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Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray

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par Rania Kassir
Universite Libanaise - DEA 2008
  

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A. L'invention du christianisme officiel :

Pour Michel Onfray, l'invention du christianisme ressort de trois personnages essentiels : Jésus le personnage conceptuel283(*), Paul l'hystérique et Constantin le cynique.284(*)

A.1 Jésus, le personnage conceptuel :

Si les croyants répètent depuis longtemps qu' « au commencement était le logos », Onfray vient de son côté mettre en cause la vérité de cette idée. Il avance, au contraire qu'au commencement était le mythe : le mythe de Jésus.285(*) Pour lui donc, Jésus est une simple construction tout comme le Feu d'Héraclite, l'Amitié d'Empédocle, l'Idée platonicienne et le Zarathoustra de Nietzsche.

L'hypothèse Jésus est un personnage historique n'a pas pu être étayée selon Onfray par aucune preuve.

Jésus issu d'une famille originaire de Nazareth ?

Et Onfray répond : Nazareth est un village qui n'existe qu'au IIe siècle c'est-à-dire après le supposé Jésus.

Les quatre évangélistes qui écrivent la vie et l'enseignement de Jésus ?

Aucun d'eux n'a connu personnellement Jésus. De même, leurs arguments en faveur de certaines idées rapportées divergent radicalement. A titre d'exemple, Jean disait que le titulus du Crucifié se situe sur le bois de la croix au dessus de la tête, Luc trouvait qu'il est autour du cou, alors que Marc refusait de trancher. Autres contradictions pointées : Jean rapportait que Jésus porte sa croix seul alors que les autres évangélistes disaient que Simon de Cyrène l'aidait...

Autres preuves : la crucifixion ?

Celle-ci concerne exclusivement ceux qui mettent en péril l'Empire. Or ce ne fut pas le cas avec Jésus. Et même si Jésus a été considéré comme le Roi des juifs, cela n'inquiète pas Rome car elle se moque des histoires de messianisme et de prophétisme. De surcroît, si Jésus avait existé, il doit être lapidé et non crucifié car à l'époque on menaçait les Juifs par la lapidation. S'il a donc existé il doit être lapidé. Admettons la crucifixion, le Crucifié à l'époque est jeté dans une fosse commune et aucunement mise au tombeau.

Et le tombeau, le suaire et le titulus découverts ? Ces choses sont forgées en 325 par Sainte Hélène, la mère de Constantin. Onfray apporte la preuve du suaire qui au dire de Sainte Hélène a recouvert jadis le corps du Crucifié. Or disait Onfray la datation de ce linge au carbone 14 prouve qu'il fait partie du XIIIe siècle de notre ère.

Enfin, le cas Ponce Pilate ? Ponce Pilate ne pouvait communiquer avec Jésus car le premier parlait le latin alors que le second l'araméen. Ajoutons qu'il est peu probable qu'un haut fonctionnaire romain comme Pilate ait accepté de parler avec un petit gibier. De même, Pilate ne pouvait être cet homme doux dont parlaient les évangélistes excepté que si la légende voulait fabriquer un christianisme abhorrant les juifs responsables de la mort de Jésus.

En démontrant la fausseté de chacune de ces preuves qui ont traversé les siècles, Michel Onfray réussit à battre en brèche l'hypothèse de l'existence historique de Jésus.

Pourtant, on se demande si Jésus était une construction, comme prétendait Onfray, pourquoi a-t-il continué d'exister dans le temps ? Pour quelle raison ce mythe ne s'estompe-t-il pas comme les Annales de Tacite, l'Ulysse d'Homère, l'Encolpe de Pétrone ? Pour Onfray le mythe de Jésus s'est incrusté grâce à l'hystérie de Paul et au cynisme de Constantin.

A.2 Paul, l'histérique :

En ce qui concerne Paul286(*), celui-ci était aux yeux d'Onfray un véritable hystérique. Néanmoins, sa névrose ne s'est apparue clairement qu'après sa conversion en 34 sur le chemin de Damas.

Comme il est bien connu, Paul de Tarse était à l'origine un défenseur zélateur du judaïsme. Il persécutait les chrétiens et participait à la lapidation de Saint-Étienne. Toutefois, envoyé un jour à Damas pour persécuter les premiers chrétiens, il voit le Christ en apparition. Suite à cet évènement, il décida de se convertir au christianisme.287(*) Cette scène a été mal assimilée par Onfray. Il y voit une légende fabriquée inconsciemment par Paul pour permettre au mythe du Christ et au christianisme de s'imposer aussi longtemps. A ce titre Onfray vient repérer les symptômes hystériques de cet homme.

- L'histrionisme : Paul est jeté à terre devant le public lorsqu'il a vu une lumière intense.

- L'Amaurose transitoire : Cette lumière l'aveugla pendant trois jours.

- Hallucinations sensorielles/ tendance mythomaniaques : Paul de Tarse hallucine. Il entend la voix de Jésus sans qu'aucune cause réelle la déclenche.

- Agueusie, anosmie : il est incapable de manger et de boire pendant trois jours.

- Mythomanie, encore : il reprend sa vue après que l'envoyé de Jésus Amanie impose ses mains sur lui.

- Exhibitionnisme moral : Paul de Tarse commence sa tâche de missionnaire dans le bassin méditerranéen.

En somme, conclut Onfray : « toute cette crise ressemble à s'y méprendre à l'illustration d'un manuel de psychiatrie, chapitre des névroses, section des hystéries... Voilà une véritable hystérie ...de conversion ! » 288(*)

En parlant du dernier symptôme, Onfray nous fait remarquer que le névrosé ne peut vivre avec sa pathologie qu'en taillant un monde à son image. Il lui est difficile de se comporter comme tout le monde. C'est pourquoi il demande à toute l'humanité de le singer. On assiste, dès lors, à la naissance d'un christianisme qui ne diffère jamais du platonisme de l 'Antiquité puisqu'il l'égale dans la vénération de la pulsion de mort.

Nous poursuivons. Paul l'hystérique ne peut jouir d'une libido normale car, comme disait Onfray, celui qui est atteint d'une hystérie a une puissance sexuelle quasi nulle et une tendance à voir le sexe partout très grande. Cette incapacité sexuelle s'accompagne d'une haine des femmes et d'une généralisation de son état à tout le monde.289(*) De même, l'hystérique ne peut jubiler dans l'affirmation. C'est un être masochiste qui met au point une haine de soi généralisée. Cette haine de soi se manifeste dans son éloge de la mortification. Paul se réjouit de faire le bilan de ses souffrances : cinq flagellations (trente-neuf coups chaque fois), trois étrillages aux verges, une lapidation, deux années de prison, le manque d'eau, de nourriture...290(*) Elle se manifeste également dans l'éloge de l'esclavage. Paul pose la nécessité de se plier aux ordres de l'empereur, des magistrats et des fonctionnaires romains, même s'ils nous humilient et nous appauvrissent car pour lui tout pouvoir vient de Dieu291(*).

Ces citations repérées prouvent que pour Paul de Tarse cette vie ici-bas avec ses jubilations compte pour rien. Ce qui l'intéresse c'est surtout le chemin qui mène à l'autre vie. Onfray ajoute que l'effet paulinien a été fructueux puisque tout le monde chrétien a été contaminé par cette pathologie.

Nous posons brièvement quelques principes du christianisme, ce qui nous aidera de même à les comparer avec ceux du platonisme :

Les Pères de l'Eglise déclarent le corps pécheur et la sexualité réprouvée. Dans L'Art de jouir, Onfray parle d'Origène qui s'est sectionné les génitoires pour devenir plus proche de Dieu, de Saint Augustin qui s'est converti au christianisme après des années de débauche, et de Saint Abélard qui s'est réjoui, après que l'oncle d'Héloïse (son amante) l'a châtré : on assiste à la revitalisation de l'anti-hédonisme platonicien.292(*)

Dans le même ordre d'idées, Onfray écrit dans Les vertus de la foudre : « Nicolas fouetté, Thomas percé par des lances, Sébastien traversé par des flèches, Jean-Baptiste, Julienne et tant d'autres décapités (...) »293(*) : on assiste ici à la revitalisation du Socrate de Platon qui a bu la ciguë.

Pour Saint Augustin, la connaissance se trouve uniquement du côté de l'âme alors que le corps est trompeur : c'est la réhabilitation de l'antisensualisme platonicien.

De même pour tous les Pères de l'Eglise l'autre vie nous permet de rencontrer Dieu : c'est l' « espoir » de Platon.

Ceci étant, Michel Onfray vient confirmer que le christianisme est un prolongement du platonisme.294(*) D'ailleurs, les Pères de l'Eglise eux-mêmes n'ont-ils pas dit que Platon avait l'intuition du Verbe ?

Pour autant, l'hystérie de Paul qui calque l'image du christianisme sur celle du platonisme n'a pas pu s'imposer sans la voie du régime totalitaire ouverte par Constantin et achevée par ses successeurs qui réalisent un Etat totalitaire chrétien. Avec ces dictateurs, les chrétiens peuvent désormais dormir en paix.

A.3 Constantin, le cynique :

Par rapport à Constantin295(*), cet habile stratège avait pour désir l'unification de l'Empire et l'obéissance passive du peuple. Pour atteindre le but fixé, il va inventer un signe : c'est le signe de la croix. Mais à l'encontre de Paul de Tarse, Constantin est vu par l'oeil de Michel Onfray comme un cynique plutôt qu'un hystérique. Onfray se demandait alors : « croyait-il vraiment au pouvoir du signe christique ? Ou l'a-t-il habilement utilisé et mis en scène à des fins opportunistes ? »296(*). Peu importe, la fin est connue : on assiste au triomphe du christianisme dans tout l'Empire.

Revenons au signe. Constantin assure avoir vu dans le ciel un signe lumineux christique297(*). Ce signe lui annonçait qu'il triompha et emporta son ennemi Maxence. Le même Jésus, au dire de Constantin, lui apparaît la nuit suivante en songe pour confirmer la chose vue. Ce signe mal interprété va être exploité 298(*) par Constantin pour réaliser ses fins politiques.

Pour ce faire, il se voit obligé de réaliser simultanément les fins du christianisme. Il est donc conscient que l'unification politique de l'Empire passe par l'unification religieuse et vice versa. A ce propos, il met en oeuvre des mesures qui favorisent la propagation du christianisme. Comme Constantin prétendait avoir été appelé par le Christ pour gouverner l'Empire, il réussit alors à soumettre tout le peuple à son autorité, à lui faire consentir sans répugnance à la misère et à la pauvreté. Ceci va également avec l'invite paulinienne.

De même, pour unifier son Empire, il joint à la loi romaine des textes qui conviennent aux chrétiens. Il bâtit la basilique Saint-Pierre. Il dispense les propriétés foncières ecclésiastiques des impôts. Il subventionne l'Eglise Saint-Paul et Saint-Laurent. En plus, il enjoint sa mère Hélène de partir en Palestine où elle prétendait avoir trouvé des reliques du Crucifié : la croix et son titulus. Celle-ci se sert des dépenses versées par son fils pour bâtir trois églises : le Saint-sépulcre, le Jardin des oliviers et la Nativité qui abritent aujourd'hui ces reliques inventées.

Ce souci de diffuser le christianisme va être complété par les successeurs de Constantin qui réalisent ce que Michel Onfray appelle « le devenir persécuteur des persécutés 299(*)». Onfray écrit : « ce qui définit aujourd'hui les régimes totalitaires correspond point par point à l'Etat chrétien tel que le fabriquent les successeurs de Constantin : l'usage de la contrainte, les persécutions, les tortures, les actes de vandalisme, la destruction des bibliothèques et de lieux symboliques (...). L'omniprésence de la propagande (..) le remodelage de toute société selon les principes de l'idéologie de gouvernement, l'extermination des opposants. » 300(*)

C'est en 380 que Théodose vient réaliser ce qui a été préparé par Constantin : le christianisme est désormais religion d'Etat. Peu d'années après cette déclaration, on défend les non chrétiens de pratiquer leur culte.

Toute restriction sera sévèrement condamnable.

Telle est l'orientation fondamentale du christianisme officiel : une pulsion de mort réhabilitée (de Platon) et un Etat totalitaire imposé par la force. En revers de ce christianisme, nous trouvons un christianisme hédoniste qui regroupe des penseurs rétifs à la pulsion de mort : les gnostiques licencieux, les frères et soeurs du Libre-Esprit et le christianisme épicurien. Ces penseurs sont chrétiens, certes, mais ils sont de même hétérodoxes. Hétérodoxes parce que hédonistes. D'où la dénomination suivante : le « christianisme hédoniste ». Ces amateurs de la vie vont subir la colère chrétienne car le christianisme, comme on l'a vu, s'est imposé comme un régime totalitaire.

Nous allons au fil des pages suivantes examiner ces deux points.

* 283 La notion du personnage conceptuel a été créée par Gilles Deleuze. Elle désigne des personnages fictifs, créés par certains penseurs, pour véhiculer un contenu précis.

Le Zarathoustra de Nietzsche et le Socrate de Platon sont des exemples de personnages conceptuels.

Voir à ce sujet le livre suivant: Gilles DELEUZE, Qu'est ce que la philosophie?, en collaboration avec Félix Guattari, les éditions de Minuit (coll «critique»), Paris, 1991.

* 284 Cf. Traité d'athéologie, op.cit., pp.157-199.

Le cynique ici a le sens d'opportuniste et n'a rien à voir avec les cyniques grecs.

* 285 Ibid., pp.157-174.(la construction de Jésus)

Voir aussi le séminaire de Michel Onfray qui a eu lieu le mardi 4 novembre 2003 sur le site officiel de Michel Onfray

* 286 Ibid., pp.175-185 (la contamination paulinienne)

Voir également le séminaire de Michel Onfray du mardi 18 novembre (l'invention du christianisme) sur le site officiel de Michel Onfray

* 287 L'histoire de sa conversion est raconté dans (Act IX, 3-9) et ( Ga I ,17)

* 288 Traité d'athéologie, op.cit., p.176.

* 289 Pour appuyer les propos de Michel Onfray sur cet hystérique sexiste nous avons dégagé des extraits de ses lettres aux Corinthiens.

Nous lisons : « en réalité, je préférais que tout le monde soit célibataire comme moi (...).mais si vous ne pouvez pas vous maîtriser, mariez-vous : il vaut mieux se marier que de brûler de désir. » (1 Cor. VII, 7-9).

Ensuite : « il faut que les femmes gardent le silence dans les assemblées : il ne leur est permis d'y parler. Comme le dit la loi de Dieu, elles doivent être soumises. Si elles désirent un renseignement, qu'elles interrogent leur mari à la maison. Il n'est convenable pour une femme de parler dans une assemblée. » (1 Cor XIV, 34).

De même, « cependant, je veux que vous compreniez ceci : le Christ est le chef de tout homme, le mari est le chef de sa femme, et Dieu est le chef du Christ. »

* 290 Onfray repère ces déclarations de la première et de la deuxième épître aux Corinthiens : « je me complais dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions, les angoisses pour le Christ ! Car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort. » (2 Cor XII, 2-10). Et « je meurtris mon corps et le traîne en esclavage » (1 Cor. IX, 27)

* 291 Voir St Paul ( Rom.XIII, 1-2)

* 292 Cf. L'Art de jouir, op.cit., p.141 ; p.142 ; p.156 ; p.157, pp.200-204

* 293 Cf. Les vertus de la foudre, op.cit, p.414

* 294 Cette idée a été certifiée avant par Nietzsche qui dans l'Avant-propos de son ouvrage Par delà le bien et le mal a écrit : « le christianisme est du platonisme à l'usage du peuple. »( Nietzsche, Par delà le bien et le mal, Mercure de France, 1963, p.8)

Dans le même sens, il trouve dans le Crépuscule des idoles (chapitre : ce que je dois aux anciens, § 2, p.145) que Platon est « si pré-chrétien »

* 295 Cf. Traité d'athéologie, op.cit, pp.187-199 (l'Etat totalitaire chrétien)

Voir aussi le même séminaire qui traite de Paul de Tarse

* 296 Ibid., p.189

* 297 C'est-à-dire composé de deux lettres grecques Khi (X) ET Rhô (P) ; les premières lettres du mot christ. C.f wikipedia...

* 298 Onfray fait sien l'hypothèse des scientifiques contemporains ultras-rationalistes selon laquelle ce signe est une configuration des planètes Mars, Jupiter et Vénus le 10 octobre 312 c'est-à-dire dix-huit jours avant la victoire de Constantin. Astronomie contre astrologie.

* 299 Ibid., p.193

* 300 Traité d'athéologie, op.cit., p.193 ; p.194

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille