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Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang

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par Simplice Aimé Kengni
Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006
  

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CHAPITRE CINQUIÈME : LA VARIATION SYNTAXIQUE OU LE FRANÇAIS ORALISÉ

L'appropriation du français par les écrivains négro-africains se manifeste aussi souvent par une restructuration de la syntaxe, élément très peu poreux aux variations.

Pour R. S. WAMBA et G.-M NOUMSSI,81(*) cette modification de la norme syntaxique est due au substrat linguistique, perçu comme influence inconsciente de la langue maternelle sur le français langue seconde.

Plus spécifiquement, la syntaxe s'intéresse à l'architecture de l'énoncé, à la manière dont les unités se combinent les unes aux autres en discours. Sur ce J. Dubois et alii la définissent comme étant :

La partie de la grammaire qui étudie les rapports entre les groupes de termes constituants la phrase (syntagmes), entre les membres de ces groupes (mots) ou entre les phrases dans le discours.82(*)

Dès lors, la syntaxe comporte trois éléments : les mots, les syntagmes, les phrases. Toutefois, il ne s'agit pas pour nous de procéder à une analyse exhaustive de l'agencement linéaire des éléments combinatoires des phrases contenues dans notre corpus. Aussi nous attellerons-nous à relever dans celui-ci des phénomènes qui au niveau syntaxique constituent des particularismes.

À cet égard, notre étude à ce niveau portera sur les changements de construction à travers : les calques syntaxiques, les formes de l'interrogation, la transcription des expressions orales populaires ; puis suivront l'analyse de certains traits énonciatifs ainsi que celle des modifications d'expressions figées.

5.1 Les changements de construction.

Dans le corpus littéraire des écrivains d'Afrique noire, ces changements de construction sont pour la plupart dus au fait que les langues locales, qui sont caractérisées par l'oralité, influencent fortement les locuteurs. À cet effet, R. S. WAMBA et G.-M. NOUMSSI affirme que :

Certaines constructions morpho-syntaxiques originales [du français au Cameroun contemporain], trahissent les usances du français oral dans les textes écrits.83(*)

Dans l'IBR, les constructions s'illustrent à travers la présence des calques syntaxiques, les formes de l'interrogation et la transcription de l'oral populaire.

5.1.1 Les calques syntaxiques.

Les calques syntaxiques, d'après A. LIPOU,84(*) se manifestent par l'importation des structures des langues africaines en français, dans une traduction qui colle au texte de départ.

Au cours de cette transcription, la langue française copie et restitue la structure des langues locales. De même, cette construction s'éloigne du point de vue syntaxique et sémantique des normes prescrites par la grammaire française.

Pour cause, L. M. ONGUENE ESSONO relève que :

Ce phénomène passe par le processus cognitif des locuteurs camerounais qui réfléchissent d'abord en leurs langues et qui reproduisent ensuite le résultat en français.85(*)

Les exemples relevés dans notre corpus sont des paroles proférées par certains personnages et se présentent sous forme d'interrogatoire.

91) Il se calmait, essayait de se concentrer sur l'oreille de la Sitabac, son oreille qui jouait la sourde : tu m'entends ou quoi. (p.54)

92) Tu vas répondre ou quoi, lui demandait-il. (p.54)

93) Tu vas encore faire quoi, non Doyen le temps des patrouilles est fini bientôt, hein. (p.74)

94) Le gars travaille même le vendredi soir, pense D. Eloundou, il est même marié ? (p.108)

95) Que c'est lui qui a travaillé à ta place ?il faut lui montrer que tu t'en fous de lui. (p.102)

Ces énoncés permettent de se rendre compte à quel point le phénomène de calque syntaxique provoque des transformations dans la distribution des catégories grammaticales de la langue réceptrice.

Comme on peut le percevoir, ces énoncés ne fonctionnement qu'à l'oral, avec une certaine intonation particulière permettant de déduire la modalité de phrase.

Ainsi dans les occurrences tu m'entends ou quoi, tu vas répondre ou quoi, on note une certaine sorte d'insistance dans l'interrogatoire qui est effectuée par le commissaire principal adjoint D. Eloundou. En réalité, en dehors de la modification de la structure attestée, le pronom interrogatif quoi utilisé ici remplace la particule négative pas. En fait, la structure normale aurait été : vas-tu répondre ou pas ?; m'entends-tu ou pas ?

Dans l'exemple tu vas encore faire quoi, non, le substrat linguistique se manifeste par la modification du syntagme interrogatif resté in situ complété par la particule non forme d'intonation ascendante. Tout ceci donne à l'énoncé l'allure d'une phrase déclarative.

Dans le cas de l'énoncé il est même marié ?, le même phénomène se produit. Nous avons une phrase interrogative qui se présente sur la structure d'une phrase déclarative. Dans ce contexte seule l'intonation ascendante à l'oral permet de faire savoir qu'il s'agit d'une phrase interrogative, la structure n'ayant subi aucune transformation à l'écrit.

Le dernier énoncé que c'est lui qui a travaillé à ta place ? présente une structure emphatique. Le que présent en tête de phrase ici n'est qu'explétif et n'a aucune fonction syntaxique. En effet, l'interrogation présente ici n'est que formelle du fait qu'il y a une sorte de mélange de modalité : morphologiquement, il s'agit d'une interrogation mais sémantiquement, il s'agit d'une assertion.

Pour se référer au contexte de l'oeuvre, cette assertion est proférée par l'une des femmes du commissaire principal adjoint qui est surprise du fait qu'un prisonnier en liberté puisse empêcher son mari de réaliser sa fête de remise de médaille. Elle l'incite par le fait même à marquer une indifférence à l'égard de ce dernier.

Parlant de la structure interrogative, plusieurs cas sont attestés dans l'IBR, ce qui laisse croire que cette oeuvre serait un reflet des conversations orales populaires.

* 81 R. S. WAMBA et G.- M. NOUMSSI, « Le Français au Cameroun contemporain, statuts, pratiques, problèmes sociolinguistiques », in http://www.refer.sn/sudlangues n°5, 2005 pp.1-20.

* 82 J. DUBOIS et alii, op.cit., p.1825

* 83 R. S. WAMBA et G. M. NOUMSSI, op.cit, p.13

* 84 A. LIPOU, 2001, op.cit, p.127

* 85 L. M. ONGUENE ESSONO, « La Langue française des écrivains camerounais : assimilation et/ou révolution ? » in Patrimoine, n°003, p.24

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