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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

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3.2. ACTIONS PROTESTATAIRES ET REVENDICATRICES DES

MOUVEMENTS DE RESISTANCE

Le phénomène de mouvements de résistance s'est manifesté aussi à travers des actions posées par les acteurs impliqués, et exprimant ainsi la dimension praxéologique de toute idéologie. C'est dans ce sens que Guy Rocher affirme que l'idéologie a une fonction conative, elle pousse ou incite une collectivité à l'action, ou du moins dirige celle-ci en fournissant des buts et des moyens. Les actions retenues dans cette étude après les recherche empiriques sont à la fois d'ordre militaire et politico-administratif.

3.2.1. Opérations militaires et actes de violation des droits de l'homme

Opération militaires

- Combats contre les autres forces

Les 14 chefs de mouvements de résistance rencontrés ont reconnu l'engagement permanent de leurs troupes dans des combats armés contre soit les forces militaires étrangères, soit les forces rebelles, soit les forces armées régulières, soit les milices étrangères (F.D.L.R., Interahamwe, F.D.D., FNL,...), soit les forces militaires d'autres mouvements de résistance.

Les opérations militaires effectuées s'inscrivent dans le cadre de l'offensive ou la contre offensive dont la finalité est de conquérir des espaces ou de protéger le territoire déjà conquis contre les menaces de toute autre force. D'autres opérations militaires ont visé à mette hors d'état de nuire les groupes armés étrangères en activité sur le territoire congolais (F.D.L.R., Interahamwe, F.D.D., PASTAS) semant la terreur au

sein des populations par des actes de viol, vol, tuerie, déportation, tortures, etc.

Outre les chefs militaires interrogés, 48 ex-combattants ont confirmée trois sources d'armement des mouvements de résistance, à savoir : l'approvisionnement par le gouvernement, la récupération des armes abandonnées par l'ennemi vaincu au combat, le don ou l'achat d'armes auprès d'autres groupes armés (nationaux ou étrangers). En effet, les mouvements de résistance en lutte contre la rébellion menée par le R.C.D. ont bénéficié d'un appui en armement de la part du Gouvernement congolais dans le but d'anéantir la progression de celui-ci à en croire les chefs militaires interrogés. Tous les mouvements de résistance sur lesquels portent notre étude n'ont pas reçu les armes du Gouvernement car nombreux n'existaient pas encore. Toutefois, leurs chefs militaires, à l'exception de celui du mouvement de résistance Raia Mutomboki faisaient partie de précédents mouvements de résistance. Les dons et achats auprès des groupes armés étrangères ou nationaux prouvent l'existence de la collaboration entre tous les groupes armés opérationnels. Il faut noter qu'en dépit des intérêts particuliers à chaque groupe armé au Sud-Kivu, il y avait un ennemi commun, la rébellion du R.C.D. et son allié principal, le Rwanda. Ce qui a justifié des coalitions en cas d'attaques par l'ennemi commun.

- Violences interethniques ou tribales

Certains mouvements de résistance ont participé activement dans les conflits interethniques au Sud-Kivu. Car leur existence se justifierait notamment par la protection des groupes ethniques. Tous les groupes mai-mai de territoires de Fizi et d'Uvira ont participé dans les violences ethniques au motif de protéger leurs communautés.

Dans les deux territoires ci-haut citées, quatre groupes ethniques sont en conflit fondé sur l'occupation de l'espace : Bavira, Bafulero, Bubembe et Banyamulenge. Ces derniers sont considérés par la

mémoire collective de trois autres groupes comme des << envahisseurs », des << étrangers » dont les droits sur les terres qu'ils occupent seraient ambigües, et partant non acquis.

Par ailleurs, le soutien en hommes de troupes apporté par le groupe éthique Banyamulenge aux rebellions de l'A.F.D.L. puis du R.C.D., l'occupation forcée de certaines fonctions administratives, politiques et militaires, ainsi que les comportements jugés de << représailles », d'« humiliation », de << conquête » ou de << torture » ont développé une attitude de xénophobie des autres groupes ethniques de la Province du Sud-Kivu envers les banyamulenge.

Cette attitude de rejet mutuel et de conflit est encore présente jusqu'à ce jour tant dans la pensée collective que dans les luttes interethniques où les mouvements de résistance sont engagés. En date du ..., notre séjour à Lemera en territoire d'Uvira pour raison d'enquête a été écourté à la suite des combats apposant le mouvement de résistance N'yikiriba aux forces de F.R.F. à cause d'une partie des terres ancestrales de la chefferie de Bufulero dont les Banyamulenge voudraient s'approprier à en croire le chef de localité de Kigwena-Rubanga en groupement de Lemera, Collectivité de Bafuliro.

Actes de violation des droits de l'homme

Nous ne saurions identifier les actes de violation des droits de l'homme retenus particulièrement à charge des mouvements de résistance dans les zones à forte présence des groupes armées. Les statistiques que nous avancerons dans l'argumentaire ne concernent pas exclusivement les mouvements de résistance étudiés mais plutôt toutes les forces militaires en présence. Cette analyse globalisante tient au fait que tous les chefs des mouvements de résistance interrogés ainsi que les autorités coutumières et notables ruraux ont déploré plusieurs actes de violation

des droits de l'homme de la part des mouvements de résistance sans spécifier ni les quantifier.

- Tueries et massacres

Dans les zones occupées par les mouvements de résistance il a été déploré plusieurs cas des tueries et massacres soit commis par eux-mêmes, soit à la suite des combats avec d'autres groupes armés. D'autres éléments dits incontrôlés des mouvements de résistance ont été impliqués dans les tueries dans certains villages à la suite de la résistance ou vigilance des populations pendant une opération de vol ou de viol, d'un règlement de compte pour un conflit foncier ou un conflit matrimonial (opposition autour de la dot ou du divorce). Les 34 autorités coutumières ont confirmé ce fait tout en les attribuant aux éléments isolés et aux mouvements de résistance comme structure. Il y a eu des victimes connus et inconnus dans les villages occupés.

Citant la chefferie de Burhinyi, la monographie de Zihalirwa Nkubafire dénombre 82 cas de tueries et massacres des populations dans ladite chefferie pour le seul mois de mars 1999. Nous avons trouvé également d'autres chiffres avancés par Mwetaminwa Wangachumo (82) dans son mémoire de licence en citant plusieurs sources. Nous pouvons retenir :

- Janvier et février 1999 : enlèvement des civils à Burhale, Mushinga, Lubone et Mulangba.

- 01-03 janvier 1999 : 28 personnes tuées dans la chefferie de Ngweshe

82 MWETAMINWA MWANGACHUMO, les guerres armées comme moyen de changement de régime politique en RDC : Analyses des crises politiques et les événements subséquents. De 1996-2004, Mémoire, FSSPA, UOB, 2003-2004, pp 101-107.

- 17 mars 1999 : 146 personnes tuées à Budaha dans la chefferie de Burhinyi.

- 24/08/1998 : 451 personnes tuées à Kasika dans le territoire de Mwenga

- En 1999 : 818 personnes tuées à Fizi.

Les mouvements de résistance ont fait l'enrôlement des enfants. Une étude publiée par La coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants a révélé que tous les rapports des experts de Nations Unies font état de l'enrôlement des enfants, y compris les filles, par les groupes armés maimai.83

- Extorsions, vols et viols

Plusieurs cas de vol sont déclarés par les autorités coutumières contres les mouvements de résistance. Il s'agit des extorsions des bétails et volailles, des produits alimentaires voire manufacturés, des habits et ustensiles de cuisine, etc. Ces cas d'extorsion ont appauvri les milieux ruraux occupés par les mouvements de résistance, et ont découragé les paysans aux activités agricoles. Par conséquent, plusieurs villages ont connu la rareté des produits agricoles ne fût-ce que pour la sécurité alimentaire locale. Alors que les autorités coutumières ont parlé des vols destructeurs, les chefs des mouvements de résistance ont reconnu le fait en le qualifiant de « extorsion par nécessité ». Deux de quatorze chefs des mouvements de résistance ont estimé qu'il s'agit plutôt d'une auto rétribution pour le rôle de protection des populations et de défense du territoire national. Des propos contradictoires émaillent les déclarations fournies par les chefs des mouvements de résistance, et poussent à affirmer que les vols sont

83 COALITION POUR METTRE FIN A L'UTILISATION D'ENFANTS SOLDATS, Le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats par les Mai-Mai : une pratique profondément ancrée et persistante, Février 2010.

réellement le fait du groupe et non des individus isolés et incontrôlés. En effet, la rupture entre les interdits (y compris celui le vol) et le vol par nécessité justifié par les communautés et les chefs des mouvements de résistance est révélatrice de cette contradiction.

S'agissant des viols, les autorités coutumières, les chefs des mouvements de résistance comme les ex-combattants reconnaissent l'existence desdits actes en les minimisant d'une part, et en les attribuant sans ambages aux éléments incontrôlés. Le viol est considéré par les mouvements de résistance comme une violation flagrante des interdits. Selon leur schème de pensée, tout auteur du viol doit mourir au front ou dans toute autre circonstance non élucidée suite à la « colère des ancêtres ». La philosophie des mouvements de résistance nourrie des représentations traditionnelles sur la femme, considère cette dernière comme pourvoyeuse de malheur et source d'anéantissement de la force mystique protectrice. En dépit de rejet institutionnel du viol par les mouvements de résistance, la communauté internationale à travers les ONG internationales et locales, le gouvernement de la R.D Congo retiennent la Province du Sud-Kivu parmi celles les plus touchées par le phénomène de viol. Les mouvements de résistance sont cités par plusieurs organisations des droits de l'homme comme un des auteurs des actes de viol. Les statistiques avancées sont trop parlantes. En effet, en 2007 et 2009 il a été dénombré respectivement 2773 et 2980 cas de viols au Sud-Kivu selon OCHA84. Dans une étude menée en 2004 sur le viol au Sud-Kivu, nous avons démontré la gravité de ces actes et leurs impacts psychologiques et culturels sur les populations victimes. Les enquêtes empiriques ont relevé que les groupes armés mai-mai font partie des auteurs des viols. Ces derniers sont en définitive un élément perturbateur de l'équilibre familial et de la culture tout entière(85).

84 www .populationdata.net

85 P. KAGAGANDA MULUME-ODERHWA « Violences sexuelles envers la femme et instabilité de la famille en période de guerre en R.D.C. » in Analyses Sociales, vol IX, numéro unique, Janvier-Décembre 2004, p. 149.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus