A. L'exécution des peines privatives de
liberté
En tant que représentant de la société,
le Ministère public veille à l'exécution effective des
peines privatives de liberté. Il peut à cet effet se
présenter comme le garant de la paix et la sécurité
publiques (I) ce qui entraîne certaines conséquences (II).
I. Le Ministère public, garant de la paix et de
la sécurité publiques
140 On parle d'acquittement en cas de crime et de relaxe
lorsqu'il s'agit des délits.
141 Voir article 545 (3) du code de procédure
pénale
113. L'exécution des peines privatives de
liberté est assurée par le Procureur de la République ou
le Procureur Général qui disposent du droit de requérir
directement la force publique. Concrètement, après le
prononcé de toute décision, le président de la juridiction
doit s'assurer de son exécution. Pour ce faire, il communiquera la
décision au greffe de la juridiction. Le greffier portera la
décision dans le registre ouvert à cet effet auprès de
chaque greffe. Une copie de la décision sera remise au Ministère
public ainsi qu'aux autres parties. Le Ministère public veillera donc
à l'exécution des condamnations.
Selon l'école de la défense sociale
positiviste, la société doit être protégée
contre le délinquant. La peine va se présenter ainsi comme une
mesure d'intimidation, d'élimination des menaces à la paix et
à la sécurité publiques. La peine privative de
liberté doit conduire à l'incarcération du condamné
de façon immédiate. Et c'est au Ministère public que
revient la charge de rendre cette exécution effective. Il saisira
à cet effet les agents de la police ou de la gendarmerie ou encore ceux
de l'administration pénitentiaire aux fins de conduire le
condamné à la prison, lieu où il purgera sa peine. Il
s'ensuit que le Ministère public n'a pas à ce niveau un pouvoir
pour apprécier l'exécution de la peine ; des conséquences
en résultent.
II. L'appréciation critique de l'exécution
des peines privatives de liberté
114. L'absence d'un pouvoir d'appréciation de
l'exécution de la peine privative de liberté chez le
Ministère public a pour conséquence que toutes décisions
prévoyant un emprisonnement doivent être exécutées
dans les locaux de la prison. Le Ministère public ne peut donc pas comme
c'est le cas en France, communiquer certains dossiers au juge de l'application
des peines, celui-ci étant inexistant dans la structure judiciaire
camerounaise. Ceci pourrait justifier les surcharges constatées dans nos
différentes prisons142.
115. L'autre conséquence serait que la
personnalisation de l'exécution de la peine ne peut être
envisagée qu'avant son prononcé. Ce qui n'est pas rassurant dans
la mesure où le juge ne dispose pas de temps suffisant pour
apprécier la personnalité du délinquant ou son
comportement. Or cela peut être facilement effectué par le juge de
l'application des peines après le prononcé de la
décision.
Si dans le schéma classique du fonctionnement des
institutions, la loi fixe la peine, le juge la prononce et l'administration
l'exécute, ce schéma peut s'avérer aujourd'hui
obsolète puisque la fonction du juge s'étend davantage au
contrôle de l'exécution des décisions de justice rendues.
En fait, le sort du condamné ne devrait plus être laissé
à l'administration
142 Voir les effectifs des prisons centrales de YAOUNDE et
DOUALA par exemple où les condamnés à des petites peines
cohabitent avec les grands criminels. Ce qui a généralement pour
conséquence de les rendre plus délinquants et récidivistes
à leur sortie. La fonction de protection de la peine se trouvant ainsi
remise en cause.
pénitentiaire car la peine n'est plus immuable ; elle
peut être aménagée en considération du comportement
du condamné. La défense sociale devrait également tenir
compte de la réinsertion sociale du condamné143. La
peine ne remplit plus seulement une fonction de rétribution,
d'élimination temporaire, ou de dissuasion, elle a aussi une fonction
d'amendement et de réinsertion sociale. Ce qui constitue des garanties
d'humanisation, de prévention de la récidive et de meilleure
efficacité de la justice pénale. L'institution d'un juge de
l'application des peines en droit camerounais s'avère ainsi comme une
nécessité imparable144 malgré l'insuffisance
d'infrastructures appropriées pour la personnalisation de
l'exécution des peines.
116. Le juge de l'application des peines a un double
rôle : contrôler dans un premier temps les conditions
générales de l'exécution des peines probatoires
d'emprisonnement et décider de leur personnalisation éventuelle
lorsque les peines relèvent de sa compétence145, dans
un second temps. Il n'est pas compétent pour connaître des
incidents d'exécution.
L'institution d'un juge de l'application des peines
constituerait un complément à la garantie de l'efficacité
de la justice répressive par le Ministère public, garantie qui
s'étend également à l'exécution des condamnations
pécuniaires
B. L'exécution des condamnations
pécuniaires.
117. En disposant que « Le Ministère public
et les parties poursuivent, chacun en ce qui le concerne, l'exécution
des décisions devenues irrévocables », l'article 545
paragraphes 3 du code de procédure pénale voudrait dire que le
Ministère public n'a pas pour mission de veiller au recouvrement des
dommages et intérêts pour la partie civile. Il a pour mission
essentielle, en dehors de l'exécution des peines privatives de
liberté, de garantir les intérêts de l'Etat. A cet effet,
il veille au recouvrement immédiat des amendes et autres frais de
justice (I) et peut également procéder à leur recouvrement
forcé (II).
I. Le rôle du Ministère public dans le
recouvrement des amendes
118. Sous le vocable « amendes », on peut regrouper
les amendes ordinaires, les amendes forfaitaires et les frais de justice. Le
Ministère public veille au recouvrement des amendes ordinaires et frais
de justice ainsi qu'au recouvrement des amendes forfaitaires.
Les amendes et frais de justice sont payés au greffier en
chef de la juridiction qui a
143 il s'agit précisément des idées de la
défense sociale Nouvelle de marc Ancel.
144 Une étude menée par BOUVIER (O-L) a
révélé que les juges de l'application des peines a
été institué en Colombie, en Côte d'Ivoire depuis
1969, au Burkina Faso depuis 1988, à Madagascar, au Brésil, en
Jordanie, au Bénin, au Niger, au Togo ; en Afrique du Sud la reforme
pénitentiaire implique les juges dans le contrôle de
l'exécution des peines...
145 Il peut ainsi substituer à une peine d'emprisonnement,
l'exécution d'un travail intérêt général ou
une mesure de semi-liberté...
rendu la décision. Le greffier en chef délivre
préalablement une copie de la décision contenant le
décompte des amendes et frais de justice au condamné. Si celui-ci
peut s'acquitter de ces frais immédiatement, il le fait et le greffier
en chef lui délivre une quittance de paiement sans frais, extraite d'un
carnet à souches. Une copie du paiement est également transmise
au Ministère public par le greffier en chef ainsi que l'extrait de la
décision devenue irrévocable.
119. Le recouvrement des amendes forfaitaires146 est
effectué par les officiers de police judiciaire147 agissant
comme agent verbalisateur sous le contrôle du Ministère public.
L'agent verbalisateur doit être muni d'un carnet
à souches spécial côté et paraphé par le
parquet compétent. Le paiement148d'une amende forfaitaire est
facultatif149 et donne lieu à la délivrance
sur-le-champ d'un reçu du carnet à souches et à
l'établissement d'un procèsverbal qui sera communiqué au
Ministère public. Le taux de l'amende forfaitaire est fixé,
suivant la classe de la contravention150. Les sommes perçues
au titre des amendes forfaitaires sont versées sans délai au
trésor public. Le trésorier ou tout autre responsable
habilité des services du trésor dresse un état des
versements dont une copie signée par lui est adressée au
Procureur de la République compétent. Celui-ci exercera son
contrôle sur la légalité de l'amende perçue. Si le
Procureur de la République constate que le montant de l'amende
forfaitaire perçue est supérieur151 ou
inférieur152 au taux légal, il rétablira la
situation par ordonnance notifiée au contrevenant (art 619 CPP).
Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action
publique. Alors que le refus de payer peut donner lieu à l'ouverture des
poursuites.
120. En tout état de cause la non exécution d'une
condamnation pécuniaire peut donner lieu à une mesure
d'exécution forcée.
II. L'exécution forcée des condamnations
pécuniaires
146 L'amende forfaitaire est une peine pécuniaire
applicable aux contraventions et dont le montant est fixé d'avance par
la loi. Elle n'est pas perçue lorsque la contravention a causé un
dommage corporel ou matériel ; est connexe à un délit ou
à un crime ; se rapporte à la gérance ou à
l'exploitation d'un débit de boissons ; lorsqu'une disposition
légale impose à l'agent verbalisateur de prendre une mesure
administrative notamment la mise en fourrière du véhicule ou le
retrait du permis de conduire ou de toute autre pièce ; si le
contrevenant est en état d'ivresse dans un lieu public.
147 Les agents de police judiciaire et les agents publics
investis les attributions de police judiciaire ne peuvent percevoir lesdites
amendes que s'ils y sont régulièrement habilités.
148 Avant de procéder à la perception de l'amende,
l'agent forfaitaire doit prouver sa qualité au contrevenant en
produisant sa carte professionnelle
149 . Toute mesure vexatoire ou d'intimidation à
l'égard du contrevenant qui refuse de payer est passible des sanctions
prévues à l'article 140 CP (art 614 CPP)
150 1000 F pour la première classe; 2400 F pour la
deuxième classe ; 3600 F pour la troisième classe ; 25000F pour
la quatrième classe
151 La restitution sera nécessairement effectuée,
sur présentation de l'ordonnance du Procureur de la République ou
du jugement, par le trésor public.
152 Ce cas constitue une contravention de quatrième classe
engageant la responsabilité de l'agent verbalisateur.
A côté des mesures d'exécution
forcée153 prévues dans l'Acte Uniforme OHADA sur les
procédures simplifiées et voies d'exécution, le code de
procédure pénale a prévu la contrainte par corps. Celle-ci
vise à obliger le condamné à exécuter les
condamnations pécuniaires ou à effectuer les restitutions
ordonnées par une juridiction répressive.
121. Consistant en une incarcération, la contrainte
par corps est exécutée à la diligence du Ministère
public tant au profit de l'Etat que dans l'intérêt de la partie
civile154. Elle ne peut pas être exercée contre les
personnes âgées de moins de dix-huit ans ou de plus de soixante
ans au moment de son exécution, ni contre les femmes enceintes. Elle ne
peut non plus être prononcée contre les civilement responsables ou
l'assureur de responsabilité. Son exécution ne peut pas se faire
simultanément avec celle d'une peine privative de liberté ; elle
intervient après l'exécution de celle-ci et s'éteint avec
la prescription de la peine qui l'a fait naître. Son exécution
peut être suspendue en cas de proposition d'une caution acceptée.
L'exécution de la contrainte par corps n'éteint pas la dette.
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