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L'intégration de la protection de l'environnement en droit des aides d'état

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par Olivier PEIFFERT
Nancy-Université - Master 2 à‰tudes européennes 2009
  

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2 ) Vers un renforcement de l'analyse économique

La publication en 2005 du Plan d'action dans le domaine des aides d'Etat est un événement remarquable : c'est en effet « la première fois depuis 1957 que la Commission élabore un document de consultation exposant la politique qu'elle entend suivre au cours des cinq prochaines années en matière d'aides d'Etat et les modifications qu'elle envisage d'introduire dans la réglementation ». Si le Plan d'action prévoit une refonte de l'architecture des règles telle qu'on l'a précédemment décrite378(*), il annonce également le renforcement du recours à l'analyse économique au stade de l'appréciation de la compatibilité des aides379(*). Cette réforme vise donc dans une certaine mesure à rapprocher le droit des aides d'Etat des autres branches du droit de la concurrence, dans le but de renforcer la transparence et la pertinence de l'activité décisionnelle de la Commission.

L'analyse économique, on l'a dit, est désormais fondamentale en droit antitrust communautaire ; diverses réformes l'on introduite au sein des règles afférentes à l'appréciation de la légalité des ententes, des concentrations et des situations d'abus de position dominante380(*). Sur ce point, l'influence de la doctrine anglo-saxonne est indéniable. Contrairement à son « homologue » allemande, empreinte d'un fort juridisme, la politique américaine de la concurrence fait la part belle depuis les années 1980 aux développements doctrinaux issus notamment des travaux des économistes de l'Ecole de Chicago. Si les analyses de cette école ont été critiquées, elles ont néanmoins conduit à une « révolution « juridico-économique » » en vertu de laquelle la science économique est désormais entendue comme une véritable méthode juridique381(*). Les objectifs de la politique de la concurrence, pour être efficaces, doivent en ce sens être définis par référence exclusive à la théorie économique, notamment à la « théorie des prix » qui veut que les comportements des opérateurs économiques ne soient sanctionnés que lorsqu'ils restreignent la production ou tentent d'augmenter les prix382(*). Si les modèles européens et américains du droit de la concurrence divergent tant sur les plans linguistiques que culturels et institutionnels383(*), les réformes récentes du droit communautaire antitrust ont dans une certaine mesure entériné l'approche finaliste visant à mieux prendre en compte l'impact économique des comportements des entreprises, préconisée par certains auteurs sous l'influence de la doctrine dominante outre-Atlantique384(*). Il s'agit alors de mettre l'accent sur la protection du surplus des consommateurs, c'est-à-dire « sur les prix ou la qualité des produits ou services appartenant au marché pertinent »385(*).

Si la place de l'analyse économique est désormais renforcée en droit des aides d'Etat suite à la publication du Plan d'action, le recours à cet outil n'est pas conçu de la même façon qu'en droit antitrust. Les spécificités de cette matière, précédemment rappelées, écartent l'idée d'une appréciation fondée sur la détermination du marché pertinent et du surplus du consommateur : le bon fonctionnement de l'économie de marché ne peut souffrir d'une analyse qui conduirait à justifier une atteinte à l'égalité de traitement des entreprises par l'intervention des Etats membres386(*). De même, l'intérêt à long terme des consommateurs, et au delà celui des citoyens européens, est avant tout défendu par le principe tiré de l'orthodoxie libérale selon lequel l'interdiction de l'intervention des pouvoirs publics permet la préservation des structures concurrentielles de marché, qui sont « garantes de prix réduits et de produits et services de qualité »387(*). En droit des aides d'Etat, le recours à l'analyse économique doit plutôt « contribuer à rendre les choix politiques plus transparents et plus pertinents »388(*). Le Plan d'action met alors l'accent sur une fonction particulière de la politique des aides d'Etat : contribuer au bon fonctionnement des marchés en identifiant et en corrigeant leurs imperfections ou leurs défaillances389(*). Il s'agit donc de déceler, le cas échant, les disfonctionnements de marché et de déterminer dans quelle mesure l'intervention des pouvoirs publics peut être justifiée. L'analyse économique intervient alors tant au stade de l'élaboration des règles afférentes à la compatibilité des aides d'Etat que de leur application, dans le but de renforcer leur efficience et leur efficacité390(*). Cette approche doit cependant rester strictement qualitative. En effet, la mesurabilité de la légitimité de l'intervention étatique à des limites : si « il est certainement possible de déterminer si une défaillance de marché existe et est significative ou pas », « dans la pratique il est presque impossible de déterminer le montant et la forme précise des aides d'Etat391(*) ». L'analyse économique ne se substitue donc pas à l'appréciation politique qui caractérise l'élaboration et l'application du droit des aides d'Etat, mais permet de renforcer la pertinence et la transparence de l'appréciation de la compatibilité des mesures en cause, par une meilleure évaluation des disfonctionnements de marché.

Cependant, si ce type d'analyse permet de parfaire l'activité décisionnelle de la Commission, il contribue également à diminuer l'intensité de son contrôle par le juge communautaire. En effet, « la Commission jouit, pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, [art 87 CE paragraphe 3 actuel] d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire »392(*). Dans le cadre d'un recours en annulation dirigé, sur le fondement de l'art 230 CE, à l'encontre d'une décision de la Commission afférente à la compatibilité d'une aide393(*), le contrôle juridictionnel se limite donc à l'erreur manifeste d'appréciation et au détournement de pouvoir et de procédure ; le juge communautaire ne peut en effet substituer son appréciation en fait à celle de la Commission394(*).

L'analyse économique est donc, depuis l'adoption du Plan d'action, un élément déterminant de l'appréciation de la compatibilité des aides. Les Lignes directrices relatives aux aides pour la protection de l'environnement ont entériné cette évolution en établissant le critère de la mise en balance.

* 378 v. supra Partie I), Chp II), I) Une architecture rénovée des règles applicables aux aides d'Etat

* 379 Plan d'action dans le domaine des aides d'Etat ; COM(2005) 107 final, préc., pts. 19 et s.

* 380 S. MARTIN et C. STRASSE, La politique des aides d'Etats est-elle une politique de concurrence ?, préc., n° 7 et s.

* 381 sur l'apparition de l'Ecole de Chicago, son influence sur la politique américaine de la concurrence et sur les critiques dont elle a fait l'objet, v. not. l'article très instructif de D. J. GERBER, Les doctrines européennes et américaines du droit de la concurrence, préc., p. 108 et s.

* 382 D. J. GERBER, Les doctrines européennes et américaines du droit de la concurrence, préc., p. 110 à 112

* 383 Ibid., p. 119 et s. et p. 126

* 384 S. MARTIN et C. STRASSE, La politique des aides d'Etats est-elle une politique de concurrence ?, préc., n° 4 et n° 7 et s. ; D. J. GERBER, Les doctrines européennes et américaines du droit de la concurrence, préc., p. 124 et 125

* 385 S. MARTIN et C. STRASSE, La politique des aides d'Etats est-elle une politique de concurrence ?, préc., n° 49, v. ég. n° 11 et n° 48 et s.

* 386 T. KLEINER et A. ALEXIS, Politique des aides d'Etat : une analyse économique plus fine au service de l'intérêt commun, préc., n° 25 et s.

* 387 Ibid., n° 19

* 388 Ibid., n° 36

* 389 Plan d'action dans le domaine des aides d'Etat ; COM(2005) 107 final, préc., pts. 22 et 23 ; V. RABASSA, Quelle place pour l'analyse économique des aides d'Etat ? (1), préc., n° 9 ; T. KLEINER et A. ALEXIS, Politique des aides d'Etat : une analyse économique plus fine au service de l'intérêt commun, préc., n° 37

* 390 T. KLEINER et A. ALEXIS, Politique des aides d'Etat : une analyse économique plus fine au service de l'intérêt commun, préc., n° 38

* 391 V. RABASSA, Quelle place pour l'analyse économique des aides d'Etat ? (1), préc., n° 16

* 392 v. not. CJCE, 26 sept. 2002, Royaume d'Espagne c/ Commission des Communautés européennes, aff. C-351/98, Rec. I-8069, pt. 74

* 393 le contrôle de la qualification de la mesure en cause est plus strict, la notion d'aide d'Etat étant définie sur la base d'éléments objectifs et ne sera limité que dans des hypothèses d'appréciations économiques complexes, notamment lorsqu'est appliqué le critère de l'investisseur privé en économie de marché ; M. DONY, en collaboration avec F. RENARD et C. SMITS, Contrôle des aides d'Etat, Commentaire J. MEGRET, préc., n° 822

* 394 Ibid., n° 821 et 823

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand