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Contre histoire de la philosophie / le laboratoire de la philosophie vivante chez Michel Onfray

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par Rania Kassir
Universite Libanaise - DEA 2008
  

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E. Le désir comme excès :565(*)

A son tour, Michel Onfray vient s'interroger sur la généalogie du désir, condition de tout agencement envisagé. Si la théorie du « désir comme manque » a engendré le « couple fusionnel » comme seul agencement possible, il convient à ce moment de penser une autre généalogie pour autre(s) agencement (s).

Le désir selon Onfray provient d'une certaine combinaison des atomes dans la chair. Il relève alors d'une nécessité matérielle et atomique. Dans cette perspective, rien ne peut justifier la mythologie de la coupure divine, des androgynes et des os retranchés. Le réel dément le ciel des idées platoniciennes et chrétiennes. « Dans la constellation matérialiste, le désir s'analyse exclusivement en terme de physiologie, non de métaphysique.»566(*). Ce désir atomique à l'opposé des fantasmagories religieuses est nettement repérable. Il suppose un certain écoulement séminal, une certaine émission des liqueurs masculins et féminins. Cette logique d'éjaculation chez la femme et l'homme a son origine dans l'excès qui nécessite dépense et débordement.

Si le désir selon Onfray est matériel et atomique, le plaisir est solitaire et solipsiste. Quand on désire on assiste à la séparation des simulacres de notre corps pour gagner celui d'un autre et réciproquement. Ces deux corps qui s'échangent éprouvent donc du plaisir qui reste pour autant inchangeable. Onfray voit que chacun des deux partenaires est une  « monade leibnizienne » sans portes ni fenêtres. Ceci veut dire que rien de leurs essences ne peut leur quitter et rien ne peut y pénétrer. A ce propos, Onfray signale que : « dans les draps d'un lit, sous l'alcôve amoureux, quand deux corps se prêtent, se donnent (...) Pas de communication de substance, pas d'âmes qui se mélangent, pas de corps qui s'identifient. » 567(*). Avec les baisers, les pénétrations, les sueurs, les salives, les morsures, les succions... on peut jouir uniquement « du » plaisir de l'autre mais aucunement « le » plaisir de l'autre. Provoquer la jouissance de l'autre prouve que l'extase est matérielle, que le désir est atomique. Et ne pas vivre la jouissance de l'autre fait preuve que toute fusion, toute confusion avec autrui, comme prétendent les idéalistes, est vouée à l'échec. Sur ce point, Onfray écrit : « cette option physiologique suppose une conception particulière d'autrui : il n'est pas morceau identitaire, fragment incomplet attendant la révélation de soi par l'altérité dépassée et l'unité primitive reconstituée, mais totalité solipsiste, entité intégrale, monade absolue d'une manière totalement semblable à moi. Ontologiquement l'égalité absolue triomphe entre les hommes et les femmes. »568(*)

Toutefois, ce désir qui est excès (contre le manque) et ce plaisir qui est solitude (contre la fusion) engendre avec Sade « le libertinage féodal ». La formule de ce libertinage telle qu'elle est donnée par Sade est la suivante : « Pourvu que je sois heureux, le reste m'est absolument égal (...) que tout ce qui nous entoure ne s'occupe que de nous, ne pense qu'à nous, ne soigne que nous. »569(*). Pour Sade, du fait que j'ignore le plaisir senti par autrui et du fait que le désir se résout dans la décharge, on peut infliger à des partenaires non consentantes les plus mauvais crimes sexuels. Sade assimile les femmes à des « chiennes » qui doivent accorder leur faveur à quiconque veut d'elles. Ce penseur qui a passé trente ans de sa vie en prison oblige des femmes à faire l'amour avec lui sous peine de menace de mort. Autrui n'a donc aucune place pour ce penseur. Il ignore son consentement et sa résistance.570(*)

Onfray ne fait pas sien ce genre de libertinage. Il voulait fonder un « libertinage solaire ». Est « solaire » ce qui applique la maxime de Chamfort « jouir et faire jouir » en matière d'érotique. Est « solaire » ce qui s'oppose au « nocturne » et au féodal c'est-à-dire à la négligence d'autrui et la pulsion de mort dirigée contre lui. A ce propos, Onfray dit que Sade est détestable en tant que féodal. Mais il intéressant seulement en tant que matérialiste, manifestant l'irruption du sexe dans l'histoire de la philosophie et déclarant que le désir provient de la physique et non de la métaphysique. Dans le quatrième tome de sa contre-histoire de la philosophie, Onfray écrit à propos de Sade : « en cela, il relève du continent des ultras des Lumières - mais en cela seulement. »571(*)

Pour fonder le « libertinage solaire » et pour empêcher que le désir matériel ne se résolve dans le « libertinage féodal », Michel Onfray fait appel à la deuxième étape de son érotique ; le « contrat hédoniste » : « Une théorie de l'amour appelle une physique, une physiologie, certes, mais également un art de vouloir. Si dans un premier temps, la nature oblige, la culture reste tout de même maîtresse du devenir des exigences primitives. (...)Seul l'homme dispose du pouvoir de transfigurer la sexualité en érotisme. »572(*)

* 565 Cf. Théorie du corps amoureux, op.cit., pp.71-100

* 566 Ibid., p.77

* 567 Ibid., p.95

* 568 Ibid., p.93 ; p.94

* 569 Sade, La philosophie dans le boudoir, Folio, p.259 in Michel ONFRAY, L'Art de jouir, op.cit., p. 249

* 570 Pour Sade Cf. Les ultras des lumières, op.cit., pp.271-300 et L'Art de jouir, op.cit, pp.244-255

* 571 Les ultras des Lumières, op.cit., p.299

* 572 Ibid., p.214 ; p.215

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