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Pauvreté et accès aux soins obstétricaux au Tchad

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par Aristide NADJIOROUM NDINGADET
Institut de formation et de recherche démographiques (IFORD), Université de Yaoundé II au Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie (DESSD) 0000
  

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INTRODUCTION GENERALE

«Le soleil ne doit pas se lever ou se coucher deux fois sur une femme en train d'accoucher». Proverbe africain

Depuis les années 1950 et 1960, les pays en développement ont accompli des progrès sur le plan du développement humain, progrès que mettent en évidence les rapports annuels publiés par les agences internationales telles que le Programme des nations Unies pour le Développement (PNUD) ou la Banque mondiale. Néanmoins, le dénuement des populations de certains pays reste immense et les progrès humains des trente dernières années n'ont été ni uniformes ni harmonieux. La santé des populations, composante essentielle du développement humain, est souvent précaire et les indicateurs sanitaires inquiétants. Ainsi, selon les estimations du PNUD de 2003, l'espérance de vie est encore inférieure à 50 ans dans une 20e de pays en développement et 14 millions d'enfants de moins de 5 ans meurent encore chaque année et la sous-alimentation frappe plus de 150 millions d'enfants. Enfin, plus de 4,5 milliards de personnes n'auraient pas accès aux services de santé.

Dans des contextes où l'offre de services de santé modernes est peu importante et les ressources sanitaires plus ou moins accessibles, l'émergence de questionnements relatifs à l'utilisation de ces services peut a priori sembler paradoxale. En effet d'une part, les besoins sont immenses et les services trop rares pour y répondre convenablement, et d'autre part, l'on constate, lorsqu'on implante des services censés répondre à ces besoins par les populations et aux mécanismes susceptibles de l'influencer.

Malgré le développement de tout un champ de recherche autour de ce thème, il est impossible de dégager une vision d'ensemble de l'utilisation des services de santé, phénomène complexe et toujours difficile à comprendre. Ainsi, différentes lectures de l'utilisation sont possibles selon, par exemple, que le regard se porte sur le marché des services de santé ou sur les comportements de santé des individus ou bien selon que l'observation est centrée sur les expressions spatiales (quels services sont ou ne sont pas

utilisés ?) ou temporelles (quand ces services sont-ils ou ne sont-ils pas utilisés ?) de l'utilisation.

A la fin des années 1970, on commence à revoir les stratégies de développement des services de santé. Les économies et les termes de l'échange se dégradent, le poids de la dette publique atteint souvent des niveaux critiques, les ressources consacrées au secteur de la santé stagnent ou plus souvent régressent et les grandes ambitions des années précédentes apparaissent de plus en plus difficiles à satisfaire.

Les problèmes de la santé maternelle et infantile, malgré les efforts considérables qui ont été déployés depuis plusieurs années, continuent de focaliser l'attention de la communauté internationale et des pouvoirs publics. En moyenne, 400 mères décèdent pour 100 000 naissances vivantes (Tchad et Culture n° 251, 2006). Un ratio beaucoup plus élevé dans les pays à faible revenu allant jusqu'à 1600 voire 2000 dans certains endroits. Chaque minute, 5 290 000 femmes meurent en donnant naissance à travers le monde chaque année (ONU, 2000)1. Pour une femme qui meurt, 30 sont handicapées, 47% de ces décès et 60% de ces handicaps se passent en Afrique alors que la population du continent ne représente que 12% de la population mondiale. En Afrique, presque la totalité de ces décès concernent l'Afrique subsaharienne. A la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) tenue au Caire en 1994, la plupart des pays africains se sont fixés comme objectif de réduire significativement le niveau de mortalité maternelle. Ce dernier est la cible deux des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). On remarque cependant, dix ans plus tard, que le niveau de mortalité maternelle reste élevé et presque stable dans ces pays. Etant donné que la plupart des causes médicales des décès maternels peuvent être prévenues (WHO, 2002), ce phénomène se justifie par le faible taux de recours aux soins maternels. D'après l'OMS, la fréquence du recours aux soins prénatals parmi les femmes enceintes est de 63% en Afrique contre 97% en Europe, 95% en Amérique du Nord, 73% en Amérique Latine et Caraïbes et 65% en Asie. La fréquence du recours à l'assistance médicale pendant l'accouchement est davantage plus faible : 42% en Afrique contre 98% en Europe, 99% en Amérique du Nord, 75% en Amérique Latine et Caraïbes et 53% en Asie (WHO, 2002). Selon la même source, moins de 30% des femmes reçoivent les soins postnatals en Afrique subsaharienne contre 90% dans les pays développés. Du fait de la faiblesse des services de

1 Il s'agit d'une estimation des Nations Unies

soins ou de l'absence de la sécurité sociale, de la pauvreté, de l'ignorance, des contraintes culturelles ou du statut de la femme dans la société, nombre d'Africaines perdent la vie en voulant la donner. Elles sont des milliers à perdre leur vie parce qu'elles n'ont pas eu accès aux soins appropriés, parce qu'elles n'ont pas pu se rendre dans une structure sanitaire du fait de l'éloignement des structures sanitaires, parce qu'ignorantes elles se sont vu interdire la fréquentation d'un centre de santé, parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers pour se procurer des soins.

La mortalité maternelle n'est pas seulement un problème sanitaire mais une injustice sociale car mourir en voulant donner la vie est une question de violation des droits humains. Attendre un enfant et le mettre au monde est un événement majeur pour chaque femme, chaque couple, chaque famille car il constitue une prolongation de la vie, voire une victoire sur la mort. Pourquoi alors ce drame silencieux qui ne dit pas son nom : Voir une femme mourir au moment où cette dernière donne la vie. Un pays qui envoie ses soldats en guerre pour la défense de la patrie s'assure toujours qu'ils reviendront en bonne santé. Pourquoi alors la femme qui est appelée à partir à la guerre qui est la perpétuation de la race humaine ne doit pas être sûre de revenir ?

Un proverbe Tanzanien illustre à merveille cette situation. Une mère qui va accoucher son enfant dit ceci : « Je vais à l'Océan chercher un nouveau bébé mais le chemin est long, dangereux et il se peut que je ne revienne pas ». C'est dire que plus qu'un drame, la mortalité maternelle est un défi continental.

La revue de la littérature sur le sujet met en évidence deux types de facteurs explicatifs du faible recours aux soins modernes par les femmes dans les pays en développement pendant la grossesse et l'accouchement : les facteurs relatifs à la demande de soins et ceux relatifs à l'offre.

Dans le premier ensemble, on retrouve les facteurs culturels et économiques.

Selon l'approche culturelle, la fréquentation des services de santé dépend des institutions sociales telles que les coutumes, les réseaux de solidarité, les perceptions ou représentations symboliques de la grossesse et de l'accouchement, et du degré d'ouverture à la modernité (Rwenge Mburano, 2007). L'approche économique, quant à elle, met la fréquentation des services de santé en relation avec les conditions économiques dans lesquelles vivent les femmes (Rwenge Mburano, 2007). Dans le second ensemble, on retrouve les facteurs suivants : accessibilité des soins (en termes de disponibilité, de temps ou de coût),

qualification du personnel sanitaire, moyens techniques disponibles, continuité des services, accueil des consultants, temps d'attente, etc. (Tollegbé A., 2004).

Le niveau élevé de mortalité maternelle observé dans les pays en développement en général et africains en particulier, se justifie aussi par le fait que certains facteurs relatifs à l'offre cidessus mentionnés, notamment l'accessibilité à des soins obstétricaux d'urgence, la qualification du personnel sanitaire et les moyens techniques disponibles, déterminent directement le risque qu'une mère décède pendant l'accouchement ou quelques jours après, en cas de complications (RWENGE Mburano, 2007).

Les indicateurs démographiques et de santé au Tchad restent extrêmement médiocres, reflétant le haut niveau de pauvreté de la population. L'espérance de vie à la naissance, de 50 ans (47 ans pour les hommes et de 54,5 ans pour les femmes ; EIMT, EDST, UNICEF et PNUD, 2004) est inférieure à la moyenne des pays en développement.

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Le Common Country Assessment (CCA, 2004) a identifié cinq principales manifestations de la pauvreté humaine au Tchad liées à des facteurs de risques ci-après: la faim et la malnutrition résultent essentiellement du déficit et de l'insécurité alimentaire ; la forte mortalité maternelle et infantile est la conséquence de l'accès limité des femmes aux services de santé de la reproduction ainsi que de l'exposition des enfants à des maladies infectieuses et parasitaires ; la forte incidence du VIH/sida et du paludisme est essentiellement due à la non utilisation des moyens de prévention et de protection ; l'accès limité à l'eau potable et aux services d'assainissement est la résultante de l'insuffisance et du dysfonctionnement des points d'eau modernes, des latrines et des systèmes d'évacuation ; la forte déscolarisation au primaire est causée par l'inaccessibilité économique (surcoût) ou culturelle (perception) de l'école.

Les conditions de vie et d'hygiène très défavorable constituent les principaux facteurs de la morbidité et de la mortalité au sein de la population.

Bien que les mêmes données de l'EDST aient aussi révélé qu'il y a une proportion importante des femmes tchadiennes qui ne recourent pas aux soins modernes pendant la grossesse et l'accouchement. Il a été observé que parmi les dernières naissances survenues au cours de cinq dernières années, moins de la moitié (43%) ont bénéficié de consultations prénatales auprès de professionnels de la santé (médecins, infirmières, sages-femmes et accoucheuses traditionnelles formées).Ces consultations ont été, dans leur grande majorité, effectuées par

des sages-femmes (27%), dans une moindre proportion par des infirmières (9%) et dans très peu de cas, elles ont été dispensées par des médecins (3%) et des matrones ou accoucheuses traditionnelles formées (4%). Cependant, pour plus d'une naissance sur deux (56%), les mères n'ont consulté personne au cours de leur grossesse. Il n'y a pas eu de recherches explicatives sur les recours aux soins modernes pendant la grossesse et l'accouchement aussi bien en sciences sociales (démographie, sociologie, anthropologie, etc.) qu'en épidémiologie ou en santé publique.

La question de recherche ici est celle de savoir dans quelle mesure la pauvreté constitue un obstacle à l'accès aux soins obstétricaux au Tchad ?

L'objectif principal de cette recherche est d'établir la relation qui existe entre la pauvreté et l'accès aux soins obstétricaux afin de mettre à la disposition de tous les intervenants en matière de santé de la reproduction des informations pertinentes pour améliorer l'accès aux soins obstétricaux au Tchad.

De façon spécifique, il s'agira de :

· Mesurer le niveau d'accès aux soins obstétricaux au Tchad ;

· Mesurer le niveau de pauvreté au Tchad ;

· Mesurer l'impact de la pauvreté sur l'accès aux soins obstétricaux au Tchad.

Cette étude présente les intérêts aussi bien scientifique, politique, économique et social. En effet, l'identification et la compréhension des facteurs qui sous-tendent le recours aux soins obstétricaux peuvent permettre d'améliorer les connaissances sur les déterminants de recours médical pendant la grossesse et lors de l'accouchement en vue d'élaborer un cadre d'analyse adapté à la situation observée dans les pays en développement en intégrant les éléments contextuels.

Sur le plan politique, la connaissance des déterminants de la fréquentation des services de santé moderne permet de donner une orientation appropriée, suivie et rigoureuse à la politique de population en promouvant le bien-être social de la population en général, et celui des femmes et des enfants en particulier. Pour atteindre cet objectif, les politiques de population doivent intégrer l'aspect social et communautaire afin d'être acceptables et acceptées par les populations pour avoir un maximum de chance de succès, ASSEMAL Alfred (2003).

A travers cette étude, nous espérons apporter une contribution à la promotion de la

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Ratio de MM(pour 100 000) Accouchements assistés (%)

« Maternité à moindre risque » en mettant à la disposition de tous les intervenants en matière de santé de la reproduction, un ensemble d'informations pouvant leur permettre de mieux orienter leurs politiques et programmes de santé en général et en particulier ceux ayant pour but de favoriser l'accès aux services de santé modernes en général et les services de soins obstétricaux en particulier.

Ce travail comprend essentiellement cinq chapitres :

Le premier chapitre traite l'accès aux services de santé modernes et aux soins obstétricaux dans les pays en développement. Le deuxième chapitre est consacré au contexte tchadien. Le troisième traite le cadre théorique et à la méthodologie de cette étude qui sera faite sur la présentation des données de base de cette recherche et la procédure de construction des principaux indicateurs d'analyse. Le quatrième chapitre est consacré à l'analyse descriptive de l'influence de la pauvreté sur l'accès aux soins obstétricaux au Tchad. Enfin, le cinquième chapitre examine l'impact de la pauvreté sur l'accès aux soins obstétricaux au Tchad.

Graphique 1 : Ratios de mortalité maternelle et taux d'accouchements assistés dans quelques pays de l'Afrique subsaharienne (Source : UNFPA 2000- 2005)

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore