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La protection de l'écosysteme forestier congolais: cas de la réserve naturelle d'Itombwe

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par Moussa RUBUYE MUSAFIRI
Universite Officielle de Bukavu - Licence en Droit 2008
  

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Paragraphe 2ème : Les droits reconnus aux peuples riverains

1. Les droits prévus par la loi n°073-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, telle que modifiée et complétée par la loi n° 080-008 du 18 juillet 1980.

1.1. Définition de la population locale ou riveraine

Le Code foncier ne définit pas la population locale. Aux articles 387 et 388, il y est fait allusion : « les terres occupées par les communautés locales ». C'est plutôt le Code forestier à son article 1er al. 17 qui définit la population locale comme « celle traditionnellement organisée sur la base de la coutume et unie par les liens de solidarité clanique ou parentale qui fondent sa cohésion interne. Elle est caractérisée, en outre par son attachement à un terroir déterminé ».

La population locale ou riveraine désigne donc un groupe d'individus enraciné à un terroir donné dans et/ou environnant une forêt qui constitue la source de leur vie spirituelle, culturelle, alimentaire, sociale, sanitaire,...Il s'en suit que ces populations, autrefois dites indigènes, ne peuvent vivre sans la forêt. C'est pourquoi, le législateur congolais a conféré un statut spécial à ces terres.

1.2. Le statut des terres occupées par les communautés locales

· Statut juridique

Conformément à l'ordonnance du 1er juillet 1885, les terres du Congo pouvaient être classées en trois catégories au point de vue administratif ; on distinguait les terres occupées par les populations indigènes et sur lesquelles celles-ci avaient un doit d'occupation ; des terres enregistrées qui constituaient des propriétés privées de non indigènes ; et enfin les terres domaniales qui comprenaient les terres vacantes. L'article 2 du décret du 14 septembre 1886 prévoyait que les terres occupées par les populations indigènes continuaient d'être régies par les coutumes et les usages locaux. 28(*) L'article 34 al.1 de la Constitution garantit le droit à la propriété collective acquis conformément à la coutume.

Actuellement les terres occupées par les communautés locales sont assimilables aux terres indigènes, note Vincent KANGULUMBA MBAMBI. Il dit que les droits coutumiers sur les terres indigènes ou terres des communautés locales ont été reconduits par la loi du 20 juillet 1973 même si, au terme de l'article 387, ces terres sont devenues de terres domaniales conformément au prescrit de l'article 53 de la même loi. Aux termes de l'article 388 de la loi foncière, par terres occupées par les communautés locales, il convient d'entendre celles que les communautés habitent, cultivent ou exploitent individuellement ou collectivement conformément aux coutumes et usages locaux.

En ce qui concerne les droits des individus sur les terres des communautés locales, Vincent K. fait remarquer que les droits que les membres de la communauté en retirent est plus un droit égal d'usage collectif qu'un droit de propriété individuelle, sauf à le considérer comme une indivision. En effet, aucun membre de la communauté, fut-il le chef ne peut mettre fin à l'indivision par voie de partage. La communauté elle-même n'a pas le droit d'aliéner les biens collectifs. Cette restriction rapproche les biens de ceux du domaine public de l'Etat en ce qu'ils ne sont pas aliénables tant qu'ils servent à la collectivité.29(*)

Cette citation renvoie aux droits reconnus aux communautés sur ces terres, il s'agit des droits singuliers, uniques à leur genre notent certains auteurs.

1.3. Les droits conférés par la loi foncière

Il convient de souligner que le droit de propriété sur le sol et le sous-sol est accordé à l'Etat congolais (article 53 du code foncier) par la Constitution du 18 février 2006 nonobstant la polémique entretenue par l'article 9 de la Constitution. A notre entendement, l'Etat n'est qu'un gestionnaire permanent du bien appartenant au souverain primaire dont émane toute souveraineté.

Le législateur congolais a délibérément entretenu un quiproquo à travers cet article au lieu de reprendre in extenso le prescrit de l'article 53 de la loi foncière.

Il n'est aucun doute désormais ; c'est nous qui le soulignons ; au regard de la consécration des droits de propriété à l'Etat ; que seuls les droits d'usage et de jouissance sont reconnus aux particuliers sur le sol. Ces droits de jouissance sur le sol accordés aux particuliers sont régis par le système concessionnaire, organisant l'octroi des concessions qui sont des contrats conférant des droits réels sur le sol.

L'article 59 reprend l'esprit de l'article 1er du décret du 14 septembre 1886 qui a posé le principe fondamental du régime foncier au Congo en ces termes : « tout droit privé sur les terres situées dans l'Etat, autre que le droit d'occupation qui existe au profit des populations indigènes sur les terres effectivement occupées ou exploitées par elles, doit être légalement reconnu, et être enregistré par le conservateur des titres fonciers.30(*) Concernant les droits de jouissance des communautés locales sur leurs terres, il convient de préciser que ce sont des droits acquis en vertu de la coutume et constituent des droits « sui generis ».

1.3.1. Droits de jouissance et d'usage reconnus en vertu de la coutume

Depuis bien longtemps, les communautés locales ou riveraines (tribus, clans, familles, villages, collines) occupent ces terres pour divers buts. Bien que les terres des communautés indigènes soient collectives, elles sont en fait morcelées entre les membres de la communauté, grâce à des occupations individuelles ou familiales.

La terre devient nécessairement l'objet des relations juridiques entre les membres de la communauté. Elles doivent être régies par les usages locaux.

Déjà, tant sous l'Etat Indépendant du Congo que sous le Congo Belge, ces terres ont été régies par un régime spécial en ce sens qu'elles ont été régies par les usages locaux quel que fut le statut juridique des membres de la communauté.

1.3.2. Droits jouissance et d'usage : Nature

D'emblée, on peut se poser la question de savoir si le droit des indigènes sur la terre est un droit de propriété. Le droit de propriété est un droit réel qui porte directement sur une chose. On oppose le droit réel au droit personnel. En rapport avec les droits des indigènes sur leurs terres, Vincent K. constate : « les instructions du Gouvernement général du 8 septembre 1906 mentionnent que les droits des indigènes sur les terres n'ont pas le caractère d'une propriété même collective, d'un usufruit ou d'une servitude. C'est plutôt un droit réel sui generis grevant la propriété au profit d'une ou plusieurs collectivités ».

La doctrine de l'époque signale, d'une façon générale, que le caractère individuel des droits d'usage assure pratiquement aux indigènes les avantages (utilités) que pourrait leur donner une dépendance individuelle de la terre tandis que le caractère collectif de la tenure sauvegarde la subordination des intérêts individuels à l'intérêt général de la collectivité. Il en résulte que la terre est exclue de toute propriété privée. Elle ne peut être qu'appropriée, c'est dire, affectée, exploitée ou occupée à des fins précises, sans aucune idée de propriété privée et donc d'aliénabilité.31(*) Contrairement à d'autres terres qui sont gérées par le droit écrit, sous l'autorité du conservateur des titres immobiliers, la gestion des terres des communautés locales s'effectue conformément aux usages et coutumes locaux (article 388 de la loi foncière). Cette disposition est intéressante dans la mesure où certaines pratiques et usages coutumiers ont permis de conserver certains sites forestiers, actuellement constitutifs de poumon de la planète, pendant plusieurs siècles. Tenant compte de cela, le Code forestier congolais a prévu un régime juridique précis quant aux droits et usages des peuples riverains sur les forêts qu'ils occupent depuis belle lurette.

2. Les droits reconnus par le Code forestier aux populations locales

Statut des forêts congolaises conformément aux textes en vigueur

Le régime juridique de forêts est prévu aux articles 7 à 9 du Code forestier. Reprenant l'esprit de la loi fondamentale de 2006 et de la loi dite « BAKAJIKA », les forêts constituent la propriété de l'Etat congolais (article 7)

Cependant, les forêts naturelles ou plantées comprises dans les terres régulièrement concédées en vertu de la législation foncière appartiennent à leurs concessionnaires (article 8). Les arbres situés dans un village ou son environnement immédiat ou dans un champ, collectif ou individuel, sont la propriété collective du village ou celle de la personne à laquelle revient le champ (article 9). Dépourvues de tout droit de propriété sur les forêts qu'elles occupent, les communautés locales ne sont pourvues que du droit de concessionnaire sur ces dernières.

2.1. Les concessions des communautés locales

L'article 61 du Code foncier définit une concession comme un contrat entre l'Etat et le concessionnaire. Une concession des communautés locales (ou forêt des communautés locales) définie à l'article 22 al.2 du Code forestier, est une portion des forêts concédées à titre gratuit par l'Etat à une communauté locale. L'octroi de la forêt s'effectue sur base d'un contrat entre la communauté et l'Etat. La durée du contrât poursuit l'article 21 ne peut excéder vingt cinq ans, mais est renouvelable.

Se fondant sur l'article 7 et le préambule du Code forestier, le droit conféré aux communautés locales, est un droit sui generis ; cela est repris par les articles 21 et 22 : l'attribution d'une concession forestières concédées à l'exclusion d'un quelconque droit sur le fond de terre.

Enfin, en conformité avec l'article 22 de la même loi, la communauté ne peut obtenir une concession que sur une partie ou sur la totalité d'une forêt protégée dont elle est coutumièrement propriétaire. D'une manière exhaustive, le Code forestier, énumère les droits d'usage susceptibles d'être exercés dans les différentes catégories des forêts.

2.2. Les droits d'usage forestier

Ce sont les droits qui permettent d'utiliser gratuitement et sans autorisation préalable, les terres forestières appartenant à l'Etat ou d'en tirer des produits en vue de satisfaire ses propres besoins, ceux de sa famille ou de sa communauté. L'autorité compétente doit simplement s'assurer que les activités qu'on veut y mener ne sont ni contraires à ce que la loi prévoit en la matière, ni à l'ordre public.

L'exploitation forestière rapporte certainement de l'argent. C'est cet argent et les différentes utilisations qui en sont faites au profit des communautés locales, par les exploitants forestiers ou l'Etat qui constituent les bénéfices directs de l'exploitation forestière. Les bénéfices indirects de l'exploitation forestière sont constitués par des choses telles que l'accès aux emplois (abatteurs, gardiens, contrôleurs des travaux,...), l'accessibilité des camions pour assurer ce transport local et la disponibilité des déchets de bois.

Le Code forestier prévoit la répartition des bénéfices directs de l'exploitation forestière entre l'exploitant forestier, l'Etat et les communautés locales vivant à côté ou à l'intérieur de la forêt exploitée (art 122). Les bénéfices directs de l'exploitation forestière et de l'Etat sont en termes d'argent, alors que ceux des communautés locales sont seulement de base. Le Code forestier ne prévoit pas la possibilité pour les communautés locales de recevoir directement une partie de l'argent qui provient de l'exploitation forestière.

Les communautés profitent plutôt de cet argent au travers des entités administratives décentralisées et des exploitants forestiers qui l'utilisent pour financer le développement local. Cet argent est en effet, affecté à ce que le code forestier à ses articles 89 al 3 et 122 paragraphe 5 al 2 appelle la réalisation d'infrastructures socio-économiques ou réalisation des infrastructures de base d'intérêt communautaire. La réalisation de ces ouvrages (routes, équipements hospitaliers,...) incombe aux exploitants forestiers et aux entités administratives décentralisées.

Les infrastructures à réaliser par les exploitants forestiers sont prévues dans le cahier des charges qui accompagnent toute autorisation d'exploitation forestière.

Le cahier des charges est un document signé par l'Etat et un exploitant forestier. Il traite des conditions techniques relatives à l'exploitation des produits concernés, des charges financières de l'exploitant forestier et de ses autres obligations envers l'Etat et les populations riveraines.

Cependant, il apparaît que les droits reconnus par différents textes ont été expropriés par l'arrêté qui fait l'objet de notre étude.

3. Expropriation pour causse d'utilité publique

Définition :

L'expropriation pour cause d'utilité publique, définissent Serge GUINCHARD et Gabriel MONTAGNIER, est une procédure permettant à une personne publique (Etat, collectivité territoriale, établissement public) de contraindre une personne privée à lui céder un bien immobilier ou des droits réels immobiliers dans un but d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

Dans certains cas, elle peut être mise en oeuvre au profit des personnes juridiques privées en vue de la réalisation d'un objectif d'utilité publique. Dans tous les cas, la déclaration d'utilité publique doit émaner d'une autorité de l'Etat.

L'expropriation doit donc avoir un objet précis, s'effectuer au bénéfice de certaines personnes du droit public ou privé pour une causse d'utilité publique portant atteinte aux droits des particuliers et dont les garanties doivent être prévues par les textes. D'autres procédures proches de l'expropriation permettent de porter atteinte à la propriété ou du moins de transférer le droit de propriété : la nationalisation et le droit de préemption.

Par ailleurs, en rapport avec le sujet sous examen il apparaît que l'arrêté créant la RNI a empiété sur les droits des communautés locales au grand mépris des garanties décrites à l'instar des droits des Batwa au Rwanda et des Pygmées au Congo lors de la création des parcs ou aires protégées. La création de parcs nationaux et d'aires de conservation a entraîné une grave expropriation des communautés (...). Au cours de la période 1960-1970, cinq cent quatre vingt familles (Batwa) ont été chassées de la forêt de Kahuzi-Biega en République Démocratique du Congo afin de créer une réserve de gorilles de 6000km2.

Beaucoup d'entre eux n'ont aucune propriété et il leur est très difficile de subvenir à leurs besoins essentiels32(*)

L'arrêté ministériel n° 038/CAB/MIN/ECF-EF/2006 du 11 octobre 2006 portant création de la RNI n'est pas respectueux des droits des populations vivant dans et/ou à côté des Monts Itombwe. Il apparaît que cet acte de l'autorité administrative congolaise est entaché de certaines irrégularités qu'il sied de recherche.

* 28 Voir décret du 14 septembre 1886 in Bulletin Officiel de l'Etat Indépendant du Congo, 1892-1893, p.209

* 29 V. KANGULUMBA, La gestion des écosystèmes forestiers de la RDC, EUA, Kinshasa, 1998, p.371

* 30 Voir décret du 14 septembre 1886 in Bulletin Officiel de l'Etat Indépendant du Congo, 1892, p.208

* 31 V. KANGULUMBA MBAMBI, Op. cit ., p.169

* 32 CADHP, in Rapport du groupe de travail d'experts de la commission africaine des droits de l'homme et des peuples sur les populations et communautés autochtones, Copenhague, IWGIA, 2005, p 26-27.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery