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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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Paragraphe 2 : La fragilisation de la protection de l'individu.

Elle se déduit de l'atteinte à la règle du double degré de juridiction (A) et de l'exclusion de la constitution de partie civile (B).

A- L'ATTEINTE A LA REGLE DU DOUBLE DEGRE DE JURIDICTION

Elle n'est pas nouvelle en matière de délinquance politique, car les décisions du tribunal militaire en la matière n'étaient susceptibles d'aucune voie de recours ; cependant, la loi portant création et organisation de la Cour de Sûreté de l'Etat ne revient que partiellement sur cette situation regrettable. Elle interdit l'appel (1), mais autorise le pourvoi en cassation (2).

1- L'interdiction de l'appel.

La loi n°90/060 du 19 décembre 1990 interdit l'appel contre les décisions rendues par la C.S.E. Elle indique que la Cour statue par arrêt en premier et dernier ressort215(*). Et, pour éviter que certains "dérapages"constatés sous l'empire de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 ne se reproduisent216(*), elle insiste sur cette interdiction en prescrivant que toute déclaration d'appel faite au greffe ne peut ni être enregistrée, ni faire l'objet d'une transmission217(*). Cependant, elle se montre moins rigoureuse que l'ordonnance de 1972 dans la mesure où elle permet à la Cour suprême de sanctionner les arrêts de la C.S.E.

2- L'autorisation du pourvoi en cassation.

On aurait pu croire qu'avec l'admission du pourvoi en cassation contre les décisions d'une juridiction statuant sur les atteintes à la sûreté de l'Etat, la répression serait démocratisée dans le domaine. Au fond, il n'en était presque rien, car la Cour suprême était juge du droit et jamais des faits. Pour cela, si le prévenu ou sa défense oubliait de faire apprécier, par la sûreté de l'Etat, des faits de nature à établir son innocence, il ne pouvait plus s'en prévaloir devant la Cour suprême. Celle-ci rejettera sa prétention en soutenant qu'elle n'est pas juge des faits. Le condamné purgera sa peine malgré son innocence qu'une juridiction du second degré aurait pu faire éclater au grand jour.

Cependant, une interrogation subsiste aujourd'hui avec la récente loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour suprême qui fait de cette Cour un troisième degré de juridiction ; c'est-à-dire qu'elle est désormais juge non seulement du droit, mais aussi des faits. Ceci aboutirait à une démocratisation de la répression si le législateur de la Cour de Sûreté de l'Etat ne retombe pas dans l'hérésie en supprimant le pourvoi en cassation auquel sont soumises les décisions rendues par la C.S.E.

Autre remarque déconcertante, c'est l'exclusion de la constitution de partie civile devant la C.S.E.

B- L'EXCLUSION DE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE

Contrairement à l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972218(*) relative au tribunal militaire, les constitutions de partie civile ne sont pas recevables devant la Cour de Sûreté de l'Etat219(*).

La spécificité des faits à réprimer et la gravité des peines à prononcer rendent difficile la mise en mouvement de l'action publique. Regretter que les constitutions de partie civile soient interdites devant la C.S.E. ne revient nullement à se plaindre de ce que la victime ne puisse mettre en mouvement cette action, mais de ce que les réparations civiles n'y soient pas admises. Car au bout du compte, on s'aperçoit que l'interdiction de constitution de partie civile défavorise celle-ci (1), et profite à la société et dans une certaine mesure au délinquant (2).

1- L'exclusion de la constitution de partie civile défavorise celle-ci.

Lorsque l'infraction a entraîné, en plus d'un trouble à l'ordre social un préjudice corporel, matériel ou moral à un citoyen, ce dernier, qui l'a éprouvé, a droit d'en demander réparation en exerçant une action en dommages-intérêts. L'action civile est alors l'activité procédurale exercée par la victime d'une infraction pour faire constater par le juge compétent la réalité du préjudice né de cette infraction, établir la responsabilité du délinquant dans la production du préjudice et obtenir indemnisation ou les restitutions nécessaires.

Bien qu'elles aient comme cible l'Etat, les infractions contre la sûreté de l'Etat peuvent, par ricochet, faire des victimes privées. Ces dernières ont le droit d'être indemnisées. Malheureusement, ce droit est refusé aux victimes de l'infraction par l'article 10 de la loi n°90/060 aux termes duquel : « les constitutions de partie civile ne sont pas recevables devant la Cour de Sûreté de l'Etat ».

Ce texte marque incontestablement, une régression par rapport au droit antérieur, et rompt l'égalité devant la loi entre les victimes d'infractions pénales.

L'interdiction des constitutions de partie civile est par elle-même la reconnaissance de la possibilité pour une personne de subir un préjudice du fait des atteintes à la sûreté de l'Etat, car on ne peut interdire que ce qui est possible ou existe.

Le tort que l'interdiction cause à la partie civile ressort mieux quand on examine les avantages que la société et paradoxalement les délinquants tirent de cette mesure.

2- L'exclusion de constitution de partie civile profite à la société et au délinquant220(*)

L'interdiction de constitution de partie civile a créé un déséquilibre entre la sauvegarde des intérêts du délinquant et celle des intérêts de la partie civile, surtout lorsque le délinquant en est sorti indemne c'est-à-dire sans condamnation. La condamnation d'un délinquant à la réparation du préjudice subi par la partie civile renforcerait le caractère affligeant de la peine. Par contre, interdire les constitutions de partie civile devant la C.S.E revient à dispenser les auteurs des atteintes à la sûreté de l'Etat de cette peine complémentaire221(*).

La mesure cause un double tort à la partie civile. Tout d'abord, au cas où le délinquant est condamné à une peine d'amende, la société risque de l'expolier avant que la victime n'ait saisi le juge civil ou n'ait eu gain de cause devant celui-ci ; d'ailleurs elle ne l'aura presque jamais avant la décision de la cour de sûreté de l'Etat parce que le criminel tient le civil en état. Si le délinquant est condamné à la peine capitale, les chances de la partie civile sur la réparation du préjudice qu'elle a subi se réduisent davantage. Ensuite, à l'égard de la partie civile, la société est fautive pour n'avoir pas tenu son engagement ; elle s'est engagée à garantir la sécurité Publique et a failli à son devoir. C'est cette défaillance qui est à l'origine du tort qu'elle refuse de faire apprécier devant la cour.222(*)

Le profit que le délinquant tire de l'interdiction n'a pas été recherché par le législateur ; il n'est que l'effet pervers de l'interdiction. En outre, le législateur ne semble pas s'être particulièrement intéressé à la condition du délinquant. Pourtant, les procédures pénales modernes cherchent à substituer aux châtiments purement rétributifs des sanctions favorables à la réhabilitation ultérieure des délinquants.223(*) Ce qui suppose que les juges s'efforcent, préalablement à sa condamnation, à le connaître. Or ceux de la C.S.E doivent, selon la loi, être très pressés, le but que le législateur a visé dans la loi étant la rapidité de la répression, la protection des institutions nationales contre "les démons " de l'irrédentisme et des forces "centrifuges"224(*)

L'histoire tend à démontrer que les constitutions de partie civile sont interdites devant les juridictions répressives d'exception appelées à connaître des infractions contre la sûreté de l'Etat chaque fois que le Cameroun se prépare à affronter des difficultés politiques. Elle a été interdite, pour la première fois, lorsque le régime au pouvoir à l'époque se préparait à unifier les parties politiques,225(*) lorsque le Cameroun rêvait de son unification. Le parti unique constitué le 1er septembre 1966 et le Cameroun uni le 20 Mai 1972, les constitutions de partie civile ont été de nouveau autorisées le 26 Août 1972. Elles ont été une fois de plus interdites le 19 décembre 1990.

Le parquet général de la C.S.E n'a été saisi qu'une seule fois depuis la création de celle-ci jusqu'aujourd'hui ; la raison de cela est que l'exécutif aurait estimé que les procès politiques, pendant cette période226(*), créeraient plus de problèmes qu'ils n'en résoudraient, car ce ne sont pas les infractions politiques qui manquent ; aujourd'hui les infractions de bandes armées sont légion dans le pays, et pourtant elles sont jugées devant les juridictions ordinaires et assimilées aux infractions de droit commun.

* 215 Art.8 (1), loi n°90/060.

* 216 Certaines cours d'appel avaient admis l'appel, en dépit de l'interdiction de recours clairement prévue par l'ordonnance de 1972.

* 217 Art.9, loi n°90/060.

* 218 Art.17, ord. n°72/5

* 219 Art.10, loi n°90/060.

* 220 Juridis info n°19, juillet-août- septembre 1994, point de vue III.3- La Cour de Sûreté de l'Etat (Etude critique de la loi n°90/060 du 19 décembre 1990), pp.70-71, Jules Goudem.

* 221 Légal (A) ; Les garanties d'indemnisation de la victime d'une infraction, in les problèmes contemporains de la procédure pénale, SIREY, 1964, p.36.

* 222 Idem ; P.35

* 223 Ancel M., la césure du procès pénal, in les problèmes contemporains de procédure pénale, Paris, Sirey, 1964, P. 44.

* 224 Biya (P) ; pour le libéralisme Communautaire, Pierre Marcel Favre/ABC, Suisse, 1986, P. 44

* 225 En 1961

* 226 Le pays a connu une longue période de violence bilatérale, d'inégale intensité, émaillée de "villes mortes", de "pieds morts", de "désobéissance civique", d'"incivisme fiscal", d'arrestations, d'état d'urgence...

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