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La relation maà®tre disciple dans le monachisme primitif, d'après les écrits de Jean CASSIEN

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par Isabelle PEREE
Université de Strasbourg - Master 2009
  

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IV. Originalité de la transmission au désert.

A. L'enseignement.

A l'inverse des paroles lapidaires d'Abba Antoine, les enseignements des anciens transmis par Cassien peuvent se montrer très abondants, comme Abba Isaac qui, avant de les entretenir sur la prière, leur fait des discours sur divers usages. (Coll. 9) Abba Sérénus, lui, se montre très humble quant aux explications qu'il est invité à donner : « J'y répondrai cependant selon mes moyens et dans l'ordre que vous avez vous-même suivis. » (Coll. 8)

Certains pères n'enseignent qu'avec réticence. L'Histoire lausiaque nous démontre que Abba Paphnuce « était modeste au point de voiler sa vertu prophétique 101 ». Les entretiens durent souvent tard, nous indique Cassien et l'ancien qui y met fin en proposant une prière commune, un repas, ou simplement le repos à ses disciples infatigables. Les Pères transmettent l'enthousiasme en même temps que leurs paroles, à tel point que les disciples se réjouissent d'être au lendemain pour continuer l'audition des enseignements. Les anciens ne dévoilent pas tout à la fois, l'instruction est progressive. Cassien explique qu'Abba Isaac leur avait d'abord appris l'excellence de la prière avant d'expliquer par quel procédé et quelle

101 PALLADE in « Histoire lausiaque » S0 N° 75 Bellefontaine. 1999.

vertu intime elle pouvait devenir continuelle. Les enseignements sont des cadeaux donnés, des secrets transmis, ils se livrent à petites doses et dans un ordre calculé. Tout donner à la fois ne serait pas positif pour le jeune, incapable encore de tout assimiler d'un coup.

Les fréquences de la relation sont difficiles à saisir. Certains disciples, nous révèlent les Apophtegmes102, vivent avec leur maître, alors que d'autres, se déplacent pour leur rendre visite. Il appert que pour Cassien et Germain, il s'agit d'un enseignement exceptionnel, celui donné à deux visiteurs de passage au désert. Les Pères ne connaissent pas les deux jeunes moines, ils ne sont pas leurs disciples. Ces deux frères font « un stage », dirions-nous aujourd'hui, ils ne sont pas décidés à rester au désert ni à se mettre sous la direction d'un maître bien précis. La preuve est que les deux disciples sont eux-mêmes très différents. On voit Germain prendre davantage la parole que son ami et poser beaucoup de questions, alors que Cassien bénéficie certes de l'enseignement, mais de manière plus passive. Cela peut laisser supposer que, s'ils restaient au désert, leur choix concernant le maître ne serait pas axé sur les mêmes critères, et donc que les Pères seraient différents pour chacun d'eux.

L'enseignement peut se faire en marchant, comme le fait Abba Nestéros qui les accompagne à la cellule d'Abba Joseph et parcourt avec eux six milles [+ /- 9, 5 Km]. (Coll. 15) Cette transmission de l'enseignement est bon enfant, sans règle, où, anciens comme jeunes, s'adaptent au contexte du moment. On peut relever l'intérêt suscité par les anciens de transmettre leur savoir aux plus jeunes. Le silence est de mise au désert, cependant, dans le cas d'Abba Nestéros, même en dehors de l'ermitage, en marchant vers une autre cellule, le vieillard est intarissable et poursuit infatigablement son discours. Le Père du désert peut être prolixe lorsqu'il s'agit d'édifier, comme si seul cet instant lui permettait de parler aux autres moines. Il se réfère à l'Ecriture qui stipule que la mort et la vie sont au pouvoir de la langue et qu'il n'évitera pas le péché en parlant beaucoup, (Prov 18,21) excepté pour enseigner la parole de Dieu et transmettre la voie du désert. Il arrive fréquemment que les anciens se citent entre eux pour servir d'exemple aux jeunes moines.

L'humilité fait que, généralement, les autres frères sont cités en exemples dans des actes vertueux alors que les anecdotes qui relatent des traits de caractères négatifs sont attribués au Père qui donne l'enseignement. Abba Antoine reste la référence de tous les Pères et se trouve cité le plus souvent. Aucun jeune formé au désert ne peut faire abstraction de cet ascète hors pair, premier de tous les moines, que l'on considère déjà comme un saint.

102 J-C. GUY in « Paroles des anciens » Points/Seuil 1976.

Les anciens mettent les jeunes en garde contre les incompréhensions du début concernant le contenu de leur enseignement.

Abba Piamun dit :

« Il peut arriver que, sur l'heure, vous ne saisissiez pas le sens profond ou le principe de telle parole, de telle conduite. N'en soyez point ébranlés et ne vous lassez pas de vous y conformer.» (Coll. 18)

Cassien veut expliquer que la confiance envers le maître doit être totale. Même si le disciple ne saisit pas l'importance de l'enseignement donné, il lui faut dépasser le doute et se fier au maître. Il doit se laisser guider, écouter humblement et tenter d'imiter les anciens assurant que celui qui se fie davantage à son jugement qu'à celui des Pères n'entrera jamais dans la vérité. Le disciple vient consulter le maître mais devra apprendre à vivre seul face à Dieu. Dieu seul est son vrai vis-à-vis. Le maître propose une vie d'amitié avec le Christ et pour cela, le disciple doit « renaître », se dépouiller de ses vieux habits du monde pour revêtir ceux de la nouvelle vie, un peu comme on voit Jésus le proposer et l'expliquer à Nicodème, en lui proposant de juger les choses non selon la chair, mais selon l'Esprit. (Jn 3,7) Cela oblige le jeune moine à se poser face à Dieu en toute sincérité. L'espérance du novice se fonde sur cette parole de Matthieu 18,3 :

« Si vous ne retournez pas à l'état des enfants, vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume des Cieux. »

Mais paradoxalement, il faudra une grande maturité au disciple pour redevenir enfant. Il doit à la fois se désapproprier les biens qu'il a laissés, mais également se désapproprier luimême. Et cela semble bien difficile...

La lecture de l'Evangile est considérée par Antoine comme un oracle personnel104. Les anciens se réfèrent souvent à l'Ecriture lorsqu'il est question d'enseigner le jeune. Toutefois, il arrive que le maître revisite de ses propres paroles ce que l'Ecriture transmet, par crainte d'une mauvaise compréhension de la part du disciple. Ainsi Abba Sérénus dira :

« Lorsque l'Ecriture s'exprime avec une clarté parfaite, nous n'avons pas à craindre d'être affirmatifs à notre tour ni d'exprimer avec assurance notre sentiment. Mais pour ce que l'Esprit Saint y a mis de plus voilé, afin de fournir matière à la réflexion et au travail, et dont il a voulu que nous ne puissions juger que sur de simples indices et par conjectures, c'est en avançant pas à pas que l'on doit s'en entretenir et avec précaution, de manière que celui qui parle étant libre d'affirmer ou non, celui qui écoute le soit aussi de donner ou de refuser son assentiment. » ( Coll. 8)

104 Athanase d'ALEXANDRIE in « Vie d'Antoine » SC 400. Cerf. 1994.

Cassien nous démontre à travers les textes que les Ecritures se découvrent plus clairement par l'expérience des vérités qu'elles renferment. (Coll. 10) Cet « oracle personnel » dont parle Athanase dans la Vie d'Antoine est considéré comme délicat pour les jeunes disciples, chez Cassien. Un novice n'a pas encore suffisamment d'expérience pour aborder seul la compréhension juste de l'Ecriture. Elle ne peut devenir « oracle personnel » que chez un moine averti, capable d'intégrer sans risque de mauvaise interprétation, ce qu'il y a à comprendre. Cela nous a paru une notion importante chez Cassien que celle de l'Ecriture retransmise par le maître. C'est ce que nous aborderons dans le paragraphe suivant.

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