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Ecotourisme: une amélioration de la contribution de la pratique touristique dans les PED ? Exemple de Madagascar

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par Mathieu Meyer
Sup de Co Reims - Master en Management 2010
  

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5 Conclusion Générale

Le développement durable est passé depuis les deux dernières décennies du statut d'utopie de préservation des richesses naturelles, prônée par quelques groupes minoritaires, à un concept plus concret communément adopté, à tous les niveaux, pour définir une stratégie de développement plus soutenable dans l'avenir. Au-delà de la vague écolo-solidaire (plus ou moins justifiée) inondant notre quotidien, le monde des entreprises est aussi vu investi de la diffusion de cette idéologie par le biais une action volontaire nommé responsabilité sociétale des entreprises (RSE), visant à gérer durablement de ses ressources et ses relations avec les parties prenantes. En tant que premier employeur mondial et par les externalités qu'il crée, le tourisme n'échappe pas à ce mode de gestion plus responsable, dont la montée en puissance de l'écotourisme est le symbole. Cette nouvelle pratique touristique se distingue cependant par ses zones de diffusion, les principaux acteurs écotouristiques se situant essentiellement dans les PED, voire PMA (Costa Rica, Equateur, Nicaragua, Namibie par exemple). Les principes de l'écotourisme donnent une explication à ce phénomène :

« Voyage et visite environnementalement responsables dans des espaces naturels relativement calmes dans le but d'apprécier la nature [...], qui promeuvent la conservation, créent de faibles impacts et participent activement à l'amélioration socio-économique des populations locales. » [Ceballos-Lascurain, 1996]

Beaucoup de PED basant leur économie sur une exploitation des ressources naturelles, laquelle est souvent prédatrice, les caractères écologiquement responsable et soutien du développement socio-économique local de l'écotourisme paraissent relativement bien adaptés à ces pays.

Le cas de Madagascar est particulièrement représentatif de cette situation. La Grande Île est un des pays des plus pauvres de la planète, en proie à des conflits politiques récurrents - élections présidentielles contestées (2009), rivalité ethniques (merina/côtiers) - et à des difficultés économiques profondes - sortie douloureuse du marxisme-léninisme (1972), mise sous tutelle par le FMI et la Banque Mondiale (1983). Le manque ou le mauvais état des infrastructures (communications, éducation, santé) accentue encore l'état d'enclavement de certaines régions et l'insularité des communautés vivant sur le territoire. Conscient de la gravité de la situation, le Gouvernement a officialisé son engagement à lutter contre la pauvreté à travers plusieurs documents directeurs, gages de financement par les institutions financières internationales (IFI) : les Documents Stratégiques pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP) ou son successeur adopté en 2005, le Madagascar Action Plan (MAP). Ce dernier se présente sous forme de 8 engagements, respectueux des Objectifs pour le Millénaire du Développement (OMD) de l'ONU, dont l'Engagement 6.8 fait du tourisme une activité motrice pour le développement, surtout par le biais d'un écotourisme de haute qualité.

Le potentiel touristique malgache est extrêmement fort, mais encore peu exploité. L'incroyable biodiversité des espèces (près de 90%) et la diversité des écosystèmes de Madagascar sont mondialement connues ; la plupart des touristes (55%) viennent d'ailleurs pour raisons écotouristiques. Mais ce patrimoine biologique est mis en danger par des activités humaines aux conséquences nuisibles pour l'environnement. Dans un cadre d'extrême pauvreté, l'exploitation des ressources naturelles est perçue comme un moyen de survie par les populations locales, dont les modes de production traditionnelles pèsent lourdement sur la nature. La culture sur brûlis (tavy ou hatsake) ou le déboisement au profit d'une agriculture nomade sont les pratiques agricoles largement répandues. La subsistance de ces méthodes traditionnelles s'explique par la difficulté de contrôle par les autorités, due à l'isolement des populations, et à l'inadaptation du droit environnemental, directement calqué sur celui de la France. D'où l'existence d'un droit virtuel non appliqué et d'un droit réel régit par les communautés par les dina. Le processus de décentralisation de la gestion des ressources naturelles, formalisé par la gestion locale sécurisée (loi GELOSE, 1996) est une réponse à l'impuissance de l'Etat à garantir l'application des politiques environnementales et dévolue contractuellement aux communautés le pouvoir d'une gestion durable.

L'adoption de programmes de conservation de la biodiversité ont été une des premières réactions nationales à la forte dégradation des espaces naturelles, lesquels sont rapidement remplacés par des politiques de valorisation de la biodiversité. L'ONG Madagascar National Parks (anciennement ANGAP) a pour fonction de créer, de gérer et promouvoir ces aires protégées (parcs nationaux, réserves naturelles ou spéciales) en encourageant les initiatives locales de valorisation économique des ressources naturelles. Le choix de l'écotourisme devient prévalant pour la plupart des communautés.

L'adoption de cette nouvelle pratique touristique répond avant tout à la volonté de l'Etat de lutte contre la pauvreté en développant une activité économique rentable, durable, environnementalement responsable et valorisante. Le « cercle vertueux » de l'écotourisme décrit par Wunder (2000) fait état des deux hypothèses de base pour en faire une activité génératrice de changements socio-économiques et comportementales, créant des revenus complémentaires stables, capables de sédentariser les populations et de former une conscience environnementale qui mène à l'adoption de pratiques productives plus durables. La première hypothèse est une forte participation des populations locale dans les activités écotouristiques ou assimilés. La seconde soutient que les revenus générés doivent être assez conséquents (incentive) pour initier la dynamique de changements socio-comportemental et économique. Or, l'étude du cas malgache montre les limites de ce modèle. En effet, le faible niveau de qualification de la main-d'oeuvre disponible relègue souvent les populations locales à des emplois salariés peu valorisant. De plus, les moindres possibilités d'investissements des locaux font que l'offre touristique est dominée par des structures touristiques de taille réduite (10 à 15 chambres). Les rares établissements de taille et qualité supérieures sont la propriété d'investisseurs étrangers. Par ailleurs, la création d'emploi d'activités périphériques (guide, piroguier, artisanat, etc.) est relativement limitée, car les revenus générés ne représentent par une opportunité suffisante pour inciter au changement et les populations sont rarement prêtes à abandonner aussi rapidement leurs pratiques traditionnelles pour dépendre d'une activité encore très jeune. Si les bénéfices de l'écotourisme sont théoriquement conséquents, son application encore trop récente ne permet pas de l'affirmer concrètement. Au contraire, le tourisme paternaliste est aujourd'hui économiquement plus rentable pour les communautés, bien que leur implication dans les enjeux du secteur soit quasiment nulle. La professionnalisation de la filière touristique devrait permettre aux acteurs locaux de mieux bénéficier des retombées écotouristiques, proposant des prestations de qualités et favorisant alors les mutations sociétales.

Un mode de gestion écotouristique du capital écologique doit aussi se faire dans la perspective des visiteurs. En effet, l'impact créé par le flux migratoire touristique peut en être réduit. Par le contact privilégié que le visiteur va avoir avec le patrimoine environnemental et l'expérience qu'il pourra vivre au sein des communautés, il se sentira plus concerné par la préservation des éléments responsables de la qualité de son séjour. Le rôle éducatif de l'écotourisme crée ou soutient une sensibilisation à la préservation des espaces naturelles. Cette expérience vécue va « engager » (psychologie de l'engagement de Kiesler) le visiteur dans la voie de la préservation. De plus, le tourisme malgache étant encore dans sa jeunesse, la promotion de l'écotourisme va permettre de construire l'identité touristique de l'Île Rouge. Or, ce processus est déterminant dans les choix que feront ensuite les visiteurs. L'imaginaire que ces derniers ont d'une destination conditionne aussi les attentes qui en ont. Un touriste revenant de Tahiti sans avoir été baigné dans l'atmosphère polynésienne vendue par les cartes postales et autres images d'Epinal sera déçu, car son expérience va différer de l'imaginaire qu'il s'était construit.

Mais la question de la promotion de la destination malgache est éminemment liée à l'intégration de son offre touristique dans une filière globale, laquelle est largement contrôlée par des grands groupes occidentaux. Les pays du Nord, et surtout l'Europe et les Etats-Unis, étant les principaux pays émetteurs dans la monde, il n'est par étonnant de constater que les acteurs d'aval (tour opérateurs, voyagistes) sont essentiellement basés dans ces zones géographiques. C'est aussi le cas pour Madagascar, dont la majorité des visiteurs proviennent d'Europe (dont près de 60% de France). Or, le poids des acteurs locaux malgaches (amont) dans les négociations avec ses firmes internationales est très réduit. La faible capacité d'investissement pour répondre aux normes internationales fait que ces groupes préfèrent ou collaborer avec d'autres marques internationales ou acheter la totalité de la capacité d'hébergement à prix réduit. L'utilisation des innovations technologiques ouvre une opportunité pour contourner le circuit traditionnel de distribution et permettre le développement d'un écotourisme qui ne soit pas le produit d'une stratégie de diversification touristique mais bien un mode durable de développement profitable aux communautés locales. La mise en place d'un système de gestion des destinations (SGD) permet de mettre directement en relation l'offre et la demande via Internet. En proposant un portail de présentation et de promotion de la destination, Madagascar peut profiter de l'élan que connaît actuellement l'e-tourisme. Ce processus a été amorcé par la création du site madagascar-tourisme.com, lequel propose la mise en avant des atouts touristiques, ainsi qu'un référencement d'un grand nombre d'acteurs locaux du secteur (hébergement, restauration, tour opérateurs, etc.). Ce SGD de niveau 1 peut être amélioré par l'ajout d'un moyen de paiement en ligne, d'une base de données visiteurs et du respect de la stratégie touristique nationale.

L'écotourisme est une véritable opportunité à plusieurs titres pour Madagascar. Il est un moyen de valoriser économiquement son extraordinaire biodiversité, générant ainsi des revenus complémentaires non négligeables à la lutte contre la pauvreté, implique les populations locales dans une gestion pertinente et durable des ressources (empowerment) et tend à réduire l'impact sur l'environnement. Le Gouvernement malgache a compris les enjeux de ce tourisme alternatif et responsable par ce qu'il peut apporter au développement du pays. Cependant, son succès est étroitement liée à d'autres éléments indispensables à son fonctionnement : améliorer les infrastructures de communication (routes, aéroports, télécommunications, Internet, etc.), faciliter l'accès à l'île (transport aérien et maritime plus développé et moins coûteux), créer une stratégie et une identité touristique nationale, soutenir les initiatives locales ou mieux structurer et organiser le secteur écotouristique (création de labels, mise en place d'une charte qualité, professionnalisation, etc.). Cette activité n'étant qu'à ses débuts, un bilan de réussite est encore difficile à établir. Cependant, si la volonté de Madagascar de faire de l'écotourisme un moteur de lutte contre la pauvreté est bien affirmée dans l'ambitieux MAP, les moyens déployés suffiront-ils à soutenir l'ensemble des engagements ? Comment les acteurs locaux pourront-ils gérer cette augmentation progressive de la demande écotouristique ? Une stabilité politique ne serait-elle pas une condition essentielle au l'établissement de bases saines pour un développement durable ? Les politiques adoptées durant les prochaines années devraient être déterminantes quant à l'issue de ces questions.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery