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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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Paragraphe II : La reconnaissance d'un droit d'asile et l'exclusion de

l'extradition en criminalité politique.

Il s'agit de deux mesures qui sans nul doute rehaussent les intérêts pratiques de la particularité de l'infraction politique, donc de son régime. En effet, la plupart des pays du monde ont reconnu un droit d'asile politique (B) et exclu de l'extradition des faits s'inscrivant dans un contexte politique (A).

A- LE REFUS D'EXTRADITION DES DELINQUANTS POLITIQUES.

L'extradition est le mécanisme juridique par lequel un Etat (l'Etat requis) sur le territoire duquel se trouve un individu remet ce dernier à un autre Etat (Etat requérant) afin qu'il le juge (extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine (extradition à fin d'exécution). L'extradition reflète l'esprit de coopération entre les divers Etats du monde.

Elle se distingue

§ De l'expulsion qui intervient pour des raisons (souvent administratives) internes à l'Etat qui expulse.

§ Du refoulement qui consiste à refuser à un individu d'entrer à la frontière.

§ Du rapatriement qui se situe dans un contexte non pénal.

§ Du transfert qui est une notion issue du statut du tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaires commises sur le territoire de l'ex Yougoslavie depuis 1991 ou autres ; il s'agit de transférer au tribunal une personne poursuivie initialement par une juridiction nationale, en vertu du principe de la primauté du tribunal sur les juridictions nationales pour la poursuite des crimes entrant dans sa compétence.


·
  De la remise telle que développée par l'union européenne dans le cadre du mandat d'arrêt européen, qui vise à supprimer les procédures formelles de l'extradition en adoptant le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales.

L'extradition suppose un acte de poursuite à l'encontre d'un individu ; s'il est simplement recherché pour être entendu comme témoin, la question doit être réglée par une commission rogatoire et non par l'extradition.

Elle est régie au Cameroun par la loi n°64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l'extradition qui en son article 11 in fine exclut l'extradition lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est demandée dans un but politique. Cette exclusion date dans le cadre international de la loi française du 10 mars 192750(*) : « l'extradition n'est pas accordée lorsque le crime ou délit a un caractère politique ». Cette position sera confortée davantage par de nombreuses autres dispositions nationales qu'internationales. Après avoir présenté la notion d'infraction politique en droit extraditionnel (1), nous évoquerons l'exclusion de l'extradition pour des faits s'inscrivant dans un contexte politique lato sensu (2).

1- La notion d'infraction politique en droit extraditionnel

L'infraction politique susceptible de fonder le refus de l'extradition est non seulement l'infraction objectivement politique (a), mais aussi subjectivement politique (b).

a- L'infraction objectivement politique

Elle est encore appelée infraction politique par nature. Dans cette catégorie, rentrent toutes les atteintes à la sûreté de l'Etat ou plus largement toutes les infractions qui portent atteinte à l'ordre politique, qui sont dirigées contre la constitution, contre le Gouvernement et la souveraineté, et qui troublent l'ordre établi par les lois fondamentales de l'Etat et de la distribution des pouvoirs.

b- Les infractions subjectivement politiques

La qualification politique de l'infraction découle ici du mobile qui anime le délinquant. Il y a lieu de distinguer toujours l'infraction connexe, de l'infraction complexe.

L'infraction connexe à une infraction politique est celle qui est commise pour préparer une infraction politique, l'exécuter, en assurer le profit ou l'impunité. C'est aussi l'infraction commise en vue de s'opposer à la perpétration d'une infraction politique. Toutes les conventions conclues par le Cameroun excluent l'extradition pour ce type d'infraction51(*)

La question de l'infraction complexe est plus délicate et retient beaucoup d'attention. L'idée générale est que cette infraction se voit presque systématiquement refuser la qualification de politique. L'infraction complexe est celle dont l'auteur est animé par la passion politique mais qui porte atteinte à des intérêts privés. Suivant une clause de style, ces infractions « par leur nature et quels qu'en aient été les motifs, constituent des infractions de droit commun »52(*). En droit extraditionnel camerounais, une restriction est apportée à la conception subjective de l'infraction politique par le biais de la clause d'attentat ou « clause belge », dont on a dit qu'elle « avait grignoté progressivement le domaine de l'immunité des infractions politiques en matière d'extradition »53(*). Cette clause dénie la qualification de politique au meurtre du souverain étranger, à l'attentat à la vie du chef d'Etat54(*) ou d'un membre de sa famille. De même, et de manière extensive, ne sont pas considérés comme infraction politique, des attentats à la vie des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents diplomatiques55(*). Des coups et blessures volontaires restent des infractions de droit commun s'ils atteignent des agents de la force publique. Sont identiquement qualifiés, les actes de terrorisme.

Ainsi, à l'exception de l'infraction complexe, il est admis dans la quasi-totalité des Etats d'exclure le délinquant politique de toute extradition.

2- L'exclusion de l'extradition pour des faits s'inscrivant dans un contexte politique lato sensu

Deux situations doivent être soigneusement distinguées à savoir d'une part celle tenant à la criminalité politique au sens strict (a), et d'autre part celle de l'individu qui officiellement réclamé pour une infraction de droit commun, ne l'est que pour des raisons politiques inavouées, la prise en considération de l'élément idéologique entraîne parfois aussi le refus d'extradition (b).

a- L'exclusion de l'extradition de l'infraction politique stricto sensu.

La loi de 1964 n'énonce pas clairement la non extradition s'agissant des infractions politiques alors que ce principe est clairement prévu par la loi française de 1927. Néanmoins, une lecture profonde de cette loi camerounaise permet en se fondant sur deux arguments, l'un a contrario, l'autre a fortiori de conclure à l'exclusion de l'extradition en matière d'infraction politique.

Le premier argument, a contrario, découle du fait que « l'infraction servant de base à la demande d'extradition doit être une infraction de droit commun56(*) ». Ce qui signifie a contrario que les infractions qui ne sont pas de droit commun à l'exemple de l'infraction politique échappent à l'extradition.

Quant au second argument, a fortiori, il découle de deux textes : le premier, l'article 111, exclut l'extradition lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est demandée dans un but politique. Si donc l'extradition doit être refusée lorsqu'elle est demandée dans un but politique, à plus forte raison doit-elle l'être lorsqu'il s'agit d'une infraction politique. Le second texte, l'article 98(1) de la loi de 1964 qui parle du transit dispose que « le transit sur un aéronef camerounais d'un individu quelconque extradé par un Etat tiers à un autre Etat tiers peut être autorisé par le ministre des affaires étrangères sur simple demande par voie diplomatique assortie de pièces justifiant qu'il ne s'agit ni d'une infraction politique, ni d'une infraction purement militaire ». Si donc la loi camerounaise refuse qu'on traverse son territoire avec un délinquant politique, il est logique qu'elle proscrive de manière manifeste l'extradition en matière politique ; précision apportée par l'article 643(1)a) du CPP : sont « considérés comme infractions politiques et ne peuvent justifier l'extradition, les crimes ou délits dirigés contre la constitution, la souveraineté d'un Etat ou les pouvoirs publics ».

Il faut cependant souligner que si l'exclusion d'extradition en matière politique ne fait pas de doute, cette exclusion n'a pas toujours un caractère absolu57(*) car les juges se montrent plus libéraux lorsque l'extradition suscite la prise en considération d'éléments idéologiques.

b- La prise en compte de l'élément idéologique pour le refus de l'extradition

La divergence des systèmes idéologiques influence largement les rapports d'extradition entre Etats. Pour apprécier le caractère politique d'une infraction commise à l'étranger, les chambres d'accusation, chargées de donner leur avis sur les demandes d'extradition formées par les Etats étrangers, ont tendance à conférer au critère subjectif une place qui ne lui est pas reconnue dans le domaine interne. Ainsi, de nombreuses extraditions ont été refusées pour des infractions de droit commun en raison « des buts poursuivis et des intentions exprimées par les coupables » ou du contexte politique de l'infraction.

Toutefois, cette tendance est de plus en plus contrariée. La jurisprudence refuse de reconnaître un caractère politique aux infractions de droit commun lorsqu'elles excèdent un certain seuil de gravité. En réalité, il paraît logique, lorsqu'une infraction de droit commun a été commise à l'étranger pour des mobiles politiques, d'apprécier la qualification à retenir en considérant tout à la fois la gravité intrinsèque de l'acte et les pratiques politiques de l'Etat requérant. Ainsi, un même type d'infraction connexe ou complexe, inspiré par des mobiles politiques peut être reconnu comme une infraction politique faisant obstacle à l'extradition s'il est commis dans un Etat méprisant les droits et libertés des citoyens, et aboutir à l'octroi d'un droit d'asile politique au délinquant. Il doit en revanche être traité comme une infraction de droit commun s'il a été perpétré dans un pays tolérant la libre expression des idées.

B- LA RECONNAISSANCE D'UN DROIT D'ASILE POLITIQUE.

Après avoir défini le droit d'asile afin de cerner ses contours (1), nous ressortirons les conditions requises pour l'obtention d'un droit d'asile politique (2).

1- Définition du droit d'asile politique

Le droit d'asile (ou asile politique) est une ancienne notion juridique, selon laquelle une personne persécutée pour ses opinions politiques ou ses croyances religieuses dans son pays peut être protégée par une autre autorité souveraine, un pays étranger, ou des autorités religieuses. L'asile politique ne doit pas être confondu avec le droit des réfugiés politiques, qui concerne des flux importants de population, tandis que le droit d'asile concerne des individus, et est généralement délivré au cas par cas. Toutefois, les deux notions peuvent se rejoindre, comme chaque réfugié peut demander à titre individuel l'asile politique.

Ce droit trouve ses origines dans une longue tradition occidentale, mais il avait déjà été reconnu par la civilisation égyptienne, grecque et hébraïque, sous des formes différentes.

Cependant, le développement des traités d'extradition durant le XXe siècle a remis en cause le droit d'asile, bien que le droit international considère qu'un Etat n'a aucune obligation de remettre des criminels allégués à un Etat étranger : il s'agit là d'une conséquence de la souveraineté de chaque Etat, qui veut que chacun ait une autorité juridique sur les personnes sur son territoire.

Le législateur français a prévu un droit d'asile politique en ces termes : « Tout homme persécuté à raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». On comparera, certes, cette rédaction mesurée à celle utilisée naguère par l'article 120 de la constitution française de 1793 « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » ; certains pourront regretter que l'on ait restreint le droit d'asile à ceux qui font- ou ont fait - en faveur de la liberté, ce qui est vague. Il eût été préférable que pussent bénéficier de ce droit tous ceux qui sont victimes d'une injustice58(*).

Il semble que la France ait faite sienne une conception ouverte du droit d'asile si l'on en juge par le nombre de personnes au Cameroun en particulier qui ont demandé à s'en voir accorder le bénéfice... mais diverses restrictions sont apportées à l'entrée de certains étrangers qui, fuyant leur pays pour des raisons économiques, demandent à bénéficier des avantages du statut de réfugié politique. Il est bien évident qu'au risque de voir mourir cette autre particularité de l'infraction politique, des dispositions doivent être prises afin de ne pas détourner le droit d'asile de sa destination première.

2- Les conditions d'obtention du droit d'asile politique

S'agissant plus particulièrement de l'asile politique, des conditions précises pour son obtention ont été prévues. Il faut distinguer 2 cas :

a- en cas d'opinions politiques exprimées dans votre pays d'origine :

Il peut s'agir d'engagement politique, quelle qu'en soit la forme : distribution de tracts, collage d'affiches, organisation de manifestations, discours... La seule participation à une manifestation ou l'appartenance à un syndicat autorisé ne suffisent pas à prouver des opinions politiques justifiant des craintes de persécution. Par contre l'appartenance au pouvoir politique déchu peut suffire. Il faut en outre que les autorités de votre pays aient connaissance de vos agissements et ne les tolèrent pas.

b- En cas d'opinions politiques exprimées sur le territoire français : On admet les réfugiés sur place, c'est-à-dire les étrangers qui, présents en France lors d'un changement de régime dans leurs pays d'origine, encourent des persécutions en cas de retour dans ce pays pour les opinions qu'ils auront fait connaître contre le nouveau régime.

Mais il faut réunir 2 conditions :

- vous devez avoir mené une action ayant pour objet de dénoncer les agissements des autorités de votre pays (grève de la faim, manifestations,...).

Elle ne doit pas être dirigée contre la politique de la France, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas avoir pour but de faire pression sur les autorités françaises pour faire infléchir leur politique59(*).

- La seconde condition est la nécessité que cette action soit connue des autorités de votre pays d'origine et que votre identification soit possible.

On voit donc, en définitive, la grande difficulté de donner une réponse satisfaisante, sur le plan du droit strict, aux problèmes que pose l'identification des infractions politiques. Si les doctrine et jurisprudence ont paru louvoyer en ce qui concerne la définition et les caractéristiques véritables à retenir, La part d'arbitraire demeure davantage en ce qui a trait à la répression.

CHAPITRE II: LA REPRESSION DE L'INFRACTION

POLITIQUE : LE PARTICULARISME

PROCEDURAL D'ANTAN

La répression est une des armes que s'est réservé le pouvoir pour répondre à certaines formes d'attaques contre les intérêts dont il assure la charge et contre sa propre organisation. Avant la réforme pénale de décembre 1990, la justice était rendue en matière de criminalité politique sur toute l'étendue du territoire national, au nom du peuple camerounais, par des juridictions exceptionnelles (sect. 1er). Ce régime emportait manifestement de nombreuses critiques (sect. 2e), car il y avait des abus. Les établissements de détention politiques étaient de véritables lieux de géhenne, à l'instar du CRC60(*) de Tcholléré. Le détenu politique, comme c'est souvent le cas dans les régimes autoritaires, était gardé comme un individu dangereux qu'il fallait éliminer.

* 50 V° article 5,2° loi du 10 mars 1927 réglant les conditions et les effets de l'extradition.

* 51 Qu'il s'agisse de la convention générale de coopération en matière de justice avec la République du Mali (ratifiée le 15 juillet 1964), de l'accord de coopération de justice avec la France (ratifié le 29 juin 1974) ou de l'accord de coopération avec l'ex-zaÏre (ratifié le 23 juin 1977).

* 52 Sur la question, voir J. Pradel et A. Varinard, n° 27.

* 53 Vitu (A.) : Le meurtre politique en droit international et extraditionnel, étude figurant dans les « Mélanges offerts à Georges Levasseur » édt. Gazette du palais - Litec, Paris 1992.

* 54 Cass. Crim. 20 août 1932 (Gazette du palais, 1932, II, 431) Affaire Gorguloff.

* 55 Article 1er de la convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977.

* 56 Article 118(2) al.2, loi n° 64/LF/13 du 26 juin 1964 fixant le régime de l'extradition au Cameroun.

* 57 La convention de Tananarive et la convention camerouno-malienne respectivement aux articles 44 et 42 se contentent d'accorder à l'Etat requis la faculté de refuser l'extradition. Ce qui n'est pas le cas de la loi de 1964 tout comme les conventions franco-camerounaise et congolo-camerounaise qui posent une exclusion absolue de l'extradition.

* 58 Jacque Robert ; Jean Duffar : Droits de l'homme et Libertés Fondamentales, 7e édt. Montchrestien, p.59.

* 59 Ainsi, des demandes d'asile de Kurdes ayant réagi contre des exactions en Turquie, ont parfois été rejetées au motif que leur action avait pour but que les autorités françaises infléchissent leur politique à l'égard de la Turquie.

* 60 Centre de réimprégnation civique.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite