles, les infractions créées en vue de garantir le respect des libertés publiques, le bon fonctionnement des institutions de la République, ainsi que les infractions dont la commission consiste en l'exercice abusif d'une liberté publique. Ainsi, revêt un caractère politique, la participation délictueuse à un attroupement réprimée.

Toutefois, l'hésitation est permise dans certains cas, ce qui est la pierre d'achoppement de l'acceptation totale de cette conception.

2- Les limites de l'identification objective de l'infraction politique

Bien qu'elle soit largement acceptée dans le droit positif contemporain, on peut avec Papadatos, lui adresser certaines critiques. En effet, elle ne tient pas compte du sens qu'ont attribué aux infractions politiques la conscience populaire et la tradition libérale à l'aube de l'époque contemporaine. L'intention noble et désintéressée du délinquant n'est nullement prise en considération.

La référence exclusive au résultat sociologique de l'acte incriminé conduit théoriquement à négliger l'élément moral de l'infraction et plus largement la personnalité de l'individu poursuivi21(*). Que le droit lésé soit le critère qui permette de déterminer l'infraction n'est pas, en soi, condamnable, bien au contraire, mais appliqué sans mesure, ce mode de détermination risque de mener à des extrémités pernicieuses : le danger est d'abord que le coupable, occulté en quelque sorte par son acte passe au second plan des préoccupations des juristes, voire qu'il soit purement et simplement oublié ; ensuite, que le procès pénal consiste à juger l'acte plus que l'homme qui l'a commis22(*), une telle conception du droit pénal, si elle était unique, ne serait pas seulement inopportune, mais également inexacte. Aussi, parallèlement, la jurisprudence consacre le critère subjectif dans certaines conditions.

Paragraphe II : La conception subjective : le critère psychologique.

Les théories subjectives de l'infraction politique ont leur origine dans la pensée des libéraux pour qui : le révolutionnaire aux idées nobles et aux intentions désintéressées constitue le modèle du délinquant politique. Mais comme le fait remarquer Papadatos, si le mobile est un élément important pour apprécier le degré de culpabilité et surtout de criminalité d'un accusé, il ne peut suffire d'aucune façon à servir comme seul critère de l'infraction. Si l'on considère les mobiles ou le but poursuivis par les délinquants politiques, dans les éléments subjectifs du crime, on peut constater que ceux-ci sont, en général, mus par des mobiles qui dépassent leur intérêt personnel. Ceux qui tiennent toutefois compte de cet élément subjectif prennent soin de distinguer la nature des infractions (A), ce qui en principe rend indifférent le mobile du coupable lorsque son acte s'est avéré odieux et barbare (B).

A- LA NATURE DES INFRACTIONS

Une distinction est faite selon que l'infraction est complexe (1) ou connexe (2) à l'infraction politique principale.

1- Les infractions complexes

Les infractions complexes sont celles qui, tout en lésant directement un intérêt privé, sont commises dans un but politique. Pour savoir si elles peuvent être considérées comme des infractions politiques, il faut distinguer entre les infractions de terrorisme et les autres.

Devant l'inquiétante montée du terrorisme depuis quelques années, les législateurs se trouvent placés devant un choix de politique criminelle : ou bien considérer les actes de terrorisme comme des infractions politiques, ou bien considérer ces actes comme des infractions de droit commun au motif que l'auteur23(*) se conduit de manière odieuse.

Naguère, la doctrine s'est efforcée de définir l'infraction de terrorisme. H. Donnedieu de Vabres écrivait en 1947 : « l'originalité de cette infraction réside dans la réunion des caractères suivants : a) elle est le fait de bandes, souvent internationales, ce qui la rend particulièrement efficace ; b) les procédés dont use le délinquant sont de nature à provoquer la terreur : explosion, destructions de chemins de fer ou d'édifices, ruptures de digues, empoisonnement d'eau potable, propagation de maladies contagieuses...c) elle crée un danger commun24(*).

Le législateur adopte une voie un peu différente. Ainsi, sont complexes et assurément pas politiques, les infractions en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Il s'agit donc d'infractions de droit commun, et qui plus est d'infractions sévèrement traitées. On est là aux antipodes de l'infraction dont l'auteur est animé d'un mobile noble.

L'importance du terrorisme occulte un peu aujourd'hui certaines autres infractions complexes qui ont pourtant naguère retenu beaucoup l'attention. L'idée générale est que ces infractions se voient presque systématiquement refuser la qualification politique. Ces infractions, par leur nature et quels qu'en aient été les motifs, constituent des infractions de droit commun. Il en est ainsi notamment de l'attentat à la vie d'un chef d'Etat, d'un membre de sa famille25(*), de l'attentat à la vie des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, de même que des coups et blessures volontaires commis sur les agents de la force publique.

Si la qualification politique n'est pas admise lorsque l'infraction se présente sur les formes sus-évoquées, tel n'est pas le cas lorsque l'infraction est située dans la sphère du connexe.

2- Les infractions connexes

Ce sont des infractions de droit commun commises à l'occasion d'événements politiques, et liées d'une façon plus ou moins étroite à ces événements. Il s'agit d'une infraction qui se rattache par un rapport de causalité à une infraction politique. A titre illustratif, des insurgés, criminels politiques, pillent une armurerie pour pouvoir s'introduire de force dans un palais gouvernemental. Ce pillage doit-il être considéré comme une infraction de droit commun ou comme une infraction politique ? La réponse doit être nuancée. Au siècle d'avant, la jurisprudence retenait la qualification de droit commun26(*). Mais tout récemment il a été retenu que « ces infractions présentent dans leur ensemble un caractère politique27(*) ».

Malgré cette tentative de différenciation de l'infraction subjectivement politique, la part d'arbitraire est, et demeurera sans doute bien importante, en ce qui a trait notamment au sort que les diverses législations et pouvoirs étatiques réserveront aux délinquants politiques.

Toutefois, la jurisprudence a limité le critère subjectif. Le conseil d'Etat a déclaré que le fait que les crimes reprochés auraient eu pour but de renverser l'ordre établi en Allemagne ne suffit pas, compte tenu de leur gravité à leur conférer un caractère politique. Juridiquement, cette formule implique que hormis le cas de l'infraction connexe, la jurisprudence est en principe indifférente aux mobiles allégués par le coupable.

B- L'INDIFFERENCE DE PRINCIPE DU MOBILE DU COUPABLE

En dehors de l'hypothèse de la connexité (2), la jurisprudence refuse en principe de reconnaître le caractère politique à des infractions qui ne seraient pas politiques par leur nature (1).

1- L'absence de prise en considération du mobile du coupable par la jurisprudence

On peut affirmer que la jurisprudence se refuse totalement à prendre en compte les mobiles du coupable pour conférer un caractère politique à une infraction qui, par sa nature intrinsèque, ne présente pas a priori un tel caractère. Le principe a été tout d'abord affirmé à propos des atteintes à la vie dans un arrêt de la chambre criminelle rendu le 20 août 1932 dans la célèbre affaire Gorguloff, assassin du président de la République Paul Doumer. Le geste de Gorguloff avait été incontestablement inspiré par des motifs politiques et revêtait donc un caractère politique d'un point de vue subjectif. La cour de cassation refusa cependant de prendre en compte cet élément et considéra l'assassinat du chef de l'Etat comme une infraction de droit commun28(*). Gorguloff fut donc condamné à la peine capitale29(*).

La solution ainsi dégagée a été par la suite appliquée en matière de violences contre les personnes. La chambre criminelle considère que les mobiles politiques de ceux qui exercent de telles violences, en particulier sur des agents de la force publique, ne retirent pas à l'infraction son caractère de droit commun, sauf s'il s'agit d'une infraction connexe.

2- L'assimilation des infractions connexes à l'infraction politique

Aux infractions politiques par nature doivent être assimilées les infractions connexes qui, bien que constituant, par leur nature, des infractions de droit commun, prennent la qualification politique attachée à l'infraction principale à laquelle elles sont liées. S'agissant de l'application des règles du droit pénal interne, l'assimilation était écartée par la jurisprudence, celle-ci retenait la qualification de droit commun. Mais, dans un temps pas très lointain, la jurisprudence a déclaré lors d'un jugement concernant la tentative d'assassinat et l'association de malfaiteurs connexes à un crime d'atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat que « ces infractions présentaient dans leur ensemble un caractère politique ».

Ainsi, lors de la « guerre d'Algérie », des algériens condamnés pour divers crimes et délits de droit commun ont été dispensés de la contrainte par corps parce que ces infractions étaient connexes à l'infraction politique principale d'insurrection pour laquelle ils avaient également été condamnés30(*). Par ailleurs, la solution est identique en matière d'extradition31(*) et se trouve en outre fondée sur de nombreuses conventions d'extradition, comme la convention européenne du 13 décembre 1957 dont l'article 3 exclut expressément l'extradition pour des « faits connexes » à une infraction politique. L'infraction connexe sera donc considérée comme politique pour l'extradition, si trois conditions sont réunies : le mobile doit être politique, l'infraction doit avoir été commise dans un Etat de guerre ou d'insurrection, l'acte répréhensible ne doit pas être contraire au droit des gens.

Ainsi, lorsque l'infraction est naturellement politique, ou connexe, ou encore remplit les conditions ci-dessus évoquées pour l'extradition, un régime particulier doit lui être appliqué.

Section II: Le régime particulier de l'infraction politique

En l'absence d'un critère légal universel de définition de l'infraction politique, l'intérêt essentiel de la notion s'est déplacé du plan de la définition à celui de la pénalité, et plus largement à celui du régime applicable aux infracteurs politiques. Il en ressort que le droit positif d'antan offrait l'aspect d'un certain nombre de solutions écrites favorables aux délinquants politiques dont les plus importantes concernant le régime des détentionnaires politiques (par.1er) et des textes nationaux et internationaux dont la plupart concerne la reconnaissance d'un droit d'asile et l'exclusion de l'extradition en matière de criminalité politique (par.2e).

Paragraphe 1 : Le régime des détentionnaires politiques.

La particularité de ce régime est perçue, en ce qui concerne les règles de droit pénal de fond, à travers l'application de la détention (A) peine politique par excellence, et concernant les règles de droit pénal de forme, à travers certaines faveurs procédurales attachées à ce type de délinquance (B).

A- L'APPLICATION DE LA PEINE DE DETENTION POLITIQUE

La définition (1) et le régime d'exécution (2) de la détention nous permettrons d'avoir une vue générale du traitement « infligé » aux délinquants politiques.

1- Définition de la détention politique

La détention est une peine privative de liberté prononcée à raison d'un crime ou d'un délit politique pendant laquelle les condamnés ne sont pas astreints au travail et subissent leur peine dans des établissements spéciaux. A défaut, ils sont séparés des condamnés de droit commun32(*). Avant les amendements législatifs survenus en 1990, la détention faisait partie de l'arsenal des peines principales au côté de la peine de mort, l'emprisonnement et l'amende33(*). Elle était retenue et appliquée quasiment toutes les fois que l'infraction commise était l'une de celles prévues aux chapitres I, II et IV du titre I, livre II du Code Pénal.

Encore applicable en France, la détention criminelle est une peine criminelle, politique, principale, temporaire et perpétuelle. Elle constitue avec la réclusion la seule peine criminelle par nature puisque les autres peines sont soit tombées en désuétude, soit supprimées34(*). Elle sanctionne quelques crimes portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation : livraison de tout ou partie du territoire national, de forces armées ou de matériel à une puissance étrangère ; intelligences avec une puissance étrangère ; livraison d'informations à une puissance étrangère ; sabotage ; attentat et complot ; mouvement insurrectionnel ; usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s'armer illégalement35(*). Sa durée peut être à perpétuité, de trente ans au plus, de vingt ans, quinze ans, dix ans ou de cinq ans au moins. L'innovation la plus importante consiste dans la création d'une peine de trente ans, afin de rétablir une cohérence dans la hiérarchie des peines à la suite de l'abolition de la peine de mort dans le système répressif français.

La détention est une peine favorable au condamné, car son régime d'exécution est plus libéral que celui de la réclusion ou de l'emprisonnement selon qu'il s'agisse du contexte français ou camerounais. Le condamné à la détention criminelle bénéficie en effet de plein droit du régime pénitentiaire dit « spécial ». Au Cameroun, la détention est retenue qu'il s'agisse d'un délit ou d'un crime. En France, si en matière correctionnelle les peines ne diffèrent pas selon la nature de l'infraction, le régime pénitentiaire reste adouci en faveur du délinquant politique.

2- Les faveurs pénitentiaires du détenu politique.

Le délinquant politique bénéficie d'un régime spécial de détention. Ce régime favorable vise le type d'incarcération et s'applique aux personnes poursuivies et condamnées soit pour crime ou délit contre la nation, l'Etat et la paix publique, et dans une certaine mesure pour infraction de presse36(*). Les condamnations politiques n'entraînaient pas les mêmes conséquences que les condamnations de droit commun, notamment par certains avantages : le condamné politique subissait sa peine dans un quartier spécial37(*) et confortable, n'était pas astreint au travail obligatoire, la contrainte par corps ne lui était donc pas applicable38(*). Il lui était permis de porter des vêtements personnels distincts des uniformes habituels des autres prisonniers, de recevoir des visites à tout moment de la journée dans un parloir sans dispositif de séparation, et un accès sans limitation à l'information. Cette faveur est d'ailleurs étendue au cas où le prévenu a été déclaré coupable à la fois d'un délit de droit commun et d'un délit politique, à la condition que ce dernier soit le plus sévèrement réprimé des deux par la loi39(*).

En outre, les condamnations politiques ne font pas obstacle, au cas de condamnation ultérieure, à l'octroi du sursis simple ; de même, elles n'entraînent pas la révocation d'un sursis déjà obtenu. Elles ne peuvent pas être prononcées avec sursis d'épreuve. Les condamnations pour crimes ou délits politiques ou pour infractions connexes ne comptent pas pour la relégation40(*), ni pour l'application de la tutelle pénale41(*), et ne font en principe encourir aucune incapacité ni déchéance professionnelle, comme notamment l'exclusion de l'armée, l'interdiction de l'exercice de certaines professions telles que médecine, banque, barreau...

Il existe souvent des dispositions spéciales en matière d'amnistie42(*), et une pratique particulière de la grâce en matière politique. Ces lois définissent en général les critères retenus qui sont en rapport avec des événements déterminés. Ils sont en tout cas différents de ceux qui constituent le fond quasi permanent des lois d'amnistie de droit commun, encore que les effets de l'amnistie soient identiques.

Outre ces faveurs en droit pénal de fond en ce qui concerne la peine et son exécution, le délinquant politique bénéficiait également de faveurs procédurales.

B- LES FAVEURS PROCEDURALES ATTACHEES A LA SANCTION DE LA DELINQUANCE POLITIQUE

S'agissant des règles de procédures proprement dites, les législateurs optent assez nettement en faveur de la conception libérale. On peut relever trois séries de dispositions favorables aux auteurs d'infractions politiques : d'une part, l'exclusion de la procédure rapide de comparution immédiate (1), d'autre part, l'impossibilité pour le tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt (2), par ailleurs, les garanties de la défense sont en principe aussi fortes en matière politique (3).

1- L'exclusion de la comparution immédiate

En matière correctionnelle, après avoir constaté l'identité de la personne qui lui est déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande, le procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, inviter la personne déférée à comparaître devant le tribunal dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à deux mois, sauf renonciation expresse de l'intéressé en présence de son avocat. Il lui notifie les faits retenus à son encontre ainsi que le lieu, la date et l'heure de l'audience. Cette notification, mentionnée au procès-verbal dont copie est remise sur-le-champ au prévenu, vaut citation à personne.

L'avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l'heure de l'audience ; mention de cet avis est portée au procès-verbal. L'avocat peut, à tout moment, consulter le dossier.
Si le procureur de la République estime nécessaire de soumettre le prévenu jusqu'à sa comparution devant le tribunal à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire, il le traduit sur-le-champ devant le président du tribunal ou le juge délégué par lui, statuant en chambre du conseil avec l'assistance d'un greffier. le procureur de la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal. En cas de délit flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois, le procureur de la République, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.

Le prévenu est retenu jusqu'à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal.    Les dispositions relatives à la comparution immédiate43(*) telles que ci-dessus évoquées sont exclues en matière de criminalité politique ou d'infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. Pareillement, il est interdit au tribunal correctionnel de décerner mandat.

2- L'impossibilité pour le tribunal correctionnel de décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt44(*)

Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à un officier de police judiciaire de rechercher un inculpé, un prévenu, un accusé ou un condamné et de le conduire devant le procureur de la République ou le juge d'instruction45(*). Lorsque l'inculpé, l'accusé ou le condamné est en fuite, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement peut décerner contre lui mandat d'arrêt, si l'infraction visée est passible d'une peine privative de liberté, ou en cas de condamnation à une telle peine . la personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt est conduite sans délai devant le juge d'instruction ou le président de la juridiction qui l'a décerné, lequel peut en donner sur-le-champ mainlevée, si cette personne respecte les consignes du juge46(*). Dans le cas contraire, elle est conduite immédiatement à la prison indiquée sur le mandat. Le mandat de dépôt contient quant à lui l'ordre donné par le juge au chef de l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne. Ce mandat permet également de rechercher et de transférer la personne lorsqu'il lui a été précédemment notifié. L'agent chargé de l'exécution du mandat de dépôt remet l'intéressé au chef de l'établissement pénitentiaire, lequel lui délivre une reconnaissance de cette remise.

Si ces deux mandats ressortissent de la compétence des juges correctionnels de droit commun, interdiction leur est faite de les décerner lorsque l'infraction a une nature politique.

3- Les garanties de la défense en criminalité politique

Elles sont aussi fortes en matière politique qu'en droit commun. Celui qui est accusé de trahison47(*), d'espionnage, de fraudes électorales, de délits d'association, de presse, de grève et de réunions politiques, a le droit de recevoir communication de l'acte d'accusation, d'être assisté d'un avocat, de proposer et de faire citer des témoins pour sa défense, de ne pas être condamné sans un minimum de preuves concernant sa culpabilité. Ainsi, qu'il s'agisse d'un délinquant politique ou de droit commun, nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée48(*). Seules font exception, d'une part la garde à vue et la détention provisoire dont les délais sont plus longs lorsqu'il s'agit d'atteintes à la sûreté de l'Etat, et d'autre part, la possibilité pour les préfets de faire des actes de police judiciaire, sous certaines conditions, en matière de crimes et de délits contre la sûreté de l'Etat49(*).

Le particularisme des règles applicables aux infractions politiques peut paraître limité sur le plan interne, mais il ne faut pas négliger au-delà des conséquences juridiques qui viennent d'être évoquées, l'avantage d'ordre moral que peut revêtir pour un militant la reconnaissance du caractère politique de son action, même quand elle prend des formes illicites. De plus, sur le plan international, des dispositions sur l'extradition et le droit d'asile sont favorables aux infracteurs politiques.

Paragraphe II : La reconnaissance d'un droit d'asile et l'exclusion de

l'extradition en criminalité politique.

Il s'agit de deux mesures qui sans nul doute rehaussent les intérêts pratiques de la particularité de l'infraction politique, donc de son régime. En effet, la plupart des pays du monde ont reconnu un droit d'asile politique (B) et exclu de l'extradition des faits s'inscrivant dans un contexte politique (A).

A- LE REFUS D'EXTRADITION DES DELINQUANTS POLITIQUES.

L'extradition est le mécanisme juridique par lequel un Etat (l'Etat requis) sur le territoire duquel se trouve un individu remet ce dernier à un autre Etat (Etat requérant) afin qu'il le juge (extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine (extradition à fin d'exécution). L'extradition reflète l'esprit de coopération entre les divers Etats du monde.

Elle se distingue

§ De l'expulsion qui intervient pour des raisons (souvent administratives) internes à l'Etat qui expulse.

§ Du refoulement qui consiste à refuser à un individu d'entrer à la frontière.

§ Du rapatriement qui se situe dans un contexte non pénal.

§ Du transfert qui est une notion issue du statut du tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaires commises sur le territoire de l'ex Yougoslavie depuis 1991 ou autres ; il s'agit de transférer au tribunal une personne poursuivie initialement par une juridiction nationale, en vertu du principe de la primauté du tribunal sur les juridictions nationales pour la poursuite des crimes entrant dans sa compétence.


·
  De la remise telle que développée par l'union européenne dans le cadre du mandat d'arrêt européen, qui vise à supprimer les procédures formelles de l'extradition en adoptant le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales.

L'extradition suppose un acte de poursuite à l'encontre d'un individu ; s'il est simplement recherché pour être entendu comme témoin, la question doit être réglée par une commission rogatoire et non par l'extradition.

Elle est régie au Cameroun par la loi n°64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l'extradition qui en son article 11 in fine exclut l'extradition lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est demandée dans un but politique. Cette exclusion date dans le cadre international de la loi française du 10 mars 192750(*) : « l'extradition n'est pas accordée lorsque le crime ou délit a un caractère politique ». Cette position sera confortée davantage par de nombreuses autres dispositions nationales qu'internationales. Après avoir présenté la notion d'infraction politique en droit extraditionnel (1), nous évoquerons l'exclusion de l'extradition pour des faits s'inscrivant dans un contexte politique lato sensu (2).

1- La notion d'infraction politique en droit extraditionnel

L'infraction politique susceptible de fonder le refus de l'extradition est non seulement l'infraction objectivement politique (a), mais aussi subjectivement politique (b).

a- L'infraction objectivement politique

Elle est encore appelée infraction politique par nature. Dans cette catégorie, rentrent toutes les atteintes à la sûreté de l'Etat ou plus largement toutes les infractions qui portent atteinte à l'ordre politique, qui sont dirigées contre la constitution, contre le Gouvernement et la souveraineté, et qui troublent l'ordre établi par les lois fondamentales de l'Etat et de la distribution des pouvoirs.

b- Les infractions subjectivement politiques

La qualification politique de l'infraction découle ici du mobile qui anime le délinquant. Il y a lieu de distinguer toujours l'infraction connexe, de l'infraction complexe.

L'infraction connexe à une infraction politique est celle qui est commise pour préparer une infraction politique, l'exécuter, en assurer le profit ou l'impunité. C'est aussi l'infraction commise en vue de s'opposer à la perpétration d'une infraction politique. Toutes les conventions conclues par le Cameroun excluent l'extradition pour ce type d'infraction51(*)

La question de l'infraction complexe est plus délicate et retient beaucoup d'attention. L'idée générale est que cette infraction se voit presque systématiquement refuser la qualification de politique. L'infraction complexe est celle dont l'auteur est animé par la passion politique mais qui porte atteinte à des intérêts privés. Suivant une clause de style, ces infractions « par leur nature et quels qu'en aient été les motifs, constituent des infractions de droit commun »52(*). En droit extraditionnel camerounais, une restriction est apportée à la conception subjective de l'infraction politique par le biais de la clause d'attentat ou « clause belge », dont on a dit qu'elle « avait grignoté progressivement le domaine de l'immunité des infractions politiques en matière d'extradition »53(*). Cette clause dénie la qualification de politique au meurtre du souverain étranger, à l'attentat à la vie du chef d'Etat54(*) ou d'un membre de sa famille. De même, et de manière extensive, ne sont pas considérés comme infraction politique, des attentats à la vie des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents diplomatiques55(*). Des coups et blessures volontaires restent des infractions de droit commun s'ils atteignent des agents de la force publique. Sont identiquement qualifiés, les actes de terrorisme.

Ainsi, à l'exception de l'infraction complexe, il est admis dans la quasi-totalité des Etats d'exclure le délinquant politique de toute extradition.

2- L'exclusion de l'extradition pour des faits s'inscrivant dans un contexte politique lato sensu

Deux situations doivent être soigneusement distinguées à savoir d'une part celle tenant à la criminalité politique au sens strict (a), et d'autre part celle de l'individu qui officiellement réclamé pour une infraction de droit commun, ne l'est que pour des raisons politiques inavouées, la prise en considération de l'élément idéologique entraîne parfois aussi le refus d'extradition (b).

a- L'exclusion de l'extradition de l'infraction politique stricto sensu.

La loi de 1964 n'énonce pas clairement la non extradition s'agissant des infractions politiques alors que ce principe est clairement prévu par la loi française de 1927. Néanmoins, une lecture profonde de cette loi camerounaise permet en se fondant sur deux arguments, l'un a contrario, l'autre a fortiori de conclure à l'exclusion de l'extradition en matière d'infraction politique.

Le premier argument, a contrario, découle du fait que « l'infraction servant de base à la demande d'extradition doit être une infraction de droit commun56(*) ». Ce qui signifie a contrario que les infractions qui ne sont pas de droit commun à l'exemple de l'infraction politique échappent à l'extradition.

Quant au second argument, a fortiori, il découle de deux textes : le premier, l'article 111, exclut l'extradition lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est demandée dans un but politique. Si donc l'extradition doit être refusée lorsqu'elle est demandée dans un but politique, à plus forte raison doit-elle l'être lorsqu'il s'agit d'une infraction politique. Le second texte, l'article 98(1) de la loi de 1964 qui parle du transit dispose que « le transit sur un aéronef camerounais d'un individu quelconque extradé par un Etat tiers à un autre Etat tiers peut être autorisé par le ministre des affaires étrangères sur simple demande par voie diplomatique assortie de pièces justifiant qu'il ne s'agit ni d'une infraction politique, ni d'une infraction purement militaire ». Si donc la loi camerounaise refuse qu'on traverse son territoire avec un délinquant politique, il est logique qu'elle proscrive de manière manifeste l'extradition en matière politique ; précision apportée par l'article 643(1)a) du CPP : sont « considérés comme infractions politiques et ne peuvent justifier l'extradition, les crimes ou délits dirigés contre la constitution, la souveraineté d'un Etat ou les pouvoirs publics ».

Il faut cependant souligner que si l'exclusion d'extradition en matière politique ne fait pas de doute, cette exclusion n'a pas toujours un caractère absolu57(*) car les juges se montrent plus libéraux lorsque l'extradition suscite la prise en considération d'éléments idéologiques.

b- La prise en compte de l'élément idéologique pour le refus de l'extradition

La divergence des systèmes idéologiques influence largement les rapports d'extradition entre Etats. Pour apprécier le caractère politique d'une infraction commise à l'étranger, les chambres d'accusation, chargées de donner leur avis sur les demandes d'extradition formées par les Etats étrangers, ont tendance à conférer au critère subjectif une place qui ne lui est pas reconnue dans le domaine interne. Ainsi, de nombreuses extraditions ont été refusées pour des infractions de droit commun en raison « des buts poursuivis et des intentions exprimées par les coupables » ou du contexte politique de l'infraction.

Toutefois, cette tendance est de plus en plus contrariée. La jurisprudence refuse de reconnaître un caractère politique aux infractions de droit commun lorsqu'elles excèdent un certain seuil de gravité. En réalité, il paraît logique, lorsqu'une infraction de droit commun a été commise à l'étranger pour des mobiles politiques, d'apprécier la qualification à retenir en considérant tout à la fois la gravité intrinsèque de l'acte et les pratiques politiques de l'Etat requérant. Ainsi, un même type d'infraction connexe ou complexe, inspiré par des mobiles politiques peut être reconnu comme une infraction politique faisant obstacle à l'extradition s'il est commis dans un Etat méprisant les droits et libertés des citoyens, et aboutir à l'octroi d'un droit d'asile politique au délinquant. Il doit en revanche être traité comme une infraction de droit commun s'il a été perpétré dans un pays tolérant la libre expression des idées.

B- LA RECONNAISSANCE D'UN DROIT D'ASILE POLITIQUE.

Après avoir défini le droit d'asile afin de cerner ses contours (1), nous ressortirons les conditions requises pour l'obtention d'un droit d'asile politique (2).

1- Définition du droit d'asile politique

Le droit d'asile (ou asile politique) est une ancienne notion juridique, selon laquelle une personne persécutée pour ses opinions politiques ou ses croyances religieuses dans son pays peut être protégée par une autre autorité souveraine, un pays étranger, ou des autorités religieuses. L'asile politique ne doit pas être confondu avec le droit des réfugiés politiques, qui concerne des flux importants de population, tandis que le droit d'asile concerne des individus, et est généralement délivré au cas par cas. Toutefois, les deux notions peuvent se rejoindre, comme chaque réfugié peut demander à titre individuel l'asile politique.

Ce droit trouve ses origines dans une longue tradition occidentale, mais il avait déjà été reconnu par la civilisation égyptienne, grecque et hébraïque, sous des formes différentes.

Cependant, le développement des traités d'extradition durant le XXe siècle a remis en cause le droit d'asile, bien que le droit international considère qu'un Etat n'a aucune obligation de remettre des criminels allégués à un Etat étranger : il s'agit là d'une conséquence de la souveraineté de chaque Etat, qui veut que chacun ait une autorité juridique sur les personnes sur son territoire.

Le législateur français a prévu un droit d'asile politique en ces termes : « Tout homme persécuté à raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». On comparera, certes, cette rédaction mesurée à celle utilisée naguère par l'article 120 de la constitution française de 1793 « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » ; certains pourront regretter que l'on ait restreint le droit d'asile à ceux qui font- ou ont fait - en faveur de la liberté, ce qui est vague. Il eût été préférable que pussent bénéficier de ce droit tous ceux qui sont victimes d'une injustice58(*).

Il semble que la France ait faite sienne une conception ouverte du droit d'asile si l'on en juge par le nombre de personnes au Cameroun en particulier qui ont demandé à s'en voir accorder le bénéfice... mais diverses restrictions sont apportées à l'entrée de certains étrangers qui, fuyant leur pays pour des raisons économiques, demandent à bénéficier des avantages du statut de réfugié politique. Il est bien évident qu'au risque de voir mourir cette autre particularité de l'infraction politique, des dispositions doivent être prises afin de ne pas détourner le droit d'asile de sa destination première.

2- Les conditions d'obtention du droit d'asile politique

S'agissant plus particulièrement de l'asile politique, des conditions précises pour son obtention ont été prévues. Il faut distinguer 2 cas :

a- en cas d'opinions politiques exprimées dans votre pays d'origine :

Il peut s'agir d'engagement politique, quelle qu'en soit la forme : distribution de tracts, collage d'affiches, organisation de manifestations, discours... La seule participation à une manifestation ou l'appartenance à un syndicat autorisé ne suffisent pas à prouver des opinions politiques justifiant des craintes de persécution. Par contre l'appartenance au pouvoir politique déchu peut suffire. Il faut en outre que les autorités de votre pays aient connaissance de vos agissements et ne les tolèrent pas.

b- En cas d'opinions politiques exprimées sur le territoire français : On admet les réfugiés sur place, c'est-à-dire les étrangers qui, présents en France lors d'un changement de régime dans leurs pays d'origine, encourent des persécutions en cas de retour dans ce pays pour les opinions qu'ils auront fait connaître contre le nouveau régime.

Mais il faut réunir 2 conditions :

- vous devez avoir mené une action ayant pour objet de dénoncer les agissements des autorités de votre pays (grève de la faim, manifestations,...).

Elle ne doit pas être dirigée contre la politique de la France, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas avoir pour but de faire pression sur les autorités françaises pour faire infléchir leur politique59(*).

- La seconde condition est la nécessité que cette action soit connue des autorités de votre pays d'origine et que votre identification soit possible.

On voit donc, en définitive, la grande difficulté de donner une réponse satisfaisante, sur le plan du droit strict, aux problèmes que pose l'identification des infractions politiques. Si les doctrine et jurisprudence ont paru louvoyer en ce qui concerne la définition et les caractéristiques véritables à retenir, La part d'arbitraire demeure davantage en ce qui a trait à la répression.

CHAPITRE II: LA REPRESSION DE L'INFRACTION

POLITIQUE : LE PARTICULARISME

PROCEDURAL D'ANTAN

La répression est une des armes que s'est réservé le pouvoir pour répondre à certaines formes d'attaques contre les intérêts dont il assure la charge et contre sa propre organisation. Avant la réforme pénale de décembre 1990, la justice était rendue en matière de criminalité politique sur toute l'étendue du territoire national, au nom du peuple camerounais, par des juridictions exceptionnelles (sect. 1er). Ce régime emportait manifestement de nombreuses critiques (sect. 2e), car il y avait des abus. Les établissements de détention politiques étaient de véritables lieux de géhenne, à l'instar du CRC60(*) de Tcholléré. Le détenu politique, comme c'est souvent le cas dans les régimes autoritaires, était gardé comme un individu dangereux qu'il fallait éliminer.

Section I : L'EXISTENCE DES JURIDICTIONS D'EXCEPTION

A l'époque des présents développements, deux juridictions existaient pour prononcer des sanctions à l'égard des délinquants politiques : il s'agit de la Haute Cour de Justice (par. 1) pour le président de la République et les membres du gouvernement ; et du tribunal militaire (par. 2) pour les atteintes à la sûreté de l'Etat et les infractions en matière d'armes.

Paragraphe I : La Haute Cour de Justice61(*)

Créée par l'article 34 de la Constitution du 2 juin 1972, modifiée par la loi n°84/1 du 4 janvier 1984 elle-même modifiant l'ordonnance 72/7 du 26 août 1972, la Haute Cour de Justice a une compétence, une composition et une procédure spéciales.

Paradoxalement, ni l'ordonnance n°72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire au Cameroun, ni la loi n°90/058 modifiant la loi n°89/01 du 29 décembre 1989 ne la cite comme juridiction rendant justice.

A- LA COMPOSITION ET LA COMPETENCE DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE

Il ne fait aucun doute qu'à juridiction spéciale, composition (1) et compétence (2) particulières.

1- La composition de la Haute Cour de Justice

 Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison62(*). En ce cas, il est mis en accusation devant la Haute Cour de Justice par le Parlement statuant à la majorité des deux tiers de ses membres.

D'après l'article 1 de l'ordonnance 72/7 du 26 août 1972, elle se compose de neuf juges titulaires et six suppléants. Au début de chaque législature et dans les vingt jours de la première session, l'Assemblée Nationale élit des juges de la Haute Cour.

Six juges titulaires, ainsi que trois juges suppléants sont choisis par l'Assemblée Nationale hors de son sein : les candidatures sont présentées par les membres de l'Assemblée. Les candidats doivent remplir les conditions prévues pour l'éligibilité à l'Assemblée Nationale.

Le ministère public près la Haute Cour de Justice est exercé par le procureur général près la Cour Suprême, assisté de l'Avocat Général près la même Cour Suprême et le cas échéant, d'un Avocat Général près d'une cour d'appel. Le greffier en chef de la Cour Suprême est de droit greffier de la Haute Cour de Justice. Il prête serment en cette qualité à l'audience publique de la Haute Cour.

Le président et le vice-président de la Haute Cour de Justice sont élus parmi les juges titulaires, membres de l'Assemblée Nationale.

Il est également institué une commission d'instruction près la Haute Cour de Justice comprenant trois membres dont le président est élu au sein de l'Assemblée Nationale et les deux autres membres désignés par la Cour Suprême parmi les magistrats de cette Cour.

Lors de leur entrée en fonction, dans les dix jours suivant leur élection, les juges de la Haute Cour de Justice, titulaires et suppléants, le président de la Commission d'instruction prêtent devant le Parlement le serment suivant :

« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes et de me conduire en tout comme un digne et loyal membre de la Haute Cour de Justice ».

Le serment est reçu par le Parlement. Acte est donné à la prestation par le Président du Parlement qui les renvoie à l'exercice de leurs fonctions.

En cas de décès, de maladie prolongée, de démission ou de condamnation à une peine afflictive et infamante d'un membre de la Haute Cour de Justice, il est pourvu immédiatement au siège vacant par l'élection d'un nouveau membre parmi les suppléants de l'organe qui a procédé au choix précédent.

2- La compétence de la Haute Cour de Justice.

La Haute Cour de Justice est compétente pour connaître :

- des actes de haute trahison commis par le président de la République

- des complots contre la sûreté de l'Etat (crimes et délits contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat tels que définis par le Code Pénal), commis par des Ministres, secrétaires d'Etat et leurs complices.

En plus de cette compétence spéciale, la procédure devant cette juridiction est atypique.

B- LA PROCEDURE DEVANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE

La procédure de mise en accusation et de l'instruction (1), ainsi que la procédure proprement dite devant la Haute Cour de Justice (2) nous permettrons d'avoir une vue d'ensemble procédurale devant cette juridiction spéciale.

1- De la mise en accusation et de l'instruction.

  Le Président du Parlement saisit la Haute Cour de Justice par une réquisition notifiée tant au Président de la Haute Cour de Justice qu'au procureur général près cette Cour.

La réquisition contient le texte de la motion d'accusation63(*).

Le Président du Parlement fait dresser procès - verbaux des notifications.

  Dans les vingt-quatre heures de la notification, le procureur général requiert l'ouverture de l'information et en saisit immédiatement la commission d'instruction.

Jusqu'à la réunion de la commission d'instruction, le Président de celle-ci a personnellement pouvoir de faire tous les actes d'instruction nécessaires à la recherche de la vérité et à la mise sous main de justice des accusés en se conformant aux règles ordinaires en matière d'instruction criminelle64(*).

 Dès que l'instruction est ouverte, ou en cas de nouvelle inculpation, le Président de la commission d'instruction invite chacun des inculpés à faire assurer sa défense par un ou plusieurs avocats de son choix, inscrits au barreau.

Sur sa demande ou en cas de nécessité constatée par décision de la commission d'instruction, le Président de la commission d'instruction peut se faire assister d'un ou de plusieurs magistrats qui reçoivent délégation pour instruire une ou plusieurs affaires ou procéder à des commissions rogatoires.

Ces magistrats siègent à la commission d'instruction avec voix consultative.

  La commission d'instruction recherche si les faits reprochés sont établis. Elle statue sur les incidents de procédure et, notamment, sur les nullités d'instruction qui doivent être soulevées, à peine de forclusion, par déclaration au greffe dans les vingt-quatre heures.

La commission d'instruction confirme, ou non, les mandats délivrés avant sa réunion par son Président.

Elle délivre les mandats de dépôt, d'arrêt ou d'amener et se prononce sur la liberté provisoire.

La commission d'instruction se saisit d'office de tous faits nouveaux concernant l'inculpé.

Elle statue éventuellement sur les nouvelles inculpations dont l'instruction ferait apparaître la nécessité.

Au cours de la procédure d'instruction, le ministère public et la défense peuvent faire citer tous témoins et demander toutes confrontations.

Ils peuvent assister à tous les actes d'instruction.

Lorsque la procédure paraît complète et après le réquisitoire définitif du procureur général, le dossier est déposé dix jours au greffe où les défenseurs des inculpés dûment avertis, peuvent en prendre connaissance.

Avant la décision de renvoi ou de non lieu, la commission entend le représentant du ministère public et la défense au cours d'un débat public. Elle se retire pour délibérer et statue pour chaque inculpé sur chaque chef d'inculpation. Elle rend son arrêt en audience publique.

Au cas de renvoi, la commission dit qu'il résulte charge suffisante de crimes ou de délits, qualifie lesdits crimes et délits et indique les textes applicables.

Le dossier est alors transmis sans délai au parquet de la Haute Cour de Justice et le Président de la commission d'instruction en informe son président.

L'arrêt de renvoi est notifié par le parquet à l'accusé. La notification contient ajournement devant la Haute Cour de Justice dans un délai minimum de quinze jours.

En ce qui concerne les ministres et assimilés, la poursuite est exercée par le procureur Général près la Cour Suprême dès sa saisine par décret du président de la République. Ce décret contient le nom des accusés, énonce sommairement les faits qui leur sont reprochés en visant les dispositions de la loi pénale. Le procureur Général requiert l'ouverture d'une information et transmet les dossiers y afférents au président de la Commission. Et comme dans le cas du président de la République, la procédure suit son cours dans les mêmes délais et formes.

Dans tous les cas, la commission d'instruction statue à la majorité et sans appel.

2- De la procédure proprement dite devant la Haute Cour de Justice65(*)

Les membres de la Haute Cour de Justice sont convoqués par le Président, huit jours avant l'ouverture de la session.

Ceux qui ne répondent pas à la convocation et ne s'exécutent pas pour motif grave, jugé valable par la Haute Cour de Justice, sont traduits devant elle sur la requête du ministère public dans un délai de huit jours. S'ils ne se justifient pas, ils sont déclarés déchus de leur qualité de membres de la Haute Cour de Justice. L'organe d'où ils émanent en est avisé et fait immédiatement procéder à leur remplacement dans les mêmes conditions que pour l'élection.

Tout membre de la Haute Cour de Justice doit s'abstenir de siéger :

- S'il est parent ou allié d'un accusé jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement

- S'il a été entendu ou s'il est cité comme témoin pour ou contre. Toutefois, le ministère public ou un accusé ne peut citer comme témoin un membre de la Haute Cour de Justice qu'après autorisation de la commission d'instruction.

- S'il a existé entre lui et un accusé un motif d'inimitié particulier, le membre de la Haute Cour de Justice tenu de s'abstenir doit le faire connaître au Président de la Haute Cour de Justice dès réception de sa convocation.

Tout juge de la Haute Cour de Justice, qui ne peut siéger pour quelque cause que ce soit, est remplacé par un juge suppléant. Celui-ci est tiré au sort dans la catégorie à laquelle appartient le juge empêché.

Les débats sont publics, sauf si le huis clos est ordonné par la Haute Cour de Justice. Ils sont présidés par le Président ou, à défaut, par l'un des vice-présidents. Ils suivent la procédure prévue par le code de procédure pénale pour les affaires criminelles ou correctionnelles, suivant les cas.

  Après la lecture de l'arrêt de renvoi et la vérification de l'identité des accusés, le Président donne, à la Haute Cour de Justice, connaissance du dossier. Des témoins de l'accusation, puis de la défense sont entendus et le président procède à l'interrogatoire de l'accusé. Les juges, le ministère public et les défenseurs peuvent poser des questions tant aux témoins qu'à l'accusé.

Le greffier tient note des déclarations des témoins et des réponses des prévenus ou des accusés.

La Haute Cour de Justice entend, s'il y a lieu, les observations des parties civiles, le réquisitoire du ministère public, les plaidoiries des défenseurs et les observations des accusés, qui auront les derniers la parole.

Toutes les exceptions, sauf celle de prescription qui est jugée par arrêt spécial, sont examinées et jugées, soit séparément du fond, soit en même temps, suivant ce que la Haute Cour de Justice ordonne.

La Haute Cour de Justice ne peut que statuer sur les faits dont elle est saisie par arrêt de renvoi.

Elle peut en modifier la qualification dans les limites du Code pénal.

  Les débats publics étant clos, la Haute Cour de Justice se retire en chambre du conseil. La discussion est alors ouverte ; après quoi l'on procède au vote sur la culpabilité. Il est voté séparément, pour chaque accusé, sur chaque chef d'accusation et sur la question de savoir s'il y a des circonstances atténuantes. Le vote a lieu par bulletins secrets. La décision est prise à la majorité absolue.

Si l'accusé est déclaré coupable, il est voté sans désemparer sur l'application de la peine.

Toutefois, après deux votes dans lesquels aucune peine n'aura obtenu la majorité des voix, la peine la plus forte proposée dans ces votes sera écartée pour le vote suivant et ainsi de suite, en écartant chaque fois la peine la plus forte jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée par la majorité des votants.

L'arrêt définitif est motivé. Il est rédigé par le Président, adopté par la Haute Cour en chambre du conseil, signé par le Président et le greffier. Il fait mention des membres de la Haute Cour de Justice qui y ont concouru. Il est lu en audience publique par le Président.

La constitution de partie civile est recevable devant la Haute Cour de Justice. Les arrêts intervenus ne peuvent être attaqués ni par voie d'appel, ni par pourvoi de cassation.

Si la HCJ était compétente pour connaître des violations politiques commises par de hautes autorités, une autre juridiction spéciale, le tribunal militaire sanctionnait les comportements répréhensifs du même ordre commis par les autres membres de la population.

Paragraphe II : Le tribunal militaire

Avant la proclamation de l'indépendance, une loi du 22 mai 1959 avait donné au gouvernement le pouvoir d'établir par décret là où il le jugeait nécessaire, des Cours criminelles spéciales en cas de « troubles répétés portant atteinte à l'ordre public ».

Mais le législateur va surtout mettre l'accent sur une justice militaire d'exception dont l'importance ne va cesser de s'accroître au fil des ans.

Créé par l'ordonnance n° 72/5 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire militaire, modifié par la loi n° 87/9 du 15 juillet 1987 elle-même modifiant l'ordonnance n° 72/20 du 28 septembre 1972, le tribunal militaire a une compétence et une composition particulières. Cependant, depuis la loi n° 90/048 du 19 décembre 1990, sa compétence a largement été élaguée.

A- LA COMPOSITION DU TRIBUNAL MILITAIRE

De manière classique, nous examinerons sa composition au Siège (1) et au Parquet (2) ; le Greffe étant composé d'un greffier en chef et d'un ou plusieurs greffiers civils ou militaires.

1- Au Siège

Le tribunal militaire comprend :

Un président et un ou plusieurs vice-présidents qui peuvent être soit des magistrats militaires, soit des magistrats de l'ordre judiciaire, soit des officiers supérieurs des forces armées.

Deux assesseurs titulaires et leurs suppléants, ayant voix délibérative qui peuvent être soit des magistrats de l'ordre judiciaire, soit des officiers ou sous-officiers des forces armées. Toutefois, l'un des assesseurs titulaires sera toujours un membre des forces armées66(*).

Un ou plusieurs juges chargés d'instruire les affaires nécessitant une information préalable.

Toute affaire soumise au tribunal militaire est jugée par le président ou un vice-président assisté de deux assesseurs. En cas d'empêchement, le président est remplacé par le magistrat de l'ordre judiciaire ou l'officier des forces armées le plus ancien dans le grade le plus élevé. Pour connaître d'une affaire, le juge militaire doit avoir au moins le grade de l'inculpé le plus gradé. Un juge militaire ayant le grade de capitaine dans l'armée ne peut pas valablement connaître d'une cause dans laquelle l'inculpé a le grade de colonel, compte tenu de la subordination hiérarchique rigide dans l'armée, l'inculpé haut gradé pourrait donner des ordres au juge militaire moins gradé, et ce dernier obligé d'obéir quelque soit la circonstance67(*).

2- Au Parquet

Cette section du tribunal militaire comprend un Commissaire du gouvernement et un ou plusieurs substituts, magistrats de l'ordre judiciaire ou magistrats militaires ou le cas échéant officiers des forces armées chargés de soutenir l'action publique.

Le Commissaire du gouvernement a un rôle identique à celui du procureur de la République près les tribunaux de droit commun.

Les membres du tribunal militaire sont nommés par décret, et sa compétence est bien définie.

B- DOMAINE DE COMPETENCE DU TRIBUNAL MILITAIRE

Nous verrons ses compétences matérielle, personnelle et territoriale.

1- Compétence « ratione loci »

Le tribunal militaire de Yaoundé est territorialement compétent dans toute la République du Cameroun conformément à l'article premier de l'ordonnance n° 72/5 du 26 août 1972 ; toutefois, il l'est aussi spécialement dans les provinces du Centre, du Sud et de l'Est68(*). Le tribunal militaire de Douala couvre la province du Littoral69(*). Le tribunal militaire de Buéa couvre la province du Sud-ouest70(*). Le tribunal militaire de Bafoussam couvre les provinces de l'Ouest et du Nord-ouest71(*). Le tribunal militaire de Garoua couvre les provinces du Nord, de l'Extrême-nord et de l'Adamaoua72(*).

2- Compétences « ratione personae et materiae »

Sauf convention internationale prévoyant un privilège de juridiction et sous réserve des règles de l'immunité diplomatique, les camerounais et étrangers auteurs ou complices des comportements répréhensifs visés à l'article 5 de la loi n°72/5 du 26 août 1972 sont justiciables des tribunaux militaires . les mineurs de quatorze à dix-huit ans, auteurs ou complices des faits visés à cet article relèvent de la compétence des juridictions de droit commun

Le tribunal militaire est compétent pour connaître à l'égard des militaires ou assimilés, des infractions spécifiquement militaires73(*)et de toutes natures commises par les militaires, soit à l'intérieur d'un établissement militaire, soit dans le service ; A l'égard de tous les justiciables, des infractions commises avec coaction ou complicité des militaires ou assimilés, perpétrés dans une région soumise à l'état d'urgence ou d'exception. De toutes les infractions connexes à celles citées ci-dessus.

Toutefois, avant le 19 décembre 1990, le tribunal militaire connaissait également des crimes et délits contre la sûreté de l'Etat et de la subversion74(*). On a prétendu, pour justifier ce transfert de compétence aux juridictions militaires, qu' « il est évident que les militaires savent mieux apprécier que quiconque, en fonction des impératifs de la défense nationale, la gravité des actes en cause et la responsabilité de leurs auteurs. Qu'ainsi, le recours à la justice militaire, institution normale permanente permet de concilier les impératifs de la sauvegarde de l'Etat et de la Nation avec les garanties essentielles des justiciables75(*) ».

Ce régime emportait de vigoureuses protestations, car aucune voie de recours n'était admise en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat et de subversion, contrairement aux autres infractions que connaissait cette juridiction. C'est ainsi qu'est consacrée l'ambivalence des tribunaux militaires : d'une part, juridictions simplement extraordinaires, compétentes pour les infractions militaires et les infractions commises par les militaires, mais appliquant les règles de procédure de droit commun ; et d'autre part, juridictions véritablement exceptionnelles, mettant en oeuvre des règles de procédure exorbitantes du droit commun.

Section II : LES CRITIQUES DU SYSTEME REPRESSIF D'ANTAN

Parlant du système politique mis en place pendant cette période, un auteur a relevé les caractéristiques suivantes : « Le régime est autoritaire. L'Etat est fort en ce sens qu'il a tous les pouvoirs, et que ces pouvoirs sont concentrés dans les mains d'un monarque absolu. C'est pourquoi les libertés, qui constituent la base de toute vie démocratique, sont absentes : la vie politique est monopolisée par le parti unique... quant à la sûreté, il n'existe aucune garantie contre les excès de la police et la torture est pratiquée de notoriété publique. Un nombre difficile à évaluer des prisonniers politiques est enfermé dans plusieurs camps de concentration. En bref Amnesty International aurait du pain sur la planche76(*) ».

A bien des égards, le système répressif camerounais était une illustration concrète de ce point de vue. Cette volonté d'instrumentalisation du droit pénal à des fins politiques est perceptible à travers d'exorbitantes règles procédurales du droit commun (par.1er) qui pendant cette période sont apparues comme une constante du droit camerounais en matière de criminalité politique, et la violation de principes essentiels de la procédure pénale (par.2è).

Paragraphe I : le recours excessif aux règles procédurales

exorbitantes de droit commun

Constante du droit camerounais pendant la période objet des présents développements, à cause d'un aménagement contestable des règles de compétence (A), le recours aux règles de procédure exorbitantes de droit commun s'est également traduit par l'institution de la procédure de revendication (B).

A- UN AMENAGEMENT CONTESTABLE DES REGLES DE COMPETENCE

Il s'est traduit par le rôle envahissant joué par les juridictions d'exception (1), et l'ambivalence des tribunaux militaires (2).

1- Le rôle envahissant joué par les juridictions d'exception.

A l'instar de nombreux pays, le Cameroun possède des juridictions extraordinaires réservées à des catégories particulières de citoyens ou à certaines formes de criminalité. Mais, des différences fondamentales existent entre les différents types de juridictions extraordinaires, dont certaines conservent des règles de procédure assez proches sinon identiques à celles du droit commun, contrairement aux juridictions que peut par exemple instituer un gouvernement autoritaire pour assurer une justice politique expéditive.

En plus de ces juridictions simplement extraordinaires, l'organisation judiciaire camerounaise va se caractériser par l'existence de juridictions véritablement exceptionnelles, fonctionnant selon les règles exorbitantes du droit commun. Le régime légal est ainsi compromis si les intéressés ne peuvent plus compter sur la justice pour assurer le respect des règles juridiques. La force et l'indépendance du pouvoir judiciaire sont la garantie du droit et par suite de la liberté. Or le droit moderne crée de nouveau des juridictions d'exception et cette création est singulièrement inquiétante77(*).

Cette multiplication des juridictions répressives a été dénoncée à juste titre comme une soumission coupable au régime de terreur créé par le gouvernement. Mais ceux-là même qui l'ont dénoncée ont créé une Haute Cour de Justice élue à la représentation proportionnelle par les membres de l'Assemblée. Il y a quelque chose de plus grave, c'est l'idée que certaines causes doivent être confiées à des juridictions d'exception qui seront plus aptes à juger que les tribunaux de droit commun. Pour les instituer, on donne comme motifs qu'elles rendront une justice plus rapide et plus économique. Mais on dit aussi que cette justice sera "plus humaine". Qu'est-ce à dire sinon que ces juridictions substitueront une décision d'équité à celle qui résulterait de l'exacte application des lois78(*). Tous ceux qui ont vu fonctionner ces tribunaux ont émis la même accablante appréciation. Ces juridictions d'exception donnent la désolante impression que les juges sont désignés pour défendre les intérêts d'une catégorie de coupables. Si elles se multiplient, elles créent des conflits de compétence et surtout elles enlèvent au pouvoir judiciaire le prestige qu'il doit avoir dans une démocratie. De telles institutions sont une cause nouvelle de désordre et contribuent à l'impression générale d'insécurité79(*).

2- L'ambivalence des tribunaux militaires.

Dès la mise en place des institutions fédérales, le président de la République a pris l'ordonnance fédérale n°61/0F/4 du 4 octobre 1961, qui a créé un certain nombre de tribunaux militaires permanents. Ensuite, est adoptée la loi fédérale n°63/30 du 25 octobre 1963, complétant l'ordonnance n°61/0F/4 et modifiant l'ordonnance fédérale n°62/0F/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion. L'esprit de cette loi est de transférer aux tribunaux militaires la connaissance de "toute affaire qui a une teinte parapolitique80(*)"et de donner à ces tribunaux les moyens d'exercer une répression exceptionnelle rapide et rigoureuse81(*).

En tout état de cause, cette loi dispose notamment qu'outre les tribunaux militaires permanents créés par l'ordonnance du 4 octobre 1961, le gouvernement peut créer les tribunaux militaires temporaires par un simple décret, qui en fixe en même temps le ressort ; la compétence des tribunaux militaires s'étend à toutes les infractions touchant à la sûreté intérieure de l'Etat et à la réglementation sur les armes ; en outre elle s'étend à toutes les infractions visées par l'ordonnance anti-subversion de 1962, qui relevaient précédemment des tribunaux ordinaires. Les dispositions de la loi sont immédiatement applicables aux poursuites en cours, et les instances dont sont saisis les tribunaux de droit commun "sont déférées de plein droit et en l'état aux tribunaux militaires." C'est ainsi que sera maintenue l'ambivalence des tribunaux militaires82(*) : juridictions simplement extraordinaires mais appliquant les règles de procédure de droit commun, et juridictions véritablement exceptionnelles recourant à des règles de procédure exorbitantes du droit commun, cause nouvelle d'insécurité et de désordre.

B- L'INSTITUTION DE LA PROCEDURE DE REVENDICATION83(*)

Elle résulte des dispositions de l'ordonnance n°61/0F/04 du 4 octobre 1961 fixant l'organisation judiciaire militaire de l'Etat, reprises par l'article 1er de l'ordonnance 72/20 du 19 octobre 1972, qui disposait : "Sur revendication expresse du ministre des forces armées, la juridiction militaire connaît même en temps de paix, des crimes d'homicide volontaires, de coups et blessures volontaires ayant entraînés la mort et de vol aggravé, lorsque ces infractions ont été commises à l'aide d'une arme à feu. "

En instituant cette procédure exceptionnelle, le législateur a perdu de vue l'exigence de la garantie des droits de la défense qui suppose que les citoyens connaissent au préalable leur juge afin d'organiser leur défense en conséquence. L'analyse du régime (1) et de la nature (2) juridiques de la revendication nous permettra davantage de nous rendre à l'évidence.

1- Le régime juridique de la revendication

Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n°72/20, "la revendication peut intervenir en tout état de la procédure avant intervention d'une décision définitive ; elle dessaisit immédiatement et de plein droit la juridiction de droit commun." Lorsque le ministre chargé des forces armées décidait de revendiquer une affaire, il adressait une lettre de revendication au ministre de la justice. Cette lettre spécifiait éventuellement si l'affaire devait être jugée directement ou après une information judiciaire. Elle tenait lieu d'ordre d'informer ou de mise en jugement direct.

2- La nature juridique de la revendication.

De ce qui précède, il ressort que la revendication était moins une voie de recours qu'une exception de compétence, et ce pour deux principales raisons :

- En premier lieu, du fait qu'elle devait intervenir avant le jugement, la revendication ne pouvait être une voie de recours, cette dernière visant à attaquer ou à critiquer une décision rendue. Or, on ne revendique pas une décision.

- En second lieu, on sait que toutes les parties au procès peuvent exercer les voies de recours. Or, seul le ministre des forces armées avait le droit de revendiquer une affaire.

En revanche, la revendication était bien une exception, non seulement à cause du moment où elle intervenait, mais aussi de par son effet : la suspension de l'instance.

Le recours à des règles procédurales exorbitantes du droit commun, cause de désordre, de terreur et d'insécurité va davantage s'illustrer à travers la violation des principes essentiels de la procédure pénale.

Paragraphe II : La violation de principes essentiels de la procédure

pénale

Elle s'illustre principalement par l'exclusion des voies de recours (A) et la politisation de la procédure (B).

A- L'EXCLUSION DES VOIES DE RECOURS

Cette mesure a été consacrée très tôt par la loi n°63/30 du 25 octobre 1963 et maintenue par les textes subséquents (1) malgré les vives protestations qu'elle a suscitées à la fois sur le plan international84(*)et sur le plan national (2).

1- Les textes excluant les voies de recours en criminalité politique

Aux termes de l'article 12 al.4 de la loi n°63/30 du 25 octobre 1963, « les jugements rendus par les tribunaux militaires permanents et temporaires en matière de sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, de "subversion"et de réglementation sur les armes, ne peuvent faire l'objet d'aucun recours ; il n'y a ni appel, ni pourvoi en cassation ».

Dans le même ordre d'idée, aux termes de l'article 29 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 relative à l'organisation judiciaire : « (1) les jugements du tribunal militaire sont susceptibles d'appel devant la cour d'appel de Yaoundé ou lorsqu'il existe plusieurs tribunaux militaires, devant toute cour d'appel compétente. (2) Toutefois, les décisions rendues en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes ne pourront faire l'objet d'aucune voie de recours ».

La clarté des termes de ces textes ne va cependant pas empêcher que de nombreux recours soient formés, aussi bien par les condamnés que, curieusement, par le commissaire du gouvernement85(*). En particulier, des pourvois en cassation sont formés, les uns et les autres estimaient que même si les tribunaux militaires se prononcent en premier et dernier ressort, les pourvois en cassation devraient être admis. Autant d'occasions pour la Cour Suprême de s'affirmer comme gardienne des libertés individuelles, en faisant valoir un principe fondamental du droit de la défense, même contra legem. Mais la haute juridiction va se débiner devant ses responsabilités, se contentant de rappeler avec constance la lettre de la loi comme c'est le cas dans les arrêts "C.S. n°275/P du 25 mai 1982 et C.S. n°219/P du 5 mai 1983"86(*).

D'autres auteurs ont parfois choisi la voie de l'appel, non sans succès quelque fois. Dans ce sens, on peut citer l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bafoussam dans l'affaire Richard Konganou87(*). En l'espèce le sieur Konganou avait été condamné par le tribunal militaire de Bafoussam à quinze mois d'emprisonnement ferme et à 50000 francs d'amende, pour outrage au président de la République et subversion88(*). L'intéressé avait interjeté appel et la cour, après avoir jugé l'appel recevable, a confirmé le jugement entrepris par le tribunal militaire sur la culpabilité, mais, « considérant que les faits reprochés au prévenu ne présentent pas une gravité telle qu'il mérite la peine qui lui a été infligée », l'a condamné à 100000 francs d'amende seulement.

Ce type de dissonance, exprimé courageusement par certaines cours d'appel va avoir pour conséquence une réaction des pouvoirs publics, dans le sens de la radicalisation. C'est ainsi qu'une modification va être apportée à l'article 29 al.2 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 par la loi n°87/09 du 15 juillet 1987. Désormais ce texte va disposer : "Toutefois, les décisions en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes à feu et leurs munitions ne pourront faire l'objet d'aucun recours. Dans ce cas, nul ne peut ni enregistrer, ni transmettre un tel recours."

L'exposé des motifs de la loi du 15 juillet 1987 en ce qui concerne l'article 29 al.2 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 est particulièrement significatif de la volonté des pouvoirs publics de persister dans la voie prise depuis la loi n°63/30 du 25 octobre 1963, voire même d'aller plus loin. Raison pour laquelle on peut lire : "L'exercice des voies de recours est interdit à toutes les parties dans les affaires en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat et de subversion. La volonté du législateur sur l'exclusion des voies de recours dans ces matières a été clarifiée par l'article 3 de l'ordonnance n°72/20 qui offre au ministre de la justice, Garde des Sceaux, la possibilité lorsqu'il l'estime opportun, d'ordonner après avis conforme du ministre chargé des forces armées, qu'il soit statué à nouveau sur toutes procédures en ces matières. Ce pouvoir, reconnu au ministre de la justice, tend au renforcement de l'élimination de toute voie de recours.

L'exclusion des voies de recours ici découle non seulement de l'intérêt supérieur de la Nation, mais aussi de la gravité des infractions concernées, susceptibles de provoquer à la moindre faiblesse, des effets irréparables. En conséquence, une décision intervenue dans ces matières est nécessairement définitive à l'égard de toutes les parties. Tout recours de leur part qui s'y rapporte ne pourra être ni enregistré, ni transmis."

La promulgation de ces textes et la persistance des pouvoirs publics dans la voie prise de l'interdiction de tous moyens de recours vont susciter de vigoureuses protestations d'éminents hommes de droit qui prendront des positions particulièrement courageuses au vue du contexte de l'époque.

2- Les protestations contre l'exclusion des voies de recours

Outre l'opposition politique, des juristes ont tenu à marquer leur désapprobation. Tel a notamment été le cas de deux hauts magistrats, dont il est opportun de rapporter ici de larges extraits de leurs prises de positions.

Le premier, Marcel Nguini, a été le premier camerounais à accéder à la fonction de président de la Cour Suprême. A l'époque, conseiller référendaire à ladite Cour, ce magistrat, informé de la substance de la loi n°63/30 du 25 octobre 1963, va attirer l'attention du président de la République, inspirateur de cette loi, sur le caractère inique de la législation d'exception progressivement mise en place depuis 1962.

Dans sa lettre en date du 30 octobre 1963, Marcel Nguini va d'abord rappeler "(...) la fonction des Cours suprêmes (...) en tant qu'elles constituent, en raison même de la qualité des magistrats qui les composent, le plus sûr garant des libertés individuelles et de la protection des biens des citoyens. On ne saurait donc la minimiser, sous aucun prétexte, dans aucun domaine, au risque d'instaurer l'injustice et l'arbitraire, qui sont des instruments faciles de la dictature, surtout dans les pays jeunes".

"Or, poursuit le haut magistrat, la loi n°63/30 du 25 octobre 1963 a perdu de vue ces considérations et ces craintes légitimes, lorsque d'une part, dans l'article 12 nouveau, alinéa 4, elle écarte le contrôle des Cours suprêmes dans les matières aussi délicates que la sûreté de l'Etat, la subversion, la législation sur les armes (...)"

" Il y a plus. A ma connaissance, je ne sache pas, dans aucun pays civilisé au monde, qu'il existe des juridictions du fond qui échappent, même pour quelques unes des matières de leurs compétences, à la censure de la cassation. Le jeune Etat du Cameroun, qui entre pour la première fois dans la voie tracée par la loi ci-dessus rappelée, joue son prestige de pays civilisé, moderne, démocratique, il s'achemine vers la dictature et donc, vers une civilisation décadente. Il est temps d'y parer (...). Autrement dit, on livre, par ces dispositions, les justiciables à la discrétion de l'exécutif que l'on transforme sur ce point en Cour de cassation ou organe similaire de révision des procès, sans garantie d'aucune sorte, si ce n'est la tête du justiciable et le bon vouloir de l'autorité commandante, et ce qui est très grave, au mépris le plus désinvolte des règles de procédure et des voies de recours telles que, tout au moins au Cameroun oriental, l'ordonnance du 17 décembre les a instituées (...)"

"Oh ! Cette loi exagère et fait absolument fi des principes de la légalité et de la primauté du droit tels qu'on les entend généralement dans les pays civilisés qui ont maintenu la règle de la séparation des trois pouvoirs (...)"

"En résumé, c'est la constitution du 1er septembre 1961 qui est violée, puisque les deux ordonnances de base fixant l'organisation judiciaire et créant des Cours suprêmes ont été prises en application de cette constitution89(*) (...)"

Le second magistrat, Louis-Marie Pouka-Mbangue, était à l'époque vice-président de la Cour d'appel de Yaoundé. Ce dernier va adresser une lettre de protestation en date du 31 octobre 1963 au président de la Cour d'appel et au procureur Général près ladite Cour, pour faire observer que la loi du 25 octobre 1963 "contredit toutes les déclarations faites au Cameroun et ailleurs par le président de la République du Cameroun". Le haut magistrat poursuit :

"En effet, le président de la République du Cameroun n'a jamais cessé d'insister sur l'application des principes posés par la Déclaration universelle des droits de l'homme, le 10 décembre 1948, et sur le respect de la personne humaine. Or l'application de la loi du 25 octobre 1963, quels que soient les crimes commis, méconnaît au coupable le droit à réclamer une censure juridique de la procédure et par voie de conséquence les expose à la merci d'un magistrat qui peut, soit par intimidation, soit par souci d'une promotion, prononcer des condamnations irrévocables mais injustes.

La distribution de la justice est un sacerdoce laïc dont les magistrats sont des ministres assermentés, tout comme les prêtres et les pasteurs sont ministres d'un sacerdoce religieux. Les uns et les autres sont liés à leur ministère par le serment qu'ils prononcent devant Dieu et devant les hommes. Renier son serment c'est devenir parjure. Aussi, je me sens obligé, en conscience, de donner adhésion entière et totale aux pertinentes observations de M. Nguini.

Dans l'opinion internationale, la République Fédérale du Cameroun est classée dans la catégorie des Etats de droit. Or la publication de la loi Fédérale n°63/30 du 25 octobre 1963 contredit ostensiblement cette opinion, car même dans les Etats de police, une pareille loi n'a jamais, à ma connaissance, été publiée. L'Etat dispose d'autres moyens de répression qu'il peut mettre en oeuvre. Mais il est dangereux, voire malhonnête de prétendre au libéralisme et au respect de la primauté du droit, quand les principes les plus millénaires sont bafoués.

L'avenir d'une nation dépend de la façon dont les magistrats distribuent la justice (...). Si donc la République prive ses ressortissants de la garantie de faire réviser les procès quant à l'application rationnelle de la loi -- non pas particulièrement à l'examen des faits -- il faut vraiment admettre que la liberté républicaine n'existe qu'à titre décoratif. Nous les premiers magistrats camerounais, nous devons, en notre âme et conscience, contre vents et marées, nous élever contre une législation qui nous empêcherait de remplir notre mission. Si les pouvoirs publics veulent se passer des magistrats, qu'ils le disent. Mais, de grâce, qu'ils ne nous obligent pas à appliquer des lois visiblement contraires à tous les principes humains90(*)."

En dépit de ces protestations solidement argumentées, les pouvoirs publics n'ont pas reculé. Au contraire, toutes les réformes relatives à la justice militaire d'exception vont reprendre les dispositions excluant toute voie de recours. Ainsi donc, le point de vue des pouvoirs publics semble définitivement être : "mieux vaut une injustice qu'un subversif en liberté". Et leur refus de toute voie de recours pour les parties91(*) est d'autant plus ferme que, comme l'indique l'exposé des motifs, ces pouvoirs publics se sont aménagé la possibilité de décider de la suite des procès à travers la politisation de la procédure.

B- LA POLITISATION DE LA PROCEDURE

Elle s'illustre principalement par l'institution du rejugement (1), voie de recours exceptionnelle au profit des pouvoirs publics, et l'immixtion du président de la République dans le déroulement du procès (2).

1- La procédure de rejugement.

Bien qu'excluant toute voie de recours, en principe à l'égard de toutes les parties au procès, l'article 12 al.4 de la loi n°63/30 du 25 octobre 1963 prévoit une procédure inédite en faveur du gouvernement, qui peut déclarer non avenue une décision rendue par un tribunal militaire et faire rejuger l'affaire par un autre tribunal militaire.

Ce texte dispose clairement : "S'il l'estime opportun, le garde des sceaux, ministre de la justice peut, après avis conforme du ministre chargé des forces armées, ordonner qu'il soit statué à nouveau par un autre tribunal militaire, ou par le même tribunal militaire autrement composé si le jugement a été rendu par le tribunal militaire permanent de Buéa."

L'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire militaire va oublier de reconduire la procédure de rejugement, mais très rapidement l'oubli sera rectifié avec l'article 3 de l'ordonnance n°72/20 du 19 décembre 1972, qui va reprendre les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 octobre 1963 : "Nonobstant les dispositions de l'article 29, al.2 de l'ordonnance portant organisation judiciaire militaire, le ministre de la justice peut s'il l'estime opportun, après avis conforme du ministre des forces armées, ordonner qu'il soit statué à nouveau sur toutes les procédures en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes."

Le rejugement ne concerne que les affaires relevant du tribunal militaire et relatives à l'atteinte à la sûreté de l'Etat, la subversion et la législation sur les armes à feu. Il intervient à la suite d'une décision rendue en premier et dernier ressort et insusceptible de pourvoi en cassation, donc une décision définitive. En cela, le rejugement heurte de front le principe "non bis in idem" ou principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel.92(*) La loi n'a pas limité le nombre de rejugement dont une affaire peut faire l'objet. En théorie donc, une succession de rejugements est possible jusqu'à satisfaction complète des pouvoirs publics ; aucun délai n'a été prévu, ce qui en ajoute à l'insécurité créée par cette procédure pour la personne poursuivie ; ainsi, le rejugement peut être ordonné un an après la décision93(*) ou quelques jours seulement après la première décision94(*).

Il ressort que le rejugement est en fait une exception à l'interdiction des voies de recours pour les matières visées par l'article 29, al.2 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972. On peut déduire que le rejugement est lui-même une voie de recours. Mais, il s'agit d'une voie de recours sui generis, qui n'est assimilable ni à l'appel (a), ni à l'opposition (b).

a) Le rejugement n'est pas un appel.

On sait que l'appel est une voie de recours ordinaire et de reformation qui permet un nouvel examen de l'affaire au fond devant une juridiction supérieure et traduit la règle du double degré de juridiction. Cette voie de recours diffère totalement du rejugement, s'agissant aussi bien des conditions que des effets.

Sur le premier point, l'appel concerne des décisions rendues en premier ressort et est ouvert à toutes les parties. En revanche, le rejugement concerne les décisions rendues en premier et dernier ressort et n'est pas ouvert à toutes les parties au procès. De même, l'appel est soumis à un délai, ce qui n'est pas le cas du rejugement. S'agissant des effets, on sait que l'appel a un effet suspensif et un effet dévolutif, alors que le rejugement ne comporte aucun des deux.

b) Le rejugement n'est pas une opposition

On sait que l'opposition est une voie de recours de rétractation contre les jugements ou arrêts rendus par défaut en matière correctionnelle et de police en empêchant ceux-ci d'acquérir l'autorité de chose jugée. En ce qui concerne ses conditions d'exercice, l'opposition est, en outre, ouverte à toutes les parties au procès, à l'exception du ministère public, qui est nécessairement présent. Elle est soumise à un délai.

S'agissant des effets, le délai de l'opposition produit un effet suspensif. Quant à l'acte d'opposition lui-même, il produit d'abord un effet extinctif ; il produit en outre un effet de saisine de la juridiction qui avait déjà statué une première fois. La confrontation de ces conditions et effets de l'opposition avec ceux du rejugement fait apparaître des différences notables entre les deux procédures, qui ne sauraient donc être assimilées l'une à l'autre.

2- L'immixtion du président de la République dans le déroulement du

procès.

C'est une autre marque du durcissement de l'attitude des pouvoirs publics. Elle est l'oeuvre de la loi du 15 juillet 1987 qui va ajouter à l'article 11 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972, un alinéa 5, qui comporte une disposition inédite et bien curieuse. Ce texte qui, incontestablement, tend à accroître l'influence de l'exécutif sur le judiciaire, énonce : "Sur prescription du président de la République, le ministre chargé des forces armées peut arrêter à tout moment le prononcé du jugement, toute poursuite pénale devant le tribunal militaire. Cet arrêt n'empêche pas la reprise des poursuites lorsque cela se révèle nécessaire."

Le texte est muet sur les règles de prescription auxquelles doit obéir ce nouveau droit régalien. Autrement dit, on ne sait pas pendant combien de temps le bénéficiaire de l'interruption sera soumis à la menace de la reprise du procès, ou alors ce qu'il doit faire pour échapper définitivement à la menace d'une subite reprise des poursuites à son encontre.

De même, l'exposé des motifs de la loi est muet sur cette disposition. On n'a donc aucune indication sur le point de savoir si cette prérogative du chef de l'Etat concerne toutes les infractions relevant de la compétence de la juridiction militaire95(*) , mais on devine aisément que cette disposition visait surtout les infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat et la subversion.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

A la fin de cette première partie, nous pouvons dire que l'examen de l'infraction politique avant 1990 est instructif à plus d'un titre.

En premier lieu, on constate qu'il est malaisé d'établir une théorie générale de cette infraction, les solutions positives variant selon les intérêts en jeu et les circonstances du moment. Dans un Etat libéral à l'abri des menaces, les infractions politiques sont plus circonscrites et le délinquant politique mieux considéré que le délinquant de droit commun. Au contraire, dans un Etat autoritaire ou menacé dans son existence, la répression est renforcée, le pouvoir cherchant à éliminer systématiquement les opposants réels au supposés.

En second lieu et surtout, cet examen permet de prendre la mesure du régime répressif mis en place par le législateur Camerounais pendant cette période. Un régime dur, en violation des droits de l'homme, et sujet à plusieurs critiques. C'est sûrement pourquoi le législateur interne va préférer lors des réformes qu'il s'apprête à prendre se diriger vers une suppression de l'infraction politique. Mais alors, cette suppression est-elle effective ?

DEUXIEME PARTIE :

LE PARADOXE SUR L'EXISTENCE DE L'INFRACTION POLITIQUE DEPUIS LA

REFORME PENALE DE 1990.

Depuis la fin des années quatre-vingts, l'évolution de l'Etat au Cameroun est marquée par des revendications pressantes tendant à la libéralisation de la vie politique et par l'instauration progressive du règne du droit. Ce « mouvement insurrectionnel pro-démocratique96(*) » a eu pour conséquence l'adoption d'un important train de mesures législatives et réglementaires relatives aux infractions politiques et à l'administration de la justice.

S'il est un truisme que l'infraction politique au Cameroun a toujours été un sujet à équivoque tant en ce qui concernait les règles de fond, que les règles procédurales et même pénitentiaires, il reste que la présence de ces infractions et leur répression étaient intériorisées par tous les citoyens avant les amendements législatifs survenus en 1990. Il est Cependant, depuis cette période, qui est pour le Cameroun fort heureusement celle de la libéralisation, l'ère démocratique, devenu difficile d'affirmer qu'elles existent toujours sans se voir opposer la thèse contraire, car, les réformes entreprises relativement à cette infraction se distinguent malheureusement par leur caractère ambigu.

En effet, les modifications législatives prises depuis la date du 19 décembre 1990 et suivantes soulèvent un paradoxe portant sur l'existence ou non de l'infraction politique ; tout le problème étant de savoir si l'infraction politique existe toujours au Cameroun.

En vue d'apporter des éléments de réponse à cette question, cette partie traitera dans son premier chapitre de la disparition de la notion générique de l'infraction politique en droit pénal camerounais. Parce que de nombreuses lois, mesures et dispositions ont été prises par le législateur faisant montre de la volonté de ce dernier de dissoudre, de supprimer, d'abroger, mieux de mettre fin à l'existence de l'infraction dite politique au Cameroun par leur assimilation aux infractions de droit commun. Le second chapitre sera quant à lui consacré à la persistance du particularisme procédural ayant trait à cette infraction. Car moult éléments permettent malgré la volonté affirmée du législateur de supprimer l'infraction politique du champ infractionnel camerounais, de réaffirmer son existence dans notre droit.

CHAPITRE I :

LA DISPARITION DE LA NOTION GENERIQUE D'INFRACTION POLITIQUE EN DROIT PENAL CAMEROUNAIS

On admet, de longue date, que l'infraction de droit commun doit être distinguée de l'infraction politique, parce que le délinquant politique, considéré comme un « aristocrate de la criminalité »97(*), diffère du vulgaire malfaiteur. Celui -ci menace la société quelle qu'elle soit et est profondément asocial, celui-là, en revanche s'attaque moins à l'organisation sociale en elle-même qu'à une certaine forme ou à certains aspects de la société dans sa structure politique ou civique.

La notion d'infraction politique est donc ancienne ; ce qui ne l'empêche pas de poser encore des problèmes quant à sa définition précise. C'est d'ailleurs pour contourner cette difficulté que les auteurs de l'avant projet de code pénal français de 1978 avaient renoncé à maintenir des peines politiques spéciales. De manière assez peu satisfaisante, le législateur français a préféré, dans le droit fil des textes antérieurs, conserver de telles peines dans le nouveau code sans pour autant définir, ni même nommer les infractions auxquelles elles s'appliquent98(*).

Tel est également le cas en droit pénal camerounais où le législateur, faisant face à cette même difficulté définitionnelle, a plutôt procédé différemment ; ainsi donc, le législateur camerounais, contrairement à son homologue français, va prendre des mesures  "abolitionnistes" de cette infraction. Il va notamment y procéder au moyen de trois mesures : l'abrogation de la législation anti-subversion (la loi n°90/046 du 19 décembre 1990) et l'amnistie des condamnations politiques (la loi n°91/002 du 23 avril 1991) (sect. 1ère) et enfin par la suppression de la peine de détention (la loi n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de certaines dispositions du code pénal, modifiée par la loi n°91/007 du 30 juillet 1991) (sect. 2), que l'article 26 du code pénal définissait comme étant une peine privative de liberté prononcée à raison d'un crime ou d'un délit politique.

Section 1 : L'ABROGATION DE LA LEGISLATION ANTI-SUBVERSION ET L'AMNISTIE DES CONDAMNATIONS POLITIQUES

La période du présent développement est marquée par un reflux de l'orientation autoritariste de l'Etat du Cameroun auquel va se substituer un régime libéral avec un rétrécissement du carcan répressif d'antan. Le législateur va, de ce fait, prendre deux mesures importantes : l'abrogation de la législation anti-subversion (par 1) et l'amnistie des condamnations politiques (par 2).

Paragraphe 1 : L'abrogation de la législation anti-subversion.

Avant de présenter la portée que revêt l'abrogation de cette législation (B), il importe véritablement de donner, dans une large mesure, la consistance de la législation anti-subversion (A).

A- LA LEGISLATION ANTI-SUBVERSION99(*)

Dans son acception courante, la subversion s'entend comme l'action de troubler, de renverser l'ordre politique établi ... Mais, dans l'ordre politique camerounais, la subversion va plus précisément désigner l'action de s'opposer à l'émergence d'une sorte de dynamique de substitution de l'ordre de la volonté à l'ordre de l'histoire. L'adversaire politique, diabolisé et promu au rang d'"ennemi de la nation" parce que s'opposant au projet politique de celui que certains ont appelé le "père de la nation": c'est le subversif de la législation d'exception mise sur pied en 1962-1963100(*), dite législation anti-subversive. Il s'agit d'un instrument répressif redoutable, qui aura marqué d'une manière presque indélébile la vie politique camerounaise.

En effet, avec cette législation anti-subversive, on sera parvenu à l'inhibition quasi-totale de toute velléité de contestation politique (tout au moins à l'intérieur du pays) ; car, la législation anti-subversive va fonctionner comme une véritable épée de Damoclès, dont les citoyens vont intérioriser la présence pour s'autocensurer sur le plan de l'exercice des libertés. C'est également cette législation qui va contribuer, dans une large mesure, à donner une réalité juridique au "mythe de l'ennemi" excellemment analysé par le Professeur Pierre-François Gonidec101(*).

Une analyse du contexte de l'intervention de cette ordonnance (1) et de son contenu (2) permettra de prendre la mesure de la marque imprimée par cette législation.

1- Le contexte de l'intervention de l'ordonnance anti-subversion

L'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962, portant répression de la subversion, intervient à un moment particulier de l'histoire politique du Cameroun, où le pouvoir fait front à la lutte armée menée par l'Union des Populations du Cameroun (U.P.C.), mais également à de vives protestations politiques orchestrées par certains partis politiques de l'opposition légale102(*).

Elle a été prise par le président de la République en application de l'article 50 de la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961, qui l'autorisait à titre exceptionnel à prendre sous forme d'ordonnances ayant force de loi pendant une période de six mois à compter du 1er octobre 1961, "...les textes législatifs nécessaires à la mise en place, au fonctionnement des pouvoirs publics et à la vie de l'Etat fédéral103(*)".

Rarement, une législation aura soulevé un tollé de protestations comme la législation anti-subversive. Au plan international, on peut souligner entre autres la réaction de la Commission Internationale de Juristes qui, très tôt, s'est émue de l'émergence d'une législation d'exception, dont elle pressentait déjà qu'elle constituerait "un des principaux moyens par lesquels le Président A. AHIDJO comptait réussir, dans le cadre d'institutions apparemment démocratiques, à éliminer toute opposition et à soumettre les organes gouvernementaux et législatifs (...) au contrôle exclusif d'un parti"104(*)

Au plan interne, de vives protestations se sont également levées. Outre l'opposition politique, d'éminents juristes avaient tenu à marquer leur désapprobation. Ce fut notamment le cas de deux hauts magistrats : le premier, Marcel NGUINI, va, dans une lettre datée du 30 Octobre 1963, attirer l'attention du chef de l'Etat sur le caractère inique de la législation anti-subversive dont il était l'inspirateur ; le second, M. Louis-Marie POUKA MBANGUE va adresser au Président de la Cour d'appel de Yaoundé et au Procureur Général près ladite Cour, une lettre de protestation pour faire observer que la législation anti-subversive "contredit toutes les déclarations faites au Cameroun et ailleurs par le Président de la République" sur l'attachement du Cameroun aux principes posés par la Déclaration Universelle des Droits de l'homme105(*).

De fait, les inquiétudes exprimées par les uns et les autres étaient confortées par les premiers cas d'application de la législation anti-subversive, qui étaient suffisamment indicateurs de l'orientation politique qui se dessinait déjà. Les premières personnes poursuivies et condamnées sur la base de cette législation sont en effet des leaders de partis politiques de l'opposition. Le 11 Juillet 1962, le tribunal correctionnel de Yaoundé condamnait à trente mois d'emprisonnement et à 250.000 francs d'amende MM. André Marie MBIDA, ancien Premier ministre et chef du parti démocrate camerounais (P.D.C.), Charles René-Guy OKALA, ancien ministre des affaires étrangères et chef du parti socialiste camerounais (P.S.C.), et Benjamin MAYI MATIP, alors président du Groupe parlementaire de ce qu'il était convenu d'appeler l'"U.P.C. l égale". Ces responsables politiques avaient commis la faute de co-signer et de distribuer un document dans lequel, tout en "exprimant leur enthousiasme" à l'idée de former le front de l'unité nationale proposée par le parti de l'union camerounaise (U.C.) et le Kamerun National Democratic Party (K.N.D.P.), ils reprochaient aux leaders de l'U.C. de rechercher l'absorption pure et simple des autres formations politiques106(*).

En tout état de cause, les premiers cas d'application de la législation anti-subversive "annoncent en quelque sorte la couleur" sur l'identité de subversif, dont le statut est largement laissé à la sagacité des gouvernants par une législation imprécise à souhait.

2- Le contenu de la législation anti-subversion du 12 mars 1962.

L'existence de la législation anti-subversive rendait véritablement impossible toute vie politique démocratique au Cameroun, parce qu'en fin de compte, elle vidait de toute substance l'exercice des libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution. La démonstration peut être faite au regard du champ d'application de cette législation et de la technique d'incrimination utilisée par le législateur.

a) S'agissant d'abord du domaine d'application de la législation anti-subversive, On soulignera qu'aux termes des dispositions de l'ordonnance du 12 Mars 1962, la subversion est le fait :

- d'avoir par quelque moyen que ce soit, incité à résister à l'application des lois, décrets, règlements ou ordres de l'autorité publique (article 1er) ;

- d'avoir porté atteinte au respect dû aux autorités publiques ou incité à la haine contre le gouvernement de la République, ou de participer à une entreprise de subversion dirigée contre les autorités et les lois de ladite République, ou d'encourager cette subversion (article 2);

- et, surtout, d'avoir émis ou propagé des bruits, nouvelles ou rumeurs mensongers, soit assorti de commentaires tendancieux des nouvelles exactes, lorsque ces bruits, nouvelles et commentaires sont susceptibles de nuire aux autorités publiques (articles 3).

b-) S'agissant ensuite de la technique d'incrimination utilisée par le législateur, force est de constater à la lecture des dispositions ci-dessus évoquées, qu'au mépris du principe de légalité pourtant prévu au fronton de l'édifice juridique camerounais, le législateur s'est abstenu de définir de manière précise l'infraction de subversion. Il a procédé par le biais de la technique des "incriminations-cadres" ou incriminations de type ouvert, véritables fourre-tout permettant d'attraire dans la sphère pénale toutes sortes de comportements à caractère politique, dès lors qu'ils contrarient peu ou prou les gouvernants. Comme le fait remarquer M. Solers, les infractions telles la subversion sont vagues car « en pratique, on peut y faire entrer n'importe quels actes ».

A la lecture des dispositions sus-évoquées, il apparaît en effet, que le législateur s'est gardé, au mépris du principe de légalité criminelle, de définir d'une manière précise l'infraction de subversion. Il en résulte que le subversif, c'est potentiellement tout le monde, du leader politique au citoyen ordinaire. Quelques exemples pour s'en convaincre :

- Nous avons déjà noté qu'en 1962, pour avoir exprimé, par une "lettre ouverte" le refus de saborder leurs partis politiques respectifs au profit d'un parti unique, des leaders politiques ont été lourdement condamnés pour subversion107(*);

- Une décision du tribunal militaire de Yaoundé du 25 Juin 1963, parlant des manoeuvres subversives reprochées aux accusés, met l'accent sur "l'attentat dont le but sera, soit d'exciter (sic) à la guerre civile en armant ou en poussant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs communes". On soulignera qu'ici, la notion de subversion est littéralement confondue avec celle d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat;

- Dans une autre décision, du 26 Juin 1967108(*), les accusés ont été condamnés pour subversion, pour avoir "émis des bruits, nouvelles ou rumeurs mensongers, assortis de commentaires tendancieux, susceptibles de nuire aux autorités publiques". Ici, les juges se contentent de reprendre purement et simplement les termes de la loi, et il n'est pas rare que dans certaines décisions, on parle de subversion tout simplement, sans prendre la peine de préciser ce que recouvre cette notion109(*) .

- dans une autre affaire, plusieurs personnes ont été condamnées sur la base de l'ordonnance du 12 mars 1962 pour s'être livrées "à des manoeuvres de nature à compromettre la sécurité publique, à enfreindre les lois du pays, à nuire aux autorités et à l'unité nationale en refusant de participer aux élections110(*)".

- une autre personne est condamnée pour subversion pour avoir déclaré publiquement : "Le gouvernement Ahidjo tombera bientôt car il maltraite les témoins de Jéhovah. Dieu ne manquera pas de venger ses chrétiens actuellement en souffrance et arrivera d'ailleurs à leur confier le pouvoir de commander la Nation camerounaise.111(*) "

Des exemples de ce type sont multiples et faisaient légion à l'époque du présent développement ; dès lors, comment s'étonner que sous l'empire de l'ordonnance du 12 mars 1962, la vie des citoyens camerounais se résumât en un mot : la peur112(*) ? En tout état de cause, il apparaît que les tribunaux n'ont fait aucun effort pour corriger les imperfections de l'ordonnance de 1962 sur le plan de la technique d'incrimination, en essayant de préciser les contours de la subversion, qui est par conséquent demeurée une infraction de type ouvert.

Par conséquent, on comprend que l'abrogation ou le maintien de la législation anti-subversive soit considéré comme un indicateur de la volonté de démocratisation du système politique par les gouvernants. C'est ainsi, par exemple, que, dans un article paru dans le Journal (quotidien français) "La Croix" du Mardi 5 Mai 1987, M. J. F. BAYART pouvait écrire : "En ce qui concerne la situation politique interne, le Président de la République du Cameroun affirme le maintien de la volonté de démocratisation du pays. Mais, simultanément, il a admis que des "dérapages" avaient conforté les réticences de certains à l'égard de la politique d'ouverture et leurs craintes de voir s'instaurer à terme une situation incontrôlable (...) Il semble écarter l'éventualité d'une levée de la législation anti-subversive héritée de M. A AHIDJO, encore qu'il entend en modérer l'application par rapport à l'époque de son prédécesseur".

Pareille attitude a pu être considérée comme une manière pour le Président de la République, de "louvoyer" avec la démocratisation du pays. Mais, l'accélération du processus démocratique observée au début des années 1990 va s'illustrer entre autres, par l'adoption de la loi n°90/46 du 19 Décembre 1990 abrogeant l'ordonnance anti-subversive du 12 mars 1962.

B- LA PORTEE DE L'ABROGATION DE LA LEGISLATION ANTI-SUBVERSION.

La loi n°90/046 du 19 décembre 1990 a abrogé l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion. Cependant, les analystes ne sont pas toujours d'accord sur la signification et la portée de cette législation. Pour certains, il s'agit d'un "non-événement", alors que pour d'autres, il s'agit d'un événement qui marque la fin de la diabolisation de l'adversaire politique par les gouvernants.

Les choses sont certainement plus nuancées. Il y a lieu de distinguer ici tout d'abord la symbolique de cette mesure abrogative (1), et enfin sa portée réelle (2).

1- La portée symbolique de la mesure abrogative du 19 décembre 1990.

Il est indubitablement un truisme que l'abrogation de la législation anti-subversive est significative d'une volonté de rompre avec le passé, d'une volonté de s'orienter vers la primauté du droit dans notre système socio-politique, d'une volonté de libéralisation de la vie politique. En tout cas, elle marque incontestablement la fin d'une période sombre qui n'a que trop duré113(*), et elle rend notre cadre institutionnel plus conforme aux instruments juridiques internationaux de protection des droits de l'homme, que le Cameroun a ratifiés notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Il est clair, en effet, que la législation anti-subversive était en contradiction flagrante avec ces instruments, principalement le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, comme il a été souligné à l'occasion de l'affaire MUKONG contre Etat du Cameroun devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies114(*). En effet, du fait de la force inhibitrice de l'ordonnance portant répression de la subversion au plan de l'exercice des libertés publiques, son abrogation apparaît comme un fort indicateur de la volonté de démocratisation du système politique et du régime répressif par les gouvernants.

Cependant, si la charge symbolique de cette mesure légale de 1990 constitue à n'en point douter un soulagement pour les citoyens sur le plan psychologique, sa portée réelle en revanche invite à plus de circonspection.

2- La portée réelle de la mesure abrogative du 19 décembre 1990115(*).

Peut-on déduire de la loi N° 90/46 du 19 Décembre 1990 la fin de la subversion, comportement réprimé? Deux circonstances incitent à mitiger la portée réelle de l'abrogation de l'ordonnance du 12 mars 1962.

a) En premier lieu, il faut avoir présent à l'esprit le fait que l'ordonnance du 12 Mars 1962 était souvent en quelque sorte, "doublée" par d'autres dispositions qui, elles, demeurent en vigueur.

Mais, surtout, la mesure abrogative du 19 décembre 1990 apparaît à bien des égards comme une mesure de dupes. En effet, la plupart des infractions prévues par l'ordonnance du 12 mars 1962 ont tout simplement été transférées dans le code pénal par la loi n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de certaines dispositions du code pénal, ce qui " révèle au grand jour le véritable tour de passe-passe auquel s'est livré le législateur116(*) ". Ainsi, l'article 1er de l'ordonnance a été transféré à l'article 157 a) nouveau du code pénal117(*) ; quant à l'article 2 de l'ordonnance, il a été transféré à l'article 154 al.2 nouveau du code pénal118(*) ; enfin, l'article 3 de l'ordonnance a été transféré à l'article 113 nouveau du code pénal119(*).

b-) En second lieu, il convient de souligner qu'en dépit du caractère ouvert de l'incrimination de subversion, circonstance qui facilitait les choses aux gouvernants, ces derniers ont pour l'essentiel opté pour la "gestion" de la subversion en dehors du circuit juridictionnel. C'est bien connu, le subversif était plus souvent ce citoyen détenu arbitrairement sans jugement, ni même inculpation, dans des centres spécialisés (B.M.M120(*). de Yaoundé; Tcholléré, Mantoum, ...). Dès lors, il convient d'apprécier la disparition ou non du subversif, à l'aune de la pratique politique quotidienne et non exclusivement au regard de l'abrogation de la législation anti-subversive. De ce point de vue, le subversif a-t-il disparu ? L'avenir nous en dira plus sur la suite réservée à l'option dont l'abrogation de la législation anti-subversive est un indicateur au même titre que l'amnistie des détenus politiques.

Paragraphe 2 : L'amnistie des condamnations politiques.

Etymologiquement, le mot amnistie provient du grec "amnaomai" qui signifie "la perte de la mémoire." Elle émane de la volonté de la société de faire tomber dans l'oubli la commission de certains faits et ses conséquences pénales. L'amnistie est par essence une mesure exceptionnelle. Elle ne devrait être prise que lorsque les exigences d'un retour à la paix civile s'avèrent capitales, ce qui conduirait, en fait, à restreindre le recours à cette mesure.

La mesure d'amnistie établie par la loi n°91/002 du 23 avril 1991 intervient à une période cruciale de l'histoire politique du Cameroun ; elle traduit incontestablement la volonté des gouvernants d'apaiser le climat socio-politique. Le bien-fondé de cette mesure peut être apprécié à la lumière de ses caractères (A) et de ses effets (B).

A- LES CARACTERES DE LA MESURE D'AMNISTIE DU 23 AVRIL 1991.

La loi n°91/002 du 23 avril 1991 dispose :

- "Est amnistiée, toute infraction punie de la peine de détention ou qualifiée de subversion à la date de sa commission. " (Article 1er)

L'article 2 dispose quant à lui qu'est amnistiée :

- toute personne condamnée pour subversion à la peine d'emprisonnement et/ou d'amende ;

- toute personne condamnée à une peine de détention ou purgeant une peine de détention ;

- toute personne, auteur d'une infraction à caractère politique, condamnée à la peine de mort."

De l'analyse de ces dispositions, apparaît l'aspect large de cette mesure. En effet une observation mure de cette législation fait apparaître le caractère à la fois réel (1) et purement législatif (2) de cette mesure d'amnistie.

1- Le caractère réel de l'amnistie121(*)

Lorsqu'on s'attache à l'objet de l'amnistie, on distingue traditionnellement l'amnistie réelle de l'amnistie personnelle. Cette dernière est attachée à des particularités ou à des qualités personnelles que la loi prend en considération dans le délinquant, et s'applique à ceux des délinquants qui peuvent en faire état indépendamment de la nature des faits qu'ils ont commis.

L'amnistie réelle est attachée à des faits délictueux que la loi énumère, et s'applique aux auteurs de ces faits, sans tenir compte de leur personnalité. Elle opère in rem, au sens où, décidant de l'oubli des faits en tant qu'infraction, elle bénéficie à l'auteur comme au complice.

Au regard de cette typologie, la mesure d'amnistie du 23 avril 1991 est une amnistie réelle, en dépit du recours, dans son article 2 à l'expression « toute personne » (cette expression indiquant, nettement, le caractère impersonnel de cette mesure purement législative).

2- Le caractère purement législatif de l'amnistie122(*)

Dans la pureté des principes, le législateur amnistiant doit faire bénéficier de ses faveurs toutes les personnes ayant commis tel ou tel type d'infraction ou, à la rigueur, toutes les personnes présentant telle ou telle qualité.

Mais la volonté du législateur de permettre l'adaptation de la loi d'amnistie à la personnalité des délinquants le conduit parfois à une délégation directe au pouvoir exécutif ou indirecte à l'autorité judiciaire du pouvoir de décider à qui bénéficiera l'amnistie qu'il a votée. Dans le premier cas, il s'agira, soit d'une grâce amnistiante, soit d'une grâce décrétée ; et dans le second, il s'agira d'une amnistie judiciaire. En l'absence de toute délégation, on dit que l'amnistie est purement législative.

La mesure d'amnistie n°91/002 du 23 avril 1991, qui émane du législateur, et n'accorde aucunement délégation pour son application, ni au président de la République, ni au pouvoir judiciaire, est par conséquent et sans n'en point douter une amnistie purement législative.

Il en reste que, cette mesure étant la seconde du genre depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance, surtout que la première mesure123(*)s'étant confrontée à d'énormes difficultés124(*)pour sa mise en application, il importe véritablement de s'interroger en profondeur sur les effets de cette seconde mesure d'amnistie que connaît notre ordonnancement juridique.

B- LES EFFETS DE LA MESURE D'AMNISTIE DU 23 AVIL 1991125(*)

L'article 3 de la loi n°91/002 du 23 avril 1991 dispose :

"L'amnistie prévue par la présente loi produit les effets de l'article 73 du code pénal.

Toutefois, les condamnés amnistiés ayant occupé des emplois publics seront réintégrés et les biens confisqués seront restitués à toutes les personnes amnistiées selon les modalités fixées par voie réglementaire."

C'est dire qu'outre les effets classiques de l'amnistie (1), cette mesure présente quelques particularités (2).

1- Les effets classiques de l'amnistie.

Les effets classiques de l'amnistie sont prévus par l'article 73 du code pénal, auquel renvoie expressément l'article 3 de la loi du 23 avril 1991. Deux types d'effets sont nécessairement attachés à l'amnistie. Ils ont trait à la responsabilité pénale (a) et à la responsabilité civile (b).

a) sur le plan de la responsabilité pénale.

L'effet principal de l'amnistie est qu'elle "efface la condamnation et met fin à toute peine principale et accessoire, et à toute mesure de sûreté, à l'exception de l'internement dans une maison de santé et de la fermeture de l'établissement126(*) ".

Mesure d'effacement du passé, d'oubli, affectant le fond du droit, l'amnistie se manifeste donc par des conséquences essentiellement procédurales. Ainsi, selon le moment de la procédure où elle intervient, elle fait obstacle tantôt aux poursuites, tantôt à la condamnation pénale. Elle empêche ou arrête les poursuites intentées ou déjà en cours.

b) sur le plan de la responsabilité civile.

L'amnistie sauvegarde les droits des tiers. En effet, la société peut renoncer, dans un intérêt général qu'elle est seule à apprécier, à la poursuite pénale de certains faits, mais elle n'a pas le droit de porter atteinte aux droits subjectifs que les particuliers pourraient puiser dans l'infraction. Les faits délictueux demeurent tels à l'égard de tous les effets civils qu'ils conditionnent. L'amnistie ne fait donc pas obstacle à l'action civile par laquelle la victime chercherait à obtenir la réparation de son préjudice. La juridiction compétente pour connaître de cette action civile varie selon le moment où intervient la loi d'amnistie. Si, à cette époque, le juge répressif n'a pas été saisi, seul le juge civil est compétent. En revanche, le juge répressif demeure saisi de l'action civile dès lors qu'il a eu à connaître de l'action publique avant la loi d'amnistie.

La mesure d'amnistie du 23 avril 1991 n'a pas non plus dérogé au principe de la sauvegarde des droits des tiers délinquants politiques, et même, elle a prévu certaines particularités attachées à l'amnistie qui découlent du pouvoir discrétionnaire reconnu au législateur dans l'article 73 du code pénal.

2- Les particularités de la mesure d'amnistie n°91/002 du 23 avril

1991.

Outre les effets classiques ci-dessus, qui sont nécessairement attachés à l'amnistie, l'article 73, al. 2 à 6 c.p. laisse à la discrétion du législateur une gamme d'effets qu'il peut faire produire, en totalité ou en partie à la loi d'amnistie. La loi du 23 avril 1991 a retenu deux de ces actes : la réintégration dans les emplois publics (a) et la restitution des biens confisqués (b).

a) la réintégration dans les emplois publics.

Aux termes de l'article 73, al. 6 c.p."Sauf disposition contraire, elle ne réintègre pas de plein droit dans les fonctions ou emplois publics...".

Suite à la mesure d'amnistie du 23 avril 1991, est pris le décret n°92/091 du 04 mai 1992, qui va fixer dans son article 3, al. 2, les modalités de réintégration dans les emplois publics.

Le législateur n'a visé que les emplois publics, à l'exclusion des emplois privés. Cette discrimination127(*) a été vilipendée, mais elle se justifie par le fait que l'Etat ne saurait imposer aux entreprises privées la réintégration de personnels dont la cessation d'activité ne leur est pas imputable, et qui ont certainement déjà été remplacés. Ceci étant, la réintégration englobe tous les fonctionnaires, y compris ceux en détachement dans les sociétés d'économie mixtes. Relativement à ces derniers, ils ne sont pas intégrés dans celles-ci, mais appartiennent toujours à leur corps d'origine128(*), et par conséquent ne peuvent réclamer leur réintégration que dans leur corps d'origine. Mais qu'en est-il de leurs biens confisqués ?

b) La restitution des biens confisqués.

Aux termes de l'article 73, al. 4 c.p."Sauf disposition contraire, les frais, amendes et confiscations déjà versés par le condamné restent acquis au trésor."

L'article 3 du décret n°92/092 du 04 mai 1992 fixant les modalités de restitution des biens confisqués reprend l'essentiel de ces dispositions en déclarant insusceptibles de restitution :

- les frais et amendes déjà versés au trésor public ;

- les confiscations déjà exécutées dont les produits ont été versés au trésor ;

- les biens aliénés ou inexistants ;

- les fruits et produits des biens confisqués déjà versés au trésor.

Ces dispositions consacrent le principe établi en la matière, de la restitution en l'état des biens confisqués. On s'accorde en effet pour admettre qu'il ne saurait être question de remettre en cause l'exécution déjà entamée de la sanction : cette exécution est régulière et la fiction de l'oubli ne peut sans excès aller jusqu'à l'effacer. "L'amnistie est une mesure de faveur, non une mesure réparatrice. Elle impose d'oublier le passé, non de le revisiter129(*) ".

Toutes ces actions du législateur doivent être appréciées à leur juste valeur. Les efforts faits en vue de mettre fin à une période sombre de notre histoire politique en général et de la politique répressive en particulier, par l'effacement du passé ténébreux de traitements infligés aux délinquants politiques sont louables. Mais, pour marquer davantage son option130(*) dont les deux premières mesures sus-évoquées sont fort indicatrices, le législateur va procéder à des mesures suppressives de la peine de détention, peine politique par excellence.

Section 2 : LA SUPPRESSION DE LA PEINE DE DETENTION

Depuis l'indépendance, le régime des infractions politiques au Cameroun offre l'image de mouvements de flux et de reflux largement influencés par les événements historiques et imprégnés d'un certain pragmatisme131(*). La notion d'infraction politique ayant posé des problèmes quant à sa définition précise, les choses se sont compliquées davantage avec les lois n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de certaines dispositions du code pénal et n°91/007 du 30 juillet 1991 qui viennent supprimer l'une des peines principales de l'article 18(ancien)132(*) du code pénal et abroger complètement l'article 26 intitulé "la détention"  ; ainsi le nouvel article 26 dispose que : « la peine de détention est remplacée par la peine d'emprisonnement dans tous les cas où elle est prévue par la loi ».

Que veut signifier le législateur par cet acte (par 1er) et quelles en sont les conséquences (par 2e) ?

Paragraphe 1 : La signifiance de la suppression de la peine de détention.

La suppression de la peine de détention, peine politique par excellence, l'abrogation de la subversion, infraction politique autonome, ainsi que l'amnistie des infractions et condamnations politiques sont autant de choses qui ont pu amener à affirmer la suppression de toute allusion au caractère politique des infractions (A), cependant, l'éclectisme du champ des peines applicables aux dites infractions (B) amène à revisiter ce raisonnement.

A- LA SUPPRESSION DE TOUTE ALLUSION AU CARACTERE POLITIQUE DES INFRACTIONS.

L'exposé de cette vue abolitionniste (1) et son impact (2) nous permettrons de prendre la mesure de la marque imprégnée par cette suppression de la peine de détention.

1- l'exposé de cette vue abolitionniste.

Lors de l'émission radiodiffusée « Le verdict », le Secrétaire Général du ministère de la justice de l'époque affirmait « qu'il n'y a plus de détenus politiques, ni d'infractions politiques au cameroun. L'infraction politique se définit par rapport à la peine. On veut qu'on ne parle plus d'infraction politique au Cameroun »133(*). Le ministre de l'administration territoriale va affirmer la même chose dans une interview télévisée au mois de mai 1991.

Ce point de vue abolitionniste pouvait, du reste, se prévaloir de l'exposé des motifs de la loi n°90/061 du 19 décembre 1990134(*)dans lequel on peut lire : « Dans le cadre de la libéralisation de la vie publique, il a paru nécessaire de supprimer du code pénal toute allusion au caractère politique des infractions... c'est pourquoi l'article 1er du présent projet de loi modifie l'article 18 c.p. qui prévoyait la peine de détention, pour la supprimer ».

Plus précis encore est l'article 2 de la loi n°90/061 qui dispose que : « la peine de détention prévue aux articles 111, 114, 115, 116, 122, 123, 124, 125, 126, 127 du présent code est remplacée par la peine d'emprisonnement ».

Et pour marquer davantage ou de manière définitive l'option qui est la sienne, le législateur va modifier cette dernière loi par la loi n°91/007 du 30 juillet 1991 qui dispose en son article 2 que : « (1) sont abrogées les dispositions des articles 26135(*) et 156. (2) la peine de détention est remplacée par la peine d'emprisonnement dans tous les cas où elle est prévue par la loi ». Cette dernière législation a une étendue plus vaste, dans la mesure où le législateur ne procède plus par simple énumération d'articles, au risque que ses oublis ne puissent en aucun cas remettre en cause l'option qu'il a choisie qui sans aucun doute est celle de faire taire toute allusion au caractère politique des infractions.

Cette volonté affirmée et réaffirmée du législateur de résorber l'infraction politique aura dès lors un impact déterminant sur tout le champ infractionnel camerounais.

2- L'impact de la suppression de la peine de détention

La distinction entre infractions politiques et infractions de droit commun étant malaisée, car la loi ne fournissant que des indications partielles, c'est de la nature de la peine que l'on reconnaissait l'infraction politique au Cameroun ; il est sûr que si la peine est politique, l'infraction est elle-même politique136(*). Le législateur ayant pris la résolution de supprimer la peine de détention, véritable critère de distinction des infractions politiques de celles de droit commun dans notre droit positif, l'on est amené à conclure à la résorption totale de l'infraction dite politique dans notre pays. C'est dire que toutes ces infractions que l'on qualifiait jadis "d'infractions politiques" du fait de la peine de détention qui les sanctionnait, et qui étaient contenues dans le c.p, sont par cette simple décision du législateur devenues des infractions de droit commun, et par conséquent ne bénéficient plus d'un régime de faveur.

En France, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation commises en tant de guerre, auparavant réprimées par le Code pénal et passibles de la détention criminelle lorsqu'elles constituaient des crimes, ont été transférées, à l'occasion de la réforme, dans le titre III du Livre III du Code de justice militaire, où elles se trouvent désormais sanctionnées de la réclusion criminelle. En modifiant ainsi la nature de la peine applicable, le législateur français a manifesté, semble-t-il, sa volonté de retirer à ces infractions le caractère politique qui leur était auparavant automatiquement attaché à raison de la peine encourue. On signalera par ailleurs que, de manière surprenante, le caractère politique de la détention criminelle n'est affirmé par aucune disposition du Code pénal français. Il faut, pour le mettre en lumière, se reporter à l'histoire du droit pénal, aux travaux préparatoires et à la doctrine. En l'état du texte, rien ne permet au lecteur non averti - pour lequel le nouveau code a pourtant été conçu137(*) - de comprendre le sens de la distinction entre la réclusion et la détention criminelle. Encore qu'il existait dans l'ancien Code pénal d'autres peines politiques également applicables en matière criminelle : le bannissement et la dégradation civique. Ces deux peines ont été supprimées en raison de leur caractère archaïque.

Au Cameroun, certes est-il vrai que la peine de détention à elle seule facilitait l'identification d'une infraction politique, mais, si ce critère était suffisant pour qualifier une infraction comme étant politique, il n'a jamais été exclusif, le droit camerounais se caractérisant du reste par son éclectisme, s'agissant des peines applicables aux infractions politiques.

B- L'ECLECTISME DU CHAMP DES PEINES APPLICABLES AUX INFRACTIONS POLITIQUES.

S'il est évident que la peine de détention permettait aisément de reconnaître une infraction politique, l'existence au Cameroun d'une variété de peines applicables aux infractions à caractère politique rendait cependant compliqué une distinction générale de ces infractions. De cette attitude éclectique du champ des peines, l'on ne saurait parler de la détention comme étant un critère décisif de distinction des infractions politiques de celles de droit commun. C'est ainsi qu'outre la peine de détention, on appliquait à ces infractions tantôt la peine de mort (1), tantôt l'emprisonnement (2).

1- Les infractions politiques sanctionnées de la peine de mort.

Le droit positif camerounais s'est fixé sur le caractère politique d'un certain nombre d'infractions, sans que l'on ait à choisir entre le système objectif et le système subjectif. Il s'agit d'infractions qui, par leur nature propre, ont paru politiques à la fois objectivement et subjectivement ; le législateur ayant estimé que ces infracteurs méritaient d'être punis de mort.

Tel est notamment le cas des hostilités contre la patrie prévues et réprimées par l'article 102 c.p.138(*) : « Est coupable de trahison et puni de mort tout citoyen qui : a) Partipe à des hostilités contre la République ;

b) Favorise ou offre de favoriser lesdites hostilités. »

Cet article est complété par l'article 103 c.p.139(*)réprimant l'espionnage et la trahison, ainsi : « Est coupable de trahison et puni de mort tout citoyen et est coupable d'espionnage et également puni de mort tout étranger qui : a) Incite une puissance étrangère à des hostilités contre la République ;

b) Livre ou offre de livrer à une puissance étrangère ou à ses agents des troupes, des territoires, des installations ou du matériel affectés à la défense nationale ou des secrets de la défense ou s'assure par quelque moyen que ce soit la possession d'un secret de la défense nationale en vue de le livrer à une puissance étrangère ;

c) En vue de nuire à la défense nationale détériore les constructions, des installations ou matériels ou pratique soit avant, soit après leur achèvement des malfaçons de nature à les empêcher de fonctionner normalement ou à provoquer un accident. »

Outre la peine de mort, la peine d'emprisonnement était également retenue dans certains.

2- Les infractions politiques sanctionnées de la peine d'emprisonnement.

Si certaines infractions pouvaient en outre recevoir la qualification politique du fait de la peine de détention qui y était attachée, il n'en va pas de même de la subversion, infraction politique autonome, dont on a vu qu'elle était réprimée par la peine d'emprisonnement, peine de droit commun.

Par ailleurs, il ressort de l'article 104 c.p.140(*) qu'en cas de réduction de la peine prévue par les articles 102 et 103 c.p., la peine privative de liberté est celle de l'emprisonnement.

De tout ce qui précède, on constate qu'on ne saurait déduire de la seule suppression de la peine de détention la disparition de la notion générique d'infraction politique en droit camerounais. Au contraire, les infractions politiques par nature que la jurisprudence avait dégagées demeurent dans le code pénal, bien que punies de peines de droit commun.

Ceci étant, la suppression de la peine de détention a des conséquences concrètes que l'on ne saurait méconnaître.

Paragraphe 2 : Les conséquences de la suppression de la peine de détention

La suppression de la peine de détention a entraîné d'énormes implications sur le plan normatif (A) et apparaît à cet égard comme une régression au regard de l'acquis libéral que représente l'infraction politique (B).

A- LES CONSEQUENCES NORMATIVES DE LA SUPPRESSION DE LA PEINE DE DETENTION.

Les lois n°90/061 du 19 décembre 1990 et n°91/007 du 30 juillet 1991 qui viennent supprimer la peine de détention ont entraîné inéluctablement une refonte du Code Pénal141(*). Il s'imposait d'expurger le C.P. de toute référence à une prétendue nature politique d'une infraction ; ceci se présente comme la conséquence apparente de la suppression de la peine de détention (1). Cependant, la conséquence réelle (2) invite à plus de retenue.

1- La conséquence apparente de la suppression de la peine de détention.

Pour les pouvoirs publics, la suppression de la peine de détention signifie la disparition de la notion générique d'infraction politique. Et dans les textes répressifs, ce point de vue s'est traduit par la refonte du code pénal à travers le remplacement de la peine de détention par l'emprisonnement dans tous les cas où elle était prévue. Il s'agit notamment des infractions suivantes : Sécession142(*) ; propagation de fausses nouvelles143(*) ; révolution144(*) ; bande armée145(*) ; insurrection146(*) ; fraudes électorales147(*) ; corruptions et violences148(*) ; coalition149(*) ; empiètements150(*) ; outrage au président de la République151(*) ; outrage aux corps constitués152(*) ; non publicité153(*) ; rébellion154(*) ; rébellion en groupe155(*) ; réunion et manifestation156(*) ; attroupement157(*) ; attroupement armé158(*).

Outre la peine d'emprisonnement qui les sanctionne désormais, les peines de mort et d'amende peuvent être retenues. Il est également reconnu au juge le pouvoir de prononcer contre ces infracteurs, en plus des peines susmentionnées, la confiscation spéciale159(*), la confiscation générale160(*), la confiscation des biens illégitimes161(*) ou des déchéances162(*).

2- La conséquence réelle de la suppression de la peine de détention

Selon le législateur, la suppression de la peine de détention n'est qu'une réforme du droit pénal camerounais inspirée par une conception libérale de l'Etat. Même si cette tendance reflète plus une attitude politique que proprement juridique, on ne peut s'empêcher de remarquer qu'elle va dans le sens de la banalisation de l'infraction politique. Cette dernière est d'autant plus regrettable qu'en réalité, l'infraction politique est un indice permettant de jauger le niveau d'avancement démocratique d'un pays.

En effet, une chose est de reconnaître le délit politique comme un type délictueux autonome et de lui appliquer une répression adéquate, une autre est de le nier au plan normatif pour ensuite, affaire par affaire, comme on le ferait pour toute autre infraction, se demander si le mobile de son auteur ou les circonstances de sa réalisation méritent indulgence ou rigueur163(*). Dans le premier cas de figure, un pouvoir démocratique avoue la confiance relative qu'il a en sa supériorité sans se dissimuler les limites de son entreprise. Comme tel, il supporte voire souhaite la contradiction et, si celle-ci vient à se placer hors-la-loi, il la reconnaît ostensiblement pour ce qu'elle est et lui apporte une réponse appropriée. Dans l'autre cas, une démocratie qui se croit infaillible et invincible faute de pouvoir imaginer qu'il y ait meilleur régime que celui qu'elle représente, dénie à ses adversaires le droit à la lutte et à une répression adaptée ; en conséquence, elle se contente de fonder leur comportement dans la délinquance de droit commun, quitte seulement à demander à ses juges de tenir compte presque clandestinement dans le choix de la peine du profil particulier de leur auteur.

D'une manière générale, que l'on sorte d'un régime autoritaire dans lequel le délinquant politique pouvait apparaître comme un paria, et que l'on veuille modifier cet état de choses est louable en soi ; mais que l'on veuille banaliser l'infraction et le délinquant politique ne se justifie pas. Le résultat est que le système actuel dans un contexte démocratique apparaît moins favorable, donc plus sévère que le système ancien. Cette sévérité est davantage visible à travers la régression du régime particulier applicable aux délinquants politiques.

B- LA REGRESSION DU REGIME CARCERAL PARTICULIER DU DELINQUANT POLITIQUE

Au regard de l'acquis libéral que représente l'infraction politique, la suppression de la peine de détention n'apparaît pas comme un progrès, mais un recul, qui ne saurait se justifier. Les pouvoirs publics reconnaissant à cette suppression la signification de la disparition de la notion générique d'infraction politique et donc celle de détenu politique ; ce point de vue s'est traduit dans les faits par la désaffectation des centres de détention réservés aux délinquants politiques (1) et la fin du régime de faveur assorti à cette infraction (2).

1- La désaffectation des centres de détention réservés aux délinquants politiques.

Dans le contexte d'antan, les délinquants politiques subissaient leur peine dans des établissements spéciaux164(*), à défaut, ils étaient séparés des délinquants de droit commun.

Depuis le 23 avril 1991, à la faveur de la mise en oeuvre de la mesure d'amnistie décidée par la loi n°91/002, l'on a assisté à la désaffectation des centres de détention pour délinquants politiques. Ainsi, ont été amnistiées toutes les infractions punies de la peine de détention et toutes les personnes condamnées à une peine de détention ou purgeant une peine de détention165(*).

2- La fin du régime de faveur assorti à cette infraction.

Comme nous l'avons déjà vu, le détenu politique bénéficiait d'un régime de faveur particulier dans le système répressif d'antan. Avec la suppression de la peine de détention, l'originalité de ce régime spécial tend à s'estomper en raison de la libéralisation du régime général. Pire encore, l'on se dirige vers une véritable et irrévocable banalisation de la criminalité politique par l'emploi de la procédure de flagrant délit166(*). En bref, le régime spécial de détention tient aujourd'hui pour l'essentiel à la possibilité pour ces condamnés de recevoir des visites tous les jours et d'être réunis entre eux à certaines heures de la journée167(*).

Bien avancée déjà, l'assimilation des infractions politiques aux infractions de droit commun n'est pas totale en droit camerounais. En dépit de cette conjonction d'éléments militant en faveur de la thèse de la disparition de l'infraction politique, force est de défendre la thèse opposée et de réaffirmer l'existence de l'infraction politique dans notre droit positif ; Car des îlots de résistance persistent, dont il faut examiner la quintessence. Parmi ces points de résistance, on pourrait évoquer celui qui tient au refus d'extradition (sur lequel nous ne reviendrons pas) et surtout à l'existence de juridictions politiques spéciales.

CHAPITRE II : LA PERSISTANCE DU PARTICULARISME

PROCEDURAL

La réforme pénale entreprise depuis décembre 1990 se caractérise , s'agissant de la procédure pénale, par une préférence marquée pour le maintien du statut quo ante , c'est-à-dire le maintien des juridictions exceptionnelles(section 1).

Par ailleurs, l'appréciation critique du régime procédural actuel (section 2) met en lumière le caractère ambigu des mesures prises en la matière tant elles comportent à la fois des éléments de progrès et des éléments de régression.

Section 1 : LE MAINTIEN DES JURIDICTIONS EXCEPTIONNELLES

Avant la réforme de 1990, seules les juridictions d'exception (tribunal militaire et Haute Cour de Justice) étaient compétentes pour connaître des infractions politiques ; le législateur va décider lors des réformes de reconduire ce particularisme procédural à travers le maintien de la Haute Cour de Justice (par.1er) et la création de la Cour de Sûreté de l'Etat (par.2) qui va largement élaguer la compétence du tribunal militaire en la matière.

Paragraphe 1 : Le maintien de la Haute Cour de Justice

A qui s'étonnerait que nous ne présentions plus la composition et la compétence de la Haute Cour de Justice dans cette subdivision, nous répondrons qu'aucune modification n'a été apportée malgré toutes les réformes entreprises. L'article 53168(*) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 pourrait à ce titre corroborer nos dires.

Toutefois, nous nous proposons ici de faire une étude critique de cette juridiction spéciale devant laquelle une procédure de saisine n'a jamais été enclenchée. Sa radioscopie montre qu'elle est sous l'emprise de l'exécutif qui est pourtant son premier justiciable, ce qui ne pourrait qu'entraver à sa saisine et à la justiciabilité de sa compétence ; ce défaut est dû à l'origine professionnelle des membres de la Haute Cour de Justice (A) et à la prépondérance de l'exécutif (B).

A- LA QUALITE DES MEMBRES FORMANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE

La composition de la Haute Cour de Justice laisse transparaître un doute sur son efficacité réelle. Que ce soit au niveau du siège, du parquet ou du greffe, l'on trouve généralement des fidèles au chef de l'exécutif. Ces magistrats viennent de l'ordre judiciaire (1) et des milieux politiques (2).

1- Les magistrats de l'ordre judiciaire.

La Haute Cour de Justice compte en son sein des magistrats de l'ordre judiciaire. Six des neuf juges titulaires et trois des six juges suppléants membres du siège de la Haute Cour de Justice sont plébiscités parmi les magistrats des différents tribunaux de l'ordre judiciaire par les membres de l'Assemblée Nationale.

Le ministère public près la Haute Cour de Justice est exercé par le procureur Général près la Cour suprême, assisté de l'Avocat Général près la même Cour suprême et le cas échéant, un Avocat Général près d'une Cour d'appel.

La commission d'instruction près la Haute Cour de Justice comprend trois membres dont deux, à l'exception du président de ladite commission, sont désignés par la Cour suprême parmi les magistrats de ladite Cour.

Le greffier en chef de la Cour suprême est de droit greffier de la Haute Cour de Justice.

En cas d'empêchement survenu en cours de session d'un de ces membres de la Haute Cour de Justice, il est pourvu immédiatement au siège vacant par l'élection d'un nouveau membre parmi les suppléants de l'organe qui a procédé au choix précédent.

2- Les juges issus des milieux politiques.

Le président et le vice-président de la Haute Cour de Justice sont élus parmi les neuf juges titulaires dont trois sont membres de l'Assemblée Nationale.

Le président de la commission d'instruction près la Haute Cour de Justice est élu au sein de l'Assemblée Nationale.

Ce qui schématiquement nous donne la procédure suivante : La poursuite ne commence qu'après notification au procureur général (organe nommé par le président de la République) près la Cour suprême de la résolution de l'Assemblée Nationale (députés en majorité fidèles au chef de l'exécutif) mettant en accusation le président de la République. Cette notification est faite par le président de l'Assemblée Nationale ; la résolution de mise en accusation contient les faits reprochés au chef de l'Etat : elle est également notifiée au président de la commission d'instruction (autre fidèle de l'exécutif) qui doit faire tous les actes d'instruction nécessaires à la « recherche de la vérité » et à la mise sous main de justice de l'accusé ; cette commission statuant à la majorité et sans appel.

Les développements précédents montrent que le pôle politique de la Haute Cour de Justice est constitué d'un personnel de l'ordre judiciaire et d'un personnel purement politique. Les magistrats de l'ordre judiciaire sont considérés comme des personnalités manifestement soumises à l'exécutif parce que leurs promotions dépendent de ce dernier. Ils ne sont de ce fait pas indépendants ; leur indépendance suppose l'indépendance vis-à-vis d'eux-mêmes (les passions personnelles et le laxisme étant les obstacles à cette dernière)169(*)et leur autonomie vis-à-vis de l'exécutif tant sur le plan organique que sur le plan matériel et moral.

Sur le plan organique, le judiciaire devrait cesser d'être influencé par l'exécutif ; il est influencé parce que cet exécutif y nomme les juges, les avance et les sanctionne au conseil supérieur de la magistrature170(*). Sur le plan matériel et moral, il est souhaitable que le judiciaire dépende le moins possible de l'exécutif ; ceci suppose qu'il soit, comme l'Assemblée Nationale, doté d'une autonomie financière ; une telle autonomie permet de mieux assurer le traitement des magistrats et le fonctionnement des juridictions ; cela permettra d'éviter de geler171(*) les grades des magistrats lorsqu'ils sont réticents aux sollicitations de l'exécutif172(*). Cela permettra également d'éviter que les victimes du gèle ne cherchent pas à réparer le tort qui leur est causé par les voies de corruption. Pour qu'un Etat ainsi défini soit un Etat de droit173(*), il faut qu'il adjoigne à son judiciaire au moins un barreau indépendant174(*). Malheureusement, bon nombre de pays du tiers-monde se déclarent Etats de droit mais cherchent en même temps à étrangler leur barreau175(*). C'est dire qu'en fait, l'indépendance dont les magistrats judiciaires se targuent si souvent, ne peut se manifester que dans les cas qui ne présentent pas d'intérêt pour l'exécutif. Toute résistance, de leur part, vis-à-vis de l'exécutif, peut compromettre leur avenir malgré leur inamovibilité.

B- LA PREPONDERANCE DE L'EXECUTIF.

L'exécutif peut à travers son pouvoir de remaniement (1) évincer la saisine de la Haute Cour de Justice, ou à travers son pouvoir de nomination (2) rechercher la mansuétude de la procédure.

1- Le pouvoir de remaniement de l'exécutif.

En ce qui concerne les ministres et assimilés, la poursuite est exercée par le procureur général près la Cour suprême dès sa saisine par décret du président de la République. Or, la solidarité du Gouvernement empêche implicitement le chef de l'Etat d'en arriver là : Il a une arme plus facile contre un membre du gouvernement opiniâtre et rebelle : l'éjecter par un simple remaniement ; ce simple acte empêche dès lors la saisine de la Haute Cour de Justice car le ministre ou l'assimilé ayant perdu son statut redevient un citoyen commun, et par voie de conséquence doit répondre de ses actes devant les juridictions de droit commun.

2- Le pouvoir de nomination de l'exécutif.

Le procureur général près la Cour suprême qui intervient intensément à la Haute Cour de Justice est nommé par décret du président de la République. Il n'est donc pas toujours libre de ses actions. Car à tout moment, il peut être remplacé avant le déclenchement de la procédure, laissant place à un autre magistrat plus docile et prêt à satisfaire aux sollicitations de l'exécutif.

En effet, l'exécutif peut y faire varier les débats non seulement par le biais des injonctions adressées aux membres de la Haute Cour ou à certains d'entre eux, mais aussi par des nominations et des suppléances pour empêchements plus ou moins provoqués.

Que dire alors de la Haute Cour de Justice ? Un éminent magistrat pense « qu'il y a lieu de douter de son efficacité réelle. Le président de la République ne peut être mis en accusation que par un vote de l'Assemblée Nationale émis au scrutin secret à la majorité absolue des membres la composant ; ce qui en pratique nous semble difficile à réaliser. L'Assemblée Nationale étant dominée par les députés fidèles (généralement) au chef de l'exécutif, ils sont donc juges et parties176(*) ». Par conséquent, la Haute Cour de Justice nous semble être plus un luxe législatif qu'une structure rassurante quant au rôle qu'elle peut être appelée à jouer dans l'histoire et la vie de l'Etat. Qu'en est-il donc de la Cour de Sûreté de l'Etat ?

Paragraphe 2 : La création de la Cour de Sûreté de l'Etat

Créée par la loi n°90/060 du 19 décembre 1990, la Cour de Sûreté de l'Etat est une juridiction permanente et unique pour tout le cameroun. Selon l'article 1er, al.1 de la loi qui la crée, son ressort s'étend sur l'ensemble du territoire de la République. Son siège est à Yaoundé. Toutefois, elle peut tenir des audiences dans toute autre localité, sur décision du président de la République ou, par délégation, du ministre chargé de la justice. Nous examinerons sa composition, ses attributions (A) et la procédure suivie devant elle (B).

A- COMPOSITION ET ATTRIBUTIONS DE LA COUR DE SURETE DE L'ETAT.

Juridiction exceptionnelle, la Cour de Sûreté de l'Etat a une composition (1) et une compétence (2) spéciales.

1- La composition de la Cour de Sûreté de l'Etat.

D'après l'article 2 de la loi n°90/060 du 19 décembre 1990, elle se compose :

- d'un président, magistrat de l'ordre judiciaire ;

- de six assesseurs titulaires, ayant voix délibératives dont :


· Deux magistrats de l'ordre judiciaire


· Deux magistrats militaires


· Deux personnalités désignées par le président de la République.

- Un procureur général assisté d'un ou de plusieurs substituts, nommés par

décret ;

- Un ou plusieurs greffiers ; le greffe de la Cour de Sûreté de l'Etat est le

greffe de la Cour d'appel du centre, à Yaoundé.

- Six assesseurs suppléants remplissant les mêmes conditions, appelés à

remplacer les assesseurs titulaires en cas d'empêchement.

Le président et les assesseurs de la Cour de Sûreté de l'Etat et leurs suppléants sont nommés par décret. En cas d'empêchement survenu en cours de session, le président est remplacé de plein droit par l'assesseur magistrat de l'ordre judiciaire le plus ancien dans le grade le plus élevé. En cas d'empêchement d'un assesseur titulaire, il est pourvu au siège vacant par l'élection d'un nouveau membre parmi les assesseurs suppléants de l'organe défaillant.

2- La compétence de la Cour de Sûreté de l'Etat.

A la Cour de Sûreté, la loi n°90/060 attribue, à l'article 4, au détriment du tribunal militaire177(*), la connaissance des atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, ainsi que celle des infractions connexes. Les atteintes ainsi visées sont cataloguées dans le chapitre I du code pénal ci-dessus déterminé.

Les infractions contre la sûreté extérieure de l'Etat y sont définies dans la section première de ce chapitre :

- l'espionnage et la trahison178(*)

- les actes autres que l'espionnage et la trahison accomplis en temps de paix, de nature à nuire à la défense nationale et à la nation179(*).

- L'enrôlement ou le recrutement, sans autorisation, des individus sur le territoire national, pour le compte des forces armées étrangères180(*).

- L'imprudence, la négligence et l'inobservation des règlements préjudiciables à la défense nationale, la non dénonciation181(*).

- Le commerce et la correspondance, en temps de guerre, avec les sujets ou agents d'une puissance ennemie182(*).

- La participation, en temps de guerre, à une entreprise de démoralisation de l'armée ou de la nation.

En ce qui concerne les atteintes à la sûreté intérieure de l'Etat, le Code Pénal les réprime dans la section II du chapitre susindiqué. Ces infractions sont :

- la sécession183(*) ;

- la guerre civile ;

- la révolution ;

- l'insurrection ;

- la bande armée184(*).

Toutefois, les mineurs de 14 ans ne sont pas justiciables de la Cour de Sûreté de l'Etat185(*). Le président de la République au cas où il commet des atteintes à la sûreté de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions, les membres du gouvernement en cas de complot ourdi contre la sûreté de l'Etat dans l'exercice de leurs fonctions186(*)et certains étrangers ne sont pas également justiciables de cette juridiction unique.

S'agissant de ces derniers, la loi n°90/060 ne fait nulle part mention à eux, sur ce point, on doit recourir à l'ordonnance n°72/5 qui, avant la loi, régissait aussi les poursuites contre les auteurs des atteintes à la sûreté de l'Etat. Suivant l'article 7 de cette ordonnance, les étrangers jouissant des immunités diplomatiques ou du privilège de juridiction sur la base des conventions internationales ne pouvaient pas être traduits devant le tribunal militaire. La connaissance des atteintes à la sûreté de l'Etat ne relevant plus de la compétence du tribunal militaire, aux termes de l'article 31 nouveau187(*) de la loi n°72/5 du 26 août 1972, mais de celle de la Cour de Sûreté de l'Etat, ces étrangers ne peuvent pas être traduits devant celle-ci en cas de consommation de ces infractions. Au demeurant, cette omission dans la loi 90/060 fait partie de beaucoup de carences et d'imprécisions qu'on y rencontre et qui sont dues à son extrême concision et à la précipitation qui a présidé à son élaboration.

Il y a lieu de relever que cette technique de déterminer la compétence de manière générale risque de poser des difficultés ; car il n'est pas toujours aisé de dire si tel fait porte atteinte à la sûreté de l'Etat ou pas. Cependant, qu'en est-il de la procédure devant cette juridiction ?

B- LA PROCEDURE DEVANT LA COUR DE SÛRETE DE L'ETAT.

La procédure de mise en accusation et de l'instruction (1), ainsi que la procédure proprement dite devant la C.S.E. (2) nous permettrons d'avoir un aperçu procédural global de la Cour.

1- De la mise en accusation et de l'instruction.

La procédure devant la Cour de Sûreté de l'Etat se distingue par l'absence de l'information judiciaire et l'institution de la procédure de flagrant délit. Ainsi, le procureur général procède ou fait procéder par tous officiers de police judiciaire à tous actes nécessaires à la recherche, à la constatation et à la poursuite des crimes et délits de la compétence de la Cour de Sûreté de l'Etat, dans les affaires de sa compétence, et a les mêmes attributions que le procureur de la République.

Aux termes de l'article 6 de la loi n°90/060, les auteurs, coauteurs, complices des infractions à la sûreté de l'Etat sont traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat par la voie de flagrant délit. Toutefois, lorsqu'un mineur de plus de 14 ans est impliqué dans une affaire ou que l'auteur est en fuite, le procureur général ouvre une information.

La question de savoir pourquoi l'information n'a été prévue que dans ces deux cas s'est posée. Les raisons avancées étaient que le jugement des mineurs posait à la fois des problèmes sociologiques, psychologiques, pédagogiques et psychiatriques. C'est pour cela qu'en France, il existe des juridictions spéciales pour les mineurs délinquants188(*). Ce n'est pas le cas au Cameroun ; il n'y a pas de tribunal spécial pour enfants, il y a plutôt des formations spéciales des juridictions ordinaires en cas de délinquance juvénile.

Sur la base de la loi de 1990, un mineur de plus de 14 ans peut-il être attrait à la Cour de Sûreté de l'Etat lorsqu'il a commis tout seul une infraction relevant de sa compétence ? Peut-il l'être lorsqu'il a pour coauteurs ou complices d'autres mineurs pénalement responsables ? La loi n'en dit expressément rien. Mais comme elle parle d'un mineur "impliqué dans une affaire", elle ne vise que les cas où les mineurs se sont mêlés d'actes infractionnels consommés par les majeurs. Au cas où les adultes n'y sont pas impliqués, ils doivent normalement répondre de leurs actes devant les juges des enfants. Le législateur français avait résolu ce problème dans l'article 699 du code de procédure pénale. En effet, en France, lorsque les atteintes à la sûreté de l'Etat se trouvaient perpétrées uniquement par des mineurs de plus de 16 ans et de moins de 18 ans, ils répondaient de leurs actes devant les juridictions pour mineurs délinquants189(*).

Le mineur de plus de 14 ans pénalement responsable va-t-il, conformément à l'article 80 (3) du code pénal, bénéficier de l'excuse atténuante à la Cour de Sûreté de l'Etat ? Est-il plutôt pleinement responsable dans le sens de l'article 80(4) de ce code qui ne rend pleinement responsable que les mineurs de 18 ans ? La loi ne fait nulle part allusion à la législation sur les enfants. Il est à craindre que la Cour ne le rende pleinement responsable en vertu du principe selon lequel le spécial déroge au général.

En ce qui concerne le criminel en fuite, la réponse à la question de savoir pourquoi il y a ouverture d'une information n'est pas évidente. La loi ne vise nullement le cas où, en droit commun, on est obligé d'ouvrir une information parce que l'auteur de l'infraction qu'on veut réprimer est inconnu. Ici il peut être connu ; l'ouverture de l'information et donc la temporisation de la procédure viennent tout simplement du fait que la justice ne dispose pas du délinquant. C'est tout à fait logique, mais seulement, cela crée un paradoxe : le suspect en fuite se trouve mieux traité que celui qui est présent. Il s'ensuit qu'un innocent visé par la Cour pour une infraction relevant de sa compétence a intérêt à s'enfuir, sinon il pourra faire l'objet d'un jugement expéditif et être emprisonné ou tué alors que sa fuite aurait permis d'instruire l'affaire et de découvrir son innocence.

2- Procédure proprement dite devant la Cour de Sûreté de L'Etat190(*)

La procédure en ce qui concerne les débats et le jugement devant la C.S.E. est celle prévue devant le tribunal de première instance statuant en matière correctionnelle.

La Cour de Sûreté peut décerner mandat de dépôt, quelle que soit l'infraction retenue. Elle peut également décerner mandat d'arrêt si la peine prononcée est une peine d'emprisonnement ferme.

La Cour statue par arrêt en premier et dernier ressort. Ses décisions ne sont pas susceptibles d'appel, mais de pourvoi en cassation dans les dix jours, à compter du lendemain de leur prononcé, si elles sont contradictoires, ou du lendemain du jour où l'opposition n'est plus recevable.

Les décisions rendues par défaut sont susceptibles d'opposition dans les cinq jours de leur notification ou signification à personne ou à domicile.

Toute déclaration d'appel faite au greffe ne peut ni être enregistrée, ni faire l'objet d'une transmission.

Il convient de relever que la procédure devant la C.S.E. ignore le "rejugement191(*)", celui-ci ayant du reste été supprimé fort opportunément et de manière expresse par l'article 2 de la loi n°90/048 du 19 décembre 1990 relative à l'organisation judiciaire militaire, qui a abrogé l'ordonnance n°72/20 du 19 octobre 1972 complétant les dispositions relatives à la compétence de la juridiction militaire.

Les constitutions de partie civile ne sont pas recevables devant la Cour de Sûreté de l'Etat192(*). Cette mesure n'est pas constante en procédure pénale du pays. En effet, à la veille de l'indépendance, la loi n°59/31 du 22 mai 1959 admettait les constitutions de partie civile devant les cours criminelles spéciales. Celles-ci connaissaient entre autres des infractions contre la sûreté de l'Etat. La loi renvoyait au code d'instruction criminelle193(*) pour la procédure à suivre devant ces cours et permettait par là les constitutions de partie civile. Quelques mois après cette loi, l'ordonnance n°59/91 du 31 décembre 1959 créa des tribunaux militaires et leur attribua entre autres la connaissance des atteintes à la sûreté de l'Etat. Sur la procédure à suivre devant ces tribunaux, l'ordonnance renvoyait à celle suivie devant les cours criminelles spéciales, donc au code d'instruction criminelle194(*). Elle admettait alors les constitutions de partie civile, mais uniquement devant les tribunaux militaires permanents. Elles étaient interdites devant les tribunaux militaires temporaires. Cependant ceux-ci pouvaient ordonner des restitutions195(*). Avec l'ordonnance n°61/OF/4 du 10 octobre 1961, les constitutions de partie civile étaient formellement interdites devant les tribunaux militaires en temps de paix comme en temps de guerre, mais les restitutions y étaient aussi admises196(*).

L'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 admettait, sans restriction, ces constitutions de partie civile devant le tribunal militaire197(*). Elles y sont encore admises, mais ce tribunal a perdu sa compétence sur les atteintes à la sûreté de l'Etat. La Cour de Sûreté de l'Etat qui en est aujourd'hui compétente ne peut connaître de ces constitutions ; la loi n°90/060 le lui interdit formellement. Ce caractère erratique consistant en des atermoiements en procédure pénale d'exception dans notre pays ne pourrait échapper à une appréciation critique.

Section 2 : L'APPRECIATION CRITIQUE DU REGIME PROCEDURAL ACTUEL

L'analyse des dispositions législatives prises en matière de criminalité politique met en lumière leur caractère ambigu. Dans la procédure à suivre devant la C.S.E., on dénote un déséquilibre grave entre la protection des intérêts des particuliers et ceux de la société ou, dans une large mesure, du régime au pouvoir. La notion d'atteinte à la sûreté est, en général, subjective et relative dans bon nombre de pays du tiers-monde ; les régimes au pouvoir y font poursuivre les auteurs de ces infractions au nom du peuple ; ceux-ci implorent, dans leur défense sous l'étiquette de « sauveurs de la nation », le secours de ce même peuple, de leurs adeptes et fanatiques.

L'imputation de responsabilité, dans ce domaine, dépend souvent du côté où on se trouve. Cette relativité et cette subjectivité de la notion expliquent que dans certains pays les peuples s'insurgent contre le pouvoir lorsque certains auteurs ou instigateurs des atteintes sont arrêtés et attraits devant les juridictions. Cependant, si le régime de la détention jadis applicable était un régime différent de celui de l'emprisonnement parce que favorable au délinquant politique, le système actuel dans un contexte démocratique paraît plus rigide. Pour preuve, l'on assiste à une banalisation de l'infraction et du délinquant politique (par.1er), ce qui a le malheureux inconvénient de conduire à la fragilisation de la protection de l'individu (par.2è).

Paragraphe 1 : La banalisation de l'infraction et du délinquant politique.

Elle s'illustre par la soumission de certaines infractions politiques aux juridictions de droit commun (A) et au caractère expéditif de la procédure devant la Cour de Sûreté de l'Etat (B).

A- LA SOUMISSION DE CERTAINES INFRACTIONS POLITIQUES AUX JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN.

S'il est établi comme un principe que seules les juridictions d'exception sont compétentes pour connaître des infractions politiques, il est exceptionnellement reconnu aux juridictions de droit commun le pouvoir d'en avoir également connaissance dans certains cas bien spécifiés. Cette soumission des infractions politiques à la compétence des juridictions de droit commun date d'avant la réforme pénale de 1990 (1) et n'a pas été abrogée par ladite réforme (2), au contraire.

1- Avant la réforme pénale de 1990.

Avant la loi n°63/30 du 25 octobre 1963, les infractions de subversion relevaient des tribunaux de droit commun. A titre d'illustration, les premières personnes poursuivies et condamnées sur la base de l'ordonnance du 12 mars 1962198(*) ont été des leaders de partis politiques.

Le tribunal correctionnel de Yaoundé199(*), en date du 11 juillet 1962, condamnait André Marie Mbida, Charles René-Guy Okala, Benjamin Mayi Matip à trente mois d'emprisonnement et 250.000 francs CFA d'amende.200(*)

Cette compétence des juridictions de droit commun a été maintenue en matière politique malgré les amendements législatifs intervenus en 1990.

2- Depuis la réforme pénale de 1990.

En supprimant la peine de détention qui sanctionnait la plupart des infractions politiques pour la remplacer par la peine d'emprisonnement, la réforme pénale de 1990 a par la même occasion soumis ces infractions politiques par nature à la compétence des juridictions de droit commun. Il s'agit des délits électoraux prévus aux articles 122 c.p. (fraudes électorales) et 123 c.p. (corruption), de la coalition contre les lois et le fonctionnement d'un service et la sûreté de l'Etat201(*), de l'empiètement sur le législatif202(*), de l'empiètement de l'exécutif sur le judiciaire203(*), des empiètements du judiciaire sur certaines immunités204(*).

Par ailleurs, certaines infractions politiques précédemment prévues et réprimées par l'ordonnance du 12 mars 1962 portant répression de la subversion qui ont été transférées dans le code pénal205(*), relèvent désormais elles aussi de la compétence des juridictions de droit commun. La procédure qui leur est applicable sera fonction de la gravité de l'infraction. Tandis que la procédure devant la C.S.E est en principe sommaire.

B- LE CARACTERE EXPEDITIF DE LA PROCEDURE DEVANT LA C.S.E.

Une justice démocratique recherche constamment le compromis entre l'intérêt de la société et la sauvegarde des libertés individuelles206(*). La bonne garantie de ce compromis suppose que les preuves des actes à réprimer soient réunies par un juge d'instruction, qu'un second juge puisse réexaminer l'affaire en cas de contestation contre la décision du premier juge. Toutes les étapes de l'examen de l'affaire doivent en outre être sur un fond de procédure calme et réfléchie.

A bien des égards, ces garanties minimales de la manifestation de la vérité manquent dans l'ensemble dans la procédure organisée par la loi n°90/060 du 19 décembre 1990. Cette procédure est en effet marquée par deux innovations contestables en la matière : l'usage de la procédure du flagrant délit (1) et l'absence de principe d'une information judiciaire (2).

1- L'institution de la procédure de flagrant délit

Aux termes de l'article 6 al.1 de la loi n°90/060 précitée, les auteurs, coauteurs et complices des infractions contre la sûreté de l'Etat sont traduits à la C.S.E. par voie de flagrant délit. Cette extension critiquable de la procédure de flagrance avait toujours épargné la criminalité politique. Ces prescriptions de la loi de 1990 dérogent à la procédure pénale militaire.

En effet, l'article 8 (1) de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 relative à l'organisation judiciaire militaire disposait expressément : « La procédure de flagrant délit est inapplicable devant le tribunal militaire ». Cette procédure est ainsi, par hérésie, transposée à la juridiction politique qu'est la Cour de Sûreté de l'Etat. Hérétique, elle l'est parce qu'elle est contraire aux exigences démocratiques que fait respecter la loi du 20 mai 1863207(*). Hérétique, elle l'est aussi parce que les infractions pour lesquelles la loi fait appliquer la procédure de flagrance ne sont pas nécessairement celles que le droit commun indique pour cette procédure spéciale208(*).

La procédure appliquée devant la C.S.E. est ainsi, en principe unique, que l'infraction soit flagrante ou non. En droit commun, la procédure exigée est lente et calme lorsque l'infraction n'est pas flagrante, accélérée et nerveuse lorsqu'elle l'est. En réalité, la loi a créé de nouveaux cas de flagrance dans la mesure où elle ne respecte pas uniquement les conditions de la flagrance de droit commun.

En droit commun, l'infraction est flagrante lorsque :

- le crime ou le délit se commet actuellement ou vient de se commettre209(*)

- dans un temps voisin d'un acte criminel, le suspect est poursuivi par la clameur publique ;

- le suspect est trouvé muni des pièces présentant des traces ou des indices prouvant qu'il a participé à un acte criminel ;

- une personne requiert le procureur de la République ou un officier de police judiciaire de constater une infraction qui a été commise dans une maison qu'elle occupe ou dont elle assure la surveillance.

L'extension de la procédure de flagrant délit210(*)à des infractions non flagrantes laisse conclure que le droit répressif camerounais se caractérise par un recours excessif aux procédures sommaires avec pour conséquence la limitation des cas où l'information judiciaire est admise.

2- L'absence de principe d'une information judiciaire.

C'est le corollaire de l'institution de la procédure de flagrance en la matière.

Aux termes de l'article 5 de la loi n°90/060 précitée, le procureur général procède ou fait procéder par tous officiers de police judiciaire à tous actes nécessaires à la recherche, à la constatation et à la poursuite des crimes et délits de la compétence de la C.S.E, dans les affaires de sa compétence, et a les mêmes attributions que le procureur de la République. Cette Cour ne respecte pas le principe de la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement. La loi de 1990 réitère l'accélération de la procédure instituée à une époque où l'on conseille de plus en plus la césure du procès pénal.

Mais, cette loi a elle-même prévue des cas exceptionnels où le procureur général doit ouvrir une information judiciaire. Aux termes de l'article 6 al.2, « toutefois, lorsqu'un mineur de plus de 14 ans est impliqué dans une affaire ou que l'auteur est en fuite, le procureur général ouvre une information ».

La loi 90 /060 n'a fait que respecter la tradition dans ce domaine ; car, l'information est toujours ouverte lorsqu'un mineur est impliqué dans une infraction211(*). Cependant, elle a innové dans la mesure où elle a fixé la minorité pénale à 14 ans en matière de poursuites contre la sûreté de l'Etat, alors que le code pénal fixe à 18 ans la minorité pénale. La réduction de cette minorité par la loi n°90/060 témoigne de la sévérité de la répression politique dans notre pays. C'est un recul regrettable au moins par rapport à l'ordonnance n°59/91 qui ne permettait de juger les mineurs de 18 ans coupables d'atteintes à la sûreté de l'Etat212(*)qu'à la condition qu'ils fussent séparés des majeurs de plus de cet âge et jugés en chambre de conseil.

La loi de 1990 marque le recul et la relativité excessifs de la répression dans un même pays. La conception camerounaise du procès en matière de criminalité politique est aujourd'hui aux antipodes de toutes ces tendances modernes qui prônent la séparation des trois fonctions. Pourtant, avec l'ordonnance n°72/20 du 19 octobre 1972213(*), le législateur camerounais n'était pas loin de cette césure moderne. En effet, en instituant le "rejugement", il consacrait à sa façon, sans le savoir peut-être, cette césure. Malheureusement, cette mesure si salutaire pour le délinquant avait été prise plutôt dans un but beaucoup plus répressif qu'humanitaire214(*). L'abrogation entière de cette ordonnance n'est pas judicieuse. Elle marque également un recul regrettable de la politique criminelle du pays. Elle méritait plutôt des modifications dans le sens de la protection à la fois des intérêts du délinquant et de la société. Mais, c'est malencontreusement à la fragilisation de la protection du délinquant politique que l'on a assisté.

Paragraphe 2 : La fragilisation de la protection de l'individu.

Elle se déduit de l'atteinte à la règle du double degré de juridiction (A) et de l'exclusion de la constitution de partie civile (B).

A- L'ATTEINTE A LA REGLE DU DOUBLE DEGRE DE JURIDICTION

Elle n'est pas nouvelle en matière de délinquance politique, car les décisions du tribunal militaire en la matière n'étaient susceptibles d'aucune voie de recours ; cependant, la loi portant création et organisation de la Cour de Sûreté de l'Etat ne revient que partiellement sur cette situation regrettable. Elle interdit l'appel (1), mais autorise le pourvoi en cassation (2).

1- L'interdiction de l'appel.

La loi n°90/060 du 19 décembre 1990 interdit l'appel contre les décisions rendues par la C.S.E. Elle indique que la Cour statue par arrêt en premier et dernier ressort215(*). Et, pour éviter que certains "dérapages"constatés sous l'empire de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 ne se reproduisent216(*), elle insiste sur cette interdiction en prescrivant que toute déclaration d'appel faite au greffe ne peut ni être enregistrée, ni faire l'objet d'une transmission217(*). Cependant, elle se montre moins rigoureuse que l'ordonnance de 1972 dans la mesure où elle permet à la Cour suprême de sanctionner les arrêts de la C.S.E.

2- L'autorisation du pourvoi en cassation.

On aurait pu croire qu'avec l'admission du pourvoi en cassation contre les décisions d'une juridiction statuant sur les atteintes à la sûreté de l'Etat, la répression serait démocratisée dans le domaine. Au fond, il n'en était presque rien, car la Cour suprême était juge du droit et jamais des faits. Pour cela, si le prévenu ou sa défense oubliait de faire apprécier, par la sûreté de l'Etat, des faits de nature à établir son innocence, il ne pouvait plus s'en prévaloir devant la Cour suprême. Celle-ci rejettera sa prétention en soutenant qu'elle n'est pas juge des faits. Le condamné purgera sa peine malgré son innocence qu'une juridiction du second degré aurait pu faire éclater au grand jour.

Cependant, une interrogation subsiste aujourd'hui avec la récente loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour suprême qui fait de cette Cour un troisième degré de juridiction ; c'est-à-dire qu'elle est désormais juge non seulement du droit, mais aussi des faits. Ceci aboutirait à une démocratisation de la répression si le législateur de la Cour de Sûreté de l'Etat ne retombe pas dans l'hérésie en supprimant le pourvoi en cassation auquel sont soumises les décisions rendues par la C.S.E.

Autre remarque déconcertante, c'est l'exclusion de la constitution de partie civile devant la C.S.E.

B- L'EXCLUSION DE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE

Contrairement à l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972218(*) relative au tribunal militaire, les constitutions de partie civile ne sont pas recevables devant la Cour de Sûreté de l'Etat219(*).

La spécificité des faits à réprimer et la gravité des peines à prononcer rendent difficile la mise en mouvement de l'action publique. Regretter que les constitutions de partie civile soient interdites devant la C.S.E. ne revient nullement à se plaindre de ce que la victime ne puisse mettre en mouvement cette action, mais de ce que les réparations civiles n'y soient pas admises. Car au bout du compte, on s'aperçoit que l'interdiction de constitution de partie civile défavorise celle-ci (1), et profite à la société et dans une certaine mesure au délinquant (2).

1- L'exclusion de la constitution de partie civile défavorise celle-ci.

Lorsque l'infraction a entraîné, en plus d'un trouble à l'ordre social un préjudice corporel, matériel ou moral à un citoyen, ce dernier, qui l'a éprouvé, a droit d'en demander réparation en exerçant une action en dommages-intérêts. L'action civile est alors l'activité procédurale exercée par la victime d'une infraction pour faire constater par le juge compétent la réalité du préjudice né de cette infraction, établir la responsabilité du délinquant dans la production du préjudice et obtenir indemnisation ou les restitutions nécessaires.

Bien qu'elles aient comme cible l'Etat, les infractions contre la sûreté de l'Etat peuvent, par ricochet, faire des victimes privées. Ces dernières ont le droit d'être indemnisées. Malheureusement, ce droit est refusé aux victimes de l'infraction par l'article 10 de la loi n°90/060 aux termes duquel : « les constitutions de partie civile ne sont pas recevables devant la Cour de Sûreté de l'Etat ».

Ce texte marque incontestablement, une régression par rapport au droit antérieur, et rompt l'égalité devant la loi entre les victimes d'infractions pénales.

L'interdiction des constitutions de partie civile est par elle-même la reconnaissance de la possibilité pour une personne de subir un préjudice du fait des atteintes à la sûreté de l'Etat, car on ne peut interdire que ce qui est possible ou existe.

Le tort que l'interdiction cause à la partie civile ressort mieux quand on examine les avantages que la société et paradoxalement les délinquants tirent de cette mesure.

2- L'exclusion de constitution de partie civile profite à la société et au délinquant220(*)

L'interdiction de constitution de partie civile a créé un déséquilibre entre la sauvegarde des intérêts du délinquant et celle des intérêts de la partie civile, surtout lorsque le délinquant en est sorti indemne c'est-à-dire sans condamnation. La condamnation d'un délinquant à la réparation du préjudice subi par la partie civile renforcerait le caractère affligeant de la peine. Par contre, interdire les constitutions de partie civile devant la C.S.E revient à dispenser les auteurs des atteintes à la sûreté de l'Etat de cette peine complémentaire221(*).

La mesure cause un double tort à la partie civile. Tout d'abord, au cas où le délinquant est condamné à une peine d'amende, la société risque de l'expolier avant que la victime n'ait saisi le juge civil ou n'ait eu gain de cause devant celui-ci ; d'ailleurs elle ne l'aura presque jamais avant la décision de la cour de sûreté de l'Etat parce que le criminel tient le civil en état. Si le délinquant est condamné à la peine capitale, les chances de la partie civile sur la réparation du préjudice qu'elle a subi se réduisent davantage. Ensuite, à l'égard de la partie civile, la société est fautive pour n'avoir pas tenu son engagement ; elle s'est engagée à garantir la sécurité Publique et a failli à son devoir. C'est cette défaillance qui est à l'origine du tort qu'elle refuse de faire apprécier devant la cour.222(*)

Le profit que le délinquant tire de l'interdiction n'a pas été recherché par le législateur ; il n'est que l'effet pervers de l'interdiction. En outre, le législateur ne semble pas s'être particulièrement intéressé à la condition du délinquant. Pourtant, les procédures pénales modernes cherchent à substituer aux châtiments purement rétributifs des sanctions favorables à la réhabilitation ultérieure des délinquants.223(*) Ce qui suppose que les juges s'efforcent, préalablement à sa condamnation, à le connaître. Or ceux de la C.S.E doivent, selon la loi, être très pressés, le but que le législateur a visé dans la loi étant la rapidité de la répression, la protection des institutions nationales contre "les démons " de l'irrédentisme et des forces "centrifuges"224(*)

L'histoire tend à démontrer que les constitutions de partie civile sont interdites devant les juridictions répressives d'exception appelées à connaître des infractions contre la sûreté de l'Etat chaque fois que le Cameroun se prépare à affronter des difficultés politiques. Elle a été interdite, pour la première fois, lorsque le régime au pouvoir à l'époque se préparait à unifier les parties politiques,225(*) lorsque le Cameroun rêvait de son unification. Le parti unique constitué le 1er septembre 1966 et le Cameroun uni le 20 Mai 1972, les constitutions de partie civile ont été de nouveau autorisées le 26 Août 1972. Elles ont été une fois de plus interdites le 19 décembre 1990.

Le parquet général de la C.S.E n'a été saisi qu'une seule fois depuis la création de celle-ci jusqu'aujourd'hui ; la raison de cela est que l'exécutif aurait estimé que les procès politiques, pendant cette période226(*), créeraient plus de problèmes qu'ils n'en résoudraient, car ce ne sont pas les infractions politiques qui manquent ; aujourd'hui les infractions de bandes armées sont légion dans le pays, et pourtant elles sont jugées devant les juridictions ordinaires et assimilées aux infractions de droit commun.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Depuis le 19 Décembre 1990, le législateur national a entrepris des réformes visant la disparition de la notion générique d'infraction politique en droit pénal camerounais. Habitué à l'imprécision de ses textes, il va également procéder par la loi n°90/060 à la création de la Cour de Sûreté de l'Etat, juridiction spéciale, compétente pour la connaissance de telles infractions, tout en maintenant la Haute Cour de Justice.

Ce manque de lucidité du législateur rend paradoxal la suppression de cette infraction dans notre système pénal.

Pareille situation appelle la mise en chantier d'une réforme systématique qui marquera la rupture définitive d'avec cette législation imprécise.

CONCLUSION GENERALE

Nous avons, dans nos développements, abordé un certain nombre d'aspects théoriques et pratiques de la criminalité politique au Cameroun et ailleurs. Il est apparu que la distinction entre infraction politique et infraction de droit commun est en voie de perdre de sa netteté et qu'un mouvement très fort tend à résorber l'infraction politique dans la catégorie des infractions de droit commun. Dans une étude consacrée, il y a vingt cinq ans, à la violence politique en général, envisagée à la fois en droit international et en droit interne, Mme le professeur Koering-Joulin démontrait d'une façon convaincante l'existence de cette tendance puissante, dont elle hésitait toutefois à admettre qu'elle dût être poussée jusqu'à son terme227(*).

Mais la question se pose maintenant avec acuité de savoir si le moment n'est pas venu d'abandonner purement et simplement la distinction, au profit d'une conception unitaire de l'infraction. De nombreux facteurs, tel que nous l'avons vu, jouent le rôle d'accélérateurs dans ce mouvement vers une assimilation totale228(*). Mais, cette assimilation va en s'affaiblissant au Cameroun ; la différence entre infraction politique et de droit commun demeure pour l'application de quelques règles libérales - Certains îlots de résistance perdurent ici ou là - Raison pour laquelle il paraît souhaitable de conduire l'évolution à son achèvement ; il faudrait alors tirer les conséquences qui découlent de la suppression effective de l'infraction politique telle que entamée par le législateur camerounais en 1990 et son assimilation à l'infraction de droit commun.

Parmi ces points de résistance, on pourrait évoquer celui qui tient à l'existence de juridictions spéciales (notamment à la Cour de Sûreté de l'Etat), créées par la loi n° 90/060 du 19 décembre 1990, à l'effet de juger toute une série d'infractions portant atteinte à la sûreté de l'Etat229(*).

Dans un second temps, on pourrait évoquer le droit extraditionnel. En effet, comme de nombreuses conventions internationales sur l'extradition, le droit positif camerounais, par le truchement de l'article 643 du code de procédure pénale, interdit la livraison de l'individu recherché lorsque le crime ou le délit a un caractère politique, ou, selon une formulation différente et plus précise, « si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme une infraction politique ou un fait connexe à une telle infraction »230(*).

Cependant, un pas a été franchi en matière d'extradition vers l'unification de ces infractions. Dans le cheminement vers l'assimilation complète des deux types d'infractions contre la vie humaine, l'élément le plus efficace tient à l'élargissement du contenu de la fameuse clause d'attentat ou « clause belge », qui a grignoté progressivement le domaine de l'immunité des infractions politiques en matière d'extradition231(*).

De même, l'article 1er de la convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977, affirme le caractère non politique des attentats à la vie « des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents diplomatiques », ou des infractions comportant l'utilisation des moyens particulièrement dangereux pour les personnes.

Il appartient donc au législateur national de s'inspirer de ces évolutions et partant, d'aboutir à l'achèvement de l'unification qu'il avait commencée. En guise de rappel, il avait déjà expurgé le code pénal de toute référence à une prétendue nature politique de l'infraction en supprimant la peine de détention. Il lui reste donc sur le plan interne à abroger les lois portant création des juridictions spéciales compétentes en la matière. Ainsi sera complète l'assimilation en matière de compétence juridictionnelle232(*).

De même, lors d'une refonte devenue nécessaire, de remodeler en ce qui concerne l'extradition, l'article 643 CPP de façon à faire apparaître que l'extradition pourrait être accordée, même s'il s'agit d'infraction politique (alors que le texte actuel exclut, sans aucune nuance, toute extradition demandée pour un crime ou un délit politique).

Dans l'ordre conventionnel, la solution satisfaisante serait la généralisation, dans les traités, d'une formulation laissant l'Etat requis libre d'accorder ou de refuser l'extradition en cas d'infraction, comme l'ont déjà fait les conventions passées par la France avec certains pays d'Afrique francophone233(*).

En ce qui concerne notamment la disposition créatrice d'une immunité extraditionnelle, il faut noter qu'elle est beaucoup moins protectrice qu'il n'y paraît pour le délinquant se réclamant d'idéologies ou de mobiles politiques. Car, faute d'avoir voulu ou, plutôt, d'avoir pu définir la notion d'infraction politique, les rédacteurs des textes cités laissent une marge de manoeuvre importante aux juridictions des pays requis pour apprécier le caractère politique ou non politique des crimes, objets des extraditions sollicitées. Les divers critères d'appréciation (objectif, subjectif ou mixte pour la France) utilisés à cette fin réduisent ordinairement à bien peu de chose l'immunité extraditionnelle lorsque l'infraction reprochée est d'une gravité extrême. Le défaut de proportionnalité ou d'adéquation des faits commis au but poursuivi par le coupable, le contexte socio-politique dans lequel ces faits se situent, constituent autant d'éléments qui permettent de refuser à un acte la qualification de politique

En effet, dans une société libérale et démocratique, l'expression de convictions politiques ne peut bien entendu constituer une infraction pénale. Elle ne devient répréhensible que si l'acte est accompagné de violences, de destructions, ou d'incitation à la haine. Mais alors c'est une infraction de droit commun consistant en une atteinte aux personnes et aux biens qui est sanctionnée, et non une infraction politique. Quant aux infractions dirigées contre l'organisation politique de l'Etat, telle la fraude électorale, on ne voit pas en quoi elles seraient plus estimables que la falsification d'un acte authentique ou le détournement de fonds publics. On pourrait même soutenir que, dans la mesure précisément où la démocratie tolère les modes pacifiques d'expression des opinions, le recours à la violence pour imposer ses convictions y est moins justifié qu'ailleurs et constitue donc davantage une cause d'aggravation de la répression.

Or, en élargissant sans fin l'éventail de ses victimes, le meurtrier politique se rapproche inéluctablement du délinquant de droit commun : plus rien ne distingue le geste du terroriste agissant au nom d'un « idéal » plus ou moins confus, et celui du criminel professionnel qui tue au cours d'un hold-up, ou du membre d'un groupe maffieux qui assassine le ressortissant d'une bande concurrente. Dans tous les cas, le meurtrier fait bon marché de la vie d'autrui ; on découvre une même psychologie fruste, l'ivresse de vivre une vie dangereuse et hors du commun, l'adhésion à des thèmes semblables et vagues (lutte contre « l'injustice », pour un « monde libre », sans contrainte...).

Dans ces conditions, il devient très difficile, voire impossible, d'appliquer au criminel politique et au criminel de droit commun des règles de droit interne ou de droit extraditionnel différentes.

Ainsi, tout se conjuguerait pour résorber l'infraction politique dans la catégorie plus générale d'infraction de droit commun. Les conséquences de cette prise de position se situeraient sur divers plans, où les objections qui pourraient naître doivent être examinées et écartées.

Sur le plan judiciaire, l'examen des dossiers par les chambres d'accusation, en matière d'extradition, serait sensiblement simplifié. Les juges n'auraient pas à scruter les mobiles (tâche toujours délicate), la gravité des faits, le contexte socio-politique dans lequel ils se sont développés.

Ces circonstances ne sauraient, en effet, avoir d'influence sur la nature juridique de l'infraction. Il suffirait donc aux juges de l'extradition de vérifier si les éléments constitutifs de l'infraction (élément légal, acte matériel, intention) sont réunis, étant rappelé que l'intention ne se confond nullement avec les mobiles234(*).

On objectera sans doute qu'en droit commun les juges du fond prennent en considération les mobiles qui ont animé l'accusé ou le prévenu, ainsi que les circonstances qui soulignent la gravité des faits, et qu'ils se servent de cette appréciation pour mesurer la peine qui leur apparaît être la juste sanction de l'infraction commise : pourquoi retirer aux juges de l'extradition le pouvoir de pousser leur examen dans ces directions ?

Nous répondrons qu'à la différence du juge pénal interne, la chambre d'accusation n'apprécie ni la vraisemblance et la gravité des charges, ni la culpabilité de l'individu recherché, pas plus qu'elle n'est habilitée à scruter le bien-fondé des poursuites exercées par l'Etat requérant ou l'opportunité de l'extradition. Ainsi, un examen objectif, limité à la seule vérification des éléments constitutifs de l'infraction, suffirait à fournir un avis, négatif ou positif au gouvernement.

En définitive, la reconnaissance de la spécificité des infractions politiques apparaît surtout justifiée en matière d'extradition, lorsqu'il s'agit de soustraire à la répression des citoyens persécutés dans leur pays en raison de leur engagement politique, ou des femmes contraintes à l'excision. Telle devrait donc être en réalité l'orientation du droit camerounais.

Les conclusions qui viennent d'être exposées paraîtront peut-être utopiques aux yeux de certains, mais au moins la situation serait claire. Cette clarté pourrait s'étendre et, qui sait, par contagion, aboutir dans le cadre du droit international, à une dépolitisation progressive de tous les crimes et délits dits politiques. Ainsi disparaîtrait un apport du romantisme juridique du XIXe siècle235(*), qui n'a plus guère sa place à l'aube du XXIe siècle, alors que triomphent des conceptions juridiques moins généreuses, mais plus logiques.

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III- THESES, MEMOIRES ET COURS

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IV- RECUEILS DE TEXTES ET LEGISLATION

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- Code pénal français

- Code de procédure pénale camerounais

- Code de procédure pénale français

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- Ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962

- Loi n°64/LF/13 du 2 juin 1964 fixant le régime de l'extradition au Cameroun.

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V- JURISPRUDENCE

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- C.S., n°275/P du 25 mai 1982, affaire Mfegue Akoa et autres

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- T.M. de Bafoussam, n°32/84 du 24 avril 1984

- Cass.Crim. 20 août 1932, affaire Gorguloff, (Gazette du Palais, 1932, II, 431)

- Crim., 9 mars 1849, affaire Bréhat, (Sommaire, 1849, I, 200)

* 1 Szabo (D.) : « Les délits politiques et leurs modes de répression », un article publié dans l'ouvrage de Jean-Louis Beaudoin, Jacques Fortin et Dénis Szabo, « Terrorisme et justice. Entre la liberté et l'ordre : Le crime politique », Montréal, les éditions du jour, 1970, première partie, pp. 15 - 74.

* 2 Lexique des termes juridiques, 13e édt., paris, Dalloz, 2001, p. 303.

* 3 Voltaire : Le dictionnaire philosophique, cité par Mbomè François, cours magistral d' « initiation à la science politique », niv 1, 2001-2002.

* 4 Max Weber : Economie et Société, 1952, ibid.

* 5 Lexique des termes juridiques, op.cit., p. 420.

* 6 Dictionnaire Robert, 1962, cité par Mbomè (F), op.cit.

* 7 Desportes (F) ; Le Gunehec (F) : Droit pénal général, 10e éd., Economica, p.97.

* 8 Lévy-Brühl : Sociologie du droit, paris, PUF, 1961 cité par Dénis Szabo, op.cit.

* 9 Projet de loi n°471/PJL/AN portant modification de certaines dispositions du code pénal.

* 10 Eisenmann (Ch.) : Cours de droit administratif, cité par Nach Back Charles, Démocratisation et décentralisation, « genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne », paris, karthala-PDM, 2003, p.45.

* 11 Battifol (H) : Aspects philosophiques du droit international privé, paris, Dalloz, 2002, p.6.

* 12 Grawitz (M) : Méthode des sciences sociales, paris, Dalloz, 1981, p. 463.

* 13 Kontchou kouomegni, le droit public camerounais, instrument de construction de l'unité nationale, R.J.P.I.C., 1979, pg 440

* 14 L'article 8 du code pénal italien de 1930 dispose que « est un délit politique tout délit qui porte atteinte à un intérêt politique de l'Etat ou à un droit politique du citoyen. Est aussi réputé délit politique, le délit de droit commun déterminé, en tout ou en partie, par des motifs politiques »

* 15 Pradel (J), Manuel de droit pénal général, ed. 2002-2003 pg. 250

* 16 Ortolan : Eléments de droit pénal, 1886, I, n° 718.

* 17 Szabo (D) : Les délits politiques et leurs modes de répression législative, Montréal, 1970, op.cit.

* 18 Pradel (J.) : Manuel de droit pénal général, Cujas, 2002-2003, p.250.

* 19 V° infra, l'assimilation des infractions connexes aux infractions politiques

* 20 Livre II du code pénal

* 21 Conte (P.), Du Chambon (P.M.) : Droit pénal général, 3e édt., Armand Collin, 1998, p. 215

* 22 ibidem

* 23 V° Tekamdjo Djate H. Bethel : Le terroriste en droit international, Mémoire de DEA, université de Douala, 2003-2004

* 24 Donnedieu de Vabres (H.), Traité de droit criminel, n°208.

* 25 Convention franco-camerounaise de 1974 sur l'extradition.

* 26 Crim., 9 mars 1849, affaire du général Bréhat, sommaire, 1849, I, 200.

* 27 Crim., 18 novembre 1959, J.C.P., 1960, II, 11475, note A. Légal.

* 28 Desportes (F.) ; Le Gunehec (F.) : op.cit, pp. 105-106.

* 29 Peine qui n'était pas applicable aux infractions politiques ; Crim. 20 août 1932, DP, 1932, I, 121, conclusion Matter

* 30 Crim., 18 novembre 1959, JCP, 1960, II, 11475, RSC, 1960, p.276, note Légal

* 31 Paris, 22 avril 1953, Gazette du Palais, 1953, II, 113.

* 32 Ahmadou Oumarou : Code de lois pénales, Collection textes usuels du Cameroun, P.U.A, 1998, article 26.

* 33 V° article 18 ancien du Code Pénal.

* 34 La dégradation civique et la peine accessoire de l'interdiction légale ont été supprimées.

* 35 Encyclopédie juridique Dalloz, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 35e année, Tome III, 2002 mise à jour : Détention criminelle, p.1.

* 36 Minkoa She (A): Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Economica, paris, 1999, pp.219 et sq.

* 37 V° article 26 ancien C.P.C ; article 18 et 24 du C.P. nigérien.

* 38 Crim. 12 décembre 1963 : D. 1964, 185 ; Crim. 28 septembre 1970 : D. 1971, 36, note Chabas.

* 39 Crim. 25 octobre 1966 : B.C., n°238 ; Crim. 23 mars 1971 : D. 1971, Somm. 96.

* 40 L'article 39 C.P.C vise les infractions politiques lorsqu'il organise les conditions de la relégation.

* 41 Article 58(1) C.P. français.

* 42 V° infra, loi n° 91/002 du 23 avril 1991.

* 43Code de procédure pénale français, paragraphe 3 : De la convocation par procès-verbal et de la comparution immédiate, articles 393 - 397(6).

* 44 Article 465, al.1er du C.P.P.F.

* 45 Article 18 C.P.P.C.

* 46 Article 246, op.cit.

* 47 La trahison implique un manquement au devoir de fidélité d'un citoyen.

* 48 Article 8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

* 49 Article 30 C.P.P.F.

* 50 V° article 5,2° loi du 10 mars 1927 réglant les conditions et les effets de l'extradition.

* 51 Qu'il s'agisse de la convention générale de coopération en matière de justice avec la République du Mali (ratifiée le 15 juillet 1964), de l'accord de coopération de justice avec la France (ratifié le 29 juin 1974) ou de l'accord de coopération avec l'ex-zaÏre (ratifié le 23 juin 1977).

* 52 Sur la question, voir J. Pradel et A. Varinard, n° 27.

* 53 Vitu (A.) : Le meurtre politique en droit international et extraditionnel, étude figurant dans les « Mélanges offerts à Georges Levasseur » édt. Gazette du palais - Litec, Paris 1992.

* 54 Cass. Crim. 20 août 1932 (Gazette du palais, 1932, II, 431) Affaire Gorguloff.

* 55 Article 1er de la convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977.

* 56 Article 118(2) al.2, loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l'extradition au Cameroun.

* 57 La convention de Tananarive et la convention camerouno-malienne respectivement aux articles 44 et 42 se contentent d'accorder à l'Etat requis la faculté de refuser l'extradition. Ce qui n'est pas le cas de la loi de 1964 tout comme les conventions franco-camerounaise et congolo-camerounaise qui posent une exclusion absolue de l'extradition.

* 58 Jacque Robert ; Jean Duffar : Droits de l'homme et Libertés Fondamentales, 7e édt. Montchrestien, p.59.

* 59 Ainsi, des demandes d'asile de Kurdes ayant réagi contre des exactions en Turquie, ont parfois été rejetées au motif que leur action avait pour but que les autorités françaises infléchissent leur politique à l'égard de la Turquie.

* 60 Centre de réimprégnation civique.

* 61 YOUCHE, la justice au Cameroun, avec préface de François Xavier MBOUYOM. (Recueil de textes). Pp. 207 et sq. Cité par Roger Sockeng, les institutions judiciaires au Cameroun, 3è éd., collection « LEBORD » p.53

* 62 Une polémique s'est développée sur l'étendue de la responsabilité pénale du chef de l'Etat : peut-on la mettre en cause, en cours de mandat, pour des crimes et délits antérieurs à l'entrée en fonction du président ? Le soumettre au droit commun mettrait le président dans une situation moins favorable que les parlementaires ou les ministres, l'empêcherait d'assumer son rôle constitutionnel de gardien des institutions, et donc romprait avec le principe de la séparation des pouvoirs. A l'inverse, préserver le chef de l'Etat par l'immunité absolue dont il bénéficie peut retarder jusqu'à la fin du mandat présidentiel des procédures judiciaires en cours. La solution retenue est que le chef de l'Etat n'est responsable des actes commis avant son mandat qu'à l'issue de celui-ci et devant les juridictions ordinaires. Il n'est cependant pénalement responsable que devant la Haute Cour de Justice pour crime de haute trahison.

* 63 Il s'agit de l'énoncé sommaire des faits reprochés en visant les dispositions de la loi pénale applicable.

* 64 L'instruction se déroule comme en droit commun ; les garanties de la défense sont respectées.

* 65 V° Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l'usage du français (AHJUCAF) : recherche Internet, sur la Haute Cour de Justice.

* 66 Cela permet d'émettre un avis averti sur les questions militaires.

* 67 Sockeng (R) ; cours magistral des « institutions judiciaires », université de Dla, fsjp, niv.I, 2001-2002

* 68 Décision n°9 du 25 avril 1984.

* 69 Décret n°76/346 du 14 août 1976

* 70 Décret n°76/468 du 3 octobre 1983

* 71 Décret n°76/468 du 3 octobre 1983

* 72 Décret n°83/469 du 3 octobre1983

* 73 V° Code de justice militaire

* 74 T.M. de Yaoundé, jugement n°4/71 du 15 mars 1971, affaire Mengué Damaris Régine, Tolo Minette et autres c/ Ministère public

T.M. de Yaoundé, n°5/71 du 16 mars 1971, affaire Anoge Bernard Tor.

T.M. Bafoussam, n°32/84 du 24 avril 1984 ...

* 75 Resnikov (Cl)., La justice militaire, cours polycopié, Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (E.N.A.M), p.7

* 76 Médard (J.F) ; « l'Etat sous-développé au Cameroun », in l'année africaine 1977, p.35

* 77 Nersen : Les développements des juridictions civiles d'exception et ses dangers, D. 1947, chronique, p.121.

* 78 Ripert (G) ; Le déclin du droit, études sur la législation contemporaine, L.G.D.J., 1949, p.185.

* 79 idem, p.188

* 80 Marticou Riou A., l'organisation judiciaire du Cameroun, penant 1969, p.56

* 81 Minkoa She (A) : op.cit., p.223

* 82 Cf. ord. n°72/5 du 26 août 1972 relative à l'organisation judiciaire militaire, modifiée par l'ordonnance n°72/20 du 28 août 1972 et la loi n°87/09 du 15 juillet 1987.

* 83 Minkoa She (A): op.cit. p.224 et ss

* 84 V° supra

* 85 Qui fait office du ministère public près le tribunal militaire.

* 86 C.S. n°275/P du 25 mai 1982, "Mfegue Akoa et autres" : " Doit être rejeté comme irrecevable, le pourvoi par le Commissaire du gouvernement contre une décision du tribunal militaire, une telle décision, aux termes de l'article 29 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972, rendue en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes n'étant susceptibles d'aucune voie de recours."

- C.S. n°219/P du 5 mai 1983 : "Les décisions du tribunal militaire en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes ne peuvent faire l'objet d'aucun recours."

* 87 C.A. de Bafoussam, n°000/M du 12 octobre 1982.

* 88 T.M. de Bafoussam, jugement n°32/84 du 24 avril 1984

* 89 Bandolo (H); La flamme et la fumée, Yaoundé, SOPECAM, 1985, pp.362 et sq. Cité par Adolphe M.S : op.cit., pp.227 et 228

* 90 Ibid.

* 91 Il s'agit en fait uniquement pour la personne poursuivie

* 92 L'autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel est une règle qui ne bénéficie qu'à la personne poursuivie, en sorte qu'il faut non seulement que les faits qu'on veut poursuivre une seconde fois soient les mêmes, mais encore que la personne poursuivie soit également la même.

* 93 Dans l'affaire Mbinkar Kpunsa, le tribunal militaire de Buéa avait rendu son jugement le 14 mars 1978 et la dépêche ministérielle ordonnant le rejugement a été envoyé le 16 janvier 1979.

* 94 Cf. jugement n°104 du 22 novembre 1963, rendu par le tribunal militaire de Yaoundé, affaire Mpouma Kilama Théodore alias Makanda Pouth.

* 95 Il s'agit des infractions purement militaires, infractions commises par des militaires et des infractions politiques.

* 96 Mouangué Kobila (J.), « le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire », lex. Lata, n°23-24, fév. - mars 1996, pg. 33.

* 97 Graven (J.), préface à la thèse de papadatos-contribution à l'étude des crimes contre l'Etat, Genève, droz, 1955

* 98 Desportes (F.) ; le Gunehec (F.) ; op.cit, p. 101

NOTONS qu'en France, il existait trois peines pour les infractions politiques ; il s'agissait de la détention criminelle, le bannissement et la dégradation civique. Le nouveau code ne retient que la détention criminelle. Ibid. P. 103

* 99 Minkoa She (A) ; droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, économica, pp 215-217

* 100 Il s'agit de l'ordonnance n°62/OF/18 du 12 mars 1962 et la loi n°63/30 du 25 octobre 1963 "complétant l'ord. N°61/OF/14 du 04 octobre 1961 fixant l'organisation judiciaire militaire de l'Etat et modifiant l'ord. N°62/OF/18 portant répression de la subversion."

* 101Gonidec (P.F) ; In les systèmes politiques africains, L. G.D.J., paris, 1978, p.164 et sq.

* 102 Minkoa She (A) , op. cit.,p.216

* 103 Ibid.

* 104 "Les lois d'exception dans la République Fédérale du Cameroun", in bulletin de la commission internationale des juristes, n°20, 1964, pp.5-12

* 105 Bandolo (H) ; op.cit, pp.362 et s.

* 106 Minkoa She (A) ; Ruptures et permanences de l'identité de subversif au Cameroun : le droit pénal au secours de la science politique ? Inédit

* 107 V° supra

* 108 Jugement n°956, affaire Ministère public c/ K.V., J.P., F.F., N.P., E.C., N.S. inédit

* 109 V°, par exemple, l'affaire MBINKAR KPUNSA Sébastien, Jugement N° 119/79 du 26 Avril 1979, tribunal militaire de Yaoundé.

* 110 T.M de Yaoundé, jugement n°4/71 du 15 mars 1971, affaire Mengué Damaris Régine, Tolo Minette et autres c/Ministère public.

* 111 T.M. de Yaoundé, n°5/71 du 16 mars 1971, affaire Anoge Bernard Tor.

* 112 Cf. par exemple les articles parus dans certains journaux de la presse confessionnelle : "Muets comme des carpes ou psychose de la peur", in L'effort camerounais, n°351, 19 août 1962.

* 113 A l'origine, l'ordonnance anti-subversion est apparue comme un texte de circonstance. Son article 5 disposait à cet effet :"la présente ordonnance recevra application jusqu'à une date qui sera fixée par décret fédéral." Cette date n'avait jamais été fixée.

* 114 Minkoa She (A) ; op. cit. note infra-paginale, p.244

* 115 Op. Cit. Ibid.

* 116 Anoukaha (F) ; Droit pénal et démocratie en Afrique Noire francophone : l'expérience camerounaise, Archives de politique criminelle, 1995, n°17, p.142, cité par Adolphe M. S. : op. Cit. p.245.

* 117 L'article 1er de l'ordonnance de 1962 réprimait "quiconque aura, par quelque moyen que ce soit incité à résister à l'application des lois, décrets, règlements ou ordres de l'autorité publique..." ; l'article 157 a) du code pénal réprime quant à lui "celui qui : a) par quelque moyen que ce soit, incite à résister à l'application des lois, règlements ou ordres légitimes de l'autorité publique..."

* 118 L'ordonnance réprimait"quiconque aura, par quelque moyen que ce soit porté atteinte au respect dû aux autorités publiques ou incite à la haine contre le gouvernement de la république fédérale...", l'article 154 al.2 du code pénal réprime "celui qui, par des paroles ou écrits au public, incite à la révolte contre le gouvernement et les institutions de la République".

* 119 L'article 3 de l'ordonnance réprimait "quiconque aura émis ou propagé des bruits, nouvelles ou rumeurs mensongers, soit assorti de commentaires tendancieux des nouvelles exactes, lorsque ces bruits, nouvelles, rumeurs ou commentaires sont susceptibles de nuire aux autorités de la République...". L'article 113 du c.p. réprime"celui qui émet ou propage des nouvelles mensongères, lorsque ces nouvelles sont susceptibles de nuire aux autorités publiques ou à la cohésion nationale".

* 120 Brigade mixte mobile de Yaoundé

* 121 Minkoa She (A) ; op. cit. pp.239-240

* 122 Ibid. p.240

* 123 V° l'article 1er de l'ordonnance n°60/47 du 08 mai 1960 : cet article accordait une amnistie générale, totale et inconditionnelle "pour tous crimes, délits et contraventions à caractère politique ou en rapport direct avec des incidents d'origine politique commis antérieurement à la publication de l'ordonnance".

* 124 Pour les problèmes posés par la mise en oeuvre de cette première mesure amnistiante, cf. :

-C.S., n°247 du 13 juin 1961, B., p.162 ;

-C.S.C.O, n°78 du 19 janvier 1963, B., p.430

* 125 Minkoa She (A); op.cit., pp.240-243

* 126 Article 73, al. 1er c.p.

* 127 V° Anoukaha (F) ; "Droit pénal et démocratie en Afrique Noire francophone : l'expérience camerounaise", Archives de politique criminelle, 1995, n°17, p.133.

* 128 Cf. Pougoué (P.G) et Tchokomakoua (V) ;"Le fonctionnaire en détachement (à propos de l'arrêt n°17/5 du 26 décembre 1985 de la Cour Suprême) ", in jurisprudence sociale, annotée tome I, 1995, pp.9 et sq.

* 129 Desportes (F) et Le Gunehec (F) ; Le nouveau code pénal. Tome I, Droit pénal général, paris, Economica, 1994, n°1102, p. 758.

* 130 On constate que l'option choisie par le législateur est de supprimer toute allusion au caractère politique des infractions.

* 131 Ce pragmatisme consistait à traiter une infraction à certains égards comme politique et à d'autres comme une infraction de droit commun.

* 132 L'article 18 (ancien) : les peines principales sont : la peine de mort - l'emprisonnement - la détention - l'amende. Cette loi supprime la peine de détention.

* 133 Minkoa She (A) ; op.cit. Note infrapaginale, p.246

* 134 Projet de loi n°471/PJL/AN portant modification de certaines dispositions du c.p.

* 135 V° supra

* 136 Pradel (J) : Manuel de Droit Pénal Général, ed. 2002-2003, p.250

* 137 Desportes (F) ; Le Gunehec (F) : op.cit. p.102.

* 138 Code Pénal de la République du Cameroun, les éditions de l'Imprimerie Nationale 2001, p.184

* 139 Ibid.

* 140 Ibid.

* 141 V°. C.P., Livre II, Titre I, Chapitres I, II et IV.

* 142 Art. 111, C.P ; loi n°91/007 du 30-7-1991 : emprisonnement à vie en temps de paix ; peine de mort en temps de guerre, en période d'état d'urgence et d'exception.

* 143 Art. 113, C.P., loi n°90/061 du 19-12-1990 : emprisonnement de 3mois à 3 ans et amende de 100.000 à 2.000.000 de francs.

* 144 Art. 114, C.P., loi 91/007 précitée : emprisonnement à vie.

* 145 Art. 115, C.P., loi 91/007 : emprisonnement à vie ; emprisonnement de dix à vingt ans.

* 146 Art. 116, C.P., loi 91/007 : emprisonnement de 10 à 20 ans

* 147 Art. 122, C.P., loi op.cit. : emprisonnement de un mois à deux ans et amende de 10.000 à 100.000 francs

* 148 Art. 123, C.P., idem : emprisonnement de trois mois à deux ans et amende op.cit.

* 149 Art. 124, C.P., idem : emprisonnement de six mois à trois ans.

* 150Art. 125, 126, 127, C.P., idem : emprisonnement de six mois à cinq ans ; emprisonnement de un an à cinq ans.

* 151 Art. 153, idem : emprisonnement de un à cinq ans ; emprisonnement de six mois à deux ans et amende de 20.000 à 20 millions de francs.

* 152 Art. 154, C.P., loi 90/061 précitée : emprisonnement de trois mois à trois ans et amende.

* 153 Art. 155, C.P., loi 91/007 : emprisonnement et amende.

* 154 Art. 157, C.P., loi 90-061 : emprisonnement de 3 mois à 4 ans ; ou un an à cinq ans.

* 155 Art. 158, idem : emprisonnement de un à trois ans ; ou de cinq à quinze ans.

* 156 Art. 231, C.P., loi 91-007 : emprisonnement de quinze jours à six mois et amende.

* 157 Art. 232, idem : emprisonnement de quinze jours à six mois ; ou peine doublée.

* 158 Art. 233, idem : emprisonnement de trois mois à deux ans ; deux à cinq ans ; cinq à dix ans ; ou peines doublées.

* 159 Art. 118, C.P.

* 160 Art. 120, C.P.

* 161 Art. 119, C.P.

* 162 Art. 121, C.P.

* 163 Cf. Boulan (F) ; "violence et société", R.I.E.J. 1981, n°3, pp. 342 et sq., spéc. P. 350 ; Adde, Szabo D., "Agression, violence et système socio-culturel : essai de typologie", R.S.C., 1976, pp. 377 et sq.

* 164 C'est notamment le cas de la Brigade Mixte Mobile (B.M.M.) de Yaoundé.

* 165 V° supra, la mesure d'amnistie n°91/002 du 23 avril 1991

* 166 V° art. 6 al. 1 de la loi n°90/060 du 19 décembre 1990 portant création et organisation de la Cour de Sûreté de l'Etat.

* 167 Desportes (F) ; Le Gunehec (F) ; op.cit p.100.

* 168 Article 53 de la loi constitutionnelle du 18-01-1996 : « La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par le président de la République, le premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'Administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat »

* 169 Bayona-ba-Meya Kimvimba, Civilisation noire et justice, R.J.P.I.C., 1978, n°3, pp.855 et 856.

* 170 Goudem (J) ; L'organisation juridictionnelle du Cameroun, thèse de troisième cycle en droit privé, université de Yaoundé, 1985, pp. 422-489

* 171Op.cit., pp. 471-484

* 172 Telford (G. P) ; Mise en oeuvre des principes fondamentaux de l'ONU relatifs à la magistrature et adoption du projet de l'ONU sur les principes fondamentaux pour les avocats, Bulletin du CIMA, n°23, 1989, p.79 ; Alfredo Etcheberry, Remarques introductives concernant les pressions et les obstacles à l'indépendance de la magistrature, Bulletin du CIMA, op.cit., pp. 64-68.

* 173 L'Etat de droit est l'Etat qui, étant à la fois esclave et protecteur des droits fondamentaux, tire sa légitimité de son aptitude à les développer, et à s'y soumettre. Pour que cette « mission-soumission » caractéristique de l'Etat de droit soit menée à bien, deux conditions doivent être réunies. Il faut d'une part que l'action des gouvernants soit enserrée dans une hiérarchie des normes et, d'autre part, que les juges soient suffisamment indépendants pour en sanctionner la méconnaissance. Chevallier J., L'Etat de droit, paris, Montchrestien, coll. Clefs-politiques, 2è ed. 1995 ; L'Etat de droit, Mélanges G. Braibant, paris, D., 1996.

* 174 Param Cumaraswamy, L'indépendance de la profession juridique, Bulletin du CIMA, op.cit., pp. 45-63

* 175 F.S. Nariman, L'indépendance de la profession juridique-problème, pressions et atteintes, Bulletin du CIMA, n°23, 1989, p.87. Vers la mort du barreau camerounais, Dossier in Le Messager, n° 191 du 17/07/1990, pp. 7-11.

* 176 Sockeng (R) ; Les institutions judiciaires au Cameroun, 3è ed., mise à jour année 2000, coll. « LEBORD », p.55

* 177 Art.5 de l'ord. N°72/5 du 26 août 1972.

* 178 Op.cit.

* 179 Art.105 et 106 (1-4) C.P.

* 180 Art.106 (2) et (9) ; art.108 (2) b, C.P.

* 181 Art.106 (5) et 107 C.P.; art.108 (2) b C.P.

* 182 Art.108 (1) (a et b) C.P.

* 183 Op.cit.

* 184 Op.cit.

* 185 Art.4 al.2, loi 90/060

* 186 En matière d'atteintes à la sûreté de l'Etat, le président de la République et les membres du gouvernement, respectivement en cas de haute trahison et en cas d'infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions, sont justiciables de la Haute Cour de Justice, art.53 de la loi constitutionnelle du 18/01/1996 ; Jules Goudem, op.cit., pp.250-253 ; Jean Foyer, Haute Cour de Justice, in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, 2è Ed., Dalloz, V.II, 1979, n°s 34-37.

* 187 Article 31 nouveau : « les crimes et délits contre la sûreté de l'Etat relèvent de la compétence de la C.S.E. dont l'organisation fera l'objet d'un texte particulier ».

* 188 Tunc (André) ; Réflexions sur les juridictions pour mineurs délinquants, in Les problèmes contemporains de procédure pénale, Sirey, 1964, pp. 239-256.

* 189 Herzog (J.B.) : Répertoire de droit et de procédure pénale, Verbis. Atteintes à la sûreté de l'Etat n°s 332-336, Pierre Escande : La Cour de Sûreté de l'Etat, Jurisclasseur de procédure pénale, V. 4, Fasc. C., n°s 57 et 58.

* 190 Journal Officiel de la République du Cameroun, 1er janvier 1991, Loi n°90/060 portant création et organisation de la Cour de Sûreté de l'Etat, titre II, chapitre II, pp.53-54.

* 191 Op.cit.

* 192 Art. 10, loi n°90/060.

* 193 Art. 5, loi n°59/31 précitée.

* 194 Art. 8, ord. n°59/91 précitée.

* 195 Art. 7, ord. n°59/91 précitée.

* 196 Art. 4 al. 3, ord. n°61/OF/4 précitée.

* 197 Art. 17, ord. n°72/5.

* 198 Portant répression de la subversion

* 199 Juridiction de droit commun.

* 200 Op.cit.

* 201 Art. 124 c.p.

* 202 Art. 125 c.p.

* 203 Art. 126 c.p.

* 204 Art. 127 c.p.

* 205 Il s'agit des articles 157 a) ; 154 al.2 et 113 c.p.

* 206 Eugène Schaeffer, procédure pénale et développement (...), Annales africaines, n°1, 1962, p.247.

* 207 Loi du 20 mai 1863 sur l'instruction des flagrants délits devant les tribunaux correctionnels, art. 7 :"exclut expressément la procédure de flagrance en cas d'infraction politique."

* 208 Sur l'ensemble de la question, v° Tchokomakoua (V) ; « Les particularités de la procédure de flagrant délit en droit camerounais depuis 1972 », R.C.D, n°30, 1985, pp.5 et sq.

* 209 Art. 103 (1) c.p.p.

* 210 Kameni Djongue (J - D) ; Le domaine de la procédure de flagrant délit en droit camerounais depuis la réforme du 19/12/1990, Mémoire de maîtrise en droit privé, université de Yaoundé 1992.

* 211 Anoukaha (F) ; Le magistrat instructeur, Thèse de doctorat de 3è cycle en droit privé, Yaoundé, 1982, pp.82 et 83.

* 212 Ils n'étaient justiciables devant le tribunal militaire qu'en temps de guerre ; les atteintes à la sûreté de l'Etat faisaient partie des infractions qui relevaient de la compétence du tribunal militaire.

* 213 Loi n°72/20 du 19 octobre 1972 complétant les dispositions relatives à la compétence de la juridiction militaire.

* 214 Goudem (J) ; op.cit., pp. 509-517.

* 215 Art.8 (1), loi n°90/060.

* 216 Certaines cours d'appel avaient admis l'appel, en dépit de l'interdiction de recours clairement prévue par l'ordonnance de 1972.

* 217 Art.9, loi n°90/060.

* 218 Art.17, ord. n°72/5

* 219 Art.10, loi n°90/060.

* 220 Juridis info n°19, juillet-août- septembre 1994, point de vue III.3- La Cour de Sûreté de l'Etat (Etude critique de la loi n°90/060 du 19 décembre 1990), pp.70-71, Jules Goudem.

* 221 Légal (A) ; Les garanties d'indemnisation de la victime d'une infraction, in les problèmes contemporains de la procédure pénale, SIREY, 1964, p.36.

* 222 Idem ; P.35

* 223 Ancel M., la césure du procès pénal, in les problèmes contemporains de procédure pénale, Paris, Sirey, 1964, P. 44.

* 224 Biya (P) ; pour le libéralisme Communautaire, Pierre Marcel Favre/ABC, Suisse, 1986, P. 44

* 225 En 1961

* 226 Le pays a connu une longue période de violence bilatérale, d'inégale intensité, émaillée de "villes mortes", de "pieds morts", de "désobéissance civique", d'"incivisme fiscal", d'arrestations, d'état d'urgence...

* 227 Koering-Joulin : Infraction politique et violence, JCP, 82, I, 3066

* 228 C'est le cas de la suppression de la peine de détention et son remplacement par la peine d'emprisonnement dans tous les cas où elle était prévue

* 229 L'atteinte portée à la sûreté de l'Etat est soit extérieure ou intérieure. La première est lorsqu'il s'agit d'une atteinte contre l'Etat, dans son existence et dans ses droits. La seconde, l'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat englobe les crimes contre les organes de l'Etat, son gouvernement et ses institutions politiques.

* 230 Art.3, ch.1, convention européenne d'extradition

* 231 Initialement limitée au meurtre d'un souverain étranger (traité franco-belge de 1856 et traités conclus par la France avant 1939 notamment), la clause a été étendue à la famille du chef de l'Etat (conventions franco-camerounaise de 1974 ; franco-tunisienne de 1971, et avec l'Egypte en 1982), ailleurs aux membres du gouvernement (convention franco-RFA de 1951)

* 232 Cette assimilation est complète en France (cours d'assises mises en place par la loi n°86/1020 du 9 septembre 1986) articles 706-16 à 706-25 CPPF.

* 233 Il s'agit du Bénin, Burkina-Faso, République centrafricaine, Congo, Gabon, Madagascar, Mauritanie, Niger et Sénégal.

* 234 L'intention est la conscience et la volonté d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte. Le mobile tente de justifier sa commission, d'y apporter une raison, un motif. Le mobile n'est pas un élément constitutif de l'infraction. Par contre, il peut influer sur la décision de justice et peut même devenir une circonstance aggravante par décision du législateur.

* 235 Ce romantisme révolutionnaire, imbu des idées qui triomphèrent à la révolution française, et qui a conduit à une considérable libéralisation de la répression des crimes d'Etat






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