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La relation maà®tre disciple dans le monachisme primitif, d'après les écrits de Jean CASSIEN

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par Isabelle PEREE
Université de Strasbourg - Master 2009
  

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V. Obéissance mutuelle et expérience du maître.

A. Obéissance mutuelle.

La richesse de l'expérience de l'ancien, c'est-à-dire la multitude d'aventures physiques et spirituelles qu'il traverse, peut rendre sa manière d'enseigner difficile. Comment retirer de cet enchevêtrement d'épisodes l'essentiel à transmettre ? Certains Pères ne le peuvent et s'en excusent, d'autres prennent le temps de réfléchir et de faire le ménage dans leur tête avant de se lancer dans une explication. Quoi qu'il en soit, il ressort assez fréquemment dans les récits de Cassien que les Pères du désert arrivent, dans un langage assez compréhensible pour le débutant, à parler de leur expérience sans écraser les novices sous des discours démoralisants. Ils paraissent discerner ce qui doit être dit, ce qu'il est prioritaire de transmettre avant tout autre chose. L'expérience du maître, c'est donc aussi se faire compagnon du disciple, de manière à l'accompagner de la façon la plus féconde possible.

D. Burton Christie explique que les disciples se voient adresser des paroles adaptées à leurs besoins et à leurs soucis particuliers, des paroles de salut, de puissance, de vérité, d'assurance et même de tendresse. Les réponses à leurs questions ne sont ni générales, ni universelles mais plutôt concrètes et représentent des clés précises pour ouvrir les portes particulières à des individus spécifiques. Les enseignements des anciens ont une qualité pratique et existentielle112.

A notre sens, l'expérience du maître repose elle aussi sur une forme d'obéissance au disciple. Qui dit obéissance, dit respect et pour mener une âme sur le chemin de Dieu, l'ancien acceptera quelquefois de pénétrer l'état d'esprit du jeune avant de l'amener doucement mais fermement vers son propre mode de raisonnement. Ainsi, Abba Antoine qui répondit à des moines venus quémander une parole :

« Les Saintes Ecritures suffisent à notre enseignement, mais il est beau de nous exhorter mutuellement dans la foi et de nous animer par des discours. Vous, mes fils, vous apportez à votre père ce que vous savez ; moi, votre aîné, je vous livre ce que l'expérience m'a appris

113. »

112 D.BURTON CHRISTIE in « Word in the desert » New York/Oxford 1993.

113 Athanase d'ALEXANDRIE in « Vie et conduite de notre père saint Antoine » Trad. Benoît Lavaud, S0 n° 28 Bellefontaine 1979.

Avant de faire bénéficier le jeune de sa propre expérience, Cassien nous indique que l'ancien suit ce dernier au rythme de son tempérament. Il est impensable que le disciple se mette, du jour au lendemain, à vivre au rythme du père spirituel qu'il s'est choisi, ce serait pure folie. En somme, le maître attend que le coeur du disciple soit prêt à l'écouter et soit disposé à accueillir ce qu'il aura à lui enseigner. C'est essentiellement durant cette attente que le maître se fera disciple, c'est-à-dire qu'en délivrant un exemple d'obéissance par sa patience et son attente, il sera en quelque sorte, le « disciple du disciple » ou plus encore, le « disciple avec le disciple ». C'est par la patience donc, que l'enseignement se révélera fécond. On trouve dans les Apophtegmes davantage que chez Cassien, des exemples où le maître reconnaît la supériorité de son disciple :

« (...) puis, il tomba aux pieds de son disciple et lui dit : c'est toi qui es mon père et moi ton disciple, car nos âmes à nous deux ont été sauvées par ta façon de faire 114. »

On pourrait presque parler d'une pédagogie d'alliance qui fait du maître un accompagnateur proche du jeune moine en recherche. Cette proximité du maître et du disciple les met sur un pied d'égalité sur le plan de la réception du message divin et donc de l'obéissance qu'ils se doivent mutuellement face à Dieu. A-J. Festugière, dans sa traduction de l'admission de Paul le Simple par Abba Antoine, met en exergue un point suggestif qui nous éclaire sur l'obéissance monastique.

« Paul, après avoir obéi aveuglément à Abba Antoine, reçut d'en haut la grâce de chasser les démons, à tel point que les démons qu'Antoine ne pouvait expulser, il les envoyait à Paul et c'est lui qui les expulsait 115. »

Cette narration nous démontre d'une part que le maître n'est pas sans faille et d'autre part, que lui-même reste « en chemin » jusqu'à la fin de son parcours monastique au point de laisser au disciple la possibilité de le dépasser en vertu. Cet exemple est sans doute livré dans un but didactique, afin d'encourager les disciples à persévérer au-delà d'une simple obéissance de base en tentant d'atteindre la perfection. Ici, une fois encore, le disciple, par son obéissance parfaite, dépasse le maître au point d'effectuer un acte que l'ancien ne peut pas accomplir. Cassien nous enseigne une notion liée à l'obéissance mutuelle : celle qu'en enseignant les autres, on s'enflamme au désir de la perfection. (Coll. 22) C'est donc, à notre sens, en redevenant disciple, que le maître deviendra plus parfait. Cette « obéissance mutuelle » deviendra, par la suite, une ligne de conduite typiquement monastique.

114 Dom L.REGNAULT in « Abba, dis-moi une parole ! » Solesmes 1984.

115 A-J. FESTUGIERE in « Les moines d'Orient : Historia monachorum in Aegyto. » Cerf 1964.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille