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La quête de l'identité culturelle dans les associations religieuses d'origine congolaise: cas de Bundu Dia Kongo (B. D. K)

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par Thomas Serge KIVOUELE
Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Maitrise de sociologie 2007
  

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4-Les accents messianiques dans les textes dits, récités et

chantés - analyse par la mythocritique.

Le messianisme : Du point de vue historique est apparu comme une doctrine religieuse du salut qui prédisait l'avènement sur la terre d'une ère de bonheur et de perfection. Il s'agissait pour les opprimés de sortir de leurs conditions de vie misérables que leurs imposait l'oppresseur en fondant leur espoir sur la venue d'un "fils de Dieu", d'un héros mythique national ou tribal. Dans la compréhension de ce phénomène, Pereira de QUEIROZ écrit : « Les doctrines religieuses qui prédisaient l'avènement sur terre d'une ère de bonheur et de perfection sont dites messianiques, chaque fois que l'installation de ce monde parfait dépendra de l'arrivée d'un fils de Dieu, d'un messager divin, d'un héros mythique, d'un messie en fin...les mouvements ne sont messianiques que s'ils sont dirigés par un chef sacré, un envoyé de l'au-delà »29(*)

Dans le Bundu Dia Kongo la société Kongo est représentée par l'image de l'être humain dont la tête représente Nlongi'a kongo, le thorax représente le Bundu dia kongo, les membres gauches l'aspect spirituel du Kongo et les membres droits la politique Kongo. L'examen de cette image nous permet de dire que la personne de Nlongi'a Kongo est le grand instructeur de tout Kongo, son influence doit s'étendre sur toute la société kongo, c'est à lui que les dirigeants politiques et spirituels doivent attendre des instructions et des directives pour mieux orienter et gérer la société. Cette représentation est renforcée par les différents titres qu'il porte au sein de cette association :

- Chef fondamentaliste kongo

- Chef de Bundu Dia kongo

- Chef spirituel de Bundu Dia kongo

- Gardien de la tradition Kongo.

Cette position qu'il occupe ainsi que ces titres qu'il porte peuvent renvoyer à la mythologie de la tradition kongo. Par ces titres, Muanda-Nsemi est l'image du chef dignitaire couronné dans la tradition kongo encore appelé "mfumu mpu" ce que Balandier appelle "l'élément central de l'ancienne organisation Bakongo". Il est une grande figure de la chefferie traditionnelle kongo. Il est aussi l'image du mainteneur de la tradition, sa mission lui vient droit d'en haut, il est une incarnation d'un des ancêtres que Dieu a envoyé pour sortir son peuple de l'esclavage. Cela peut encore se vérifier dans certains vers qui prônent l'exaltation de sa personne, tirés d'un chant qui lui est consacré.

Nge Muanda-Nsemi nlongi'eto

Nlongi'eto telama na kekete ye ndungunu

Salu kia ku vana se

Mu sikimisa kanda dieto

Ye vutula dio mu ndila lusansu lua kinzambi kia bakulu beto

Nlongi'a Kongo futumuneti

Nlongi'eto, futumuneti lusansu lueto lua vila mu nza...

Toi Muanda-Nsemi notre éducateur ;

Notre éducateur affermis-toi jusqu'à notre victoire ;

La mission que t'a donnée le ciel

D'affermir notre peuple

Et le faire revenir sur la voie de la culture, la religion de nos ancêtres

L'éducateur du Kongo ressuscite

Notre éducateur ressuscite notre culture disparue dans ce monde.

Ces vers montrent que Nlongi'a kongo reçoit tout d'en haut, et oriente son association selon la direction que dieu et les ancêtres lui montrent ; il paraît donc infaillible dans toutes ses directives concernant l'association comme nous pouvons le constater dans la plupart des mouvements et groupements religieux notamment dans les églises dites de réveil où les gourous comme les prophètes ne "décident rien d'eux mêmes et agissent toujours selon la volonté de dieu". Pour renforcer cette image du sacré de sa personne, quelques responsables de cette association nous ont dits lors de nos enquêtes qu'il est venu pour accomplir la mission de ramener les peuples noirs en général et kongo en particulier sur les traces qu'avait montré dieu à leurs ancêtres. Ils ont ajouté que Simon KIMBANGU même avait prophétisé sur lui concernant cette mission qu'il avait reçue de dieu. Le thorax qui représente le Bundu Dia Kongo est la partie centrale du Kongo, il est le coeur du Kongo, tout doit passer par lui, c'est à partir de lui que le peuple kongo pourra arriver à gérer et à accéder à des postes de responsabilité, il représente le moteur non seulement des Kongo, mais des Noirs de l'Afrique. Les membres inférieurs comme supérieurs étant collés au thorax, nous enseigne que le "salut" du Kongo ne dépend que de Bundu Dia Kongo, ceci veut dire que même si les kongo accédaient à des postes de responsabilité, s'ils ne reconnaissent pas la volonté de leur génie superviseur qui veut qu'ils adhèrent en premier lieu au Bundu dia kongo, ils ne pourront qu'accomplir la volonté des "étrangers" et maintenir les Noirs dans l'esclavage culturel qui est la source de tous leurs malheurs. Ce sont donc les adeptes du Bundu Dia Kongo qui doivent gérer la société sur tous les plans parce que seule leur structure est capable d'amener la société à un développement. A ce sujet il n'est pas rare de les entendre dire : "Bundu dia Kongo i ntu a nioka ku kongo, i mfumu ntoto ku kongo" (le Bundu dia Kongo c'est la tête du serpent au Kongo, c'est le propriétaire du territoire kongo). Par ceci, nous comprenons que le Bundu Dia Kongo vise une politique théocratique à l'image des sociétés occidentales à l'époque du cléricalisme.

A côté de cette image de l'être humain, nous allons encore examiner son discours à partir des textes dits, chantés et récités. D'une manière générale, les textes dits de Bundu Dia Kongo peuvent être repartis en trois catégories : Les textes à caractère cosmogonique, à partir desquels nous comprenons la représentation que se fait cette association de l'Etre suprême et du monde, ce que nous avons appelé dans le chapitre précédent le mythe Bundu Dia Kongo. Nous avons aussi les textes à caractère historique qui essaient de tracer l'histoire du peuple Kongo avec tous les événements qu'il a connus, (qui ont trait au mécontentement) tout en leur donnant un aspect purement spirituel. Ces textes à caractère historique montrent comment les Blancs opprimaient les Noirs (propriétaires du territoire), et comment Dieu suscitait au milieu du peuple marginalisé "ses envoyés" qui pouvaient s'opposer à l'action de ces ennemis et les arrêter, et les autres à caractère révolutionnaire sur lesquels est fondé l'espoir, l'espérance des adeptes tout en considérant tous les personnages qui ont lutté contre le blanc comme modèle des actions qu'ils doivent accomplir pour être à la hauteur de la tâche que dieu a confiée à cette génération, (cette génération bénie qui doit vivre l'accomplissement des promesses). D'une manière résumée, ces textes dits présentent la mission de l'association et comment les modèles révélateurs ont lutté pour libérer le peuple Kongo sous la domination étrangère, notamment portugaise. Dans son article le Combat de Bundu Dia Kongo, Muanda-Nsemi (N'longi'a Kongo) écrit : « L'Afrique est paralysée actuellement par une foule d'idées fausses, savamment entretenues par les forces du mal ».30(*) Cette paralysie se manifeste non seulement par la pluralité des religions, mais surtout par l'influence de l'homme blanc sur le Noir qui l'amène et l'oriente dans ses voies pour le maintien de sa domination et de son intérêt chez l'Africain.

Dans le livre de Maniema (un extrait du livre "sacré" Makongo ou Makaba), la particularité que ce message présente est la manière dont les Bakongo se réunissaient pendant les périodes de crises, comment une personne (un envoyé de dieu) se chargeait, quel que soit son statut social, pour réunir les autres et agir pour s'opposer à des actions menées par les étrangers. L'examen de ce message montre que tous ces envoyés ont surgi que pendant les périodes où le peuple se sentait en crise et se trouvait dans une situation d'oppression et surtout de subordination. Pour illustrer cela, citons un exemple révélateur écouté pendant notre investigation dans Maniema 43 : 16-69 :

...Mindele mia lukezo mia luaka ku Kongo, ...mia tomba zimbisa kinkulu ye kinzambi kieto mu tula ba ndombe mu kinkole...Ba ndombe buba kala sadila ye sambila kinzambi kia ba mindele ye sambila ba kulu bawu, ba mindele babadika kuba vonda ye yoka mavata mawu. Mbanza Kongo ya mwangana ye yokua kwa mindele mia mputu lukezo.

Nkangua Kongo wa zeza

Kansi tata Nzambi'a mpungu wa fulusa ndumba nkento mosi ya beri bokela nga VITA-KIMPA ya fua tuka bilumbu biya ye wa vana soko wa vutu yandika ba ndombe ku nsi'a nsindusulu za mintantu mio miayiza mu nsi'eto ye tuzimbisa.

...Ndumba yo wa yandika ndombe zazo ye sikimisa zo

...Bakongo ba sikama ye ba vutu tunga mbanza Kongo ku nsi'a lulendo lua yaya VITA-KIMPA.

Babakulu ba ndinga Kongo dia kala ku nsia luyalu lua bau bene.31(*)

...Les Portugais arrivèrent au Kongo,...ils cherchèrent à effacer la culture et la religion des noirs pour qu'ils devinrent leurs esclaves...les Noirs ayant refusé de servir et prier le dieu des Blancs ainsi que leurs ancêtres, les Blancs commencèrent à les massacrer et brûler leurs villages. Mbanza Kongo la capitale fut en ruine et brûlé par les portugais.

Le peuple Kongo fut affaibli

Mais le dieu tout puissant ressuscita une jeune fille nommée VITA-KIMPA qui fut décédée depuis quatre jours, il lui donna la mission de rassembler les Noirs sous l'oppression de leurs ennemis qui étaient venus sur notre terre pour nous faire disparaître.

...Cette jeune fille rassembla et affermit tous les Noirs

...Les Bakongo s'affermirent et s'arrangèrent pour reconstruire Mbanza Kongo sous la direction de VITA-KIMPA.

Tous dans l'unanimité voulurent que la gérance des restes du royaume Kongo puisse leur revenir.

A côté de ces textes dits, nous avons les textes récités qui sont des litanies à cause de leur répétitivité et leur forte charge symbolique. De ces textes, le plus marquant et significatif qui se répète plus de cinq fois pendant les cultes Bundu Dia Kongo est celui-ci nommé : MBILA MFUMU'A NDUNGUNU :

Tueti nuana muna nvita yiwasila

Nvita mpulusu muna Kongo dia nvimba

Sikimisa mitima mia onsono ku Kongo

Wiza o mfumu'a ndungunu

Nge mfumu ndungunu wa atumuka mu nvita

Do wiza wasalasana ye makesa maku

Mungizaku nata ntikumusu ku Kongo

Wiza o mfumu'a ndungunu

Kinkole kia kotosua Kongo wiza mani

Nkaku za kuna ntantu wisa katula

Tala mbuetete yeti seloka ku Kongo

Wiza o mfumu'a ndungunu.

Ingeta.

Nous combattons pour la bataille que tu as ordonnée

Bataille du salut dans tout le territoire du Kongo

Affermis toutes les âmes dans Kongo

Viens seigneur de victoire

Toi seigneur de victoire tu es sorti de la bataille

Dieu vient aider tes combattants

Dans ta venue amène le réveil au Kongo

Viens seigneur de victoire

Détruis l'esclavage dans lequel est Kongo

Bannis les limites qu'avait imposées l'ennemi

L'étoile est en train de briller au Kongo

Viens seigneur de victoire

C'est comme ça.

Ce texte récité présente un état de crise, l'oppression du peuple Kongo par l'ennemi, il inscrit ce peuple à une préparation pour la "bataille" qui les maintient dans une position d'une attente, d'une perfection, d'un âge d'or.

Avant d'aborder ces textes qui présentent les thèmes suivants (lutte et attente), arrêtons-nous d'abord à cette présence litanique structurée dans une association religieuse se voulant purement traditionnelle. Le Kongo n'étant pas un milieu à religion structurée, nous pensons que Muanda-Nsemi (Nlongi'a kongo) en instituant ce type de prières litaniques au sein de l'association, doit subir l'influence du catholicisme romain qui est la première religion étrangère qui s'était installée dans les terres Kongo et la plus répandue dans ces trois Etats constituant l'ancien royaume, instaure un vécu de lutte contre ce dernier qui est responsabilisé comme acteur principal de la déstabilisation de la culture kongo. Ce concept de lutte que Nlongi'a kongo inculque, dans son idéologie, à toute la masse qui est derrière lui est l'expression imaginaire de la lutte pour la libération du Kongo et joue le rôle de susciter chez les adeptes, la représentation d'un état d'infériorité, d'un peuple opprimé qui doit lutter pour la récupération de l'état "paradisiaque" initial du Kongo. Cette lutte est dirigée contre les ennemis de Kongo. Cette lutte est accompagnée par une attente "wiza o mfumu'a ndungunu" (vient le seigneur de victoire), une attente pour la réhabilitation de l'âge positif perdu.

Après ces textes récités, nous avons encore les textes chantés de Bundu Dia Kongo. Notons qu'à la différence des litanies qui toutes sont des prières adressées à l'Etre suprême, les chants présentent plusieurs traits caractéristiques : ils sont des prières adressées à Dieu et aux Ancêtres, des instructions données aux adeptes, ils révèlent l'état du Kongo avant et après la venue des Blancs, proclament l'imminent « retour aux origines », montrent la position des Bakongo par rapport aux autres Noirs, etc. Nous allons nous attarder sur les extraits de quelques chants que nous examinerons dans les lignes suivantes.

Dans le premier, les quelques vers retenus présentent le contenu suivant :

Tekela ngiza mindele mu nsi'eto,

Beto kibene tuatuadisa nsi;

Kanda dieto diakala mu ntemo,

Kadi tuavisa luzolo lua Se.

Nzenza wayiza ye nata kinkole

Bimpuanza bitatu tuavidisa bio;

Kanda dieto diakota mu tombe,

Tuavumvula kueto mu tombe kia nza.

Ntantu i nzenza wayiza mu nsi'eto,

Ye nata kinkole mu ntini za nsi ;

Wanata mabundu manzenza mu nsi'eto,

Nzambi zanzenza wanata zo mpe.

Avant la venue des blancs sur notre terre,

Nous dirigions notre pays nous - mêmes;

Notre peuple était dans la gloire (l'abondance),

Mais nous avions perdu l'amour du ciel.

L'étranger était venu et avait amené l'esclavage

Nous avions perdu les trois libertés (l'amour, la science et le pouvoir) ;

Notre peuple était plongé dans le noir,

Nous avions évolué avec ce noir qui avait déjà envahi le pays.

L'ennemi c'est l'étranger qui était venu sur notre terre,

Qui a amené l'esclavage sur les étendus des terres !

Qui a amené les religions étrangères sur notre terre,

Il amena aussi les dieux étrangers.

Ce texte chanté réactualise l'état de "perfection" qu'avait la société avant la venue des blancs et montre ce qui a causé la perte de cet état "paradisiaque" que l'association explique par l'effet de l'acculturation surtout dans le domaine religieux. Ce texte a pour objectif didactique d'inciter le dégoût des Bakongo de continuer à croire aux "Dieux étrangers" notamment des Blancs pour chercher leur "propre dieu" et adhérer à leur "propre religion" qui n'est autre que cette association où ils vont apprendre leur culture et être en contact avec leurs ancêtres, ce qui ramènera ce peuple à la régénération, à la re-création de leur société (de leur monde) d'antan. Ce texte en commençant par montrer que les Bakongo dirigeaient leur pays eux-mêmes avant la venue de l'étranger qui a tout détruit, crée une atmosphère déchue, ce que DURAND appelle le schème de descente, d'où l'image de la "nuit" pour montrer que rien ne marchait plus depuis cette période et que la société traverse une période de crise, ce qui les pousse à dire dans un autre texte :

Nkama tanu za mvu mu kinanga,

Bena Kongo tuavidisa kia,

Tatu kia S'eto kiazima mu beto,

Mu nkulu zanzenza batuzimina kio.

Cinq cent ans dans l'esclavage,

Nous enfants de Kongo avions perdu la lumière,

Les trois vertus du ciel s'étaient éteintes en nous,

C'est à cause des ancêtres étrangers qu'on nous les avait refusés.

La particularité que présente ce texte - ci est la précision de la durée de cette crise qui est de cinq cent ans c'est-à-dire qui va de la première pénétration européenne par Diego CAO en 1482 jusqu'aux années 80 du siècle qui vient de s'écouler, années où prit naissance cette association. Tous ces cinq siècles sont considérés comme la période de dépendance, surtout de subordination des Bakongo par les étrangers, une période où les autochtones ont souffert et continuent à souffrir sur leur propre territoire et où leurs richesses continuent à être dilapidées par ces étrangers comme nous le constatons dans le texte suivant :

-Kongo dieka zandu nade kua bangulu ye bambua

Beti samba kuau mu nsi ya nsilulu

Nkievo bau bavuidi nsi nkiongono vo i mingizila.

Nge Tata Nzambi'a Mpungu bue tele mu nsamu wau?

-Diangitukulu tumonanga mu Kongo nsi ya nsilulu.

Vo bo bavewa nsi bakuamusunuanga yo.

Bo balembua vewa yo i bau batominanga yo

Nge Tata Nzambi'a Mpungu bue tele mu nsamu wau?

-Nani wavambula makanda ye zindinga ye zi nsi

Keti ka I ngeye Tata Nzambi'a Mpungu ko'e?

Buabu tala luzolo luaku lueti vunzua muamu nza

Nge Tata Nzambi'a Mpungu bue tele mu nsamu wau?

-Kongo est devenu un marché des cochons et chiens

Qui continuent à camper sur la terre promise ! Croyant qu'ils sont les propriétaires, or les venants

Toi dieu tout puissant tu dis quoi à propos de cette affaire ?

-Nous nous étonnons de ce que nous voyons au Kongo la terre promise

Ses propriétaires souffrent constamment de lui

Ceux qui ne les sont pas tirent profit de ses biens

Toi dieu tout puissant tu dis quoi à propos de cette affaire ?

-Qui a partagé les peuples, les ethnies et les terres

Peut-être qu'un autre que toi Dieu tout puissant ?

Maintenant sur cette terre ta volonté est foulée au pied

Toi Dieu tout puissant tu dis quoi à propos de cette affaire ?

A partir de cette situation de crise présentée, une attente d'un nouveau monde paraît évidente où ce monde-ci sera renversé et revivra la réalité d'autrefois, période, où les Bakongo seront dans l'abondance. Cette attente devient en quelque sorte comme une rupture que ce mouvement prêche aux Bakongo en vue d'un "retour aux sources", qui commencera à chasser ces étrangers qualifiés des cochons et des chiens, appelé "sabala kia mfumu'a ndungunu" (le repos du seigneur de victoire).

Bika sabala kia mfumu'a ndungunu

Kia kulumuka buabu

Ye kulumuna ngitingila mu nsi i

Yina vaikisa bangulu ye bambua

Mu yinza dia Kongo

Kadi ntangu'a nsilulu yilungidi.

Que le repos du seigneur de victoire

Descende maintenant

Et amène le trouble sur cette terre

Qui fera fuir les cochons et les chiens

Sur la terre Kongo

Parce que le temps de la promesse est accompli.

L'examen de tous ces textes comme d'autres, montre qu'il ressort dans ce message le thème d'infériorité. Par ceci, nous pouvons dire que dans le Bundu Dia Kongo, les adeptes considèrent la société Kongo être sous l'influence, sous la domination étrangère et expriment leur sentiment de faiblesse devant une situation qui leur impose l'infériorité, c'est-à-dire la domination de la culture occidentale plus influente. Cette conscience de la faiblesse et d'un isolement sans espoir construit en eux l'angoisse et le complexe d'infériorité, crée en eux une revendication, une réclamation du Kongo auprès des "détenteurs", des ennemis qualifiés des cochons et des chiens.

Par contre, le fait de considérer leur terre comme étant terre promise et leur peuple comme élu, ce message stimule les Bakongo à une adhésion régénératrice et crée en eux cette fois-ci un complexe de supériorité face aux autres Noirs.

Ces textes chantés nous ont aussi présenté ce que nous avons appelé les trois vertus du ciel qui sont : "l'amour, la science et l'autorité". Ces mythèmes c'est-à-dire ces petites unités de discours mythiquement significatif présentent le message du Bundu Dia Kongo dans ces trois dimensions :

Le thème lié à l'amour est indiqué et mentionné pour "réparer" les pratiques de l'ennemi (rétablir l'unité au sein de tous les Bakongo que l'étranger avait séparé pour ses intérêts égoïstes), cette unité qui consiste à bannir les barrières ethniques au sein de tous les Bakongo ;

Le thème lié à la science fait mention de ce que le Dieu accordera à ses élus après s'être débarrassés des "autres dieux", après le rétablissement du règne de ce Dieu. Par cette science, le Bundu Dia Kongo attend de son Dieu la capacité aux Noirs à mieux tirer profit des ressources naturelles, à ériger des constructions industrielles permettant de fabriquer tous les objets fabriqués par les Blancs et occasionner le développement rapide de l'Afrique noire. Dans cette perspective, Muanda - Nsemi (N'longi'a Kongo) écrit que « Bundu Dia Kongo enseigne que l'Africain Nouveau du troisième millénaire doit se doter de la science moderne et de l'aspect positif de la sagesse traditionnelle Africaine ...sa mission est de former cet homme nouveau doté de cette science et la sagesse africaine »32(*)

Le thème lié à l'autorité montre qu'il y a un projet social dans le Bundu Dia Kongo. Ils veulent gérer non seulement leur structure, mais aussi leur société (Kongo). Ils attendent de Dieu la bonne gouvernance, celle de l'ancien royaume kongo. Par l'attente du salut, le Bundu Dia Kongo attend de Dieu le rétablissement de ces vertus que nous venons d'énumérer, cela montre qu'il aspire à un bien-être social à partir de la religion, un bien-être sur le plan économique, social et politique.

Ce mythe Bundu Dia Kongo créant un grand dynamisme au sein de cette association, peut se comprendre à partir d'une autre époque du même espace culturel, c'est-à-dire que ces aspirations sont avant tout observées à l'époque coloniale. L'arrestation de KIMBANGU et le procès de MATSUA avaient suscité une révolution au sein des Noirs notamment des Bakongo se sentant marginalisés et attendant de Dieu leur "salut", c'est ce qui pousse Georges BALANDIER, en faisant mention de cette révolution qui a abouti au messianisme, à écrire : « Il y'a non seulement aspiration à un mieux être, mais surtout reconnaissance du fait que l'accession à la puissance matérielle conditionne toute possibilité de progrès social et politique »33(*). Ceci veut dire que cette association met en exergue des aspirations liées à des fins sociales et politiques avec en tête deux variables : L'amour et le développement économique.

Par ses expressions qui présentent l'état du Kongo (Kongo est malade, Kongo est devenu un marché des cochons et des chiens), cette association considère le Kongo comme un malade qu'on doit traiter, c'est elle le médecin qui peut le guérir, le sortir de cette maladie dont les symptômes sont les conséquences de la domination étrangère. Il est malade parce que ses richesses sont dilapidées, ici les cochons et les chiens nous font penser à l'homme blanc (le colonisateur) qui exerce sa domination sur les colonisés. A ces deux expressions s'ajoute celle-ci : "Nous nous étonnons de ce que nous voyons au Kongo la terre promise, ceux qui sont propriétaires souffrent, mais ce sont ceux qui ne sont pas propriétaires qui en tirent profit et s'enrichit". Cette littérature, sur un substrat de résistance religieuse, vise non seulement les colons, mais aussi les autorités politiques en place. Bien que le Bundu Dia Kongo ne veut pas reconnaître l'indépendance de ces Etats, cette étiquette mise sur les colonisateurs colle bien aux autorités politiques de ces Etats. Cette attitude avait été observée par BALANDIER dans le ngunzisme en 1924, nous comprenons que le Bundu Dia Kongo a récupéré cette idéologie ngunziste et matsuanisme avec les mêmes objectifs (la libération du territoire par les étrangers).

A l'égard de ce qui précède, il convient de dire que le Bundu Dia Kongo en tant que religion apparaît comme un moyen d'expression des Bakongo se sentant dominés et vise à restructurer les valeurs et les traditions qui étaient celles d'avant la colonisation. En expliquant tout par la religion dont il est le garant, nous pouvons dire que le Bundu Dia Kongo se considère comme un lieu privilégié de discours contestataire afin de mobiliser les masses se sentant opprimées dans le domaine du sacré comme du profane. Son discours ayant expliqué la situation actuelle "d'oppression et de misère" (par comparaison à l'état antérieure où régnait la liberté et l'opulence), ayant justifié l'action de son chef spirituel (Muanda-Nsemi) en lui donnant une valeur sacrée34(*) et ayant prédit l'avènement d'une ère de bonheur et de perfection, c'est-à-dire étant apparu comme un mouvement de révolte à une situation d'oppression, il incarne le mythe messianique et, l'apparition du personnage de Muanda-Nsemi, identifié en héros culturel, équivaut à une re-création du royaume Kongo.35(*)

* 29 Maria Isaura Pereira de QUEIROZ : Mythes et mouvements messianiques, Diogène, revue trimestrielle n°90, Gallimard, Paris 1975. PP 90-91.

* 30 Le Combat de Bundu Dia Kongo, op. cit. P3.

* 31 Prédication suivie pendant les cultes Bundu Dia Kongo

* 32 Muanda - Nsemi : op. cit. P 4.

* 33 Georges BALANDIER : Sociologie actuelle de l'Afrique noire. Quadrige/PUF 1982 P.441.

* 34 KOUVOUAMA (A) : Messianisme et révolution au Congo, Paris, Université Paris V, 1978, P 111.

* 35 ELIADE (M) : Aspects du mythe, Gallimard, 1963, P 92.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille