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Les déterminants de l'adoption de l'internet à  domicile

( Télécharger le fichier original )
par Alfred Jacquy Moubep
Université de Douala - DEA 2009
  

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CHAPITRE

II

ADOPTION DE L'INTERNET
A DOMICILE

Il est important tout d'abord d'expliquer le terme adopter. Adopter et utiliser...deux termes qui sont très souvent utilisés comme synonyme, mais qui renvoient pourtant à des logiques différentes. Cet abus de langage repose très largement sur l'idée d'un déterminisme entre l'adoption et les usages. Or, l'adoption d'une technologie ne s'accompagne pas mécaniquement d'un usage de cette technologie ou du moins peut conduire à une sous-utilisation de cette dernière (des usages peu fréquents ou limités à une partie des fonctionnalités offertes). Par ailleurs, les usages d'une technologie peuvent être très différents de ceux initialement attendus par les concepteurs de cette technologie. Entre l'adoption et l'usage, il existe un processus d'appropriation de la technologie qui n'est pas toujours bien pris en compte dans les études sur la diffusion des innovations.

Dans le cas de l'Internet, l'adoption renvoie tout d'abord à l'acquisition du matériel informatique nécessaire pour accéder à Internet, puis au choix d'un abonnement auprès d'un FAI. Ensuite, se pose la question des usages de l'Internet.

Internet est un réseau qui interconnecte à l'échelle mondiale des systèmes informatiques selon un jeu de protocoles (langage de communication entre ordinateurs) de communications communes. L'origine du réseau et la décentralisation qu'il permet est militaire et avait pour objectif de pouvoir fonctionner en cas de destruction partielle. Devenu un réseau public, Internet a connu un développement fulgurant en standardisant et en simplifiant les échanges d'informations électroniques ainsi que l'accès à celles-ci.

Dans ce chapitre notre objectif est de faire un bref survol de la littérature sur les déterminants de l'adoption de l'Internet au foyer objet de la première section. Dans la seconde section, nous présentons l'adoption de l'Internet au Cameroun.

SECTION I : Revue de la littérature sur les Déterminants de l'adoption de
l'Internet au foyer

Le taux de connexion à Internet dépend fortement de la localité géographique habitent les ménages. Ainsi, des études portant sur les facteurs d'adoption de l'Internet à

domicile ont montré que la probabilité pour un ménage d'avoir une connexion Internet à la maison dépend fortement du taux d'équipement informatique des ménages résidents dans la même ville. En outre, la localisation géographique (milieu urbain/ zone rurale) est un facteur de la connexion à Internet. Ainsi, la densité en équipement informatique et en connexion Internet est plus élevée en milieu urbain qu'en zone rurale.

Il est nécessaire de passer en revue les facteurs qui expliquent ou non la demande de l'Internet chez les ménages.

§1. Le niveau de revenu des ménages

Le revenu se définit comme la part de la production qui revient au sujet économique (individu ou collectivité), comme rémunération de son travail et/ou fruit de son capital. Les grandes catégories de revenu sont : le salaire, l'intérêt, le profit et la rente.

Le revenu semble être un facteur essentiel dans l'accès et l'utilisation de l'internet. En effet, les ménages à bas revenus ont moins accès à Internet que ceux aux revenus plus élevés. De nombreuses études américaines ont mis en évidence un effet revenu (par exemple NTIA, 1998). Plus le revenu du ménage est élevé, plus le taux de connexion des foyers à Internet est important. Par ailleurs, d'autres caractéristiques des ménages tels que le niveau de vie apparaissent étroitement corrélées à l'adoption de l'Internet. En effet, si le revenu constitue habituellement le déterminant essentiel, il semble que beaucoup d'autres facteurs exercent une influence notamment le niveau d'éducation ou de scolarité, l'âge, le sexe, le lieu de résidence ou localisation, la composition du ménage, le voisinage social ou entourage etc.

§2. Le niveau d'éducation

L'éducation est l'activité sociale de transmission de connaissances structurées. Ses finalités sont sociales (faciliter l'intégration de l'individu), économique (faciliter la décision et augmenter l'efficacité du travail humain) et culturelle.

Nous pouvons supposer que le niveau d'étude a une influence positive sur l'adoption de l'Internet à la maison. En effet, il est probable que les plus diplômés, qui ont exploité l'outil informatique durant leur scolarité, apprécient mieux les possibilités offertes par cette technologie.

§3. La composition ou la taille du ménage

L'adoption de l'Internet à la maison peut être une décision de l'ensemble des membres du ménage car chacun y trouve un intérêt : les plus jeunes peuvent vouloir télécharger de la musique ou faire des jeux en réseau, les plus âgés rechercher des informations sur des biens et service... Nous supposons donc que la taille du ménage a un effet positif sur la probabilité d'avoir une connexion Internet à domicile.

§4.La localisation ou le lieu de résidence

Plusieurs rapports ont relevé l'effet de la localisation des ménages sur l'adoption de l'Internet (par exemple : Montagnier, Muller et Alii, 2002 ; CEE, 2002). Mais peu d'études économétriques ont utilisé le lieu de résidence comme déterminant. Pourtant, le fait d'habiter dans une zone urbaine ou dans une zone rurale n'est pas neutre. On pourrait par exemple penser que la propension à adopter Internet à domicile devrait être plus grande lorsque le ménage réside en zone rurale, loin d'une grande ville, Internet pouvant ainsi permettre de remédier à l'éloignement et aux difficultés d'offre culturelle et d'information. A l'inverse, les offres d'accès à internet étant plus nombreuses et de meilleure qualité en zone urbaine (câble, ADSL), on peut s'attendre à ce que la diffusion de l'Internet soit plus large dans les zones urbaines (l'offre stimulant la demande). Au final, l'impact de la localisation sur l'adoption de l'Internet est ambigu.

§5.Le sexe de l'individu

En 2001, le taux d'accès des ménages américains était de 54% que le chef de ménage soit un homme ou une femme (Montagnier, Muller, Vickery, 2002p.33).Cependant, dans la plupart des autres pays, on observe des disparités entre hommes et femmes. Ainsi une enquête de la commission européenne (CEE, 2002) a montré par exemple qu'en moyenne le taux de connexion à Internet était de 46% lorsque le répondant était un homme, contre 36% lorsque le répondant était une femme. Ainsi donc, nous pouvons affirmer que l'influence du sexe dans l'accès à Internet est ambiguë.

§6. L'âge de l'individu

L'âge de l'individu entendu comme période écoulée depuis la naissance doit vraisemblablement influencer négativement la probabilité d'avoir une connexion Internet à la maison, car les individus d'un certain âge ne sont peut être pas conscients de l'intérêt d'un tel outil dont ils ont toujours su se passer pendant de nombreuses années.

§7.Le style de vie

L'adoption de l'Internet pourrait être positivement corrélée à la possession d'équipement électronique et informatique (lecteur DVD, console de jeu vidéo, appareil photo numérique, ordinateur de poche ou agenda électronique etc.). Un individu est d'autant plus technophile qu'il possède des équipements de ce type. Penard et Poussing (2006) démontrent que l'Internet entre en concurrence avec d'autres loisirs comme la télévision et les jeux vidéo.

§8.Le voisinage social ou l'entourage.

Le choix d'acquérir un ordinateur ou de s'abonner à Internet ne dépend pas seulement de l'utilité intrinsèque des services auxquels donne accès ces équipements informatiques, mais dépend aussi des choix effectués dans l'entourage de l'individu. Comme tous les services présentant des externalités de réseau, la satisfaction retirée est une fonction croissante du

nombre d'utilisateurs du service. Ainsi, un téléphone portable, un fax ou un abonnement Internet apporteront d'autant plus de satisfaction individuelle que le nombre d'utilisateurs ou d'abonnés est important dans la population totale, mais surtout dans son voisinage social. Par voisinage social, nous entendons un voisinage d'interactions individuelles, c'est-à-dire un ensemble d'individus dont les comportements comptent pour le décideur. Un individu dont une grande partie de son entourage est connecté à Internet sera incité à son tour à s'abonner pour communiquer par courrier électronique ou échanger des fichiers, etc. Il pourra bénéficier aussi des conseils et expertises du voisinage pour apprendre plus rapidement. A l'inverse, un entourage social faiblement équipé d'un ordinateur et/ou d'une connexion à Internet peut constituer un frein à l'adoption des équipements informatiques.

Après cet exposé des déterminants de l'adoption de l'Internet au foyer, nous allons nous appesantir, dans la section qui suit à la présentation de l'adoption de l'Internet au Cameroun.

SECTION II : Adoption de l'Internet au Cameroun

Toutes les statistiques présentées dans cette section proviennent du rapport final de l'enquête nationale sur le niveau de pénétration et d'utilisation des TIC au Cameroun, enquête diligentée par le Minpostel (2006).

L'Afrique accuse un grand retard dans la transition vers la société de l'information. Avec plus de 800 millions d'habitants, soit 13% de la population mondiale, seulement un Africain sur 160 a accès à l'Internet (Gyewu, 2003). Par ailleurs, maints pays africains ne disposent pas d'indicateurs de TIC pertinents, nécessaires à la prise de décision stratégique et à l'élaboration des politiques de développement en la matière. C'est la raison pour laquelle le Cameroun, comme la plupart des pays d'Afrique s'est lancé dans plusieurs projets (comme l'Initiative pour la Société de l'Information en Afrique en 1996) dont l'objectif principal est

de réduire le fossé numérique et aider le pays à utiliser les opportunités qu'offrent les TIC dans la promotion du développement économique et social.

En ce qui concerne l'accès à l'Internet, le Cameroun connaît une croissance assez soutenue du marché depuis la libéralisation du secteur des télécommunications en 1998. Les services Internet les plus courants sur le marché sont : le web, l'hébergement des sites, la messagerie, le forum et la téléphonie IP (bien qu'elle ne soit pas encore réglementée). Les connexions des utilisateurs s'effectuent par VSAT, réseau téléphonique public commuté (RTPC) ou par liaison spécialisée radioélectrique ou filaire.

CAMTEL assure par ailleurs la gestion du point «cm» et exploite huit noeuds Internet à Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua, Ebolowa, Buéa, Sangmélima, Kribi. Ces noeuds offrent des accès de 2 Mbits/s.

Il y a une hausse régulière du nombre d'abonnés professionnels alors que le nombre d'abonnés par individu a une tendance à la baisse. Cette baisse se traduit par l'entrée de nouveaux opérateurs sur le segment Internet et l'utilisation très prisée de la téléphonie IP offerte à prix abordable par les nouveaux entrants. Des investissements visant à moderniser le réseau de l'opérateur historique peuvent justifier l'accroissement des abonnés professionnels.

Les droits d'accès à l'Internet via CAMNET sont très élevés par rapport au niveau de revenus des citoyens pour une offre à un débit acceptable ; ce qui constitue un frein à l'accès à l'Internet par les ménages et les institutions et donc à la pénétration du service.

Au niveau national, il y a un peu plus de structures disposant d'un site WEB. Près d'un tiers (31%) des sites Web enregistrés sont majoritairement jeunes de moins d'un an. Les secteurs santé et éducation ont le record des sites les plus jeunes.

§1-Niveau de connaissance, utilisation et formation à l'usage de l'Internet

Nous allons parler dans cette sous-section (dans l'ordre) du niveau de connaissance et d'utilisation, des formations personnelles et des formations organisées.

§1.1. Niveau de connaissance et d'utiisation de l'internet

Sur l'ensemble, 44% des personnes interrogées ont une adresse électronique. L'analyse selon le lieu de résidence indique que l'adresse reste encore plus courante chez les personnes habitant les chefs-lieux de région (54,4%) que toutes les autres (31,1% pour les chefs-lieux de département).

La proportion de personnes ayant un e-mail croît avec le niveau d'instruction. En effet, 63,8% d'enquêtés de niveau universitaire ont un e-mail. Cette proportion est de 21,7% pour le niveau secondaire et de 5,3% seulement pour le primaire.

La proportion de personnes possédant une adresse mail décroît régulièrement avec l'âge. Près de trois personnes de moins de 25 ans sur cinq (soit 56,8%) ont une adresse mail, ce qui représente plus du double de la proportion des personnes de plus de 55 ans ayant un email.

Yahoo est utilisé par la très grande majorité des utilisateurs de messagerie. 92,7% y ont un e-mail. Ensuite le site Hotmail est utilisé par 16% des détenteurs d'e-mail.

Les internautes au Cameroun sollicitent le plus les sites de messagerie (70%). Les sites académiques et scientifiques sont sollicités respectivement par 46,1% et 34,8% des internautes.

Pour ce qui concerne la répartition par sexe, un peu plus du tiers des femmes consultent les sites de messagerie ; leur proportion dépasse celle des hommes. La proportion des hommes qui s'intéressent aux sites scientifiques est pratiquement le double de celle des femmes et inversement la proportion de femmes qui s'intéressent aux sites de divertissement fait le double de celle des hommes.

Au Cameroun, l'utilisation de l'Internet se fait majoritairement dans les cybercafés (à ce jour, il faut débourser environ 200fcfa pour une heure de connexion). En effet, 86,1% des utilisateurs de ce service affirment se connecter dans un cybercafé contre 28,2% en milieu professionnel.

La bureautique de base est le niveau le plus prépondérant quelque soit le secteur alors que l'utilisation de l'Extranet et du commerce électronique est encore marginale.

§1.2.Formations personnelles à l'usage d'Internet.

Concernant les formations reçues sur l'utilisation d'Internet, on constate qu'il n'y a pas de disparités selon le sexe et la proportion d'hommes ayant reçu une formation sur l'Internet est de 31,6%.

Par contre, la proportion des personnes ayant reçu une formation sur l'utilisation d'Internet croît avec le niveau d'instruction. Il ressort aussi que près de la moitié de ces formations ont été reçues sur le tas contre 46% reçues dans les structures de formation.

§1.3. Formations organisées par les institutions utilisatrices

Seulement 23,3% d'institutions ont organisé des formations sur les TIC dans leur enceinte (2006). De plus, l'administration est le secteur qui organise le plus les formations sur les TIC (36,6% des institutions). Le milieu éducatif a la plus faible proportion (19,5%).

Selon le statut, les institutions du parapublic sont les plus nombreuses à organiser les formations pour leur personnel : 53,8% des institutions du secteur parapublic contre 19,7% et 23,1% pour le public et le privé respectivement.

§2.Contraintes d'accès à Internet au Cameroun.

Même si la majorité des camerounais reconnaissent les avantages que l'Internet procure, son usage reste encore timide et limité ceci pour plusieurs raisons : accès et accessibilité limitée, coût élevé, manque d'intérêt et, pour la femme en particulier, manque de temps et faible contrôle de son agenda. Seulement 20% des femmes naviguent sur Internet contre 22% d'hommes.

Le milieu de résidence est un facteur déterminant dans son accessibilité et son usage. C'est ainsi qu'en milieu rural et dans une certaine mesure en milieu périurbain où les infrastructures d'accès sont peu disponibles, les individus ne sont pas en mesure de bénéficier des bienfaits qu'offrent internet. Cet état des lieux pénalise davantage la femme

que l'homme, car la majorité de la population féminine camerounaise se trouve en milieu rural.

Au terme de ce chapitre, nous avons exposé dans la première section quelques facteurs les plus souvent cités comme déterminants de l'adoption de l'Internet dans les ménages notamment : le niveau de revenu mensuel du ménage, le niveau d'étude, la composition du ménage, le lieu de résidence, le genre, l'âge de l'individu, le style de vie et l'entourage. Ensuite, dans la seconde section, nous nous sommes intéressés à l'adoption de l'Internet au Cameroun. Il ressort de cette section que : les cybercafés sont les lieux où les camerounais utilisent plus Internet ; et parmi les utilisations faites c'est l'adresse électronique qui ravit la vedette. Le nombre d'E-mail croit avec le niveau d'instruction. Les limites à l'accès à l'Internet les plus citées sont : l'accessibilité, le coût élevé, l'inutilité.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius