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L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état

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par Olivier PEIFFERT
Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009
  

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Partie II ) La contribution de la politique des aides d'Etat à la protection de l'environnement

La prise en compte de la protection de l'environnement a conduit en droit des aides d'Etat au développement d'un important corpus normatif qui permet d'affirmer la réalisation de l'intégration en ce domaine. Néanmoins, lorsque l'on connaît la faible effectivité du principe d'intégration et les difficultés que rencontre le processus de mise en cohérence environnementale, il convient d'étudier les résultats obtenus, alors que la dégradation de l'environnement s'amplifie217(*) et que sa protection est plus que jamais inscrite au titre des priorités des décideurs politiques. En effet, parce que l'intégration de la protection de l'environnement « constitue une condition sine qua non de la réalisation d'une véritable « politique de l'environnement » »218(*), les enjeux de sa réalisation sont considérables. Ce principe implique que « l'ensemble des politiques de la Communauté participent à la protection de l'environnement »219(*). Or la politique des aides d'Etat traduit avant tout l'orientation productiviste d'une construction supranationale au sein de laquelle les considérations économiques restent prépondérantes, malgré l'orientation politique amorcée par le Traité de Maastricht220(*). Cette politique participe à l'édiction du droit de la concurrence, droit économique par excellence, qui vise à préserver les fondements de l'économie de marché. L'intégration des exigences environnementales s'inscrit donc dans le contexte d'une politique fondamentale de la Communauté poursuivant des objectifs qui lui sont propres et qui sont avant tout éminemment économiques ; elle se trouve alors confrontée à la vocation mercantile de la construction européenne.

On peut craindre que la concrétisation du processus de mise en cohérence environnementale ne soit exposée en termes d'opposition, liberté de la concurrence versus protection de l'environnement. Il n'en est rien : l'intégration a débouché sur une conciliation entre ces deux impératifs (Chapitre I). C'est dans cette mesure que le principe d'intégration a conduit le droit des aides d'Etat à participer à la protection de l'environnement. Cette conciliation s'est alors opérée au sein même de cette branche du droit de la concurrence, dans le cadre des règles afférentes à la compatibilité des aides d'Etat. Or ces normes font désormais largement appel à l'analyse économique (Chapitre II).

Si l'analyse de cette rencontre prend ici le parti de faire de nombreuses références aux mécanismes de l'économie, c'est parce que l'on adhère à la conviction suivant laquelle « les juristes de droit économique sont contraints, comme tous les juristes qui doivent aller « au devant des choses », d'écouter les analyses des économistes »221(*).

Chapitre I ) La conciliation de la protection de l'environnement et de la libre concurrence

La conciliation entre les impératifs défendus par la politique de l'environnement et ceux sous-jacents au droit des aides d'Etat est une entreprise fort délicate (I). La rencontre entre ces deux branches du droit se heurte en effet à des divergences idéologiques et à des constructions théoriques dont les enjeux dépassent parfois ceux qu'elle croyait soulever. Néanmoins, le droit communautaire a dû et a su, par le recours à des raisonnements tant juridiques qu'économiques et par l'invocation de l'objectif de développement durable (II), réaliser concrètement cette conciliation (III).

I ) Une conciliation délicate

A première vue, réaliser la conciliation entre protection de l'environnement et libre concurrence se heurte à de nombreux antagonismes (1) alors que la perspective de l'intégration des exigences environnementales ne doit pas faire perdre de vue la nécessaire préservation des objectifs spécifiques poursuivis par la politique de la concurrence (2).

1 ) Des exigences antagonistes

Les impératifs du maintien de la libre concurrence et ceux de la protection de l'environnement peuvent être présentés comme étant par nature inconciliables. En effet, les activités économiques constituent la source majeure de dégradation de notre environnement. Or le droit de la concurrence poursuit avant tout un objectif de protection des structures d'entreprise afin d'assurer le bon fonctionnement de l'économie de marché. Suivant la doctrine libérale dominante, ce mode d'organisation économique est le plus efficace puisqu'il permet la coordination des activités des opérateurs économiques, l'allocation optimale des facteurs de production et garantit la circulation de l'information économique222(*). Si la concurrence est opposée à l'environnement, c'est donc parce qu'elle joue un rôle de catalyseur de la croissance économique et, par lien de cause à effet, favorise voire accélère la dégradation du milieu naturel. Le dogme de la croissance est alors intrinsèquement incompatible avec toute action écologique223(*) : des « décisions individuelles d'entreprises concurrentes s'opposent radicalement aux concertations multiples nécessaires pour préserver l'environnement »224(*). Cette doctrine, que l'on peut qualifier d'écologie « politique »225(*), correspond certes à un parti pris, par définition empreint de subjectivité ; elle met cependant l'accent sur certaines réalités dégagées par les sciences économiques.

Il apparaît en effet que le libre jeu des marchés ne permet pas une protection spontanée de l'environnement ; le mécanisme de la « main invisible », selon l'expression d'Adam Smith, suivant lequel la poursuite des intérêts particuliers de chaque agent économique permet in fine la réalisation de l'intérêt général, ne peut faire abstraction des problèmes de défaillances des marchés. C'est alors l'internalisation des coûts environnementaux qui fait défaut : « le mauvais traitement des effets environnementaux par les mécanismes marchands spontanés vient [...] d'un manque d'internalisation par les agents individuels: leur champ de calcul n'intègre pas (suffisamment) les performances de leurs fournisseurs, clients et concurrents et plus généralement, les performances de l'ensemble des autres agents de l'économie »226(*). La réduction de la production de telles externalités négatives et, à l'inverse, la production d'externalités positives implique alors l'intervention des autorités de régulation. Ajoutons que les structures de marché les plus concurrentielles ne sont pas nécessairement celles qui permettent une internalisation satisfaisante des externalités négatives. Les mécanismes du marché peuvent par exemple favoriser la disparition rapide des ressources non renouvelables et la surexploitation des ressources renouvelables ; on évoque alors « l'avantage environnemental des structures non concurrentielles »227(*). Les monopoles et les ententes sont plus favorables à la protection de l'environnement.

Au delà de la problématique des défaillances du marché, l'impact des activités économiques, dont la croissance est étroitement liée au maintien des structures concurrentielles, sur l'état de notre environnement est indéniable même si l'interaction entre efficacité économique et protection du milieu naturel ne doit pas être nécessairement analysée en termes conflictuels228(*).

Enfin, l'intérêt particulier des opérateurs économiques ne coïncide pas nécessairement avec les exigences de la protection de l'environnement. En effet, la politique de l'environnement a donné lieu au développement d'un important appareil législatif « écocratique » qui ne cesse de renforcer les contraintes environnementales, donc les charges pesant sur les entreprises229(*). De même, « les produits écophiles demeurent souvent assez peu compétitifs par rapport à des produits sources de pollution et de gaspillage »230(*). Au sein du marché unique, les réglementations environnementales nationales couplées aux différences de niveau de développement peuvent induire des distorsions de concurrence pouvant être analysées en termes de « dumping écologique »231(*). Au plan extérieur, les entreprises communautaires, confrontées au contexte d'un commerce international très concurrentiel, perçoivent souvent les contraintes environnementales comme une perte de compétitivité à court terme232(*). Les opérateurs économiques auront alors tendance à s'opposer à l'adoption des mesures en faveur de la protection de l'environnement ou tout au moins à recourir aux techniques du lobbying233(*).

La doctrine juridique relative à l'intégration aborde également la question des antagonismes soulevés à l'occasion de la rencontre entre le droit de la concurrence et les impératifs de la protection de l'environnement. Ces antagonismes concernent directement la politique des aides d'Etat : alors que celle-ci vise « à limiter les aides d'Etat, la politique en faveur de l'environnement pourrait au contraire encourager les Etats membres à octroyer plus d'aides d'Etat aux entreprises qui acceptent de réaliser des actions en faveur de l'environnement »234(*). Si on conclut globalement à une amélioration de l'intégration235(*), les confrontations ne sont pas nécessairement exclues, même si elles ne concernent pas directement le droit des aides d'Etat. A ainsi été sanctionnée par la Commission l'organisation du système collectif de prise en charge de l'élimination des déchets d'emballages en Allemagne dans l'affaire « Der Grüne Punkt »236(*). Les parts de marché détenues par l'entreprise DSD, les méthodes d'étiquetage sélectif par le recours au logo Der Grüne Punkt et les modes de calcul de la redevance découlant de l'utilisation de ce logo ont été considérées comme établissant des barrières considérables à l'entrée sur le marché en cause, conduisant à la qualification d'abus de position dominante237(*). Or cette solution n'a pas pris suffisamment en cause l'objectif environnemental poursuivi en déclarant le calcul de la redevance incompatible avec le marché commun, alors qu'un mode de calcul plus respectueux de la concurrence ignorerait les contraintes afférentes au système mis en place. En d'autres termes, « le dialogue entre le respect des règles de la concurrence et la protection de l'environnement n'a pas eu lieu »238(*).

Ainsi, l'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'Etat s'inscrit dans la dialectique conflictuelle de l'interaction entre libre concurrence et défense du milieu naturel. Il faut à cela ajouter que la politique des aides d'Etat poursuit au premier chef des objectifs fondamentaux de la Communauté

* 217 S. CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, préc., p. 7 et s. ; v. ég. la communication de la Commission sur le sixième programme d'action pour l'environnement, « Environnement 2010 : notre avenir, notre choix », COM(2001)31 final, préc., p. 10 et 11 ; v. ég. J-P. RIBAUT, Environnement, mondialisation, développement durable... et éthique !, in Mélanges en l'honneur de M. PRIEUR, 2007, Dalloz, p. 339, v. p. 340 et s.

* 218 J. GUYOMARD, L'intégration de l'environnement dans les politiques intra-communautaires, préc., p. 19

* 219 Ibid., p. 21

* 220 S. CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, préc., p. 23

* 221 G. FARJAT, Pour un droit économique, coll. Les voies du droit, PUF, 2004, p. 40

* 222 A. DECOCQ et G. DECOCQ, Droit de la concurrence : droit interne et droit de l'Union européenne, préc., n° 5

* 223 v. not. S. CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, préc., p. 285 et s.

* 224 H. CALVET, Droit de la concurrence et environnement sont-ils compatibles ?, préc., p. 76

* 225 H. CALVET, Droit de la concurrence et environnement sont-ils compatibles ?, préc., p. 76 et s.

* 226 C. CRAMPES, Economie, environnement et concurrence, PA du 15 juin 2006 n° 119, p. 18 à 21, v. p. 18

* 227 Ibid., p. 18

* 228 J. GUYOMARD, L'intégration de l'environnement dans les politiques intra-communautaires, préc., p. 51 et s. ; S. CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, préc., p. 7 et s.

* 229 v. not. L. IDOT, Environnement et droit communautaire de la concurrence, 1995, JCP G n° 24 du 14 Juin 1995, I 3852, n° 3

* 230 J. GUYOMARD, L'intégration de l'environnement dans les politiques intra-communautaires, préc., p. 79

* 231 S. CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, préc., p. 27

* 232 J. GUYOMARD, L'intégration de l'environnement dans les politiques intra-communautaires, préc., p. 81 et s. ; L. IDOT, Environnement et droit communautaire de la concurrence, préc., n° 3

* 233 S. CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, préc., p. 35 et p. 50

* 234 A ALEXIS, Protection de l'environnement et aides d'Etat : la mise en application du principe pollueur-payeur, préc., p. 630

* 235 v. supra Partie I), Chp I), 2) Libre concurrence et intégration de l'environnement

* 236 Déc. n° 2001/463/CE, 20 avril 2001, Duales System Deutschland (DSD), JOUE L 166 du 21 juin 2001 p. 1

* 237 P. THIEFFRY, Protection de l'environnement et droit communautaire de la concurrence, préc., n° 29 ; D. GERARD, Droit de la concurrence communautaire et protection de l'environnement, entre confrontation, convergence et conciliation, Revue droit & affaires 2008, vol. 5, p. 83 à 92, p. 86 et s.

* 238 D. GERARD, Droit de la concurrence communautaire et protection de l'environnement, entre confrontation, convergence et conciliation, préc., p. 87

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault