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Protection de l'environnement et commerce international

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par Cheick Oumar TOURE
Université de Limoges - Master droit international et comparé de l'environnement 2008
  

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Paragraphe II: La difficile mise en application

Les engagements que les Etats acceptent sont généralement conformes à leurs intérêts et ils n'ont pas de raison de les méconnaître, c'est l'exemple du traité de commerce. Or, dans le domaine de l'environnement, souvent les Etats ne tirent pas d'avantage direct de l'adhésion à une convention ; cette adhésion est réalisée pour le bien commun ou pour les générations futures. Elle peut même heurter leurs intérêts. Ils rencontrent des difficultés d'autant plus vives pour la mise en oeuvre.

A Difficulté inhérente à l'ordre juridique international

33 PNUE, 2001. Gouvernance internationale en matière d'environnement. Rapport du directeur exécutif. UNEP/IGM/1/2, 4 avril, p. 17.

34 Idem, p. 19

35 Notamment progression remarquable du nombre des mémorandums d'accord (ou memorandum of understanding, soit MOUs) signés entre des conventions, qui témoigne d'une volonté politique accrue de collaborer plus étroitement dans la mise en oeuvre de leurs programmes de travail durant cette période (principalement pour les accords sur la biodiversité et les mers régionales). Les mémorandums d'accord se rapportent à des plans de travail communs, des mesures d'application ou à la mise en place d'un mécanisme d'information.

36 Cf. les propositions du Open-Ended Intergovernmental Group of Ministers or their Representatives on international environmental governance. Proposal for a systematic approach to coordination of multilateral environmental agreements. 2nd Meeting, Bonn, 17 July 2001, UNEP/IGM/2/5, p. 8.

1 Le volontarisme de l'Etat

Le droit international bute sur un dilemme. Le besoin d'une hiérarchie et d'une contrainte - pour négocier, coopérer, définir des instruments de régulation et les appliquer - n'a jamais été aussi vif. Mais la société internationale actuelle demeure une société de juxtaposition d'entités souveraines non hiérarchisées, encore marquée par le primat du consentement. L'une des caractéristiques de l'ordre juridique international, dont les Etats sont les principaux acteurs, est que ces derniers sont à l'origine de la formation du droit - tout au moins des sources classiques et sont chargé de son exécution Les Etats sont libres de s'engager ou non: en acceptant des normes externes, ils s'autolimitent. Sauf très rares exceptions, dans une « logique intersubjective >>

L'accord de l'Etat demeure seul à l'origine des obligations à sa charge(37). Le volontarisme fait obstacle au développement d'un droit commun(38). En témoigne l'échec de constructions collectivistes passées, tel le patrimoine commun de l'humanité, ou la panne actuelle des jus cogens, obligations erga omnes, crimes internationaux de l'Etat et autres normes intransgressibles du droit international, avec leurs prolongements dans le droit des traités ou de la responsabilité. Les progrès dans la construction d'un ordre public international sont tout relatifs. Ils le sont également dans la reconnaissance de l'environnement comme « une valeur commune à l'humanité toute entière, dont la préservation est l'affaire de la communauté internationale dans son ensemble, et que l'on retrouve dans les règles qui lui sont applicables la plupart des principes relatifs au patrimoine commun de l'humanité : absence de réciprocité, obligation de conservation et de gestion rationnelle, non-appropriation >>(39) Il est un fait que les Etats conservent des compétences quasi-exclusives et ont une responsabilité première en la matière. L'engouement - surtout doctrinal - pour le concept de bien public mondial ne devrait pas changer la donne, tout au moins dans l'immédiat, en raison de ses imprécisions juridiques(40).Malgré d'importants progrès aussi bien institutionnels que normatifs, le célèbre passage du Lotus selon lequel « les règles de droit liant les Etats procèdent de la volonté de ceux-ci >> demeure valide(41).Les conceptions patrimoniales ne sont « pas en adéquation avec la structure de la société internationale, d'ou sont absentes la hiérarchie des organes et l'intégration, nécessaires à la détermination plus précise de leur substance et à leur mise en oeuvre >>(42). Et il est bien difficile d'élaborer des règles dans un « secteur comme l'environnement, ou il existe un intérêt général, mais dont la prise en charge supposerait l'acceptation de contraintes supérieures à la somme des intérêts individuels >>.(43)

Il ne faut jamais occulter le fait que le droit international « n'a cessé d'être élaboré et mu par les intérêts individuels des Etats et en fonction du rapport de leur puissance respective >>. Si «

37 Voir J.-F. Marchi, 2002. Accord de l'Etat et droit des Nations unies. Etude du système juridique d'une organisation internationale. La Documentation française, Paris, p. 8

38 Cf. M. Chemillier-Gendreau, 2000. Droit international et démocratie mondiale. Les raisons d'un échec. Op. cit., p. 12.

39 P. Daillier, A. Pellet, 1999. Droit international public, op. cit., p. 1225.

40 I. Kaul, I. Grunberd, M.A. Stern, 2002. Les biens publics à l'échelle mondiale. La coopération internationale au XXIe siècle. Economica, Paris, 290 p. ; I. Kaul, 2000. Biens publics globaux, un concept révolutionnaire. Le Monde diplomatique, juin, p. 22.

41 CPJI, arrêt du 7 septembre 1927, série 1, no 10.

42 H. Ruiz Fabri, 2000. Le droit dans les relations internationales. Politique étrangère, no 3-4, p. 665.

43 Ibid, p. 666.

tout a changé, puisque tant de nouveau est apparu pour régler des problèmes inédits ou modifier des règles préexistantes (...), rien n'a vraiment changé, puisque le plus fondamental, sinon dans les principes substantiels, du moins dans les modes de fonctionnement, s'est conservé. Bel exemple d'homéostasie ? ».(44)

2 La difficile application des normes environnementales

Dans le champ de l'environnement, la violation d'une obligation conventionnelle résulte rarement d'un acte délibéré et prémédité. La mise en oeuvre des règles est rendue difficile par trois facteurs : la mollesse des normes, abondance de la soft Law, caractère souvent très général des obligations, faiblement contraignantes, non quantifiées, atténuées ; le caractère non auto exécutoire de la plupart des obligations ; le fait que les mécanismes classiques de réaction à la violation substantielle d'une obligation conventionnelle sont mal adaptés lorsque l'obligation constitue un engagement unilatéral, exempt de réciprocité.(45) Les manquements trouvent aussi leur source dans les difficultés d'interprétation de conventions peu claires et/ou, peu précises, ou encore dans l'incapacité de la convention à évoluer et à prendre acte de changements de circonstances, nouvelles découvertes scientifiques par exemple.

Les insuffisances de la mise en oeuvre trouvent aussi leur source dans l'incapacité matérielle à se conformer à des obligations internationales dont l'application a souvent un coût économique et social très important. Pour rendre compte de la réalité dans son ensemble, l'analyse juridique doit être au moins complétée par des analyses sociologiques et économiques. De ce point de vue, la théorie des régimes(46) contribue à expliquer les différences de résultats et d'effectivité d'un régime à l'autre.

Dans une réflexion plus prospective, elle permet d'ébaucher les formes que doivent prendre les dispositifs internationaux pour être les plus efficaces et effectifs.

Les analyses d'Oran Young rendent bien compte des difficultés pratiques rencontrées par les régimes ou institutions internationales.

Ces difficultés sont rangées en trois catégories :

-des problèmes d'adéquation (fit), de décalage entre les besoins de l'environnement, des écosystèmes et les institutions (institutional misfits). En tant que construits sociaux, les institutions devraient pouvoir être adaptées aux caractères bio géophysiques des problèmes environnementaux. Pourtant, il existe des décalages et, même lorsqu'ils sont identifiés en tant que tels, il est difficile d'y remédier ;

- des problèmes d'interactions (interplay), qui concernent les liens horizontaux ou verticaux existant entre les différentes institutions ;

- des problèmes d'échelle (scale), qui concernent les différences d'évolution à différentes échelles spatiales et temporelles.(47)

44 Ibid, p. 660.

45 A. Kiss, 1991. Un nouveau défi pour le droit international. In Projet, vol. 226, p. 53.

46 Définition de Stephan Krasner : « Un ensemble de principes, de normes, de règles et de procédures de décision implicites ou explicites, autour desquels les attentes des acteurs convergent dans un domaine spécifique », S. D. Krasner et al., 1983. International Regimes, Ithaca, Cornell University Press, 372 p.

47 Oran R. Young, 2002. Matching institutions and ecosystems: the problem of fit. Les séminaires de l'Iddri, Iddri.

Les difficultés rencontrées ont entraîné le développement de techniques spécifiques de mise en oeuvre, en cherchant à adapter le droit et les procédures aux enjeux.

B Le problème d'efficacité et d'effectivité des normes

Si l'on s'en tient au seul plan conventionnel, pour que les normes posées soient concrètement réalisées, encore faut-il que les conventions répondent à une double condition : être efficaces et effectives.

1 Les conditions d'efficacité des normes

Avec C. de Visscher, on peut tenir << pour efficaces les dispositions d'un acte international (...) quand, considérées en elles mêmes, elles sont en adéquation aux fins proposées >>.(48)

Cette première condition n'est pas aisément remplie dans le domaine de l'environnement. Par manque de connaissance ou par défaut de consensus, les objectifs environnementaux à atteindre ou les méthodes à suivre sont souvent peu clairement formulés. Ce niveau de réflexion mène hors des frontières du droit, dès lors qu'il s'agit de répondre, à partir d'une analyse substantielle, à la question : la qualité de l'environnement ou l'état de la ressource peuvent-ils être améliorés grâce au régime ou au traité ? Encore faut-il connaitre les << besoins >> de l'environnement ou de la ressource et être en mesure de les combler, ce qui s'avère plus ou moins facile selon les cas.

Ensuite, les normes doivent être effectives, car l'efficacité d'un instrument international ne préjuge pas de son effectivité.

2 La difficile effectivité des normes

Avec C. de Visscher, on peut tenir pour effectives les dispositions d'un traité << selon qu'elles se seront révélées capables ou non de déterminer chez les intéressés les comportements recherchés >>.(49)

Or, la remarque d'ordre général de cet auteur selon laquelle << trop (de traités) dotés d'une efficacité certaine et pourvus d'adhésions nominales nombreuses restent démunis d'effectivité >>(50) s'applique bien au droit international de l'environnement. Si les progrès de la coopération internationale sont notables (encore faut-il que les instruments entrent en vigueur rapidement et reçoivent une participation large et adaptée à leur objet), l'application nationale, notamment par la transcription des normes internationales dans les droits internes, demeure insuffisante. La plupart des obligations ne sont pas auto-exécutoires ; de plus, les mécanismes classiques de réaction à la violation substantielle d'une obligation conventionnelle sont mal adaptés lorsque l'obligation constitue un engagement unilatéral, exempt de réciprocité. Cela contribue à rendre difficile la mise en oeuvre des règles posées.(51)

A priori, si ces deux conditions -efficacité et effectivité - sont remplies, in fine la qualité de l'environnement ou l'état de la ressource sera amélioré grâce au régime ou traité (problemsolving(52).Le régime ou traité est alors effective au sens anglais ;

48 C. de Visscher, 1967. Les effectivités du droit international public. Pedone, Paris, p. 18.

49 Ibid.

50 Ibid.

51 A. Kiss, 1991. Un nouveau défi pour le droit international. In Projet, vol. 226, p. 53.

52 Kehoane Robert O. et al., 1993. The effectiveness of International Environmental Institutions. In Institutions for the Earth-Sources of effective international environmental protection, Peter M. Haas et al. Eds., Cambridge, MIT Press, p. 7.

L'effectiveness couvrant ces deux aspects(53). L'effectiveness of est analysée comme l'«impact of a given international institution in terms of problem-solving or achieving its policy objectives «(54). Outre le caractère polysémique du terme, l'évaluation de l'effectiveness n'est toutefois pas aisée en raison de la complexité de systèmes sociaux et de systèmes écologiques en perpétuelle évolution, mais aussi de la difficulté d'établir un lien de causalité entre la mesure de politique internationale et le résultat observé(55). La chaîne d'action reliant les régimes, les politiques, les personnes à l'environnement naturel est complexe et incertaine, discontinue(56).

Certains succès politiques ne sont pas conjugués avec des réussites sur le plan environnemental(57). Des indicateurs adéquats de cette effectivité font encore défaut. L'effectiveness est multidimensionnelle. Le régime pourra être jugé effective s'il :

-assure la protection de l'environnement ;

-conduit au respect des règles et standards posés ;

- conduit à la modification souhaitée du comportement humain ;

- est transposé aux différents niveaux institutionnels (régional, national, local) par l'adoption de lois, règlements et la conduite de certaines activités administratives ;

- a un impact à travers sa seule existence, indépendamment de l'adoption de mesures spécifiques(58).

Or, rares sont les régimes qui réunissent toutes ces dimensions. Cela n'est possible que lorsque les problèmes environnementaux sont bien délimités et bien compris, et que les changements économiques et sociaux requis sont réduits. Le plus souvent, un régime n'est effectif qu'au regard de l'une ou l'autre de ces dimensions(59).

53 Selon la définition de Hasenclever et al. << A regime is effective to the extent that it achieves the objectives or purposes for which it was intended and to the extent that its members abide by its norms and rules « . Interests, power, knowledge: the study of international regimes. International Studies Review, 1996, 40, pp. 177-228.

54 A distinguer de implementation of << process of putting international rules into legal and administrative practice i.e. incorporating them into domestic law, providing administrative infrastructure and resources necessary to put the rule into practice, and instituting effective monitoring and enforcement mechanisms, both internationally and domestically » et de compliance with << rule-consistent behavior, i.e. `state of conformity or identity between an actor's behavior and a specified rule' », selon T. Risse, Rational choice, constructivism and the study of international institutions

55 Konrad Von Moltke, 2000. Research on the effectiveness of international environmental agreements: lessons for policy makers. Paper prepared for the Final Conference of the EU Concerted Action on Regime Effectiveness, IDEC, 9-12 novembre, Barcelona, pp. 4-5.

56 Ibid., p. 4

57 Voir par exemple les analyses de G. K.tting, 2000. Distinguishing between institutional and environmental effectiveness in international environmental agreements: the case of the Mediterranean Action Plan. The International Journal of Peace Studies, vol 5, no 1, http://www.gmu.edu.academic/ijps.

58 Konrad Von Moltke, 2000. Research on the effectiveness of international environmental agreements: lessons for policy makers. Paper prepared for the Final Conference of the EU Concerted Action on Regime Effectiveness, IDEC, 9-12 novembre, Barcelona, pp. 5-6.

59 Ibid. p. 6. Voir l'ouvrage de O. Young, 1999. The effectiveness of international environmental regimes. Causal connections and behavioral mechanisms. MIT Press, Cambridge, 326 p.

DEUXIEME PARTIE: LA NECESSITE DE L'INTERDEPENDANCE ENTRE

COMMERCE INTERNATIONAL ET ENVIRONNEMENT

Bien qu'au début les problèmes concernant la protection de l'environnement et le commerce ait été traités séparément, à la base, le commerce et l'environnement sont liés du fait que toute activité économique est fondée sur l'environnement. C'est de ce dernier que proviennent tous les intrants de base (les métaux et les minéraux, le sol, le couvert forestier et les ressources halieutiques) ainsi que l'énergie nécessaire à leur transformation.

C'est également l'environnement qui reçoit les déchets produits par l'activité économique. Les préoccupations environnementales influent aussi sur le commerce, dans la mesure où les exportateurs doivent répondre aux demandes du marché pour des produits et des services plus respectueux de l'environnement.

Nous allons étudier dans un premier chapitre la difficile intégration des préoccupations environnementales à l'OMC et dans un second chapitre les conditions d'une réelle convergence entre la protection de l'environnement et le commerce international.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand