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Mouvements de résistance et culture politique au Sud-Kivu. Mise en évidence des fondements idéologiques et des actions revendicatrices.

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par Philippe KAGANDA MULUME-ODERHWA
Université officielle de Bukavu - Diplôme d'études supérieures en sociologie politique 2009
  

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1.2.2. Cadre théorico-conceptuel

Cette étude est orientée par certains acquis théoriques existants. Les concepts fondamentaux qui la fondent trouvent leurs significations particulières à l'intérieur des théories ou paradigmes choisis. Nous voudrions élargir ces théories à d'autres sphères géographiques et culturelles avec une ambition future d'en augmenter la portée pour expliquer la problématique de développement politique et concevoir un modèle de construction de la paix.

1.2.2.1. Construction théorique

La recherche est fondamentalement inscrite dans le schéma de raisonnement sociologique d'Alain Touraine appelé sociologie de l'action(1). Elle mobilise également le paradigme de « mode populaire d'action politique >> (MPAP) de Jean-François Bayart(2) et celui de mobilisation des ressources initiée par Anthony Obershall et compagnons(3). Enfin, elle recourt à l'approche psychosociale (4) pour interpréter le comportement collectif dans les Mouvements de résistance.

Un paradigme est, selon Michel Miaille « un cade théorique, une manière de trouver des solutions parce qu'il est une manière de poser les problèmes >>(5). Il poursuit en attribuant deux sens à un paradigme. D'une part, le paradigme constitue une armature théorique fondamentale, rendant compte de la science à un moment donné, connaissance de certains objets. D'autre part, le paradigme est ce à quoi adhère un groupe

12 F. DEPELTEAU, Op. Cit., pp. 63-65.

scientifique, c'est-à-dire les croyances, les valeurs et techniques communes aux membres d'un groupe donné et que l'on peut dénommer le sens sociologique du paradigme.(13)

Pour mieux cerner la pensée touranienne, il importe de reproduire son modèle sociologique et son schéma d'analyse.

Fig. n° 3 : Modèle sociologique d'Alain Touraine

Historicité

Domination

Système d'action Système des

Historique rapports des classes

Champ d'histoire

Influence

Emprise

Système politique

institutionnel

 

Innovation

Pouvoir

Revendication

Détermination

Modernisation

Différenciation

Système organisationnel

Source : A. TOURAINE, Pour la sociologie, Paris, seuil, 1974.

Ce modèle tourainien retient 3 sous-systèmes : le système organisationnel, le système institutionnel et le champ d'historicité. Le premier est marqué par des relations de différenciation entre statuts et rôles des acteurs sociaux. Le deuxième est le champ d'expression des relations d'influence entre forces politiques. Le troisième enfin comprend les relations de domination entre classes sociales (acteurs historiques). Ce dernier, le champ d'historicité est le plus élevé dans la hiérarchie des sous-systèmes. En effet, l'historicité est, dans la conception touranienne, la capacité de la société de se transformer, de produire des orientations sociétales et culturelles. Il est le siège de l'enjeu collectif, culturel des

13 M. MIAILLE, Op. Cit., p.30.

rapports des classes où émerge progressivement l'ordre qui imprime une orientation aux pratiques.

Ainsi, l'analyse sociologique peut suivre la démarche indiquée cidessous.

Figure n° 4 : Démarche d'analyse actionnaliste selon Touraine

ACTION

historicité

rapports de classe

institution

ORDRE

modernisation

adaptation

Développement

CHANGEMENT

répression

règle

reproduction

dysfonctionnement

blocage

domination

décadence

organisation

CRISE

Source : A. TOURAINE, la voix et le regard, Paris, seuil, 1978, p.101.

Jérôme LaFargue note ce qui suit à propos de ce schéma d'Alain Touraine.

« D'après ce schéma, l'historicité se transforme en organisation sociale, ce qui suppose la formation d'un pouvoir, créateur de l'ordre, lequel décompose directement ou indirectement les relations sociales en opposition entre l'inclusion et l'exclusion ; ce qui a été mis hors société peut devenir agent de changement social si l'Etat cherche à répondre à des demandes nouvelles de l'environnement ».14

14 J. LAFARGUE, Op. Cit, p. 105.

Le schéma théorique d'Alain Touraine admet une approche dialectique dans l'explication du social. De ce fait, il rejette toute conception déterministe. La société n'a ni lois, ni base, elle n'est pas un édifice d'instances. La société n'est pas un édifice politique et culturel construit sur des bases matérielles.

Il n'y a pas des lois des sociétés capitalistes, il n'y a pas de lois d'évolution des sociétés qui iraient inévitablement vers le socialisme et la société des classes. Il n'y a pas de déterminisme par les forces de production et par l'évolution technologique. Les acteurs n'agissent pas de manière mécanique en réponses aux valeurs.

La théorie touranienne permet ainsi de manipuler des concepts opératoires comme l'historicité, les rapports de classes, le système institutionnel et l'organisation sociale, le changement social, les mouvements sociaux.

Parlant des mouvements sociaux en particulier, leur étude sociologique a été inaugurée par Mancur Olson(15) sous le terme de l'action collective. Cette dernière est simplement une action concertée visant à attendre des objectifs communs au sein d'un environnement donné. Il met l'accent sur la perspective de l'individualisme méthodologique pour justifier une action individuelle et non sur la communauté des intérêts. Il convient donc de rechercher la logique de l'action collective au-delà de la logique de l'action individuelle (c'est le paradoxe de l'action collective). La mobilisation a les chances de réussir dans les petits groupes où existent des relations denses et en fait, le sentiment d'appartenance. L'aptitude pour un groupe à produire des incitations sélectives ou des mesures coercitives est également une condition pour une action collective.

15 M. OLSON, LRIIIXeUEIUlWIRQUIROBEV, Paris, P.U.F., 1966.

Tableau n°1 : Caractéristiques principales des paradigmes de l'action collective

 

« Ancien paradigme »

« Nouveau paradigme »

Acteurs

Groupes socio-économiques

agissant dans l'intérêt du

groupe et impliqués dans le
conflit pour la redistribution

Groupes socio-économiques

n'agissant pas comme tels.

Revendications

Croissance économique et

distribution ; sécurité sociale

et militaire ; contrôle social

Préservation de la paix,

l'environnement, des droits de l'homme et d'une organisation du travail non aliénante

Valeurs

Liberté et sécurité de la

consommation privée ;
progrès matériel

Autonomie de la personne et identité, en tant qu'opposées au contrôle centralisé

Modes d'action

a) au niveau interne :

organisation formelle ;

association représentative de
grande taille

b) au niveau externe :

intermédiaire pluraliste ou

corporatiste des intérêts ;

compétition entre partis
politiques ; loi de la majorité

a) au niveau interne :

structure informelle ;

spontanéité ; faible degré de

différentiation horizontale et

verticale

b) au niveau externe : actions protestataires fondées sur les demandes formulées dans des termes surtout négatifs

Source : J. LAFARGUE, Op.cit., p. 110.

La richesse théorique du paradigme de la « politique par la bas >> se rapportant à notre étude peut se lire à travers ces considérations de Daniel Bourmaud reprises par Amuri Misako:

« Inaugurée avec le lancement de la revue politique africaine au détour des années 80, le thème de la « politique par le bas >> se propose de remettre la pyramide africaniste sur ses pieds. Elle s'inscrit en réaction contre le déterminisme dépendantiste et développementalisme (sic), tout en refusant les

approches juridico-politiques telles qu'elles ont pu se manifester en France notamment durant les années 60 et 70. L'appellation « politique par le bas >> se veut une méthode d'analyse des sociétés africaines en même temps qu'une théorie sociale et politique >>.16

Ainsi, « les modes populaires d'action politique >> suggère au chercheur de quitter le sphère supérieure de gestion de la cité pour analyser le niveau inférieur de la structure sociale :

« Il convient donc de déplacer la perspective classique concentrée autour de l'étude de l'Etat, au sens libéral de l'acceptation, et de ses capacités à réagir la société dans une relation univoque de dominants à dominés. Au contraire, le politique doit accorder une attention prioritaire aux mécanismes par lesquels les dominés manifestent leurs capacités d'innovation, de résistance et de contestation de l'ordre établi >>(17).

Le paradigme de la « mobilisation des ressources >> est tout autant nécessaire pour cette étude dans la mesure où il nous permet à la suite de John Mac Carthy et Meyer Zald (conception économiste de la théorie de la mobilisation des ressurces) et Anthony Oberschall (conception politiste de la théorie de la mobilisation des ressources) de comprendre davantage notre objet d'étude.

Pour la conception économiste, D. La Peyronnie souligne ce qui

suit :

« La création d'une action collective se comprend comme la rencontre entre les objectifs d'un entrepreneur ou d'un ensemble d'entrepreneurs et l'achat par des clients des produits de l'entreprise. Les entrepreneurs agissent en essayant de satisfaire au mieux les préférences des consommateurs, les incitants ainsi à acheter leurs produits. L'action collective se crée

16 F.D. AMURI MISAKO, Op.Cit., p. 17.

17 J. F. BAYART, Op. Cit., p.53.

lorsque les objectifs d'une organisation rencontrent les préférences pour le changement d'un ensemble d'individus, transformant leur sympathie en participation. En faisant correspondre ses objectifs avec les intérêts du secteur qu'elle cherche à mobiliser, une organisation doit pouvoir convertir les sympathisants en militants »(18).

Trois notions ressortent de cette conception à savoir : l'organisation de mouvement social, l'industrie de mouvement social et le secteur des mouvements sociaux.

Quant à la conception d'Obers Chall- ce dernier étant considéré à juste titre comme le précurseur de cette théorie avec une empreinte politiste marquée par les présupposés olsoniens- elle met l'accent sur la structuration d'un mouvement social (liens internes solides) combinant la dimension verticale et la dimension horizontale ; l'organisation de la collectivité. Pour lui, la mobilisation consisterait à recruter les groupes d'acteurs organisés et actifs, et non pas à rassembler une masse inorganisée d'individus plus ou moins isolés. Du coup, la segmentation devient un facteur de mobilisation.

Le paradigme de la « mobilisation des ressources » suggère le mode de raisonnement suivant :

« L'approche en termes de mobilisation des ressources se focalise à la fois sur les supports et les contraintes sociétales des mouvements sociaux. Elle examine la variété des ressources qu'ils doivent mobiliser ; les liens entre les mouvements sociaux et les autres groupes, leur dépendance à l'égard de soutien et les tactiques

18 D. LAPEYRONNIE, « Mouvements sociaux et action politique : Existe-t-il une théorie de la mobilisation des ressources ? »in Revue française de Science Politique, Volume 29, n°4, 1988, pp.604- 605 cité par J. LAFARGUE, Op. Cit., p.96.

utilisées par les autorités pour les contrôler ou les infiltrer >>(19).

L'on retient de Douz McAdam, John McCarthy et Meyer Zald une synthèse présentée en ces termes :

« Ce n'est qu'en combinant les préoccupations conceptuelles des anciennes et des nouvelles approches que l'on peut espérer atteindre une compréhension complète de la dynamique des mouvements (...) Selon nous, un travail complet sur les mouvements sociaux implique deux choses : d'abord, il faut prendre en compte les processus et les variables opérant aux niveaux macro et macro. Secundo, on doit éclairer les dynamiques expliquant la stabilité et le changement dans les mouvements déjà existant en même temps que les processus qui, initialement, donnent naissance à ces mouvements >> (20).

S'agissent de l'approche psychosociale des mouvements de résistance, elle permet à l'analyse de ne pas passer sous silence les phénomènes de motivation, contagion, imitation qui sont déterminants dans la production et/ou la re-production des mouvements de résistance. Patrice Mann souligne ce qui suit à ce sujet :

« L'interprétation psychosociale prend en compte le jeu de l'influence, le rôle des croyances, des attentes, des frustrations et des espérances des individus qui s'engagent dans les mouvements collectifs alors que le second courant met l'accent sur la rationalité des individus qui, alors qu'ils sont confrontés à une situation

19 J-D. MCCARTHY et M.-N ZALD cités par J. LAGROYE, Sociologie politique, Paris, Presse de la Fondation

Nationale des Sciences Politiques et Dalloz, 1991, p. 300.

20 D. MCADAM, J-D. MCCARTHY et M.-N ZALD, « Social mouvement » cité par J. LAFARGUE, Op. Cit.,

p. 127.

de choix, essaient d'atteindre leur but de la façon la plus efficace ou la moins coûteuse »(21).

Tout autant riches et élaborés qu'ils soient, ces paradigmes ci-haut présentés trouvent indéniablement leur place ici pour autant qu'ils correspondent à l'objet sous analyse. En effet, l'étude des mouvements de résistance considérée comme mouvements sociaux se situe dans le champ de la sociologie de l'action. Leur présence analysable en termes de composition - re-composition - décomposition, structuration - restructuration - déstructuration, intégration - désintégration traduit évidemment l'expression d'une frustration, un conflit face à un pouvoir, à un environnement. Le but est certainement le contrôle au sein du système social national (RDC) ou local (Sud-Kivu) de l'historicité.

Il faut reconnaître que parler du système social national ou local crée une confusion des frontières géographiques de notre investigation.

Il n'est pas question d'élargir le champ d'étude mais plutôt de considérer les deux systèmes sociaux dans leurs relations systémiques constantes. Dans cette perspective, les mouvements de résistance sont perçus comme des acteurs historiques ayant leurs logiques. Ils sont également conscients de leur existence fonctionnelle porteurs des projets-rationnels ou nonvéhiculés à travers des idéologiques diverses dont les actions logiques et non logiques sont susceptibles d'induire des changements dans un processus dichotomique soutien-récupération/opposition-conflit. Face au pouvoir et autres acteurs de la société politique, les mouvements de résistance n'est pas une classe sociale contestataire. C'est plutôt un partenaire pour maîtriser les enjeux de la stabilisation et de l'occupation spatiale ainsi que de l'autorité. Faut-il rappeler que dans la théorie touranienne la conception déterministe de la classe sociale est fortement désagrégée sinon sans valeur heuristique. Fustigeant cette conception, Alain Touraine précise dans l'une de ses oeuvres récentes ce qui suit :

« Cette place centrale occupée par l'idée de société, et la définition de celle-ci comme un système social doté de ses mécanismes de fonctionnement et de changement, a pour contrepartie, il faut le souligner, un rejet de toute analyse et de toute forme d'organisation sociale qui considère l'acteur autrement que par la place qu'il occupe dans la société »(22).

Pour construire les idéologies et poser des actions, les mouvements de résistance mobilisent des ressources symboliques et matérielles issues des rationalités parfois contradictoires (fétichismes, vol, détournement, etc.). Les stratégies sont aussi diversifiées : consensus, coopération, intégration, violence.

En partant des mouvements de résistance, il ressort nettement une prise en compte des modes populaires d'action politique. Des changements sociaux peuvent être perceptibles à partir de l'analyse des mouvements de résistance à l'intérieur desquels les acteurs individuels ont des motivations personnelles, subissent la contagion d'attitude ou de jeu d'influence, assurent la conduite du groupe (leader).

Le schéma théorique qui guide notre étude se présente comme suit :

22 A. TOURAINE, Un nouveau paradigme pour comprendre le monde aujourd'hui, Paris, Fayard, 2005, p.93.

Paradigme de
mobilisation
des ressources

Motivation Contagion Leadership

John Mac Carthy Meyer Zald

Anthony Obershall

Jean-François Bayart

Figure n°5 : Schéma du cadre théorique

Mancur Olson

Paradigme de
l'action collective

Sociologie de
l'action

Approche
psychosociologique

Paradigme de
MPAP

Ce schéma indique en synthèse le cadrage théorique de cette étude. Au centre, on trouve la sociologie de l'action soutenue par les apports des paradigmes de mobilisation des ressources, des modes populaires d'action politique, de l'action collective ainsi que l'approche psychosociale. Les flèches vers le centre indique une coopération tandis que celles verticales et horizontales expriment en même temps un continuum et une coopération entre toutes les théories mises en contribution. Les concepts opératoires de cette étude trouvent leurs significations à l'intérieur des paradigmes ci-haut élucidés.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire