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Contextualisation et variation de la langue française dans l'écriture littéraire au Cameroun: le cas de l'invention du beau regard de Patrice Nganang

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par Simplice Aimé Kengni
Université de Yaoundé I - Maitrise en Lettres Modernes Françaises 2006
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES.

Parvenu au terme de ce travail, il convient d'en tirer les conclusions et faire quelques suggestions.

En effet, la présente étude avait pour objectif d'identifier, d'analyser et de dégager la signification contextuelle des différents éléments sujets à la variation dans l'écriture littéraire au Cameroun, ce à travers un corpus d'application choisi pour des raisons mentionnées supra.

Cette étude a révélé que la contextualisation de la langue française sous la plume des écrivains négro-africains passe par la restructuration presque totale des éléments fondamentaux de cette langue, en vue de l'accorder aux contextes des locuteurs africains, de sorte à faciliter l'expression de leur univers culturel.

Dans la pratique, l'exploitation de l'IBR de Patrice NGANANG nous a permis de relever trois grands niveaux de variation du français à savoir : le niveau lexico-sémantique, le niveau morpho-sémantique et le niveau syntaxique.

Au niveau lexico-sémantique, la variation de la langue est rendue par la modification du sens des lexies et expressions existant en français standard. Bien plus, ceux-ci trouvent une signification selon le contexte dans lequel ils sont utilisés. Ainsi, nous avons relevé des exemples liés à la prostitution, à la corruption, aux pratiques mystiques et à la misère, exemples qui sont en fait des réalités entrant dans le quotidien des locuteurs camerounais livrés au joug d'une crise socio-économique.

Par ailleurs, les changements de connotation et de dénotation, les glissements sémantiques et la métaphorisation permettent à Patrice NGANANG de présenter de façon crue, les images saisissantes du Cameroun contemporain, telles qu'elles se vivent, se racontent dans les rues et gargotes par les locuteurs en proie aux tourments multiformes.

De même, les lexèmes et expressions appropriés revêtent non pas le sens créé par l'auteur, mais celui que lui impose le milieu ; car il faut le préciser, cette oeuvre semble se raconter d'elle-même. C'est en fait une sorte de miroir que l'on promène le long de la rue, copiant fidèlement ce qu'il voit.

La présence du langage familier et vulgaire employé par l'auteur et ses personnages est ici une illustration parfaite de la retransmission fidèle des réalités camerounaises tant sociales que linguistiques.

Au niveau morpho-sémantique, la contextualisation du français chez Patrice NGANANG se manifeste à travers une habileté dans la création de nouveaux lexiques, venant s'ajouter à ceux existant déjà en français standard. Ce procédé, loin d'être iconoclaste, apparaît ici plutôt comme un mode d'enrichissement de la langue française, du fait qu'il suit le même processus de créativité des mots nouveaux. De ce fait, l'IBR présente les cas d'abrègement, de dérivation de composition et d'emprunts qui sont des faits naturels à toute langue.

Ceux-ci permettent en même temps de répondre aux exigences langagières des locuteurs et de décrire leur univers culturel par des termes appropriés et que la langue française se révèle incapable de nommer. Bien plus, l'habillage sémantique que revêt ces nouvelles lexies laisse transparaître un regard satirique que jette Patrice NGANANG sur la société camerounaise, société dans laquelle les tracasseries policières (le cas du personnage policier D. Eloundou), la promiscuité et l'avarice (le cas de Taba et sa famille), ainsi que la jalousie et les médisances (caractérisant plusieurs personnages de L'IBR) s'érigent désormais en règles foulant au pied les principes de la morale.

Enfin, le niveau syntaxique que nous avons encore intitulé le français oralisé dans L'IBR présente un visage plus renforcé de la contextualisation de la langue chez les locuteurs camerounais. En fait, les exemples que nous avons relevés laissent apparaître à première vue ce que L.M. ONGUENE ESSONO appelle les techniques d'indigénisation de l'écriture qui, loin d'enrichir le français, le dénaturent et l'altèrent au point de conclure à des dysfonctionnements de discours.93(*)

Toutefois, l'analyse des différents énoncés, tant des personnages que ceux de l'auteur nous a permis de constater qu'il ne s'agit en réalité que d'une transposition des structures du français oral tel qu'on le parle dans les rues et les bidonvilles du Cameroun, par les locuteurs garant d'une certaine norme endogène qui a désormais droit de cité ; le seul souci ici étant de communiquer et de se faire comprendre.

Par ailleurs, la plupart des constructions que nous avons analysées en l'occurrence : les calques syntaxiques et certains traits énonciatifs permettent de se rendre à l'évidence de la forte influence qu'exercent les langues locales camerounaises sur les structures du français. C'est pourquoi J. TABI MANGA mentionne à juste titre que :

Autant la culture et la langue française transforment la culture camerounaise, autant celle-ci, par ses langues influence largement l'usage du français en l'accordant à l'environnement camerounais.94(*)

Ainsi, le français oralisé dans l'IBR cache plusieurs motivations parmi lesquelles l'influence du substrat linguistique, celle du milieu social ainsi que le problème de crise économique qui serait à l'origine de la baisse du taux de scolarisation, laissant ainsi libre cours à la montée du français basilectal acquis dans la rue.

Ces conclusions prises à différents niveaux d'analyse impliquent la forte coloration de l'écriture littéraire au Cameroun à travers une oeuvre qui se fait l'écho du paysage socio-linguistique du milieu. Ceci étant, devrait-on pour autant parler d'une éventuelle subversion linguistique ou d'une créolisation du français comme le dégage notre problématique ?

L'étude de l'oeuvre de Patrice NGANANG, intitulé l'IBR, montre que le français des écrivains négro-africains est variationnel, différentiel et plurilingue à souhait ; posant ainsi le problème d'une norme en éclats. Ce phénomène qui participe de la contextualisation du français contribue à son enrichissement.

Ainsi, J. TABI MANGA remarque que ces mutations qui bouleversent les schémas, les canevas romanesques et dramatiques se doublent sur le plan linguistique d'une approche interculturelle.95(*) De même, il affirme qu'

Enfin, toute créolisation éventuelle du français semble impossible pour l'instant dans la mesure où la syntaxe du français parlé et écrit au Cameroun n'est pas différente de celle du français standard. Il s'agit donc fondamentalement d'une même langue mais accordée à un environnement socioculturel particulier.96(*)

Il en ressort donc que, loin d'une éventuelle subversion linguistique dans l'écriture littéraire au Cameroun, il y a plutôt lieu de parler d'une autre forme d'écriture, née du désir des écrivains de prendre en compte les référents culturels des leurs, tout en traduisant leur vision du monde. Cette pluralité de type d'écriture aujourd'hui permet

À la francophonie africaine [...] de faire connaître ses idiotismes, d'être pleinement vivante à travers la richesse de ses expressions, de contribuer à sa manière du français afin qu'apparaissent sa vérité dans sa variété.97(*)

Cependant, dans le cadre d'une éventuelle recherche, il y a lieu de se demander si cette contextualisation du français serait liée au style particulier de l'auteur ou à l'insuffisance de cette langue à traduire toutes les sensibilités des locuteurs camerounais. Qui plus est, on ne saurait aujourd'hui généraliser l'appropriation du français chez les romanciers et dramaturges camerounais comme par le passé. Car chacun a sa façon de créer ou d'enrichir la langue, d'où l'importance d'une lecture stylistique du corpus africain telle que le font déjà les études ethnostylistiques.

* 93 L. M. ONGUENE ESSONO, (1999), op.cit, p.125

* 94 J. TABI MANGA, (1990), op.cit., p.11

* 95 J. TABI MANGA, (1990), op.cit., p.11

* 96 Idem, op.cit., p.17

* 97 Ibidem

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld