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L'affaire du marquis Alfred de Trazegnies d'Ittre (1832-1861).

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par Olivier LERUTH
Université de Liège (Belgique) - Licence en Histoire  2005
  

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Le brigandage légitimiste à la chute du Royaume de Naples.

Premiers mouvements dans les Abruzzes.

Les premiers soulèvements se firent dans les Abruzzes vers le mois d'octobre de l'année 1860. Parmi les généraux de François II, mettons en évidence le comte de Christen158(*). Il quitta Paris pour Rome dans la première quinzaine d'avril 1860. Il y resta jusqu'au mois de septembre. Grâce à une lettre de Monseigneur de Falloux, il se fit présenter au roi François, en exil à Gaète. Il obtint du souverain le commandement d'un corps franc. Il se rendit alors vers Itri, auprès du général Lagrange159(*), avec lequel il devait agir de concert. Ils avancèrent en Terre de Labour et dans les Abruzzes jusqu'à Aquila, qu'ils prirent. D'accord avec le général Scotti, qui venait d'Isernia, ils devaient marcher l'un vers l'autre et se retrouver à Popoli. Scotti tomba cependant dans les mains des Piémontais avec huit mille hommes deux jours avant que Klitsche de Lagrange ne partit d'Avezzano pour marcher sur la capitale des Abruzzes160(*).

Alors que les hommes de de Christen et ceux de Lagrange se repliaient dans les Etats romains, ils furent désarmés par un détachement de troupes françaises. Christen proposa ensuite de céder la direction du foyer d'agitation des Abruzzes au comte de Kalkreuth161(*), afin de se jeter sur la Calabre. Le roi refusa. Il prit alors (décembre 1860) la route de Bauco (Sora) en compagnie de Kalkreuth162(*) et Coataudon163(*). Là, ses hommes occupèrent dans un premier temps Carsoli et Tagliacozzo où ils mettent en fuite 400 Piémontais164(*), avant de se rendre sur Avezzano. Rejoints par les troupes de Luigi Alonzi, dit Chiavone, ils résistèrent vaillamment, à Bauco, à un détachement piémontais commandé par le général Sonnaz165(*).

Au bout d'un moment, les deux parties décidèrent de négocier. Monsieur de Christen reçut l'autorisation de se retirer n'importe où pourvu qu'il ne se batte plus dans les Abruzzes et la Calabre tant que le roi se tiendrait à Gaète166(*). En mars 1861, grâce à l'intervention du duc de Gramont, le roi de Naples et Victor-Emmanuel se mettaient d'accord pour que les volontaires de la colonne Christen bénéficient des conditions de la capitulation de Gaète. L'action du comte de Christen dans le brigandage prit fin peu de temps suite à cette bataille. Présent à Naples en juin 1861, il était reconnu et arrêté. Il passa une année entière dans la prison de Santa-Maria-Apparente. Les multiples interventions de la diplomatie française, mais aussi de l'Imépratrice Eugénie et de lady Jersey, lui évitèrent d'être fusillé. Il fut condamné à 10 ans de bagne par la cour d'assises de Naples mais le roi Victor-Emmanuel le graciait le premier novembre 1863167(*).

Pour Monnier, les expéditions purement légitimistes prirent fin lors de la chute de Gaète168(*), le 13 février 1861. François II, dans le commencement de 1861, toujours décidé à enflammer l'étincelle, adressait la proclamation qui suit aux paysans des Abruzzes :

« Quand l'étranger menaçait de détruire les fondements de notre patrie ; quand il n'épargnait rien pour anéantir la prospérité de notre beau royaume et faire de nous des esclaves, vous m'avez donné des preuves de votre fidélité. Grâce à votre sévère et noble attitude, vous avez découragé l'ennemi commun et ralenti la marche d'une révolution qui s'ouvrait la voie par la calomnie, la trahison et tout genre de séductions.

Non, je ne l'ai pas oublié !

Loyaux Abruzzais, redevenez ce que vous fûtes ; que la fidélité, l'amour de votre sol, l'avenir de vos fils, arment de nouveau vos bras. Nous ne pouvons en un seul instant nous laisser prendre aux insidieuses perfidies d'un parti qui veut tout nous ravir. Non, ne nous assujettissons point à sa volonté, mais revendiquons plutôt la liberté de nos lois, de nos coutumes et de notre religion.

Mes voeux vous accompagnent toujours et partout. Le ciel bénira vos actions169(*). »

Le 15 janvier 1861, s'embarquaient à Marseille le vicomte de Noë, le comte de Saint-Martin et le vicomte de la Pierre. Ils naviguaient vers Messine, d'où ils devaient rejoindre la Calabre, qu'on leur avait indiquée comme étant la « vraie Vendée » de l'Italie du Sud. Ils projetaient de fonder, à Monteleone, une capitale provisoire pour le royaume de Naples. Quelle pouvait être leur motivation ? Pour Benedetto Croce, ces jeunes hommes étaient tels des « cavaliers errants170(*). » Croce reproduit ces mots tirés de l'ouvrage du comte de Noë, Trente jours à Messine : « le sentiment chevaleresque se réveilla à la vue du faible opprimé : tel fut le sentiment qui s'empara de nous, en nous jetant dans une expédition considérée comme aventureuse et désespérée171(*). » Une semaine après l'arrivée des ressortissants français, le 22 janvier, débarquait à Messine un personnage qui ne nous est plus inconnu : le comte de Kalkreuth. On connaît sa fin tragique. Quant aux français, ils furent dénoncés auprès des autorités piémontaises par leur domestique, un certain Jean-Louis Bondaille, et par un médecin. Le vicomte fit immédiatement appel à l'agent consulaire français, Boulard, lui clamant son innocence.

Selon Boulard, une frégate russe se trouvait à Messine avec, à son bord, un général, quelques officiers napolitains et un banquier local, Jaeger et C. Celui-ci avait reçu l'ordre de mettre à la disposition des napolitains une somme de 3 millions de francs français. Le consul russe, qui supervisait toute l'affaire, était dépositaire d'une somme de 400 à 500 mille francs. Ils avaient pour instructions de faire sortir deux ou trois bataillons de la citadelle de la ville pour les débarquer ensuite sur Reggio et la Calabre. Sans doute était-ce parmi ces hommes que devaient se retrouver les français interpellés. Le 21 janvier, ceux-ci étaient transférés de l'hôtel, où ils étaient retenus prisonniers, vers le fort Gonzague. Ils firent, à cette occasion, l'expérience d'un bain dans une foule totalement gallophobe depuis Villafranca. Le 10 février, les trois hommes -et Kalkreuth- étaient emmenés de la forteresse au port. Ils embarquaient sur le bateau sarde baptisé « Il plebiscito »... pour être conduits à Gênes puis à Turin. Pendant ce temps, Thouvenel, faisait les démarches nécessaires afin de sortir ses compatriotes hors des mains des Piémontais. Cavour finit par céder. Les hommes, qui devaient être exécutés dans les 24 heures, avaient la vie sauve. En échange, le Président du Conseil italien aurait souhaité que l'autorité française intervienne en faveur d'une trentaine de prisonniers piémontais détenus à Rome. Ceux-ci avaient été pris à la frontière pontificale par des zouaves qui leur tuèrent un homme. Le Général de Goyon admit finalement que les soldats pontificaux avaient pris leur rôle trop à coeur et il les fit remplacer par des troupes françaises. Sergio Romano voit, dans cet incident, un premier pas vers la reconnaissance, par l'Hexagone, de la nation italienne172(*).

* 158 Théodule de Christen (1835-1870). Fils d'un officier des Gardes suisses. Il partit combattre lors de la guerre de Crimée à seulement 17 ans. Il se rendit ensuite à Rome et organisa plusieurs expéditions dont nous parlons ci-dessus. Arrêté le 16 juin 1861 à Naples, libéré deux ans plus tard, il se préparait à prendre le commandement d'un corps franc lors de la guerre franco-allemande. Il n'en eut pas le temps : la mort vint le terrasser le 20 septembre 1870, alors qu'il séjournait au château de Ronno. (Dans Dictionnaire de biographie française... op. cit., tome VIII, 1956, colonne 1286.)

* 159 Theodor Friedrich Klitsche (1799-1868). Il était le fils du prince Ludwig Ferdinand von Breussen et de la française catholique Marie de Lagrange, ce qui explique pourquoi il se faisait appeler Klitsche de Lagrange. Il participa à la campagne de 1815 où il fut blessé. En 1822, il passa à l'Eglise catholique et perdit, à cette occasion, le soutien du roi Friedrich Wilhelm III. Il entra alors au service du duc Ferdinand de Unhalröthen qui était devenu catholique. Durant une quinzaine d'années, il servit le pape qui le fit lieutenant-colonel et lui offrit une pension. Il quitta Rome pour aller s'établir à Naples auprès de Ferdinand II (1855). Là, il devint correspondant de la gazette d'Augsbourg. Le roi des Deux-Siciles lui versait également une pension pour les services qu'il rendait. Plusieurs missions lui furent confiées par Ferdinand II, puis par son fils François, dont une secrète à Rome. Durant les huit derniers mois de règne des Bourbons, il vivait à Caserte. Il s'occupait surtout de maintenir l'agitation dans les Abruzzes. Il avait six fils dont un fut fait officier de l'armée bourbonienne par François II. (Dans Allgemeine Deutsche Biographie, Aus veranlassung und mit unterstützung seiner majestaet des königs von Bayern, Dunder & Humblot, tome XVI, 1882, pp. 199-200 et dans R. COMMISSIONE EDITRICE (a cura della), La liberazione del Mezzogiorno... op. cit., volume 5, p. 391.)

* 160 Dans MONNIER Marc, Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit., pp. 38-39. Voyez également DE TIBERIIS Giuseppe F., Alle origini del brigantaggio politico nelle Abruzzi : la spedizione del colonnello Teodoro Klitsche De La Grange (sic). Ottobre 1860, dans «Rassegna Storica del Risorgimento», juillet-septembre 1984, p. 313.

* 161 Edwin von Kalkreuth. La vie de ce brigand prussien demeure très obscure. Il était né le 28 août 1822. Il fut capitaine de cavalerie en Autriche, avant de prendre le chemin de l'Italie. Il fut arrêté le 22 janvier 1861 à Messine. Il était habillé en bourgeois et débarquait par le paquebot postal français. Il tentait d'échapper à la surveillance de la police en se confondant aux autres passagers. Celle-ci ne fut cependant pas dupe. On l'arrêta. Il n'avait aucun papier sur lui et se disait brésilien. Ses bagages renfermaient des armes, des décorations, des brevets, des cartes chorographiques de l'Italie et en particulier des Calabres, une somme de 3000 francs en or, un passeport anglais et un brevet saxon. Interrogé une seconde fois, il expliqua aux autorités être du duché de Posen. Il était porteur d'importants documents officiels : une lettre des dames de Toulouse à François II, une demande de trois mois de congé adressée au général Casella, ministre de la guerre à Gaète et une troisième note priant le général Fergola, commandant de la citadelle de Messine, de faire le nécessaire afin que Kalkreuth puisse remplir au mieux sa mission. Kalkreuth possédait enfin des lettres en allemand, signées « C ». Sans doute était-ce son diminutif. Elles étaient destinées au ministre de Saxe, le baron Olivin de Seebach et à la princesse de Seebach. Dans ces documents, on trouvait des détails sur la mauvaise situation de Gaète et on accusait les ministres napolitains. Pietro Ulloa était dit inactif et le secrétaire du roi, Carbonelli, infidèle à son maître. Enfin l'auteur des lettres expliquait qu'on lui avait confié une mission dans les Calabres dont il doutait fort de la réussite, étant donné qu'il ne parlait pas l'Italien. Il espérait y rencontrer le général Afan de Rivera. Le procès du comte, selon Cavour, devait se poursuivre devant le Conseil de Guerre à Gênes. On le fusilla à Gaète le 29 mai 1862. (Lettres de Cavour au comte Brassier de Saint-Simon (ministre de Prusse à Turin) datées des 02 et 09 février 1861, dans R. COMMISSIONE EDITRICE (a cura della), La liberazione del Mezzogiorno... op. cit., volume 4, pp. 269 et 285-287. Les annexes à la lettre du 09 février se trouvent dans Idem, volume 5, pp. 386 à 381, notamment ; et dans CROCE Benedetto, La strana vita di un tedesco capo di briganti nell'Italia meridionale e giornalista anticlericale in Austria : L. R. Zimmermann, dans «La Critica, rivista di letteratura, storia e filosofia», tome XXXIV, fascicule 4, 1936, pp. 308-312.)

* 162 Dans BARRA Francesco, Il brigantaggio in Campania, dans «Archivio Storico per le Province napoletane», tome CI, 1983, p. 118.

* 163 de Coataudon arriva à Rome en avril 1860. Or, à cette époque, monsieur de Blumensthil avait été chargé de la réorganisation de l'artillerie pontificale. L'homme trouvait que les destriers faisaient particulièrement défaut et il fut décidé d'en acheter. Par souci d'économie, on choisit des chevaux plus ou moins sauvages. Quelle aubaine pour l'ancien élève du Haras du Pin et ancien écuyer civil à l'école de Saumur qu'était Coataudon. Venu à Rome avec des lettres de recommandation du général Oudinot pour monseigneur de Merode, il n'avait en effet toujours aucune nouvelle de la part du prélat sur une éventuelle place qui serait disponible. Malgré l'opposition de de Merode, il obtint qu'une école de dressage soit créée dans la villa di Papa Julio. On y envoya d'abord un maréchal des logis, chargé de la police et de la comptabilité, avec un détachement d'abord de 7 ou 8 hommes, porté ensuite à 18 ; ils provenaient en majeure partie du bataillon des franco-belges, ce qui n'allait pas sans irriter de Becdelièvre. Messieurs de Cossette, de Maillé et de la Béraudière furent adjoints à Coataudon. On envoya à l'école une quinzaine de chevaux sauvages. Coataudon utilisait cependant la fort lente méthode de Saumur pour dresser ces derniers. Après 5 semaines, aucun cheval n'avait encore été livré et monseigneur de Merode supprima l'école. Le détachement de la villa di Papa Julio fut versé aux chevaux-légers, les trois attachés de Coataudon s'en allèrent pour Viterbe tandis que lui-même alla offrir ses services au roi de Naples. (Dans FRAISSYNAUD Paul, L'armée pontificale sous le commandement du général de Lamorcière II., dans « Revue contemporaine », XXIe année, 2ème série, novembre et décembre 1862, tome XXX, pp. 309-311.)

* 164 Dans INSOGNA A., François II roi de Naples, Histoire du royaume des Deux-Siciles 1859-1896, Delhomme et Briguet éditeurs, Paris, 1897, pp. 199-200.

* 165 Dans MOLFESE Franco, Il brigantaggio meridionale post-unitario (II : La rivolta contadina del 1861), dans «Studi Storici (rivista trimestriale)», IIe année, 1961, tome II, p. 302.

* 166 Dans DE CHRISTEN (comte), Journal de ma captivité suivi du Récit d'une campagne dans les Abruzzes, E. Dentu éditeur, Paris, 1866, pp. 217-262.

* 167 Dans THOUVENEL L., Le secret de l'empereur... op. cit., volume 2, pp. 486-487.

* 168 Dans MONNIER Marc, Histoire du brigandage dans l'Italie méridionale... op. cit., p. 47.

* 169 Dans LEVY Armand, La cour de Rome... op. cit., p. lxxxi.

* 170 Dans CROCE Benedetto, Uomini e cose della vecchia Italia. Serie Seconda, coll. Scritti di Storia letteraria e politica, Gius. Laterza & Figli, Bari, 1943, p. 323.

* 171 Dans DE NOË (vicomte), Trente jours à Messine en 1861, Dentu, Paris, 1861, cité dans CROCE Benedetto, Uomini e cose della vecchia Italia... op. cit., p. 323.

* 172 Dans ROMANO Sergio, Il brigantaggio e l'Unità d'Italia, dans Nuova Antologia, février 1974, pp. 219 à 228.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon