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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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Section 1 : LE MAINTIEN DES JURIDICTIONS EXCEPTIONNELLES

Avant la réforme de 1990, seules les juridictions d'exception (tribunal militaire et Haute Cour de Justice) étaient compétentes pour connaître des infractions politiques ; le législateur va décider lors des réformes de reconduire ce particularisme procédural à travers le maintien de la Haute Cour de Justice (par.1er) et la création de la Cour de Sûreté de l'Etat (par.2) qui va largement élaguer la compétence du tribunal militaire en la matière.

Paragraphe 1 : Le maintien de la Haute Cour de Justice

A qui s'étonnerait que nous ne présentions plus la composition et la compétence de la Haute Cour de Justice dans cette subdivision, nous répondrons qu'aucune modification n'a été apportée malgré toutes les réformes entreprises. L'article 53168(*) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 pourrait à ce titre corroborer nos dires.

Toutefois, nous nous proposons ici de faire une étude critique de cette juridiction spéciale devant laquelle une procédure de saisine n'a jamais été enclenchée. Sa radioscopie montre qu'elle est sous l'emprise de l'exécutif qui est pourtant son premier justiciable, ce qui ne pourrait qu'entraver à sa saisine et à la justiciabilité de sa compétence ; ce défaut est dû à l'origine professionnelle des membres de la Haute Cour de Justice (A) et à la prépondérance de l'exécutif (B).

A- LA QUALITE DES MEMBRES FORMANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE

La composition de la Haute Cour de Justice laisse transparaître un doute sur son efficacité réelle. Que ce soit au niveau du siège, du parquet ou du greffe, l'on trouve généralement des fidèles au chef de l'exécutif. Ces magistrats viennent de l'ordre judiciaire (1) et des milieux politiques (2).

1- Les magistrats de l'ordre judiciaire.

La Haute Cour de Justice compte en son sein des magistrats de l'ordre judiciaire. Six des neuf juges titulaires et trois des six juges suppléants membres du siège de la Haute Cour de Justice sont plébiscités parmi les magistrats des différents tribunaux de l'ordre judiciaire par les membres de l'Assemblée Nationale.

Le ministère public près la Haute Cour de Justice est exercé par le procureur Général près la Cour suprême, assisté de l'Avocat Général près la même Cour suprême et le cas échéant, un Avocat Général près d'une Cour d'appel.

La commission d'instruction près la Haute Cour de Justice comprend trois membres dont deux, à l'exception du président de ladite commission, sont désignés par la Cour suprême parmi les magistrats de ladite Cour.

Le greffier en chef de la Cour suprême est de droit greffier de la Haute Cour de Justice.

En cas d'empêchement survenu en cours de session d'un de ces membres de la Haute Cour de Justice, il est pourvu immédiatement au siège vacant par l'élection d'un nouveau membre parmi les suppléants de l'organe qui a procédé au choix précédent.

2- Les juges issus des milieux politiques.

Le président et le vice-président de la Haute Cour de Justice sont élus parmi les neuf juges titulaires dont trois sont membres de l'Assemblée Nationale.

Le président de la commission d'instruction près la Haute Cour de Justice est élu au sein de l'Assemblée Nationale.

Ce qui schématiquement nous donne la procédure suivante : La poursuite ne commence qu'après notification au procureur général (organe nommé par le président de la République) près la Cour suprême de la résolution de l'Assemblée Nationale (députés en majorité fidèles au chef de l'exécutif) mettant en accusation le président de la République. Cette notification est faite par le président de l'Assemblée Nationale ; la résolution de mise en accusation contient les faits reprochés au chef de l'Etat : elle est également notifiée au président de la commission d'instruction (autre fidèle de l'exécutif) qui doit faire tous les actes d'instruction nécessaires à la « recherche de la vérité » et à la mise sous main de justice de l'accusé ; cette commission statuant à la majorité et sans appel.

Les développements précédents montrent que le pôle politique de la Haute Cour de Justice est constitué d'un personnel de l'ordre judiciaire et d'un personnel purement politique. Les magistrats de l'ordre judiciaire sont considérés comme des personnalités manifestement soumises à l'exécutif parce que leurs promotions dépendent de ce dernier. Ils ne sont de ce fait pas indépendants ; leur indépendance suppose l'indépendance vis-à-vis d'eux-mêmes (les passions personnelles et le laxisme étant les obstacles à cette dernière)169(*)et leur autonomie vis-à-vis de l'exécutif tant sur le plan organique que sur le plan matériel et moral.

Sur le plan organique, le judiciaire devrait cesser d'être influencé par l'exécutif ; il est influencé parce que cet exécutif y nomme les juges, les avance et les sanctionne au conseil supérieur de la magistrature170(*). Sur le plan matériel et moral, il est souhaitable que le judiciaire dépende le moins possible de l'exécutif ; ceci suppose qu'il soit, comme l'Assemblée Nationale, doté d'une autonomie financière ; une telle autonomie permet de mieux assurer le traitement des magistrats et le fonctionnement des juridictions ; cela permettra d'éviter de geler171(*) les grades des magistrats lorsqu'ils sont réticents aux sollicitations de l'exécutif172(*). Cela permettra également d'éviter que les victimes du gèle ne cherchent pas à réparer le tort qui leur est causé par les voies de corruption. Pour qu'un Etat ainsi défini soit un Etat de droit173(*), il faut qu'il adjoigne à son judiciaire au moins un barreau indépendant174(*). Malheureusement, bon nombre de pays du tiers-monde se déclarent Etats de droit mais cherchent en même temps à étrangler leur barreau175(*). C'est dire qu'en fait, l'indépendance dont les magistrats judiciaires se targuent si souvent, ne peut se manifester que dans les cas qui ne présentent pas d'intérêt pour l'exécutif. Toute résistance, de leur part, vis-à-vis de l'exécutif, peut compromettre leur avenir malgré leur inamovibilité.

B- LA PREPONDERANCE DE L'EXECUTIF.

L'exécutif peut à travers son pouvoir de remaniement (1) évincer la saisine de la Haute Cour de Justice, ou à travers son pouvoir de nomination (2) rechercher la mansuétude de la procédure.

1- Le pouvoir de remaniement de l'exécutif.

En ce qui concerne les ministres et assimilés, la poursuite est exercée par le procureur général près la Cour suprême dès sa saisine par décret du président de la République. Or, la solidarité du Gouvernement empêche implicitement le chef de l'Etat d'en arriver là : Il a une arme plus facile contre un membre du gouvernement opiniâtre et rebelle : l'éjecter par un simple remaniement ; ce simple acte empêche dès lors la saisine de la Haute Cour de Justice car le ministre ou l'assimilé ayant perdu son statut redevient un citoyen commun, et par voie de conséquence doit répondre de ses actes devant les juridictions de droit commun.

2- Le pouvoir de nomination de l'exécutif.

Le procureur général près la Cour suprême qui intervient intensément à la Haute Cour de Justice est nommé par décret du président de la République. Il n'est donc pas toujours libre de ses actions. Car à tout moment, il peut être remplacé avant le déclenchement de la procédure, laissant place à un autre magistrat plus docile et prêt à satisfaire aux sollicitations de l'exécutif.

En effet, l'exécutif peut y faire varier les débats non seulement par le biais des injonctions adressées aux membres de la Haute Cour ou à certains d'entre eux, mais aussi par des nominations et des suppléances pour empêchements plus ou moins provoqués.

Que dire alors de la Haute Cour de Justice ? Un éminent magistrat pense « qu'il y a lieu de douter de son efficacité réelle. Le président de la République ne peut être mis en accusation que par un vote de l'Assemblée Nationale émis au scrutin secret à la majorité absolue des membres la composant ; ce qui en pratique nous semble difficile à réaliser. L'Assemblée Nationale étant dominée par les députés fidèles (généralement) au chef de l'exécutif, ils sont donc juges et parties176(*) ». Par conséquent, la Haute Cour de Justice nous semble être plus un luxe législatif qu'une structure rassurante quant au rôle qu'elle peut être appelée à jouer dans l'histoire et la vie de l'Etat. Qu'en est-il donc de la Cour de Sûreté de l'Etat ?

* 168 Article 53 de la loi constitutionnelle du 18-01-1996 : « La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par le président de la République, le premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'Administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat »

* 169 Bayona-ba-Meya Kimvimba, Civilisation noire et justice, R.J.P.I.C., 1978, n°3, pp.855 et 856.

* 170 Goudem (J) ; L'organisation juridictionnelle du Cameroun, thèse de troisième cycle en droit privé, université de Yaoundé, 1985, pp. 422-489

* 171Op.cit., pp. 471-484

* 172 Telford (G. P) ; Mise en oeuvre des principes fondamentaux de l'ONU relatifs à la magistrature et adoption du projet de l'ONU sur les principes fondamentaux pour les avocats, Bulletin du CIMA, n°23, 1989, p.79 ; Alfredo Etcheberry, Remarques introductives concernant les pressions et les obstacles à l'indépendance de la magistrature, Bulletin du CIMA, op.cit., pp. 64-68.

* 173 L'Etat de droit est l'Etat qui, étant à la fois esclave et protecteur des droits fondamentaux, tire sa légitimité de son aptitude à les développer, et à s'y soumettre. Pour que cette « mission-soumission » caractéristique de l'Etat de droit soit menée à bien, deux conditions doivent être réunies. Il faut d'une part que l'action des gouvernants soit enserrée dans une hiérarchie des normes et, d'autre part, que les juges soient suffisamment indépendants pour en sanctionner la méconnaissance. Chevallier J., L'Etat de droit, paris, Montchrestien, coll. Clefs-politiques, 2è ed. 1995 ; L'Etat de droit, Mélanges G. Braibant, paris, D., 1996.

* 174 Param Cumaraswamy, L'indépendance de la profession juridique, Bulletin du CIMA, op.cit., pp. 45-63

* 175 F.S. Nariman, L'indépendance de la profession juridique-problème, pressions et atteintes, Bulletin du CIMA, n°23, 1989, p.87. Vers la mort du barreau camerounais, Dossier in Le Messager, n° 191 du 17/07/1990, pp. 7-11.

* 176 Sockeng (R) ; Les institutions judiciaires au Cameroun, 3è ed., mise à jour année 2000, coll. « LEBORD », p.55

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon