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Le pouvoir décisionnel des chefs religieux traditionels Dogon aux dépens des lois et règlements en vigueur

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par Amadou Sangara
Université de Bamako, Mali - Maitrise Droit Privé 2007
  

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CHAPITRE II.

Conciliation indispensable entre tradition et modernité.

Il le faut bien car aucun domaine de notre vie sociale n'échappe désormais à la difficile conciliation entre tradition et modernité.

Qu'il s'agisse du mariage, de l'éducation des enfants, du comportement vestimentaire, de l'excision, de l'habitat, de la promotion de la femme, du traitement des maladies, de la consultation maraboutique, de l'hospitalité, de la célébration de nos rites ou du respect des tabous, rien dans le quotidien du dogon n'est épargné par le conflit permanent engagé entre les deux tendances.

De fait, notre société malgré sa tendance à embrasser des canons universels se laisse aller à des comportements dominés par des tabous aux relents purement archaïques.

Mais qu'est-ce qu'un tabou? Nous pouvons définir un tabou comme étant un interdit social et moral à caractère religieux ou coutumier. Le même interdit ne s'applique pas uniformément à tous les Maliens. Il change selon les ethnies et les religions.

Participent à la perpétuation de l'ordre ancien, les tabous servent à imposer le respect de certaines croyances anciennes.

Mais s'il y a un domaine de notre culture où le difficile mariage entre tradition et modernité crée le plus de tension, c'est incontestablement celui de l'excision.

Pratiquée depuis la nuit des temps dans notre société, l'excision était une réjouissance populaire qui créait l'affection et réactivait les liens de parenté. C'est un phénomène qui a des racines mythiques fortement ancrées dans le subconscient du plus grand nombre des dogon, d'ailleurs des maliens qui croient fermement que « une femme n'est femme que lorsqu'elle est excisée ». Alors doit-on interdire une telle pratique à l'aide d'une loi ?

Nous estimons qu'il faut laisser le temps au temps qui se chargera de faire disparaître cette pratique. « L'excision mourra d'elle-même », tandis qu'une forte surmediatisation ne ferait que rendre furieuses ou septiques, les populations qui la pratiquent, sur la motivation réelle des détracteurs de l'excision.

Nous constatons également que l'Etat républicain n'a élaboré pratiquement pas de textes clairs et précis portant sur la non légitimité ou l'abrogation des autorités traditionnelles, si ce n'est que quelques dispositions larges tendant à ignorer celles-ci ou du moins à les uniformiser; car il faut le savoir, ces dites autorités sont multiples et diverses ce qui peut poser problème si on n'arrivait pas à les contrer ou contrôler.

D'une certaine manière l'Etat approuve implicitement la légitimité et les pouvoirs qui sont reconnus à ces chefferies traditionnelles.

Et on peut prétendre dans ces conditions que le silence vaut acceptation ou plus explicitement que qui ne dit mot, paraît consentir.

Par ailleurs, il est judicieux d'admettre que les sociétés traditionnelles sont les seules garantes et témoins de nos valeurs séculaires, de notre identité propre à nous dans un monde en pleine mutation et, dans lequel une société sans identité est vouée à disparaître.

L'analyse de ce chapitre portera sur la capacité d'adaptation au changement des sociétés dites traditionnelles (Section I) et sur la persistance de la tradition (Section II.)

Section I: Capacité d'adaptation au changement.

Le penseur l'a dit, et l'avenir le démentira, certainement pas, unique l'expérience l'a prouvé: seul le changement est constant. Notre société change au fil des ans et avec, elle, notre culture.

Certaines pratiques considérées il y a trente à quarante ans comme des valeurs sûres de civilisation ne font plus l'objet de la même considération.

Sous l'effet de l'évolution et de la modernité, les mythes, les tabous et autres interdits tombent ou s'effritent. Mais tous ne disparaissent pas.

Quelques-uns uns resurgissent au gré des hommes, des circonstances et des époques.

Le Malien en général, en particulier le dogon, vit un pied dans la tradition, l'autre dans la modernité. La tradition est souvent pesante, la modernité n'est pas toujours enchanteresse. On pourrait le voir comme un arbre, dont la souche est fortement implantée dans le sol et les branches tournées vers l'extérieur.

Cette dualité aurait été des plus vivables si de fait elle ne représentait pas trop souvent le mariage de la carpe et du lapin. Les comportements les plus progressistes et les plus cartésiens alternent avec les agissements les plus rétrogrades frappés du sceau de l'anachronisme.

Là, réside une contradiction fondamentale: placé au seuil du 21è Siècle, l'homme dogon y entre en crabe, pas franchement moderne, mais plus entièrement traditionaliste.

Les habitudes traditionnelles de ces autorités traditionnelles connaissent de réelles améliorations ou avancées de nos jours.

C'est ainsi qu'on voit de plus en plus de localités traditionnelles faire recourir à certaines méthodes qui leurs étaient étrangères ou qui ne faisaient l'objet de leur attention.

Mais aujourd'hui certaines chefferies procèdent par écrit pour établir la liste exhaustive de tous les villages ou de tous les hauts personnages originaires ou dépendant de leur ressort, pour déceler lors des différentes cérémonies religieuses et des travaux communautaires la présence, la participation ou non de tel ou tel village ou individu.

Il nous convient ici d'évoquer cette nécessité d'adaptation au changement d'abord dans le domaine matrimonial (Paragraphe I) et en matière coutumière ou plus précisément dans le domaine socioculturel (Paragraphe II.)

Paragraphe I: Dans le domaine du mariage.

Dans le domaine qui est celui du mariage, nombre de considérations d'ordre culturel déterminent encore les choix et conditionnent la réussite des ménages.

Ainsi, parmi les principaux blocages, on peut relever la question des mésalliances et la problématique de la polygamie. Dans l'un comme dans l'autre cas, les préjugés, les superstitions, les interdits traditionnels continuent de peser socialement, de manoeuvrer les freins psychologiques et de limiter les degrés de liberté individuelle.

D'un autre côté, la modernité développe en même temps une liberté sexuelle qui, souvent s'exerce malheureusement sans conscience et sans responsabilités individuelle et sociale.

En effet, au moment où le mariage est « libéralisé » officiellement selon l'esprit du renouveau et de la modernité, l'interdiction de mariage entre noble et griot ``homme de caste'', entre Dogon et Bozo lève un coin de voile sur les multiples contradictions de notre société.

La dualité est si forte que même au niveau des contrevenants à cette règle, il subsiste une réelle appréhension après la transgression de l'interdit.

Il suffit par exemple, qu'au sein d'un même couple composé de noble et d'homme de caste, persistent un malentendu ou une infertilité pour que la tradition rattrape vite la modernité dans l'esprit du couple.

Ce dernier se mettra à se poser des questions sur la justesse de son choix. « Aurions-nous dû faire cela, notre malheur n'est-il pas dû à notre mépris pour les interdits? » Se lamentent-ils sans cesse.

Les mariages interethniques, interconfessionnels et interprofessionnels sont de nos jours de plus en plus faciles. Mais il n'empêche, qu'ils restent toujours tributaires de l'application souvent non conçue de la dot.

Celle-ci reste encore un blocage culturel de notre société moderne malgré la forte progression au concubinage et aux unions libres, ce qui pose du coup la question de « la valeur marchande du mariage ».

En effet, sous la modération, le mariage de dignité et d'honneur se remplace progressivement par le mariage d'intérêt. La tendance est inexorablement favorisée par ce qu'on appelle « le travestissement de l'économie qui appauvrit les pays sous développés8(*) ».

Le difficile passage d'une habitude de mariage traditionnel à une alliance où seul le matériel prime constitue, un hiatus négatif avec son cortège de divorces, d'humiliation et de ruptures de rapports sociaux. D'où la problématique de la cellule familiale dont le visage change selon que l'on soit en campagne ou en ville. Ou selon qu'il s'agisse des instruits ou des analphabètes.

Le mariage traditionnel n'étant pas reconnu par la loi, l'affirmation de sa validité peut être assujettie par certains modes de preuve généralement admis pour un cas civil comme celui du mariage sont entre autre l'aveu c'est à dire reconnaître les faits personnellement, le serment c'est à dire jurer sur une divinité ou un haut symbole avec lequel la personne concernée a une affinité étroite, pour un dogon par exemple, jurer sur le « bahbinru9(*) », le témoignage s'il y a un témoin qui, atteste les faits donc le mariage ou s'il y a concordance d'idées de plusieurs témoignages sur le même sujet.

* 8 Pascal Baba Coulibaly ; L'Essor-Mali 2000 : Hors série, janvier 2000.

* 9 L'interdit parental ou clanique, le totem familial (ancestral).

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry