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Questions économiques liées à  la piraterie

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par Isabelle Le Meur
Conservatoire National des Arts et Métiers - Master 2 en commerce international 2011
  

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II- IMPACT SUR LES ARMATEURS ET MOBILISATION INTERNATIONALE

A- Les différentes options pour les armateurs

1/ Les surcoûts liés à la piraterie

Les exactions commises par les pirates rendent les principales zones touchées dangereuses pour les hommes et coûteuses pour les armateurs.

Les échanges commerciaux, qui se font pour 90 % par voie maritime (soit 7,5 milliards de tonnes transportées), sont affectés, et les armateurs, déjà affaiblis par la baisse du trafic mondial du fait de la crise financière et économique de 2007-2008, sont confrontés à ce problème supplémentaire.

En effet, la route maritime Asie/Moyen-Orient/Europe est l'une plus fréquentées au monde et est stratégique pour l'approvisionnement de l'Europe. Cette route traverse quatre détroits internationaux : Malacca (sud-est de l'Asie) et Bab el Mandeb (à l'embouchure du Golfe d'Aden) sont potentiellement dangereux, alors que Gibraltar et le Pas de Calais (Dover Strait) sont paisibles (si l'on exclue l'intensité du trafic...).

Les détroits internationaux sont généralement propices aux échanges entre pays riverains et peuvent créer des activités économiques locales intenses. Ce sont aussi des points stratégiques habituellement surveillés par les États riverains. Ce n'est toutefois malheureusement pas le cas au niveau de Malacca et de Bab el Mandeb, où la faible activité maritime locale des États riverains créé peu de richesse, d'autant plus que la ressource halieutique est en partie « pillée » par les navires de pêche étrangers.

Face à l'insécurité générée par les attaques, les armateurs sont donc confrontés à un choix douloureux :

- faire fi des menaces qui pèsent sur leurs flottes dans les zones de piratage, en considérant que les sommes qu'ils pourraient perdre du fait d'une demande de rançon et de l'immobilisation prolongée du navire, ainsi que de la perte probable de la marchandise, ne sont pas assez importants au regard des sommes rapportées annuellement ;

- ou au contraire, décider de dérouter leurs navires et de contourner ces zones dangereuses, en passant dans le cas de la route Asie/Moyen Orient/Europe par le Sud de l'Afrique, ce qui entraîne une perte de temps, une consommation accrue de carburant et une augmentation des coûts de fonctionnement des navires, donc une perte de rentabilité, qui viendra amoindrir leurs ressources.

Malgré le danger menaçant les marins, la circulation sur les routes maritimes habituelles reste un enjeu économique majeur. Dans ces conditions, le choix est fait la plupart du temps de ne pas détourner les navires et engage les armateurs à différents surcoûts :

- les rançons :

Progressivement, la capture des marins s'est affirmée comme un objectif privilégié des pirates en raison de leur valeur d'échange, chiffrée entre un et deux millions de dollars par marin en 2008-200917. En effet, contrairement au recel de la marchandise ou à l'exploitation d'un navire volé, l'enlèvement offre l'avantage de la simplicité d'une manne financière directe ne nécessitant pas de faire appel à des réseaux marchands parallèles.

17 p. 26 du rapport de M. Christian Ménard.

Une vision cynique et strictement comptable de la prise d'otages a démontré que la rançon espérée dépend fortement de la nationalité du marin et de l'identité de son employeur : selon l'ISEMAR, « un capitaine américain semble avoir plus de chance de salut qu'un matelot chinois dont l'emploi est stigmatisé par une certaine précarité ».

L'institut cite ainsi l'exemple d'un vraquier ukrainien et contrôlé par des intérêts grecs, à bord duquel 24 membres d'équipages ont été gardés prisonniers, dont plusieurs gravement malades, et que les propriétaires semblaient avoir totalement abandonnés pendant 5 mois. En panne faute de carburant, les perspectives de sortie de crise parurent longtemps compromises, avant le paiement d'une rançon inespérée de plusieurs millions de dollars.

Ainsi en 2009, le montant total des rançons versées aux pirates somaliens a été évalué à 82 millions de dollars18 (presque trois fois plus qu'en 2008...). C'est beaucoup, si l'on se rapporte budget du Puntland, qui s'élève à 15 millions de dollars, mais c'est très peu en comparaison avec les sommes en jeu dans le transport maritime transitant par le Golfe d'Aden. En effet, entre 22 000 et 25 000 navires empruntent le canal de Suez chaque année pour rejoindre la mer Méditerranée et 2 millions de tonnes de marchandises, dont 3,3 millions de barils de pétrole, transitent chaque jour à travers cette zone (soit potentiellement 330 millions de dollars à un cours approximatif de 100 $ le baril en février 2011)...

- les primes de risque versées aux équipages :

Dans la mesure où les armateurs choisissent de ne pas dérouter leurs navires, ceux-ci (du moins les leaders du marché), préfèrent payer des primes de risques à leur équipages. Ainsi, CMACGM (3ème armateur mondial), en tant que membre du IMEC19, confirmait fin 2008 sa décision d'instaurer un bonus de risque pour ses officiers et équipages lors du passage du Golfe d'Aden, face à la recrudescence des actes de piraterie dans cette zone.

Selon un communiqué du groupe du 3 décembre 2008, le bonus devait se traduire par un doublement du salaire de base des navigants durant le passage dans ce secteur à risque, sachant que 65 navires du Groupe CMA-CGM y transitent chaque mois.

L'armateur rappelait à cette occasion qu'« un dispositif de sécurité très rigoureux comprenant de nombreuses mesures pour prévenir et lutter contre d'éventuelles attaques » avait été mis en place, « bien que la très grande majorité de ses porte-conteneurs, d'une capacité comprise entre 4 000 et 11 000 EVP, de par leur vitesse (24 noeuds en moyenne) et leur franc bord important, soit moins vulnérable que d'autres navires ».

Bien que ce ne soit pas le cas de toutes les compagnies, CMA-CGM a voulu compenser financièrement les dangers encourus par ses équipages, en même temps qu'il décidait de maintenir le passage par le Golfe d'Aden. Selon les chiffres recueillis par le député Christian MENARD, la prime de risque versée aux équipages est en moyenne de 3 500 dollars par voyage.

Pour un mois, soit 65 passages, le surcoût estimé du fait du versement de primes de risques à partir de décembre 2008 était donc de 227 500 dollars par mois, soit 2 730 000 dollars par an au total pour les porte-conteneurs de CMA-CGM.

- les primes d'assurance :

Aux primes de risques versées aux équipages viennent s'ajouter les surcoûts des primes d'assurances, difficiles à évaluer, car il existe plusieurs marchés avec leur propre appréciation du risque. En outre, les éventuelles surprimes applicables ne font pas l'objet de publications officielles pour des raisons de concurrence et elles varient de plus en fonction de l'appréciation du risque proprement dite ainsi qu'en fonction de la situation particulière de chaque armateur.

Ainsi, les polices françaises, pour lesquelles les attaques de piraterie entrent dans le cadre du risque

18 Source : Groupe de contrôle sur la Somalie établi en application de la résolution 1853 de l'ONU.

19 International Maritime Employer's Commitee

normal, diffèrent des polices britanniques, selon lesquelles la piraterie est assimilée à un risque de guerre. Depuis début 2009 cependant, la Lloyd's de Londres, première bourse mondiale d'assurance, s'est adaptée en proposant des polices spéciales pour le risque de piraterie qui comprennent le remboursement de la rançon, le paiement des frais légaux ou l'acheminement de l'argent aux ravisseurs. Mais ces polices ne semblent s'appliquer qu'au-delà de la zone des 500 milles et les armateurs doivent par ailleurs se protéger contre le manque à gagner dû à l'immobilisation de leur navire.

Les estimations en matière de coûts d'assurance diffèrent donc, vraisemblablement pour les raisons citées plus haut. En effet, selon le rapport mensuel de novembre 2008 du Bussiness Monitor International cité dans le rapport de M. MENARD, le montant des primes d'assurance pour les navires transitant par le Golfe d'Aden aurait été multiplié par dix. Selon le rapport de M. LANG, ces primes n'auraient été multipliées que par quatre. Le seul élément sur lesquels les deux parlementaires s'accordent est que la zone est désormais classée en zone de guerre.

Malgré la difficulté de disposer d'une évaluation générale de la hausse du coût des assurances pour la route passant par le Golfe d'Aden, on peut cependant relever, pour les assurances « Corps », des surprimes dites « risque de guerre » pour la zone du Golfe d'Aden d'une valeur située entre 0,020 % et 0,075 % de la valeur du navire. 20

Le rapport annuel 2010 de BRS conseille aux armateurs « de souscrire une assurance couvrant les risques de kidnapping et de rançon, spécifiquement prévue à cet effet, qui, outre le paiement de la rançon, permettra de se couvrir contre les risques de perte de rançon, d'assistance médicale pour l'équipage, de coût de transfert et d'hébergement, de salaires, de responsabilité juridique, etc. De telles assurances peuvent être souscrites sur la base d'un voyage ou sur une base annuelle et toutes zones. »

Les deux tableaux ci-après décrivent quelques éléments des surcoûts engagés par les deux grands armateurs CMA-CGM (n° 3 mondial) et Maersk (n° 1 mondial) :

Surcoût de la piraterie pour CMA CGM Consommation carburant supplémentaire 20 millions de dollars par an

Prime de risque versée aux équipages 3 500 dollars par voyage

Route de contournement 5 millions de dollars par an

Source : GDI (2S), conseiller CMA CGM).

Surcoût de la piraterie pour MAERKS

Coût des marchandises à destination et + 50 à 100 dollars par en provenance des ports de l'Afrique de container

l'Est

Coût des marchandises transitant par le + 25 à 50 dollars par Golfe d'Aden container

Montant des primes d'assurance + 10 à 20 000 dollars par

navire par trajet

20 L'assurance Risques de guerre est actuellement bénéficiaire pour les assureurs bien qu'il y ait eu une concurrence féroce sur les primes en 2009. Cette compétition a eu lieu à une période à laquelle les risques ont culminé, principalement en raison de la piraterie dans le Golfe d'Aden, l'Oc éan Indien et le Golfe de Guinée (rapport annuel 2010 BRS).

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams