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Le role du ministère public en droit camerounais

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par Moustapha NJOYA NJUMOU
Université de Yaoundé II - DEA droit privé fondamental 2006
  

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Section II : la procédure et l'impact de la communication sur le procès civil

Après avoir retracé la procédure de la communication (paragraphe 1), nous

177 Il s'agit du juge du TGI.

analyserons la preuve et la sanction des communications comme impact de celle-ci sur le procès (paragraphe 2).

Paragraphe I : la procédure de la communication

146. Le procès civil est régi par certains principes directeurs tels que le principe dispositif et la contradiction... Ces principes permettent de déterminer le cadre du procès civil dans son déroulement avec le rôle y joué par les différents protagonistes dont le Ministère public. Celui-ci doit avoir un cadre d'intervention qui tient compte de ces principes (B) après être informé par le moyen de la communication qui se déroule selon les modalités précises (A).

A. Les modalités de la communication

Nous répondrons essentiellement à la question de savoir qui est l'auteur de la communication (I) et par quels moyens intervient le Ministère public (II)

I. L'auteur de la communication

147. La communication a lieu à la diligence du juge sauf dispositions contraires de la loi. Il s'assure que le greffier a bien effectué cette communication. Il ne revient pas aux parties de veiller à ce que la communication des affaires communicables soit faites au Ministère public. Ainsi on ne saurait reprocher à une partie de n'avoir pas communiqué son recours au Ministère public178. La communication doit avoir lieu en temps utile pour ne pas retarder le jugement et si la décision en fait état, elle est présumée avoir eu lieu avant l'ouverture des débats179.

II. Les moyens d'intervention du Ministère public

148. Le Procureur de la République ou le Procureur Général ont le choix entre donner un avis motivé ou non ; rédiger des conclusions écrites ou exprimer leur opinion oralement à l'audience devant la juridiction. Ils ne sont pas tenus d'être présents à l'audience même lorsqu'ils ont reçu communication d'une affaire180 sauf dispositions contraires de la loi. Ces moyens doivent être mis en oeuvre dans un cadre garantissant le respect de certaines règles.

B. Le cadre d'intervention du Ministère public

Parler du cadre d'intervention du Ministère public revient à situer l'étendue de ses conclusions, avis ou opinions et à préciser le moment de cette intervention. Ce cadre nous

178 Cass. 2èmeciv, 8 Oct 1986. 2. Panor 286.

179 Cass. Com. 11 mai 1982, bull. civ. IV, n° 176.

180 Cass. Com.15 juill 1975, bull. civ. IV, n°204, D. 1975. 735, note F.D. 4 mai 1976, D. 1976, IR 231.

permet d'apprécier le respect du principe dispositif (a) et celui de la contradiction (b)

I. L'intervention du Ministère public et le principe dispositif

149. Le principe dispositif est celui qui préside à la distribution des rôles entre le juge et les parties. Selon ce principe, les parties ont seules la faculté d'initiative, de désistement, d'acquiescement, d'impulsion c'est-à-dire d'entamer ou d'interrompre le procès civil181. Ils ont la charge d'alléguer et de prouver les faits dans le procès civil, alors qu'il revient au juge de les qualifier selon la règle de droit adéquate182. Le principe dispositif fait du procès civil un procès essentiellement accusatoire où le juge n'a en principe que le rôle d'un arbitre neutre. Il ne lui est pas permis de faire intervenir dans les débats les faits dont il aurait personnellement connaissance en dehors du procès. C'est donc les parties qui fixent et délimitent le cadre du procès dans son étendue, à travers les faits allégués au soutien de leurs prétentions respectives. La décision du juge doit uniquement tenir compte des faits portés à sa connaissance par les parties et porter sur toutes les prétentions et uniquement sur elles. Lorsque le juge omet de statuer sur l'une des prétentions, on dit qu'il a statué infra petita ; lorsqu'il statue au-delà de ce qui lui a été demandé, on dit qu'il a statué ultra petita et lorsqu'il a dénaturé les prétentions183 des parties, on dit généralement qu'il a statué extra petita. Et la décision doit être, dans les deux premiers cas, révisée soit pour statuer sur la prétention omise, soit pour retrancher ce qui a été ajouté. On se demande donc si ce principe s'impose au Ministère public avec la même acuité.

150. Le Ministère public veille à l'application des lois, règlements et décisions de justice et peut, dans l'intérêt de la loi, prendre devant toute juridiction auprès de laquelle il est représenté, les réquisitions qu'il estime utiles. Quand il intervient, il donne un avis et fait entendre la voie du représentant de l'autorité publique sur la légalité. En tant que partie jointe au procès civil le Ministère public doit respecter le principe dispositif ; son intervention doit se limiter en principe au cadre fixé par les parties. Il doit « accepter le procès avec les limites et l'étendue que lui ont données les parties. Il n'a pas le droit d'élargir le procès, d'émettre les prétentions auxquelles les plaideurs n'auraient pas recourues »184. Mais il existe une atténuation à cette règle.

181 Contrairement au procès pénal où le Ministère public, bien qu'ayant la faculté d'entamer les poursuites, n'a pas en principe la possibilité de transiger à propos ou de l'interrompre sauf à considérer l'article 64 CPP.

182 L'article 12 NCPC dispose en ce sens que : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée... »

183 La cour de cassation française sanctionne généralement ce genre de décision. Elle l'a fait dans un cas où une Cour d'Appel saisie pour se prononcer sur l'extension d'une liquidation des biens à un dirigeant de l'entreprise, a condamné ce dernier au paiement du passif social. ( Cass. Com. 28 nov. 1979, bull civ IV, n°314).

184 GLASSON, TISSIER et MOREL, tome II, n° 506, cité par ELOUNDOU ELOUNDOU op. Cit. p.27.

Le Ministère public ayant pour mission la défense de l'ordre public, il lui revient, au cas où une décision risque de porter atteinte à celui-ci, de veiller à ce que cela soit évité. Il peut signaler au juge les moyens d'ordre public185même par l'allégation des faits non évoqués par les parties. Lorsqu'il intervient dans les matières communicables, sa passivité n'est plus de rigueur. C'est ainsi qu'il peut verser au débat tous les documents et renseignements de nature à contribuer à la solution du litige186 ; par exemple, produire à une partie dans une action en recherche de paternité, les documents qui attestent l'entretien de l'enfant, alors que son action reposait sur la séduction dolosive et le concubinage notoire187. Dans la pratique, le Ministère public peut même aider l'une des parties indirectement tout simplement en évoquant un moyen dont il précise qu'il ne peut faire entrer dans les débats en application du principe dispositif.

Il en résulte que l'intervention du Ministère public peut être d'un impact considérable sur le principe dispositif et élargir ainsi le cadre du débat, sinon inverser le cours du procès en aidant l'une des parties. Cela pourrait contribuer à rendre la justice moins judiciaire dans le procès civil, puisque la vérité dissimulée par certaines parties pourrait être révélée par l'intervention du Ministère public.

151. Le procès civil peut être davantage juste si le principe de la contradiction est respecté à travers l'intervention du parquet.

II. L'intervention du parquet et la contradiction

Principe émergent, la contradiction a longtemps été absente dans les écrits de la doctrine. Elle a figuré curieusement dans un paragraphe de l'ouvrage en cinq volumes de GLASSON, TISSIER et MOREL : « les juges ne peuvent en principe statuer sur une demande qu'après instruction et débat contradictoires ; il doit y avoir libre défense, libre contradiction. Ce sont les garanties essentielles qui dominent toute la procédure »188. La contradiction implique l'échange des conclusions entre les parties et la connaissance par chacune d'elles de tous les éléments de fait et de droit sur lesquels sont fondées les prétentions respectives pour leur permettre de mieux préparer leur défense. Ces pièces et conclusions doivent être produites dans des délais propices pour garantir une bonne prise de connaissance par chacune des parties.

152. Le Ministère public intervenant dans le procès civil en tant que partie jointe donne

185 Les moyens d'ordre public sont ceux qui peuvent être soulevés d'office par le juge et qui peuvent être reçu en tout état de cause c'est-à-dire à toue étape de la procédure.

186 Civ. 1ère 18 mars 1958, bull civ n° 156 p.120.

187 Paris 23 juin 1955, JCP 1956, II, 9064, obs. DOUDE ; RTDC, 1956, p.172, obs. HEBRAUD.

188 Cité par MARTIN (R), les principes directeurs du procès, rep. Pr. Civ. Dalloz, mai 2000. p 21

son avis, soit en prenant la parole à l'audience, soit en déposant des conclusions écrites. Lorsqu'il intervient oralement, il a la parole le dernier189, les parties ne pouvant plus que déposer des notes en délibéré en réponse à ses arguments. Cette règle est considérée comme étant d'ordre public par la jurisprudence190 et sanctionnée par la nullité de la décision191. Si par contre le Ministère public décide d'intervenir par le moyen des conclusions écrites, il ne lui est fait aucune prescription sur le moment de la production desdites conclusions. Il suffit qu'elles soient communiquées aux parties le jour des débats192.

On peut remarquer que la contradiction n'est pas assez respectée relativement à l'intervention du Ministère public, surtout lorsqu'il intervient oralement. La Cour européenne des droits de l'Homme a d'ailleurs sanctionné193 cette pratique qui est significative d'une discrimination injustifiable, privilégiant le Ministère public qui ne dispose d'ailleurs d'aucune garantie d'infaillibilité194. Son avis devrait donc faire l'objet de discussion autant que celui du juge lorsqu'il soulève d'office des moyens de droit. Ce d'autant plus que son avis peut peser d'un poids important sur le cours du procès au point de faire basculer son issue.

153. L'intervention du Ministère public en tant que partie jointe se révèle donc lourde de conséquences car non seulement elle est susceptible d'éclairer le juge, mais aussi peut faire basculer le cours du procès. Cette influence est accrue par la sanction réservée aux procédures dont la preuve de la communication au Ministère public n'a pas été faite alors qu'un texte de loi l'a prescrite.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle