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Les populations rurales du Burkina Faso à  l'épreuve du déboisement : l'exemple du département de Toma

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par Jean Paulin KI
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA en sociologie 2009
  

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III.2.5. La croissance démographique et la pauvretéPlus une population croît, plus sa pression sur les ressources naturelles est grande.

C'est ainsi que dans le Département de Toma la croissance démographique explique en partie le déboisement. Comme nous l'avons signalé plus haut (Cf. II.1.3), le taux de croissance démographique du Département est de 2,37%. Dans ce milieu rural, les besoins en nouveaux champs pour l'agriculture tout comme d'autres besoins d'ordre économique ne manquent pas. Il est clair donc que la densité de la population ou, pour utiliser les expressions de Durkheim, « le volume de la société, et le degré de concentration de la masse ou...la densité dynamique »63 ne sont pas sans effets dommageables à l'environnement naturel. En effet, pour Durkheim, « tout accroissement dans le volume et dans la densité dynamique des sociétés, en rendant la vie sociale plus intense, en étendant l'horizon que chaque individu embrasse par sa pensée et emplit de son action, modifie profondément les conditions fondamentales de l'existence collective ».64 Dans cette perspective durkheimienne, le déboisement comme fait social dans le Département de Toma, s'explique comme une conséquence de l'accroissement démographique et une forme de division du travail. Dans la province du Sourou (à 40 km de Toma) plus que dans le Nayala, les migrations accélèrent la croissance démographique ainsi que la pression sur le milieu naturel. Certes, dans les villages où les Mosse sont installés, les autochtones se plaignent du fait qu'ils coupent même les arbres fruitiers. « Les Mosse sont dangereux pour les arbres. Là où ils s'installent, ils déblaient tout autour d'eux. Ils aiment beaucoup la sauce du kapokier (Bombax costatum) mais pour cueillir les fruits du kapokier, ils coupent les branches. Quand un mossi s'installe dans un village, il fait venir d'autres parents. C'est pour cela que certains villages les refusent. Il y a une seule famille mosse à Oury, les gens n'acceptent pas de donner leurs terres aux nouveaux arrivants »65. Il nous faut signaler ici que les populations rurales ont peut-être conscience des risques de la migration pour l'environnement, mais leur refus de donner leurs terres aux migrants ne vise pas à protéger la nature mais à conserver leur patrimoine.

Par ailleurs, parce qu'il n'y a pas d'unité industrielle à Toma, la population n'a principalement pour source de revenu que la production agro-pastorale. Le revenu des ménages ne suffit pas à faire face aux besoins multiples de la vie moderne : santé, scolarité des enfants, etc. Ces nouvelles contraintes de la vie poussent les populations villageoises à faire une forte pression sur les ressources naturelles. Dans ce cas, le déboisement devient une manifestation de la pauvreté dont on peut faire une approche objective basée sur une donnée

63 DURKHEIM, E., Les règles de la méthode sociologique, 13ème édition, Paris, PUF, 2007, p. 112.

64 Ibidem, p. 114.

65 Un enquêté de Sien, le 10 août 2010.

quantitative (monétaire ou non) et une approche subjective basée sur la perception que les populations ont de leurs conditions d'existence. S'agissant de l'approche objective, il nous a été donné de constater que beaucoup de greniers dans les villages ne sont plus remplis de céréales comme autrefois et même que les greniers nouvellement construits ont des dimensions réduites par rapport aux anciens. Et pourtant le peuple san, qui est agriculteur, mettait sa fierté dans la taille et le nombre de greniers pleins construits en devanture des concessions pour plus de visibilité (Voir photo, Annexe 6). Consommer le mil récolté la même année était jadis signe de honte. Or, de nos jours, rares sont les greniers qui ne sont pas vides avant le mois d'août. Quant à l'approche subjective, un charretier, vendeur de bois depuis 15 ans, donnait son point de vue sur les raisons de ce métier, en ces termes :

« Au Burkina, qu'est-ce que le paysan a comme ressource ? Rien. J'ai cultivé le coton, mais le prix élevé des engrais m'a appauvri. Je me suis même endetté pour rembourser. Le mil ne murit pas bien ; et si tu élèves des poules, la maladie vient les tuer. Avant, il n'y avait pas de maladie de poules de la sorte. La vie est devenue chère. Même avec la vente du bois, je ne gagne rien. Parfois même, avant de livrer le bois à la préparatrice de dolo, je prends une avance avec elle pour résoudre mes problèmes. Le jour de la livraison je n'ai rien ».66

On voit bien que pour justifier son métier de vendeur de bois, notre enquêté peint en noir la vie économique des paysans du Burkina entier. Certes, la pauvreté est une réalité qui peut être aggravée en zone rurale par les aléas climatiques influant directement sur les rendements agricoles, mais elle ne justifie pas la vente de bois. C'est parce qu'il y a une demande de bois sur le marché qu'il y a offre, c'est-à-dire vente, et par conséquent coupe de bois.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon