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La grève dans le transport maritime en Côte d'Ivoire


par David GBENAGNON
Université catholique de l'Afrique de l'Ouest - Maà®trise en droit carrières judiciaires 2008
  

Disponible en mode multipage

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DEDICACE

Je dédis ce mémoire à :

ü DIEU, par qui tout existe,

ü Mes parents (Mr Raoul Gbenagnon et sa charmante épouse ma mère Félicité)

ü Tous ceux que j'ai connus et aimé qui aujourd'hui reposent dans la paix de DIEU

ü A mes amis de tous les jours, Angelo, Christelle, Frédéric, Kati, Marc-André, Marie Claude, Marlène, Serge

ü A Madame Anna M'baye et ses enfants, et a tous ceux qui de près ou de loin m'ont aidé, conseillé et soutenu

REMERCIEMENTS

- J'adresse mes sincères remerciements à mon directeur de mémoire, Monsieur Emien Miesan, pour la rigueur qu'il a eu envers moi, sa disponibilité, puisse DIEU m'accorder de lui ressembler.

- J'adresse mes remerciements aussi ma Tata désirée, Mr et Mme Akoto, au groupe des servants de Messe de La Paroisse Notre Dame de l'Incarnation, à la chorale Salve Regina, à la Communauté du Chemin Néo-Catéchuménat, à tous les prêtres de Jésus Christ qui m'ont aidé, et à tout ceux que je n'ai pu mentionner.

AVERTISSEMENT

La Faculté de Droit n'accorde ni approbation, ni improbation aux propos contenus dans ce mémoire. Ils n'engagent que leur auteur.

SOMMAIRE

PARTIE I : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT LEGALEMENT RECONNU

CHAPITRE I : RECONNAISSANCE PAR LES POUVOIRS PUBLICS ET LES PARTENAIRES SOCIAUX.

CHAPITRE II : LE STATUT PROTECYEUR DU SALARIE GREVISTE.

PARTIE II : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE.

CHAPITRE I : LA RESPONSABILITE DES ACTEURS PRIVENT.

CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DES AUTORITES PORTUAIRES ET DES AUTORITES PUBLIQUES

« Il n'y a pas de vent favorable pour qui ne connaît pas son port »

Sénèque.

INTRODUCTION

L'opinion publique s'émeut lorsque la presse annonce une prise d'otages dans une banque, dans un avion ou dans une région éloignée du globe contrôlée par la guérilla. La liberté est un principe énoncé par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre 1948, auquel chacun est attaché, et pourtant le blocage des accès d'un port ou d'un terminal voire d'un navire par des manifestants ne suscite pas une émotion proportionnée à l'événement.

Au contraire, certains responsables de mouvements de protestation accèdent au <<vedettariat>> télévisuel, justifiant les infractions dont ils sont les auteurs ou les instigateurs.

Le respect du droit de grève est invoqué comme ayant presque à leurs yeux une origine divine, sans que certains s'intéressent sur ses limites au plan juridique1(*).

Et pourtant cette démarche est nécessaire pour déterminer les conditions de son exercice.

Ainsi, la grève de quelques milliers de personnes d'un « secteur clef » comme le transport maritime peut menacer l'appareil économique d'une nation. La grève des dockers de la côte ouest américaine à la fin de l'année 2002 vient confirmer ces propos. Jean Fourastié a sur ce plan été visionnaire : « dans la civilisation tertiaire, quelques centaines de techniciens pourront priver des millions d'hommes d'électricité, de transports et même d'aliments », en sachant que plus de 80 % des marchandises circulant au niveau mondial sont acheminées par la voie maritime les conséquences d'une grève concertée dans ce secteur d'activité à l'échelon mondial serait un véritable coup de fouet à l'ordre économique et social2(*).

A ce facteur numérique, il faut ajouter un facteur juridique, trouvant lui même une double expression du moins à l'échelon national : la reconnaissance du droit de grève et la liberté syndicale.

Ainsi, en Côte d'Ivoire, d'une part le droit de grève a été reconnu par la Constitution, le Code du Travail a proclamé la liberté syndicale par les articles 51-1 à 51-9 et l'article 82-1 alinéa 1, de la Convention Collective Interprofessionnelle (CCI), en son article 9.

Il en est résulté une prise de conscience par les travailleurs de leur communauté d'intérêts et de leur force, ainsi qu'une organisation de celle-ci la rendant plus efficace. La grève étant devenue licite et étant utilisée par des personnes de plus en plus nombreuses et mieux organisées a donc pris une portée tout autre que celle qu'elle avait auparavant3(*).

La finalité de telles actions de grève étant bien entendu de paralyser l'entreprise et empêcher le patron d'assurer toute activité de production et donc l'empêcher d'exécuter les engagements qu'il a contractés vis à vis des tiers.

Ce résultat est particulièrement grave dans le secteur du transport maritime, ce dernier jouant un rôle vital dans l'économie et la grève qui l'affecte présente pour l'observateur un préjudice considérable.

On comprend dès lors l'intérêt qui s'attache à l'analyse de la grève et de ses effets dans le monde du « shipping ».

Sans doute, la grève soulève tant au point de vue économique et sociale qu'au point de vue juridique, des problèmes spécifiques intéressants et graves. Cependant même si cette étude se veut assez exhaustive, il ne nous appartient pas d'envisager tous les problèmes liés à la grève en général.

Nous limiterons par conséquent le champ de nos investigations à certaines situations qui paraissent incontournables en temps de grève. Il ne s'agit pas d'un recueil de situations types en temps de grève dans le transport maritime mais d'un éventail qui se veut le plus large possible des effets de la grève sur les activités maritimes les plus caractéristiques.

Cependant, la grève, traduit en elle-même, des conflits d'intérêts entre, d'une part les grévistes et d'autre part les employeurs, et le port.

Du côté de l'armateur, si ce dernier peut apparaître comme <<un homme pressé>> c'est parce qu'un navire de moyen tonnage immobilisé par une grève coûte environ 25 000 dollars par jour (environ 16 250 000). La rentabilité d'un navire dépend donc de sa mobilité.

Par ailleurs les armateurs reconnaissent que les montages de plus en plus complexes dans le cadre de pools ou de consortiums groupant des armateurs internationaux accroissent ces risques d'exploitation imprévisibles.

En outre le dommage que subit la communauté portuaire pour les navires immobilisés par des mouvements sociaux à poste résulte de ce que des mètres de quai deviennent inutilisables et que leur équipement est bloqué. Et comme il y a de plus en plus de postes spécialisés par nature de cargaison ou de trafic, plus le port est modeste en taille ou en activité, plus le dommage peut se révéler important pour celui-ci.

En effet, le port est la principale victime des grèves, si l'immobilisation d'un navire coûte cher à l'armateur, elle coûte encore plus cher aux ports ivoiriens qui sont discrédités par rapport aux ports étrangers. Logique, un armateur préfèrera diriger sa flotte vers un port fiable qui ne sera pas tous les quinze jours bloqués par une grève.

Ainsi, toute la chaîne du transport n'est pas épargnée par des conflits sociaux.

L'immobilisation d'un navire est bien un mal, pour l'armateur évidemment puisque son navire n'est pas rémunéré quand il est bloqué, un mal pour l'affréteur qui ne peut utilement l'exploiter, un mal pour la cargaison qui est prise en otage, un mal pour le port qui n'assure pas la rapide rotation des bâtiments qui y font escale, un mal pour les auxiliaires du transport dont l'action est paralysée, un mal pour les marins qui risquent de perdre leur emploi, un mal pour les syndicats qui peuvent apparaître à l'occasion de ces actions comme défendant des privilèges.

Dans notre étude, nous serons guidés par cette question à savoir : comment s'exerce le droit de grève dans les transports maritimes ? En d'autres termes, quels sont les conditions d'exercice du droit de grève et quelles sont les responsabilités qui découlent de l'exercice de ce droit dans les transports maritimes. A titre préliminaire, il faut préciser que la notion de <<conflit collectif>> utilisée tout au long du développement, est prise dans son sens générique, c'est-à-dire englobant le lock-out, le piquetage, le boycottage, l'occupation des locaux et la grève stricto sensu.

Nous tenterons donc dans une première partie de prendre en compte les fondements de la grève et son approche sociologique selon les différentes activités maritimes concernées.

La deuxième partie mettra en lumière les responsabilités qui peuvent découler de l'exercice du droit de grève dans les transports maritimes.

PARTIE I :

LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT LEGALEMENT RECONNU

La grève est une cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles.

De nos jours, il serait excessif de penser que la grève est devenue un « arsenal mythologique d'hier »4(*). La grève générale a pu être considérée comme l'instrument de prise de pouvoir par la classe ouvrière ; elle fut la seule arme des travailleurs face à l'inefficacité de la négociation collective.

Depuis ces vingt dernières années, les conflits sont essentiellement localisés, c'est-à-dire propres à une entreprise ou un groupe de sociétés. Ils sont souvent médiatisés, accompagnés d'occupation. Les revendications portent de façon classique sur les salaires, en dépit de la montée des revendications d'emploi, en période de crise et de restructuration.

Ainsi si le phénomène de la grève est à prendre dans son sens général pour pouvoir mieux appréhender le particularisme de la grève dans le secteur du transport maritime, il conviendra de s'attarder sur l'étude de ce dernier car l'activité d'échange est devenue prépondérante dans nos sociétés industrielles.

C'est pourquoi les transports jouent un rôle vital dans l'économie et les grèves qui les affectent présentent pour l'observateur un risque considérable, dans la mesure où les échanges sont assurés par le transport qui constitue le poumon de l'économie. De ce fait, il paraît important d'analyser la reconnaissance du droit de grève par les autorités publics et les partenaires sociaux (chapitre II), et ensuite le statut protecteur du salarié gréviste (section II).

CHAPITRE I :

RECONNAISSANCE PAR LES POUVOIRS PUBLICS ET LES PARTENAIRES SOCIAUX

La grève est une liberté conquise qui s'est d'abord inscrite dans l'histoire des luttes sociales. Délit pénal au départ, la grève est restée longtemps une faute civile justifiant la rupture du contrat de travail, en dépit de l'abolition du délit de coalition par la loi Emile Ollivier du 25 mai 1864, auquel sera substitué le délit d'atteinte à la liberté du travail, avant d'être une liberté publique inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946.

En Côte d'Ivoire, le droit de grève a été reconnu d'abord par la Constitution de 1960, puis par la Constitution du 1er août 2000, à travers l'article 18 qui dit : <<Le droit syndical et le droit de grève sont reconnus aux travailleurs des secteurs publics et privés qui les exercent dans les limites déterminés par la loi>>. Il apparaît donc que la grève précède le droit, le fait de grève s'en échappe.

Même si l'exercice du droit de grève est fonction de la législation en vigueur, notamment le Code du travail, il n'en demeure pas moins que dans le transport maritime, l'exercice du droit de grève présente une certaine particularité.

Il convient donc de déterminer les conditions légales d'exercice du droit de grève définies par les pouvoirs publics (section I), et les partenaires sociaux (section II).

Section 1 : Les conditions légales d'exercice du droit de grève, définies par les pouvoirs publics

La grève est une liberté constitutionnelle5(*). Mais le préambule de la Constitution du 1er Août 2000, ajoute qu'elle s'exerce « dans le cadre des lois qui la réglementent ».

Le législateur, méticuleux, a prévu des modes de règlements alternatifs des conflits collectifs (conciliation, arbitrage, médiation), sans rapport avec la réglementation relative à l'exercice d'un droit.

Au contraire de son homologue français qui ne définit, ni ne fixe les contours de cette liberté, le législateur ivoirien a essayé de définir la grève, dans l'article 82.1 du Code du travail : << Tous les salariés ont le droit de se mettre en grève. La grève est un arrêt concerté du travail décidé par les salariés pour faire aboutir des revendications professionnellement. Sous réserve des dispositions de l'article 82.16 du présent code, la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au travailleur. >>

Il peut sembler vain de vouloir réglementer un conflit qui semble échapper au droit, étant donné que le Code du Travail ivoirien ne définit, ni ne fixe les contours de cette liberté.

Pourtant tout mouvement collectif n'est pas une grève. Faute d'entrer dans son espace, le mouvement illicite fait retour au droit commun, et les salariés qui y participent s'exposent au pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise.

Une liberté ne s'exerce pas sans limites. Et comme la grève est une liberté constitutionnelle, il importe avant de faire grève, faute de dispositions claires, de ne pas ignorer les dispositions générales du Code du Travail et le dernier état de la jurisprudence, ce qui d'ailleurs ne confère pas la sécurité absolue en raison de possibles revirements.

Il apparait nécessaire d'étudier les aspects de la reconnaissance du droit de grève (paragraphe I), puis les conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève (paragraphe II). Et enfin les modes alternatifs de règlement des conflits (paragraphe II).

Paragraphe 1 : La reconnaissance du droit de grève

La grève est un droit constitutionnel, qui s'exerce collectivement et non un droit syndical (A), qu'il faut nuancer l'affirmation dans l'hypothèse de la grève dans les services publics (B).

A. Droit collectif et non droit syndical.

Le droit ivoirien s'est inspiré de la conception des pays à tradition syndicale et négociatrice forte, pour faire du droit de grève, un droit collectif6(*). La grève peut être décidée en toute opportunité par leurs auteurs.

Lorsque la grève est un droit syndical, les syndicats peuvent signer un engagement de paix sociale, opposable aux salariés. C'est le cas en Côte d'Ivoire où depuis 2001, il y a une trêve demandée par le 1er Ministre AFFI N'Guessan .Une autre paix sociale a été signée entre le patronat et les centrales syndicales UGTCI, DIGNITE et FESACI, depuis Janvier 2007.

Cette liberté collective n'est pas garantie sur le plan pénal, et la violation du droit de grève n'est pas en tant que tel un délit d'entrave à l'exercice du droit syndical. Si la grève est un concept général, elle revêt certaines caractéristiques quant à son exercice dans le secteur public.

B. Grève dans les services publics.

En mettant de côté certaines catégories d'agents publics pour lesquels la grève est interdite tels que police, magistrature, personnel des services pénitentiaires, armée, la grève dans les services publics est licite, mais elle se heurte au principe de la continuité nécessaire des services publics. Il convenait donc d'instaurer un système juridique qui tienne compte de cette mission, étant entendu que le seul critère est celui du service public, abstraction faite du caractère public ou privé de l'entreprise ou du service.

1. Continuité nécessaire des services publics

Une conciliation doit être recherchée entre la défense des intérêts professionnels manifestée par la grève, et le respect de l'intérêt général qu'assure le service public.

Cette recherche a été admise d'abord par le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Dehaene en 1950, qui a surtout reconnu le droit de grève dans les services publics, puis par le Conseil constitutionnel, par la suite, a estimé que la continuité du service public tout comme la grève sont des principes à valeur constitutionnelle. La conciliation entre ces deux principes suppose qu'une réglementation légale prévoit les modalités d'organisation du service en cas de grève.

Or le législateur s'est trouvé peu bavard malgré les invitations faites par la Constitution; ainsi aucune loi générale ne porte sur l'organisation d'un service minimum. Quant au Conseil d'Etat, il a estimé qu'il appartenait alors au gouvernement de fixer lui même les limites du droit de grève, sous le contrôle du juge administratif.

2. Réglementation du droit de grève.

Tout d'abord, un préavis obligatoire et motivé de six jours ouvrables, doit être déposé par une organisation syndicale représentative7(*). Cette pratique est de coutume en matière de transport maritime dans les entreprises à capitaux nationaux ou dans les établissements publics à caractère industriel et commercial comme les ports autonomes.

Le préavis est censé permettre non seulement la mise en place d'un service minimum en vue d'assurer la continuité du service public et une préparation quant à l'ouverture de négociations, mais aussi le législateur a permis un règlement du conflit par la négociation, à la charge des « parties intéressées »8(*).

Paragraphe 2 : Les conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève.

Selon la Cour de cassation, la grève est <<la cessation concertée du travail, en vue d'appuyer des revendications professionnelles déjà déterminées auxquelles l'employeur refuse de donner satisfaction>>.

Le Code du Travail prévoit trois conditions ou éléments nécessaires pour qu'il y ait grève et pour que le salarié puisse bénéficier de la protection attachée à l'exercice normal de cette liberté. A défaut, son comportement peut s'analyser en une exécution défectueuse du contrat de travail, justifiant éventuellement un licenciement, même en l'absence de faute lourde.

La qualification du conflit est le préalable nécessaire à l'application du régime protecteur attaché à l'exercice normal du droit de grève. Il convient alors d'analyser les trois conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève, à savoir une interruption du travail(A), collective et concertée(B), ayant un mobile professionnel(C).

A. Interruption du travail...

Le travail doit cesser. Un simple ralentissement de la production ou l'inexécution d'une partie des obligations contractuelles, ne satisfont pas à ce premier critère ; les salariés qui participent à ces mouvements collectifs, s'exposent au pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise, sans pouvoir se prévaloir de leur droit à l'expression direct et collectif9(*).

La « grève perlée » ( travail au ralenti), est une pratique courante chez les dockers marseillais sous couvert de revendications professionnelles peu crédibles afin de prolonger les vacations d'après midi et tomber ainsi sous le régime salarial beaucoup plus avantageux des « petites nuits » , ou son contraire, la « grève du zèle » pratiquée notamment chez les douaniers depuis de nombreuses années afin de ralentir les formalités d'embarquement et/ou de débarquement , ne sont pas qualifiées de grève.

Un préavis obligatoire et motivé de six jours ouvrables, doit être déposé par une organisation syndicale représentative10(*). Cette pratique est de coutume en matière de transport maritime, dans les entreprises à capitaux nationaux ou dans les établissements publics à caractère industriel et commercial comme les ports autonomes.

Satisfont au premier critère à l'inverse, les grèves tournantes hors service public, quels que soient leur durée et le nombre de participants. Ces mouvements, tels les débrayages répétés de courte durée, sont d'une grande efficacité. Ils sont licites11(*), à moins qu'ils n'entraînent pas une désorganisation de l'entreprise.

B. Collective et concertée

L'arrêt du travail doit avoir été décidé collectivement par les salariés ; ce qui suppose une concertation. Sur ce point de la concertation, différentes conceptions au niveau doctrinal se sont affrontées.

En effet, certains auteurs estiment que la concertation suppose une <<orchestration préalable>>, ou une organisation technique du mouvement de grève. Il apparaît alors que pour ces auteurs, la concertation suppose une organisation technique voir schématique de la grève.

La jurisprudence quant à elle, admet qu'une simple rencontre de volontés suffit à caractériser la grève. Cette conception plus dominante fait ressentir que le droit ivoirien de grève ne peut s'exercer que de façon collective et concertée12(*) Quant aux nombres de grévistes, le droit ivoirien s'est inspiré de la décision de la Cour Suprême Française, qui a moins d'exigence13(*).

Pour autant, la concertation nécessaire, oblige les grévistes à déposer un préavis de grève auprès de l'employeur, car la connaissance par l'employeur des revendications professionnelles ne suffit pas à faire naître une grève.

C. Mobile professionnel.

Ce troisième élément a donné lieu à des discussions doctrinales. Certains ont donné au but professionnel un sens extensif, débordant le cadre strict du contrat de travail et de l'entreprise, pour prendre en compte tout ce qui porte atteinte aux intérêts des travailleurs, et résultant de l'organisation économique, sociales et politique de l'Etat.

Mais fidèles à une conception contractuelle du Droit du Travail, d'autres auteurs, en majorité, et le droit positif ont rejeté la conception trop large de la grève. C'est dire, partant de la définition de la grève donnée par la Cour Suprême <<la cessation concertée du travail, en vue d'appuyer des revendications professionnelles auxquelles l'employeur refuse de donner satisfaction>>14(*), que la grève se développe dans le cadre du contrat de travail et de l'entreprise. Le mouvement collectif est un droit contre l'employeur et non contre l'Etat qui a pour objet la défense d'intérêts professionnels.

Sur quatre points essentiels, la Cour de cassation a défini une jurisprudence, non sans revirement.

En effet, la solidarité n'est pas un mobile professionnel justifiant le recours à la grève. Pour être professionnelle, une revendication doit être raisonnable, et aucune place ne doit laissée à l'utopie. Aussi, les revendications doivent être portées à la connaissance de l'employeur préalablement à l'arrêt de travail, car se servir du droit de grève à des fins personnelles, épuise le mobile professionnel.

De ce fait, la grève est possible, à condition d'avoir un mobile professionnel ; la Cour de Cassation se livra à une analyse au cas par cas pour accepter ou non la qualification de grève.15(*)

Qu'en est- il des modes alternatifs de règlement des conflits définis par la loi ?

D. Les modes alternatifs de règlement des conflits.

A terre, c'est-à-dire sur le continent notamment dans la zone portuaire, la période allant de 1936 à 1938 était la grande époque du règlement des conflits du travail, et le recours à la procédure de conciliation et d'arbitrage était un préalable à la grève. De telles procédures sont quelque peu remises en question.

En effet, le dialogue permanent est présumé contribuer largement à mettre fin aux conflits, même s'il ne porte pas toujours ses fruits. En ce qui concerne les entreprises de manutention, elles sont régies par les « dispositions terrestres » du Code du travail.

D'un autre côté, comme à terre, le milieu maritime n'est pas resté étranger aux résolutions pacifiques des conflits.

Il apparaît opportun, l'analyse des modes alternatifs de règlement des conflits, en occurrence, la médiation (A), l'arbitrage (B), la médiation (C) et les modes alternatifs de règlement des conflits sociaux (D).

1. la conciliation.

La conciliation est une procédure qui a pour objet de mettre d'accord les parties sur un certain nombre de dispositions litigieuses. Les parties n'abandonnent en rien leur liberté de décision, puisqu'elles restent entièrement libres d'aboutir ou de ne pas aboutir à un accord.

L'article 97 du Code de la Marine Marchande, prévoit un règlement des litiges par une procédure préalable de conciliation, renvoyant implicitement à l'Article 82-6 du Code du travail qui définit la procédure de conciliation, mais suivant le particularisme du conflit collectif maritime.

Tous les confits collectifs maritimes doivent être soumis au préalable aux procédures de conciliation16(*). Les litiges sont portés devant l'Autorité des affaires maritimes en vue d'une conciliation (Article 97 Code de la Marine Marchande), qui comprend une commission composée de six représentants des armateurs et six représentants des personnels navigants. Une distinction est effectuée entre d'une part, le personnel officier et d'autre part, le personnel subalterne17(*).

2. L'arbitrage

S'il y a eu échec de la conciliation, il peut y avoir lieu à l'arbitrage, c'est à dire à jugement du conflit par arbitre.

Cela suppose soit que la convention collective ait prévu cet arbitrage, soit que les parties décident d'y avoir recours après échec de la conciliation18(*). En Côte d'Ivoire, les dispositions relatives à l'arbitrage sont utilisées en matière de conflit collectif maritime. Ceci à cause de l'absence de dispositions dans le Code de la Marine Marchande.

L'arbitre est un juge, il statue dans les termes du litige, c'est à dire sur les points qui lui sont soumis par le procès-verbal de non-conciliation ou éventuellement sur ceux qui, résultant d'événements postérieurs à ce procès-verbal, sont la conséquence du conflit en cours. Il statue en droit sur l'interprétation des lois, règlements, conventions collectives ou accords en vigueur, et en équité sur les autres points. Sa décision s'impose aux parties comme toute décision juridictionnelle, sauf recours.

Tandis qu'en France, dans la marine marchande, le décret du 24 septembre 1925 a créé un conseil permanent d'arbitrage, pour la solution des différends d'ordre collectif entre les armateurs et leurs équipages19(*), en Côte d'Ivoire, il n'existe aucun organe chargé du règlement par arbitrage des conflits collectifs maritimes.

La première sentence rendue par ce conseil date du 22 avril 1926, suite à un conflit concernant les augmentations de salaire qui opposait le Comité Central des Armateurs de France et la Fédération des marins20(*). Malgré des concessions de part et d'autre, aucun accord ne fut trouvé.

Mais, cette procédure d'arbitrage en matière de conflit collectif de travail n'a pas connu un grand succès.

3. la médiation

Devant le très médiocre succès de la conciliation, et surtout de l'arbitrage, le législateur a mis sur pied un autre système qui est celui de la médiation. Ce mode de règlement est utilisé par la partie la plus diligente, lorsque les parties ne s'accordent pas sur le choix de la procédure d'arbitrage facultatif, dans le délai de 6 jours ouvrables, suivant la notification du procès verbal de non conciliation partielle.

C'est une procédure qui ne fait pas nécessairement suite à l'une ou l'autre des deux procédures précédentes. Elle est cependant originale et souple, car le médiateur ne rend pas de sentence qui s'impose aux parties, il se contente de proposer une solution21(*).

La médiation est réglée par l'article 82.10 du Code du Travail qui s'applique aux conflits collectifs maritimes notamment entre les dockers et les armateurs.

En définitive, il faut reconnaître d'après l'avis des différents partenaires sociaux pris grâce à une enquête faite auprès de la communauté portuaire, le Lundi 12 Octobre 2008, (SEMPA, PORT AUTONOME d'Abidjan, FENADOSTRAPACCI, SYMATRAPA), que les procédures de conciliation, d'arbitrage et de médiation, telles qu'elles ont été définies par la loi, n'ont obtenu qu'un succès très mince.

La conciliation se fait de façon informelle, généralement par discussion entre les armateurs et les organisations syndicales les plus représentatives, ce qui aboutit parfois à des règlements de conflits.

L'arbitrage ne paraît avoir jamais fonctionné. Quant à la médiation, elle n'a pas été souvent utilisée et ses résultats ne sont guère encourageants.

Mais qu'en est-il des conditions légales d'exercice du droit de grève définies par les partenaires sociaux.

Section 2 : Les conditions légales d'exercice du droit de grève définies par les partenaires sociaux

Les partenaires sociaux sont les représentants des forces sociales du pays : les syndicats de travailleurs et les représentants des dirigeants d'entreprise. Le terme va ensuite être repris par d'autres acteurs et son usage va se généraliser pour caractériser les relations socioprofessionnelles.

Nous ne sommes plus tout à fait dans le cadre des prescriptions constitutionnelles, puisque ce n'est pas à la loi que l'on demande de réglementer la grève, mais à la convention entre partenaires sociaux.

D'où l'analyse du rôle des partenaires sociaux (A) et ensuite les difficultés rencontrées dans l'harmonisation de leurs intérêts (B)

Paragraphe 1 : L'action des partenaires sociaux

Il sera question de l'analyse de la reconnaissance par les partenaires sociaux du droit de grève (A), puis des conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève (B).

A. Reconnaissance du droit de grève

En Côte d'Ivoire, le droit de grève a été reconnu par les partenaires sociaux, à travers la Convention Collective Interprofessionnelle du 19 juillet 1977.

Cette convention s'est inspirée de la Convention (no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948 de l'OIT, qui reconnaît le droit de grève, sans pour autant fixer ou définir les contours de cette liberté.

Le Code de la Marine Marchande autorise en son Article 79, des accords entre les partenaires sociaux composant la communauté portuaire.

D'où la Convention Collective du 28 Mai 1997, régissant le travail des dockers et manoeuvres transit sur les ports de Côte d'Ivoire. Avant cette convention, force était de constater une certaine anarchie dans l'exercice du droit de grève. Les dockers plus nombreux, et étant la profession dominante, n'hésitaient pas à se mettre constamment en grève, perturbant ainsi l'activité portuaire.

Ainsi dans cette convention, il apparaît à travers le Chapitre 4, C-Litiges, que le droit de grève est un droit syndical.

Mais à la différence du Code du Travail, les partenaires sociaux formant la communauté portuaire, par la Convention du 28 Mai 1997, prévoit une réglementation stricte du droit de grève, afin d'éviter un arrêt des activités portuaires qui pourrait nuire à l'économie.

B. Conditions d'exercice du droit de grève

La grève dans le secteur maritime en Côte d'ivoire, est un droit individuel qui s'exerce collectivement. Le Code de Marine Marchande ne prévoit pas des conditions générales d'exercice du droit de grève, mais elle renvoie en matière de grève au Code du travail.

Un préavis obligatoire et motivé de six jours ouvrables, doit être déposé par une organisation syndicale représentative22(*).

La Convention du 28 Mai 1997, précisément ale C-Litiges du Chapitre 4, indique que le délégué syndical doit intervenir auprès de l'entreprise, sans pour autant arrêter les opérations d'exploitation effectuées tant à bord des navires, qu'à terre ou sous les hangars.

Il apparaît alors que la grève peut être déclenchée à tout moment pour un but professionnel qui peut être soit de mauvaises conditions de travail, ou de mauvais salaires.

Aussi le délégué syndical est le seul habilité à s'adresser à l'entreprise contre qui est dirigée la grève. En cas de refus de l'entreprise, le litige est porté devant une commission composée de trois représentants du patronat et de trois représentants des grévistes.

Il est prévu en cas d'échec que le litige soit porté devant une commission paritaire. Quant à la suspension du travail, elle est admise qu'en cas de refus de l'employeur, devant les revendications justifiées des travailleurs.

Toutes ces mesures définies par les partenaires sociaux de la communauté portuaire, sont de nature à respecter le droit légitime des travailleurs du secteur maritime, à se mettre en grève, sans pour autant nuire aux activités portuaires.

Le délégué syndical devient un personnage incontournable dans la grève car c'est lui qui est mandaté par les salariés du secteur maritime, pour aller discuter avec le patronat.

Ce pouvoir accordé au délégué syndical est peut être un avantage contre les abus des salariés, mais aussi un grand inconvénient car il peut être un musellement du délégué qui risquerait d'être un employé à la solde du patronat.

Paragraphe 2 : Des acteurs aux objectifs contradictoires

Lorsque les syndicats de travailleur et le patronat entament des discussions, les négociations sont souvent difficiles car ils défendent chacun des intérêts différents.

D'un côté, les travailleurs cherchent à améliorer leurs conditions de travail ou, du moins à empêcher que celles-ci ne se dégradent. De l'autre, les représentants des patrons souhaitent avant tout gagner en efficacité économique pour être plus compétitifs.

Toute la difficulté des négociations est de concilier ces deux positions. Un accord n'est possible que si les intérêts des uns rejoignent ceux des autres.

Le patronat souhaite assouplir le marché du travail, c'est-à-dire augmenter la période d'essai pour chaque salarié, afin d'être certain du choix avant l'embauche définitive. De même, les chefs d'entreprise souhaitent pouvoir licencier plus facilement afin d'adapter l'emploi à la conjoncture économique.

Actuellement, le patronat déplore la rigidité des contrats qui dissuade les entrepreneurs à embaucher, de peur de ne pas pouvoir rompre facilement le contrat de travail en cas de difficultés.


A l'inverse, les syndicats et les salariés refusent de perdre leurs acquis sociaux et rejettent toute mesure qui marquerait un recul de leurs droits. Par exemple, ils sont contre l'allongement de la période d'essai, considérée comme une période où l'employeur peut facilement mettre l'employé sous pression.


Les revendications de chacun sont donc légitimes, mais le rôle des "partenaires sociaux" est de trouver des points d'accord pour faire évoluer le marché du travail. L'Etat n'intervient par des lois qu'en dernier recours.

Finalement, les négociations entre partenaires sociaux reflètent deux visions de l'avenir. La première vision, pessimiste, voit l'avenir comme une menace. La situation va inexorablement s'aggraver, les réformes imposent toujours de nouveaux reculs dans le droit du travail pour les salariés.

La mondialisation est vécue comme une menace pour les travailleurs : les salaires sont tirés vers le bas pour diminuer les coûts ; la finance donne tout pouvoir à l'actionnaire, la libre concurrence pousse les entreprises à revenir sur les différents acquis sociaux des travailleurs.

Dès lors, la seule solution est la lutte des travailleurs pour défendre leurs acquis.


La deuxième vision de l'avenir est plus positive : la mondialisation a permis une croissance mondiale sans précédent, de nombreux pays comme l'Inde ou le Brésil sont sortis de la pauvreté, du moins une partie de leur population s'en est sortie grâce à la multiplication des échanges à l'échelle mondiale et à la croissance qui a suivi.

Même dans les pays développés, le chômage a tendance à reculer, très faible aux Etats-Unis, il tend à diminuer en Europe.

Fort de ce constat, les partenaires sociaux sont alors décidés à discuter pour corriger les effets négatifs de la mondialisation, à commencer par la précarisation des relations de travail.

Les négociations entre partenaires sociaux ne peuvent aboutir que si chacun consent à faire des concessions et prend en compte les revendications du partenaire d'en face. Pour y parvenir, chacun doit se défaire des idées reçues et des images caricaturales.

Tous les patrons ne sont pas des agents à la solde du grand capital et tous les syndicats ne sont pas des organisations corporatistes qui refusent toute réforme. En définitive, l'efficacité du dialogue est proportionnelle à la capacité d'écoute de tous les partenaires sociaux.

Dès lors, il convient de poser la question du sort du salarié gréviste.

CHAPITRE II :

LE STATUT PROTECTEUR

DU SALARIE GREVISTE

La grève, telle qu'elle a été définie, a pour effet de suspendre le contrat de travail du gréviste, ce qui veut dire que l'employeur ne peut se prévaloir de l'inexécution du contrat pour prendre une sanction, seule une faute lourde peut justifier la rupture du contrat.

D'où l'intérêt de l'analyse en premier lieu de la suspension du contrat de travail (Section I), et en second lieu, de la grève et de la rupture du contrat de travail (section II).

SECTION 1 : SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Il fut pendant longtemps considéré que la grève avait pour effet de rompre le contrat de travail, en dépit de la suppression du délit de coalition. Il était difficile de continuer à l'affirmer, dès lors que le préambule de la Constitution en faisait une liberté.

Le législateur a mis ainsi un terme à l'analyse purement contractuelle tirée de l'inexécution du contrat, en énonçant par l'article 82-1 du Code du Travail que la « grève ne rompt pas le contrat de travail » ; désormais ce dernier est suspendu, et en conséquence aucune faute ne saurait être imputée au gréviste pour inexécution de ses obligations23(*).

En revanche, cet effet interruptif entraîne des conséquences sur la rémunération, le salarié gréviste ne peut prétendre au paiement de sa rémunération pendant la période où il fait grève.

Concrètement, la grève se traduit par un abattement opéré sur la rémunération du salarié gréviste ; ce non versement de salaire doit être exactement proportionnel à la durée de l'arrêt de travail.

Cependant, l'employeur peut être condamné à payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leur salaire «  dans le cas où les salariés se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de celui-ci à ses obligations »24(*).

En l'espèce, des travailleurs ont décidé un arrêt pacifique du travail devant les irrégularités auxquelles, ils étaient soumis par leur employeur. Le juge a reconnu le caractère licite de la grève du fait des irrégularités commises par l'employeur.

Ainsi, le non-paiement du salaire ne justifie cette condamnation, que lorsque le manquement est délibéré. L'indemnisation est, en revanche, justifiée quand la grève tend à l'abolition d'une prime illicite incitant au dépassement de la durée maximale du travail dans les transports25(*).

Parfois, il peut arriver que la grève entraîne la rupture pure et simple du contrat de travail.

SECTION 2 : GREVE ET RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

L'Article 82-1 du Code du travail énonce en son alinéa 2 que : « la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié ».

En droit du travail, la faute lourde se situe au plus haut degré de l'échelle de gravité des fautes, elle est proche de la faute dolosive en droit civil.

Pris à la lettre, cet article signifierait qu'en cas de faute lourde commise durant la grève par le salarié, le contrat de travail liant l'employeur et le salarié est rompu. La faute lourde du gréviste n'entraîne pas la rupture du contrat de travail ipso facto26(*).

Elle permet seulement à l'employeur de prononcer le licenciement (dans les formes et au terme de la procédure habituelle). Dans le contexte de la grève, la faute doit être lourde pour justifier le licenciement27(*).

Le Code de la Marine Marchande va plus loin et prévoit non seulement un licenciement, mais aussi une radiation totale du salarié dans les registres des affaires maritimes.

Quant à la Convention Collective du 28 Mai 1997, elle donne un certain nombre de fautes, qui commises en dehors ou durant une grève entraîne soit un retrait temporaire de la carte de docker, soit un retrait définitif, suivant la gravité de l'acte.

Dans le secteur maritime en Cote d'Ivoire, surtout au niveau des dockers, l'employeur est le SEMPA (Syndicat des Entrepreneurs de Manutention des Ports d'Abidjan et de San Pedro).

En outre, un employeur peut assurément sanctionner ou licencier le gréviste coupable de faute lourde.

Il reste à préciser comment la faute lourde doit s'entendre ici. Dans le cadre des relations contractuelles, la Convention du 28 Mai 1997 ne donne pas une définition précise, mais considère comme faute lourde, tout acte présentant un caractère de gravité plus accentué que les fautes déterminées par la Convention Collective, au B du Chapitre 7.

Par ailleurs, un licenciement pourra être prononcé pour fait de grève, en l'absence de faute lourde ; dans cette situation, le salarié devra être réintégré ou bien ce licenciement sera requalifié par le juge et donnera droit au salarié lésé à des dommages et intérêts.

Après avoir analysé le statut du salarié gréviste, il convient de se poser la question de savoir si le transport maritime, qui a par nature un caractère international, accorde un statut particulier au salarié gréviste, notamment en ce qui concerne la détermination de la loi applicable lorsqu'une grève éclate sur un navire, arborant pavillon étranger (paragraphe I), ou à quai dans un port ivoirien (paragraphe II) et quelle est le statut du salarié gréviste en cas de faute commise durant la grève (paragraphe III).

Paragraphe 1 : Cas des grèves sur pavillon étranger

Du fait de ses origines militaires et de son importance dans le commerce extérieur, le travail maritime fut longtemps réservé aux ressortissants nationaux. La législation sociale maritime fut longtemps d'application territoriale, rattachée à la loi du pavillon.

Par ailleurs, au niveau régional, le droit communautaire à travers les Règlements n°02/2008/CM/UEMOA et n°04/2008/CM/UEMOA, conduit à un éclatement du cadre national du travail maritime et à un assouplissement de la loi du pavillon, en vue d'une libre circulation.

La loi du pavillon assure la juridicité de la haute mer28(*)et devrait offrir un rattachement stable au navire, en quelques eaux où il se trouve. La loi du pavillon permet d'imprimer une unité à la société du bord. A ce titre, elle gouverne la condition juridique de l'équipage29(*).

Or le pavillon trop librement choisi ne devient t-il pas une simple fiction juridique ?

Le syndicat ITF (International Transporter worker's Federation), syndicat international, affilié à tous les syndicats du secteur maritime, s'est saisi du problème car entre l'Etat qui accorde son pavillon et l'armateur, le mariage de convenance, sans contrôle, conduit à l'instauration de pavillon de complaisance, avec souvent pour conséquence une situation sociale affligeante pour le personnel embarqué.

D'où l'analyse de l'exercice du droit de grève devant un développement des pavillons de complaisance (A) et l'action du juge ivoirien, face à l'internationalisation du transport maritime (B).

A. L'exercice du droit de grève face au développement des pavillons de complaisance

Les pavillons de complaisance représentent la grande majorité de la flotte mondiale. Un des plus représentatifs, le Libéria dispose d'un droit national peu contraignant pour les armateurs avec notamment l'interdiction du droit de grève.

Souvent le pavillon ne constitue plus le seul lien de rattachement de l'équipage à un ordre juridique national ; l'équipage est soumis à une protection minimale et relève d'une réglementation unilatérale de l'armateur, malgré les relations contractuelles30(*) auxquelles l'armateur et l'équipage sont liées.

Les manifestations des syndicats des dockers (SEMPA, SYDOPSA) et autres syndicats du secteur portuaire, sont très diverses mais tendent toutes au même objectif.

Il peut s'agir d'un refus des dockers de charger ou de décharger le navire, d'une manifestation sur les quais contre le navire, du blocage d'une écluse de sortie, du refus de remorquer, d'assister ou de piloter, d'une occupation du navire par des tiers étrangers au bord31(*).

De nombreux boycottages sont intervenus en soutien d'une grève de l'équipage, ou parfois l'ont provoquée. Si certains armateurs négocient rapidement, pour éviter tout retard dans leur carnet de livraison, d'autres contestent en justice la légitimité ou la légalité du conflit. Sur ce point, la jurisprudence notamment française a évolué et il semble que, depuis 1983, les boycotts aient presque disparu32(*).

En Côte d'Ivoire, les boycotts ne sont pratiquement pas utilisés, du fait de la sévérité du Code de la Marine Marchande et de la Convention du 28 Mai 1997, face à ce genre d'acte.

L'action de l'ITF a débuté contre les navires dont les armateurs ne payaient pas les marins qu'ils employaient ou les payaient très en retard malgré les termes de leur contrat d'engagement et, dans de tels cas de violation flagrante des conditions contractuelles de travail ; l'organisation syndicale a trouvé un accueil favorable auprès des juridictions françaises qui, saisies par les armateurs pour faire cesser ces boycottages, se sont déclarées incompétentes ( navire Montego, ordonnance de référé du président du Tribunal de grande instance de Tarascon du 25 janvier 1977).

Fort de ces décisions apparemment encourageantes, l'organisation syndicale s'est alors attaquée à des navires modernes et bien équipés ayant à leur bord des marins du tiers monde ponctuellement et largement rémunérés, mais pas aux normes ITF.

Les juges des référés ont continué de se déclarer incompétents, sans doute parce qu'au lieu d'assigner le syndicat organisateur du blocage, les armateurs assignaient les sociétés de remorquage, de lamanage, les entreprises de manutention ou les ports qui ne prêtaient pas assistance.

Ces derniers répliquaient qu'ils n'étaient pas responsables du cas de force majeure constitué par le refus de leur propre personnel de servir le navire, sur directive de leur syndicat. Ce débat conduisait tout naturellement à l'incompétence du juge des référés.33(*).

Les choses ont changé le 26 juin 1979 avec l'ordonnance rendue à propos du navire Bernhard-Oldendorff. Le syndicat CGT des marins avait réussi à extorquer au capitaine de ce navire, sous menace de boycott, la signature d'un accord ITF. Le juge des référés s'était déclaré compétent et avait qualifié le boycott de « voie de fait », mais il était sanctionné d'une astreinte par jour de retard34(*).

En Côte D'Ivoire, les boycotts, c'est-à-dire le refus d'effectuer toutes opérations nécessaires à la bonne marche de l'activité portuaire, n'ont presque pas existé, du fait de la dureté des lois et convention.

En France, les boycotts ITF se sont poursuivis jusqu'en 1982. A chaque fois, ils ont été sanctionnés de la même manière, c'est-à-dire par de lourdes astreintes qui ont eu presque toujours pour effet de mettre fin aux voies de fait. Il semble que depuis 1983 les boycotts aient presque disparu des ports français, « ce qui est la preuve que la jurisprudence influe sur le cours de l'histoire et donc sur l'économie d'un pays ».

Or, l'internationalisation du transport maritime ne peut rester sans effet sur les relations de travail ; ainsi comment va réagir le juge ivoirien lorsqu'un navire battant pavillon étranger, mais à quai dans un port ivoirien subit un conflit collectif de travail.

B. Position du problème : le juge ivoirien face à l'internationalisation du travail maritime

L'internationalisation du transport maritime, le recours à la libre immatriculation ou à la complaisance, le recours à des registres internationaux ou à des «  pavillons économiques » permettant l'emploi de marins étrangers à moindre coût, ne peuvent rester sans effet sur les relations de travail.

Ces situations soulèvent deux difficultés : la détermination de la loi applicable à la relation de travail, la recherche du juge compétent pour connaître d'éventuels litiges.

1. Le conflit des lois

Le contrat d'engagement des marins est soumis, en principe, à la loi du pavillon. En droit ivoirien, la loi applicable au contrat de travail international est la loi du lieu d'exécution du travail35(*), sauf intervention de dispositions plus favorables au salarié, contenues dans la loi choisie par les parties contractantes36(*).

Le navire comme l'avion, est par nature mobile. Le pavillon est le signe apparent de la nationalité du navire, il relie le navire à un ordre juridique national, susceptible de le contrôler et de le protéger. Le principe de la liberté de la haute mer interdit à tout Etat d'exercer une compétence sur la haute mer. L'ordre juridique qui s'y exerce est celui des autorités du pavillon.

Néanmoins, la Convention de 1958 sur la haute mer avait réservé l'hypothèse de la piraterie autorisant l'intervention d'un Etat tiers ; la Convention de 1982 de Montego Bay a prévu l'intervention de l'Etat du port, en cas d'actes de violence à des fins privées et à l'encontre d'un autre navire.

Cette évolution s'est achevée par la convention de Rome de 1988, à la suite de l'affaire de l'Achille Lauro, qui permet à l'Etat du port de réprimer les actes illicites portant atteinte à la sécurité des navires et des personnes à bord.

La loi du pavillon se heurte aux compétences des Etats riverains qui, pour des motifs économiques et sécuritaires, exercent leur souveraineté sur les espaces maritimes bordant leur territoire.

Tout navire étranger est soumis à la juridiction de l'Etat riverain tant en ce qui concerne les faits délictueux commis à bord que ceux, qui ont été commis à terre par les gens de son équipage. Le critère du lieu de travail détermine la loi applicable.

Il convient de distinguer selon la formule du Professeur Bonassies, entre l'ordre interne et l'ordre externe du navire. L'Etat riverain doit s'abstenir d'imposer à des navires étrangers, une réglementation susceptible d'affecter l'ordre interne du navire, l'organisation et la protection de la société du bord37(*).

Les règles générales du droit du travail, applicables à bord sont celles de l'Etat du pavillon, notamment en ce qui concerne les rapports collectifs de travail.

En ce qui concerne les conflits collectifs de travail, la Cour de cassation fait application de la loi du lieu d'exécution du travail, même si la relation de travail est soumise à la loi d'autonomie plus favorable au salarié.

L'interdiction du droit de grève par la lex fori ne paraît pas contraire à l'ordre public international38(*). Il est alors souhaitable que le juge n'admette pas l'application dans un port ivoirien, d'une loi étrangère soit du pavillon, soit d'autonomie, interdisant le droit de grève aux marins.

Ainsi, il n'est plus possible de considérer que le navire est un lieu d'extra-territorialité interdisant aux autorités du port d'intervenir, en cas d'affrontements violents ou d'opérations de commandos armés contre un équipage en grève.

Le Conseil d'Etat, dans un avis du 20 novembre 1806, permet aux autorités de se saisir des infractions pénales commises à bord d'un navire étranger, lorsque l'ordre public du port s'en trouve troublé, ou quand le capitaine du navire réclame leur intervention, également lorsque la victime ou l'auteur de l'infraction n'est pas membre de l'équipage39(*).

Par ailleurs, il est important de souligner que la loi étrangère normalement applicable ne l'est pas lorsque son contenu ne peut être prouvé, la lex fori s'applique alors à titre subsidiaire40(*).

Néanmoins, dans l'affaire du navire Aghios Charalambos, le juge français a été conduit à interpréter les dispositions de la convention collective chypriote pour faire droit aux revendications des marins impayés41(*).

En droit comparé, il est intéressant de constater que le boycott ou piquetage d'un navire par le syndicat des dockers ou de marins constitue une pratique illicite.

En Grande-Bretagne, une décision de la Chambre des Lords de 198242(*) a annulé la contribution d'un armateur à l'ITF, au fonds syndical de bien-être, consécutif au blocage du navire par les dockers de Glasgow, alors même que ce mouvement entrait dans le champ des immunités syndicales, selon la loi britannique en vigueur.

En Suède, ce boycott est conforme à la loi sur la paix sociale qui définit les pouvoirs des syndicats43(*). En Norvège, ce blocage n'est licite qu'en vue de permettre l'organisation libre des membres de l'équipage, c'est-à-dire le respect de la liberté syndicale, ou lorsque l'équipage paraît notoirement sous payé.

Tel n'est pas le cas lorsque les salaires d'officiers italiens d'un navire battant pavillon libérien sont équivalents aux salaires qui leur seraient versés en Italie, lorsqu `il existe un accord collectif entre l'armateur et le Philippine Seamen's Union, pour les marins philippins44(*).

S'agissant de l'action des syndicats à agir en justice, que ce soit pour l'action individuelle ou l'action collective, leur intervention relève de la lex fori. La capacité juridique d'un syndicat est déterminée par sa loi personnelle, mais les règles de procédure sont celles du lieu de l'action judiciaire45(*).

Un syndicat ivoirien peut donc agir en justice, pour la défense de salariés46(*), marins même étrangers, contre leur armateur même étranger47(*). L'objet des syndicats est la défense de la profession, non la défense des marins nationaux seuls, ou des seuls marins naviguant sous pavillon ivoirien.

Il semble délicat de dégager une règle cohérente au vu de la diversité des situations et solutions nationales, l'ensemble démontre une forte insécurité juridique pour chacun des acteurs maritimes.

2. Le conflit de juridictions

Il convient de se demander quand les juridictions ivoiriennes sont compétentes. Lorsque le juge ivoirien est compétent, comment déterminer la juridiction compétente devant un litige de travail maritime.

a. La compétence des juridictions ivoiriennes

Les tribunaux ivoiriens sont toujours compétents pour connaître d'un litige, chaque fois que l'une des parties est au moins ivoirienne. Les textes (articles 14 et 15 du Code civil) confèrent aux ressortissants ivoiriens un véritable privilège de juridiction.

Lorsque les plaideurs sont tous de nationalité étrangère, l'article 11 du Code Civil, leur accorde les mêmes droits que les nationaux. Si un plaideur est ivoirien, admettre la compétence des juridictions ivoiriens ne signifient pas qu'elles soient seules compétentes.

Les juges ont donc fait application des règles de compétence territoriale des juridictions. Le tribunal compétent est, en principe, celui du lieu où demeure le défendeur. Il y a transposition dans l'ordre international des dispositions destinées à résoudre les difficultés internes48(*).

La Cour de cassation a considéré que le privilège de juridiction ne pouvait s'appliquer que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'était réalisé, devenant donc subsidiaire49(*).

Selon la loi ivoirienne, à travers l'Article 97 du code de la Marine Marchande, quand le litige naît dans un port ivoirien (d'embarquement, d'escale ou de débarquement), le tribunal d'instance de ce port est compétent.

Dans les autres cas, l'armateur peut saisir le tribunal d'instance du port, où le marin est domicilié ou celui du port où le marin se trouve momentanément. Le marin peut, lui, saisir le tribunal d'instance du port où l'armateur a son principal établissement maritime ou une agence, et, à défaut celui du port d'attache du navire.

Diverses Cours d'Appel ont fait application du lieu d'exécution du contrat50(*), c'est-à-dire l'Article 1er du Code du travail, se déclarant incompétentes à trancher le litige résultant du conflit collectif de travail, puisque le lieu de travail est un navire étranger.

Cette situation conduit à renvoyer compétence aux juridictions de la loi du pavillon et à créer une confusion entre le conflit de juridiction et le conflit de lois.

Selon la Cour de Paris, « le caractère d'ordre public de la législation du travail ne pouvait s'appliquer qu'à un travail convenu ou accompli en France, lorsqu'il s'agit de cocontractants de nationalité étrangère »51(*).

Cette règle est appliquée en Côte d'Ivoire, et il s'agit de la constatation de l'inapplicabilité directe du texte de l'Article 1er du code du Travail, ce qui est une évidence puisque la situation est internationale.

Quant aux marins, la libre immatriculation des navires, le marché international du travail, les techniques de gestion nautique, commerciale et sociale, ont pour effet de générer de nombreux conflits collectifs ; ainsi, comment le juge ivoirien peut-il ignorer que son incompétence interdit en pratique tout recours judiciaire aux membres de l'équipage, situation que les conventions internationales ont entendu éviter à tout créancier maritime.

b. De la juridiction compétente rationae materiae

Lorsqu'un conflit collectif maritime oppose à un armateur des marins, sur un navire battant pavillon étranger, mais bloqué dans un port ivoirien, la tendance générale des tribunaux, saisis du litige pour des revendications salariales et ou au vu des conditions de travail, est de se déclarer incompétents, du fait que le navire relève de par sa loi du pavillon d'une loi étrangère.

Les tribunaux d'instance sont uniquement compétents pour tout service accompli à bord d'un navire battant pavillon ivoirien.

Si le juge ivoirien est compétent, il ne pourrait donc s'agir que du juge de droit commun, le tribunal de première instance, du fait de la compétence exclusive en matière de conflit collectif, mais spécialisée des autres juridictions.

Il serait souhaitable que la situation soit clarifiée, afin de combler cette insécurité juridique résultant notamment du non respect des principes de droit international privé.

En effet, comme l'explicite si bien M Chaumette : « il semble que la jurisprudence et la doctrine maritimiste renouvellent l'erreur de confondre application directe des dispositions internes relatives à la compétence juridictionnelle et transposition des dispositions internes dans l'ordre international ».

Or, si ce raisonnement implique de rechercher les conditions directes d'application, elles ne seront pas réunies ou seulement artificiellement. Le navire immobilisé à quai devra être assimilé à un immeuble, les marins du bord considérés comme débarqués ou travaillant en Côte d'Ivoire.

Ainsi, la transposition consisterait à considérer que le conflit collectif de travail s'accompagnant d'un litige, relèverait de la compétence du tribunal de 1ère instance pour l'équipage et pour le capitaine en tant que représentant de l'armateur.

Mais en pratique, les armateurs ne se soucient guère de ce genre de considérations pour obtenir l'expulsion de grévistes ou la levée d'un boycott.

Ils se réfèrent à un conflit collectif et saisissent le tribunal de première instance, éventuellement par la voie des référés.

En effet, si la grève des marins se déroule le plus souvent à bord du navire, elle se déroule également à quai, la coupure maritime/terrestre étant rarement évidente.

Les négociations vont se dérouler à terre, où se situent représentants de l'armateur et organisations syndicales. C'est de la terre, c'est-à-dire que l'équipage descend pour retenir le navire, que le navire est retenu, son immobilisation perturbant relations commerciales et activités portuaires.

L'on peut supposer que dans cette période, les contrats de travail s'exécutent provisoirement. Le droit ivoirien ne s'appliquera que si le tribunal de 1ère instance constate un dépassement de la durée du contrat de travail de trois mois, en vertu de l'article 1er du Code du Travail.

Paragraphe 2 : Cas des grèves déclenchées par les professions portuaires

Dans le secteur maritime, les conflits collectifs de travail sont l'oeuvre pour l'essentiel des marins et des dockers, voire des entreprises de remorquage.

Les agents de l'outillage public comme les grutiers, de par leur qualité d'agent public, relèvent d'un régime particulier.

A côté de ces secteurs, on remarque que les entreprises de lamanage et les services du pilotage, par la nature de leur activité, sont soumis à un régime particulier et sont donc à écarter de notre étude.

En ce qui concerne les entreprises de remorquage, leur rôle consiste à amarrer le navire à quai. C'est une opération importante en pratique, car un mauvais amarrage peut avoir de redoutables incidences sur le navire lui même, sur les autres navires, voire même sur les tiers52(*).

L'opération de lamanage contribue à la sécurité intérieure et à la lutte contre les pollutions.

Ainsi en France, dans une affaire concernant le port de Gênes (CJCE, Corsica Ferries, 18 juin 1998) la Cour Européenne a jugé que les activités de lamanage accomplissent des missions de service public, qui concourent à la sécurité portuaire.

La CJCE estime que « l'obligation de recourir à un service de lamanage local... pourrait être justifiée au titre de l'article 56 du traité CE, par des considérations de sécurité publique »53(*).

Il s'ensuit donc que la grève dans de tel secteur est strictement réglementée et ne se résume en pratique qu'à de simples déclarations d'intention.

Quant au pilotage portuaire54(*), il consiste en « l'assistance donnée au capitaine, par une personne commissionnée par l'Etat, pour la conduite des navires à l'entrée et à la sortie des ports, rades et eaux maritimes des fleuves et des canaux » ; telle est la définition du pilotage posée par le Code de la Marine Marchande.

Cette disposition législative démontre la volonté politique de « préserver » lesdits services des risques de grève.

Sur ce fondement, la directive sur la libéralisation des services portuaires a écarté le pilotage de son champ d'application, après de vives réactions des différents syndicats de pilotes ; en conséquence les services du pilotage ne peuvent pas s'accorder pour une cessation collective et concertée de leur activité. En Côte d'Ivoire, les pilotes sont admis à s'accorder pour une cessation collective et concertée de leur travail.

Ainsi, les conflits collectifs de travail sont l'oeuvre pour l'essentiel, des dockers (A) et des marins (B) voir des entreprises de remorquage (C) et aussi de manutention (D).

On remarque, de plus, qu'étant donné l'interdépendance des activités portuaires, la grève d'un corps professionnel engendre le plus souvent un arrêt de travail généralisé à plusieurs corps professionnels. Ce genre de manifestation ne reflète sûrement pas la célèbre solidarité des gens de mer.

A. Les marins

Le marin exerce son travail à bord d'un navire sur lequel il doit se rendre pour exécuter son service, au jour et à l'heure, qui lui sont indiqués par l'armateur.

Le lien du marin au navire domine la relation entre l'armateur et le marin à un point tel, que l'ancien Code de la Marine Marchande sanctionne le délit de désertion.

Le marin reste tenu d'accomplir son service dans les conditions déterminées par le contrat, et d'obéir aux ordres de ses employeurs. L'étude de la grève chez les marins (1) et de la grève en mer (2), permettra d'éclairer notre compréhension.

1. la grève chez les marins 

La vie à bord d'un navire et la sécurité de la navigation, ont entraîné l'instauration d'un régime spécifique de discipline, qui place l'équipage sous l'autorité du capitaine, comme le précise le Code de la marine Marchande. La Convention Collective du 28 Mai 1997 affirme, d'ailleurs qu'un manquement à la discipline ou un refus d'embarquement sont passibles de sanctions.

Dans le milieu maritime, la grève revêt un aspect particulier. Le marin étant tenu à une discipline particulière à bord, le refus de travailler est en conséquence difficilement admis.

Les membres de l'équipage ne sont pas des salariés ordinaires, même s'ils bénéficient des mêmes droits que les salariés « terrestres », au premier rang desquels se trouve le droit de grève. Mais la manifestation de ce droit de grève est tout à fait spécifique au milieu.

En revanche, on peut se poser la question de savoir si le capitaine en tant que mandataire de l'armateur, en ce qui concerne l'accomplissement de tout acte commercial, peut faire grève.

La loi faite du capitaine un préposé de l'armateur, si on ajoute que le droit de grève est inscrit dans la Constitution et qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne l'interdit aux capitaines de navires marchands, force est de conclure que le capitaine peut faire grève55(*).

La grève, envisagée à bord d'un navire naviguant, est rarement utilisé en pratique, d'une part pour des raisons de sécurité, et d'autre part parce que le marin doit obéir aux ordres de ses supérieurs et assurer le soin du navire et de la cargaison.

Lorsqu'un mouvement de grève est prévu dans une entreprise à terre, quel que soit le moment de son déclenchement, il cause une gêne à la direction. Une grève en mer est peu concevable pour les raisons évoquées précédemment.

C'est pourquoi, les marins ont recours à une forme spécifique, le retard à l'appareillage. Ce dernier peut prendre plusieurs formes : les marins refusent d'embarquer, bloquent les moyens d'accès au navire, montent à bord mais refusent d'appareiller. Cette dernière possibilité est largement utilisée par les équipages des ferries.

Il convient cependant d'insister sur le fait que, les marins dans leur ensemble sont peu syndiqués et représentent un pourcentage très réduit de la population active en Côte d'Ivoire.

Leur activité, très spécifique, s'exerce dans un cadre géographique limité. Il est cependant à la fois trop vaste, les navires étant présents sur toutes les mers du monde et trop restreints, la grève n'ayant physiquement lieu qu'au port ; or on ne trouve jamais tous les navires dans un port en même temps.

Un mouvement de grève, déclenché dans ces conditions, ne peut avoir le retentissement de celui déclenché dans certains secteurs d'activité, sauf si le retard des marins à l'appareillage affecte certains services, de passagers notamment ou bloque la desserte territoriale du pays par exemple. Le juge devra prendre en compte, s'il est saisi, le caractère déraisonnable ou non des revendications56(*).

Ceci dit, l'armateur a la possibilité de résoudre ce problème, en procédant au dépôt du rôle d'équipage pendant la durée de la grève, suspendant ainsi le paiement des salaires et le contrat d'engagement. Ce genre de situation s'apparente au lock-out qui permet à l'armateur de « fermer » l'activité de l'entreprise pendant toute la durée de la grève.

Par ailleurs, s'il est abusif, le lock-out entraîne à la charge de l'armateur des dédommagements pour les marins congédiés, et l'obligation de payer les salaires aux marins dont le contrat d'engagement est suspendue57(*).

2. La grève en mer 

La grève, envisagée à bord d'un navire en mer, n'est guère possible, cependant il y a eu des précédents.

Les deux principales affaires qui illustrent le cas de grève en mer sont d'une part, l'affaire du navire France 58(*)et d'autre part, l'affaire du ferry Saint Germain59(*).

Dans l'affaire du France, les membres de l'équipage et les permanents syndicaux, espérant éviter le désarmement du France, ont obligé le commandant à mouiller le navire dans le chenal d'entrée du port du Havre, perturbant de ce fait les activités commerciales du port. Aucune poursuite pénale n'a été intentée, seuls les licenciements économiques ont été prononcés. En ce qui concerne le navire on connaît la suite...

Dans l'affaire du ferry Saint Germain, l'équipage, pour s'opposer au désarmement du navire, a séquestré le commandant et mouillé le navire dans l'entrée du port de Dunkerque.

Seule l'Association des Capitaines de Navire a porté plainte et un seul marin a été déclaré coupable, celui qui avait ouvertement déclaré prendre le commandement. Or, le 5 mai 1989, le tribunal correctionnel de Dunkerque appliqua aux faits de l'espèce, la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 qui couvrait les infractions commises lors d'actions syndicales.

L'étendue de ces deux affaires révèle tout d'abord que les seuls cas de « grève en mer » ont eu lieu à proximité d'un port. La grève avait bien lieu en mer, mais pas en pleine mer en laissant un navire à la dérive, les risques pour le navire et la navigation, étaient donc réduits. Les marins étant conscients des dangers que peut entraîner une grève en pleine mer, il est peu probable que la jurisprudence ait à connaître d'une telle affaire un jour.

Ensuite, on constate que dans l'affaire du France aucune sanction particulière n'a été prise à l'égard de l'équipage, sauf le licenciement économique, mais qui, de toute façon, résultait du désarmement du navire au « quai de l'oubli ». Dans l'affaire du Saint Germain, la « mutinerie » a été assimilée par le tribunal à une simple occupation des locaux pour motif syndical.

A croire que « la grève en mer » n'est pas considérée comme illégale et qu'il y a donc là une perte évidente du particularisme de droit maritime, eu égard aux règles plus générales encadrant le droit de grève.

En ce qui concerne un sujet aussi vaste que celui traité, il est un secteur où le vocable de grève est souvent utilisé à plus ou bon escient, il s'agit du secteur de la manutention portuaire.

On utilisera dans les prochains développements, le terme de docker employé sur les rivages de la Méditerranée et dans notre pays, et non celui de stevedore utilisé sur la côte Atlantique, les premiers accomplissent des opérations juridiques alors que les seconds se contentent d'opérer essentiellement la manutention du fret. En tout état de cause, une telle distinction n'a pas lieu d'être lorsque l'on se place dans le cadre d'une grève.

B. Les dockers

Le métier de docker est né au XIXe siècle avec la navigation à vapeur et ses conséquences : réduction des équipages et des temps d'escale, augmentation de la taille des navires et de l'importance de la cargaison. Pendant la première moitié du XIXe siècle, le métier de docker était purement manuel. Le conditionnement des marchandises était adapté à la force humaine (sacs, carton...).

Chaque chargement ou déchargement de navire nécessitait plusieurs centaines d'hommes pendant plusieurs jours. Aujourd'hui il, n'existe plus de charges qu'un homme puisse manipuler sans l'aide d'engins puissants (chariots, douglas, portiques porte-conteneurs, bandes transporteuses...).

La profession était régie par le code de la Marine Marchande, mais cette législation devient inadaptée car le monopole conféré aux dockers, est à l'origine de nombreux conflits sociaux, paralysant régulièrement les ports et détériorant leur image.

Ainsi, les relations de travail sur les quais sont très peu « juridicités », laissant place à une pratique sociale, principalement issue de l'irrégularité du trafic portuaire et de l'intermittence de l'emploi.

La pluralité des employeurs a fait naître le mythe de l'autonomie professionnelle, la fierté de l'indépendance vis à vis des patrons. Ce qui leur conférait, un certain contre pouvoir et avait des répercussions importantes, en cas de grève sur l'économie des pays.

Ces abus, l'évolution des techniques et la baisse de la quantité de travail fourni aux dockers, n'ont engendré aucune nouvelle réforme pour assainir le milieu des dockers, qui restent des travailleurs intermittents.

Au plan social, la création des syndicats du SEMPA et du SYDOPSA n'a permis de développer la responsabilisation des dockers et favoriser leur productivité.

Par voie de conséquence, cela a accentué les conflits sociaux, car le docker ne relève que du droit maritime et non du droit commun de travail. Le docker est placé sous l'autorité de son employeur, c'est-à-dire le syndicat et non de l'acconier.

Le facteur déterminant des grèves est l'absence de lien étroit de subordination entre l'employeur et le docker : le contrat est conclu par écrit comme le précise l'Article 63 du Code de la Marine Marchande, pour une durée déterminée de quelques heures et cela même si le docker travaillait plusieurs fois de suite pour la même entreprise.

Il n'y a donc aucune crainte de la part du docker puisqu'il n'était pas lié à l'employeur mais plutôt à son syndicat. Les grèves sont ainsi donc fréquentes dans le milieu des dockers, sans que les entreprises ne puissent s'y opposer. Les dockers sont employés par leur syndicat, ce qui explique peut être ce désordre.

Le droit de grève est régi par le droit commun et les grèves peuvent prendre des formes diverses : grève pendant 24 heures, grève d'une demi-journée, les dockers peuvent refuser les travaux exceptionnels.

Parfois, sous couvert de revendication syndicale, les dockers travaillent au ralenti afin de dépasser les shifts d'après-midi, pour pouvoir accéder au tarif salarial plus avantageux des « petites-nuits ».

Cette étude sur les différents corps de métiers existant au port est importante du fait que chaque corps de métier est une entité agissant selon ses règles définies chacune par le Code de la Marine Marchande.

La grève peut être locale. Elle peut résulter d'un mot d'ordre national ou même d'un mot d'ordre sous régionale.

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Les conséquences négatives des grèves entraînent une perte de rentabilité et de crédibilité par rapport aux ports étrangers. Les différentes places portuaires mondiales ne sont pas épargnées par de tels conflits sociaux, qui, du fait de la position stratégique des dockers dans la supply Chain du commerce international, peut entraîner la paralysie de pans entiers de l'économie.

Pour exemple, les activités des ports de la côte ouest américaine ont été paralysées pendant onze jours par un conflit opposant l'Association maritime du Pacifique (PMA, regroupant les armateurs et les patrons des installations portuaires) aux dockers60(*).

A l'origine du mouvement, les dockers faisaient uniquement la grève des heures supplémentaires et respectaient scrupuleusement les consignes de sécurité, afin de protester contre la volonté de certaines entreprises de manutention d'adopter des systèmes automatiques de pointage des conteneurs, ce qui aurait réduit les équipes de dockers.

Or, c'est précisément en raison des retards et de la désorganisation que ce mouvement qui durait depuis plusieurs mois, entraînait dans la rotation des portes conteneurs, que les armateurs ont décidé de ne plus accoster dans les vingt-neuf grands ports de la côte ouest des Etats-Unis. Ce conflit coûta environ deux milliards de dollars par jour à l'économie américaine.

Le secteur high-tech fut en partie paralysé par ce blocus, les usines automobiles japonaises ont du réduire leur production, les exportations agricoles ont été sérieusement réduites...

Par ailleurs, les armateurs ont subi une très forte désorganisation de leurs rotations de navire, près de deux cents unités attendaient devant les ports américains et des armements comme le danois Maersk-Sealand ont refusé le départ des conteneurs d'Hong-Kong vers les Etats-Unis. Or, l'immobilisation d'un gros porte-conteneurs, se chiffre en dizaine de milliers de dollars par jour.

Face à ce coup de frein pour l'économie américaine, le gouvernement américain entama une procédure d'interdiction de grève contre les dockers, par l'intermédiaire du Taft-Hartley-Act, qui obligea les grévistes à reprendre le travail pendant quatre vingt jours pour des raisons de « sécurité nationale et de guerre en Irak ».

En Côte d'Ivoire, suivant une enquête effectuée auprès du SEMPA et de quelques dockers, les grèves des dockers n'excèdent pas une semaine du fait de la non-affluence des navires.

En définitive, les dockers sont un véritable contre pouvoir, et ils peuvent par leur action de grève, asphyxier totalement l'économie d'un pays voire l'économie mondiale, si un mouvement planétaire éclate, quand on sait que plus de 90% des marchandises échangées sont transportées par mer.

Si le blocage d'un port par les dockers est préjudiciable pour ce dernier, qu'en advient-il lorsque les services du remorquage entament une grève et bloquent ainsi l'accès du port aux navires de grande taille ou non pourvus de moyen de propulsion suffisamment puissant, pour accoster ou « décoller » d'un quai.

C. les entreprises de remorquage

Tout d'abord, il faut distinguer le remorquage portuaire, qui consiste à assister le navire dans les manoeuvres d'accostage et d'appareillage dans l'enceinte portuaire, et le remorquage en haute mer, qui permet de prêter assistance aux navires en avarie.

Le premier cas de remorquage retiendra notre attention, lorsque ces services sont interrompus du fait de la survenance d'une grève.

En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle « l'employeur est tenu vis-à-vis des tiers des conséquences d'une grève, sauf si celle-ci présente le caractère de la force majeure »61(*), crée des difficultés insolubles au détriment des entreprises de remorquage.

Le remorquage constitue un service public connexe à ceux du port, en vertu du Code de la Maritime Marchande, dont la gestion peut être confiée au port autonome, sur la demande du conseil d'administration.

En pratique, les ports autonomes ne gèrent pas eux-mêmes le service connexe du remorquage portuaire. Ce service est assuré par des entreprises privées, qui bénéficient d'un agrément fixant les obligations de service public auxquelles elles se trouvent assujetties.

Dès 1944, le Conseil d'Etat avait décidé que dans les ports et rades, le remorquage portuaire offert par l'exploitant sur le domaine public, devait faire l'objet d'une autorisation préalable, laquelle pouvait être assortie d'obligations de service public. Selon le commissaire Chenot, il s'agissait de la gestion d'un véritable service public par une entreprise privée62(*).

Malheureusement pour elles, les entreprises de remorquage portuaire ne disposent d'aucune prérogative de puissance publique, elles restent des entreprises de droit privé, et sont liées à leur personnel par des contrats qui relèvent du Code du Travail63(*).

En cas de conflit collectif du travail, elles ne disposent d'aucun des remèdes, que la jurisprudence administrative met à la disposition de la puissance publique, afin d'assurer la continuité du service public.

Pour l'instant, étant encore un établissement public de l'Etat en attendant sa décentralisation, le port autonome peut assumer le service du remorquage, qui est effectué par l'entreprise privée qui a été agréée à cet effet, dès lors que l'entrée et la sortie des navires sont réglées par les officiers du port, l'entreprise de remorquage doit respecter les priorités de mouvement de navires fixées par eux.

Il est encore demandé aux services du remorquage d'assurer en toute circonstance un service minimum de sécurité, ainsi qu'un service commercial minimum. Ce dernier service est manifestement destiné à assurer la continuité du service public, notamment en cas de grève des personnels qui servent les remorqueurs.

Cette dernière obligation de service public minimum pose problème, car les personnels en grève refusent de l'accomplir, portant ainsi atteinte à la fiabilité du port.

Le port autonome, comme les entreprises de remorquage, se retrouve ainsi dans une impasse qui met en évidence une incohérence juridique : alors qu'il n'est pas tenu de remplir lui-même la mission de service public du remorquage, le port qui a de ce fait la possibilité de faire assurer des obligations de service public par une entreprise privée, est dans l'incapacité de faire respecter un service minimum par l'entreprise de remorquage, car celle-ci n'aurait pas le droit de l'imposer à ses salariés.

Pour que le système gagne en cohérence, il conviendrait que le juge ivoirien aligne sa jurisprudence sur celle du Conseil d'Etat, en prenant en considération le fait qu'il s'agit d'une entreprise privée, ayant en charge l'exécution d'un service public, dont la continuité doit être garantie.

Dès lors, qu'il existe des normes juridiques régissant les conflits du travail, par conséquent il est légitime d'attendre de ces règles, qu'elles déterminent des modes de règlement de ces conflits.

Or, on constate comme à terre, que le milieu maritime n'est pas resté étranger aux résolutions pacifiques des conflits.

Paragraphe 3 : Cas des grèves résultant de la responsabilité civile du salarié gréviste

La grève présente un certain intérêt en matière de responsabilité civile.

La responsabilité civile qu'il s'agisse de la responsabilité pour faute de l'article 1382 du Code civil ou de la responsabilité des choses que l'on a sous sa garde de l'article 1384 du même code sont affectés par le fait de grève, soit que celui-ci serve de fondement à la mise en oeuvre de la responsabilité, soit qu'il contribue éventuellement à un cas d'exonération de responsabilité.

Ainsi dans le cadre du droit commun, bien que les règles relatives à la charge de la preuve ne l'y obligent pas, le réclamant va s'efforcer d'établir que la grève a pour origine une faute du transporteur. S'il réussit à rapporter cette preuve, la responsabilité du transporteur sera totale car, l'existence d'une faute ayant provoqué la grève interdit de considérer ces évènements de force majeure.

Selon certains auteurs, la preuve qu'une faute du transporteur n'est à l'origine de la grève ne produit aucun effet sur sa responsabilité. A l'appui de cette thèse, Monsieur Scapel invoque un argument de texte : « l'expression « pour quelque cause que ce soit » de la convention de Bruxelles de 1924, exonère la responsabilité de l'armateur, même si la grève ou autre événement de ce genre, pourrait être considérée comme déclenchée par la faute de la compagnie de navigation ».

Selon une deuxième opinion, le transporteur qui a provoqué la grève par sa faute doit être déclaré entièrement responsable du dommage.

« Il ne nous paraît pas douteux, écrit le doyen Ripert64(*), que dans ces hypothèses, le transporteur ne saurait réclamer une exonération de responsabilité ».

On peut estimer, que l'argument invoqué par Mr Scapel contredit directement le droit accorder par la loi de faire la preuve d'une faute du transporteur pour l'empêcher de se prévaloir d'un des cas d `exonération.

En ce qui concerne l'argument de fait développé par le doyen Ripert, force est de reconnaître qu'il est délicat, en présence de certains conflits de travail, de discerner à qui incombe la faute et de déterminer les responsabilités de chacune des parties.

Mais le rôle des juges, devient très difficile, les textes se multiplient, les interprétations divergent et créent souvent des situations inextricables, il semble donc légitime de faire confiance aux tribunaux et de leur laisser le soin d'apprécier la faute du transporteur ou du manutentionnaire dans le cas d'un conflit de travail.

D'ailleurs comme l'indique le doyen Ripert65(*), « il est illusoire d'espérer arriver à créer des règles objectives, et l'on ne saurait écarter l'appréciation personnelle et subjective du juge ».

D'ailleurs les tenants de cette deuxième position font valoir les arguments selon lesquels: « les causes d'exonération énumérées ne peuvent être retenues qu'à la double condition que... et que, par ailleurs ni indirectement, les causes d'exonération ne soient le résultat d'un acte (plus exactement une faute) du transporteur ».

L'argument décisif semble devoir être tiré du lien de causalité : le cas excepté doit être la cause de la perte ou de l'avarie ; or, quand la grève a été le résultat d'une faute du transporteur, sans doute entre-t-elle bien dans la chaîne causale qui conduit au dommage, mais elle n'est qu'un intermédiaire entre celui-ci et la faute.

La véritable cause de la totalité du dommage, c'est la faute. Voilà pourquoi comme le considère Mr Fieschi la responsabilité du transporteur doit, dans ce cas, être totale66(*).

Lorsque la faute du transporteur se trouve être à l'origine de la grève, il n'y a donc pas de particularisme des règles régissant le transport maritime.

Or que se passe t-il si l'on s'en tient exclusivement aux dispositions de l'article 1382 du Code civil et de son application faite par le juge en temps de grève dans des « situations maritimes ».

A. De la responsabilité pour faute en temps de grève.

L'article 1382 du Code Civil dispose que toute personne est responsable des dommages causés par sa faute. Cet article est susceptible de s'appliquer à l'action d'une personne morale comme un syndicat ou comme à l'action des salariés, personnes physiques.

L'action d'un syndicat, lorsqu'elle occasionne un trouble manifestement illicite peut faire l'objet d'une mesure de référer, notamment une expulsion ou un ordre de faire cesser le trouble sous astreinte.

Mais à cette mesure provisoire fera suite une assignation au fond de l'armateur ou du chef d'entreprise pour obtenir des dommages et intérêts du fait des dommages qu'il a subies (en général des pertes d'exploitation ou running cost.).

Il faudra en application du droit commun établir une faute, un dommage et un lien de causalité, qui en pratique du moins pour les deux derniers éléments sont facilement identifiables.

La faute exigée est, ici, une faute simple. Elle peut consister soit en une grève illicite (par exemple le non respect du préavis de cinq jours obligatoire pour les marins), soit une grève licite accompagnée d'actes illicites tels que les menaces de violence, les entraves à la liberté du travail ou à la liberté d'aller et venir.

Les juridictions ayant de plus en plus tendance à parler « d'abus de droit de grève ou d'abus de droit syndical ». Or la notion d'abus de droit est inappropriée en l'espèce car le droit de grève constitue une liberté publique fondamentale que seules des circonstances particulières sont susceptibles de limiter.

Dans l'affaire du «Global Med»67(*)navire sous pavillon libérien, le syndicat ITF représenté par la CFDT en France avait soutenu une grève des marins du navire qui souhaitaient obtenir un salaire conforme aux normes ITF.

Le tribunal de grande instance de Boulogne avait condamné les syndicats au paiement de dommages-intérêts à l'armateur car « il n'était pas tolérable que les officiers du bord aient été séparés de l'équipage et menacés de violences physiques et que les représentants de l'armateur aient été empêchés de remettre aux marins un message officiel et de s'entretenir librement avec eux... ». Ces faits qui constituent des entraves à la liberté du travail et des voies de fait constituent la faute reprochée au syndicat.

Quant au dommage subi par l'employeur il consistera le plus souvent comme il a été dit précédemment comme financier et se matérialisera par des pertes d'exploitation ou des marchandises avariées...

La conception ivoirienne de l'exercice du droit de grève ne permet pas d'incriminer automatiquement un syndicat puisque les syndicats n'ont pas, contrairement à d'autres pays, le monopole de l'exercice du droit de grève.

Il semblerait donc que lorsque les syndicalistes non membres du personnel de l'entreprise victime, sont à l'origine du mouvement, la jurisprudence présume que la grève a été commanditée par un syndicat et retient donc sa responsabilité. C'est le raisonnement retenu de manière implicite par la cour de cassation dans l'affaire du « Global Med ».

En revanche lorsque la grève trouve son origine dans l'action des syndicalistes membres de l'entreprise victime de la grève, la cour de cassation exige que l'initiative du syndicat dans les actes illicites soit recherchée68(*).

Si cette initiative du syndicat n'est pas établie, les grévistes peuvent eux-mêmes êtres tenus pour responsables. Cette solution a été admise dans un arrêt Corfu contre société Sarlino69(*). Mais la jurisprudence semble être devenue depuis plus réticente pour admettre la responsabilité des grévistes vis à vis de l'entreprise ou des non grévistes.

Parfois la responsabilité du fait des mouvements sociaux peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 du Code Civil.

B. De la responsabilité de l'article 1384 du Code Civil.

L'article 1384 du Code civil vise la responsabilité des commettants du fait de leur préposé, l'alinéa 1er dispose de la responsabilité des choses que l'on a sous sa garde.

Le fait de grève ne joue aucun rôle particulier en matière de responsabilité des commettants du fait de leurs préposés.

Le commettant ne sera pas responsable du fait de grève de ses préposés dans la mesure où ceux-ci ont agi «hors des fonctions auxquelles ils sont employés, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions »70(*).

Par contre la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde a donné lieu à des applications particulières à propos de faits de grève dans les ports.

Il faut tout d'abord préciser que ce sont les arrêts Champollion du 23 Janvier 1959 et Lamoricière du 19 juin 195171(*) qui ont adopté la solution suivante : «l'article 1384 alinéa 1er formule une règle générale qui s'applique à la navigation maritime toutes les fois qu'une disposition spéciale de la loi ne l'a pas explicitement écarté» (ainsi par exemple en matière maritime l'abordage est soumis à un régime spécial).

Tout navire pourra donc être considéré comme une chose au sens de l'article 1384 alinéas 1ers du code civil.

Ces arrêts ont ensuite précisé que le gardien serait, non pas le capitaine qui a certes des pouvoirs de direction pais qui reste un préposé mais l'armateur.

L'armateur se trouve dès lors responsable du fait de son navire sauf s'il prouve le fait du tiers, la faute de la victime ou la force majeure.

Un navire obstruant l'entrée d'un chenal du fait d'une grève emporte t-elle la responsabilité de l'armateur ?

C'est la question à laquelle ont eu à répondre les tribunaux français dans l'affaire du «France»72(*).

Lors de la dernière croisière du France avant son désarmement au Havre, les représentants syndicaux montés à bord à la dernière escale, ont contraint l'Etat major a stoppé le navire dans la rade d'entrée au Havre, obstruant ainsi le passage pour les navires à fort tirant d'eau.

Trois super tankers ne pouvant rallier Le Havre ont dû être détournés sur Rotterdam pour être allégés, leur armateur a donc assigné l'armateur du France sur le fondement de l'article 1384 pour les coûts supplémentaires engendrés par ce déroutement dans le port batave.

Pour que la responsabilité du gardien du fait des choses qu'il a sous sa garde soit retenue, plusieurs conditions sont exigées :

-En premier lieu, il faut que la chose, en l'espèce le navire soit la cause du dommage.

Le navire doit avoir participé matériellement au dommage : la position anormale, irrégulière du navire justifie cette condition. Dans l'affaire du France, c'est bien le mouillage irrégulier au milieu du chenal d'accès au port qui a occasionné le déroutement des pétroliers. Le navire, en lui-même, a été la cause génératrice du dommage.

-En deuxième lieu il faut que l'armateur ait conservé la garde du navire, c'est à dire ses pouvoirs de direction, d'usage et de contrôle. Or, la grève n'enlève pas la garde à l'armateur dès lors que les officiers ont continué à commander sur le plan technique et à réaliser les opérations exigées par la sécurité du navire. On peut considérer que c'est un critère relativement sévère car il est normal que l'état major assure la sécurité du navire.

-Enfin, l'armateur est responsable s'il n'établit pas un cas de force majeure. Or la grève, tout comme en matière contractuelle, ne pourrait-elle pas constituer le cas de force majeur ?

Il faut qu'elle soit imprévisible et irrésistible ; or la jurisprudence semble très sévère comme on a pu le vérifier précédemment pour admettre ces éléments.

Dans l'affaire du France, elle va estimer que l'imprévisibilité n'existait pas dans la mesure où les syndicats avaient fait savoir qu'ils s'opposeraient au désarmement par tous moyens.

Mais, on pourrait répliquer que la forme de l'action de l'action des syndicats restait cependant imprévisible alors que, de toute manière, l'armateur ne pouvait prendre aucune précaution pouvant l'empêcher.

La grève doit être irrésistible. Ici le caractère s'apprécie in abstracto : «normalement imprévisible». L'appréciation est plus sévère qu'en matière contractuelle.

L'extériorité est entièrement exigée, cet élément n'est pas contourné (alors que ce caractère n'était pas vraiment recherché dans la responsabilité contractuelle).

Il en résulte que la grève ne sera pratiquement jamais un cas de force majeure.

Comme on a pu le voir cette sévérité a été fortement critiquée par la doctrine ; en fait, il semble que la jurisprudence ait voulu établir une espèce de responsabilité de plein droit pour s'assurer dans des affaires semblables un responsable solvable.

C'est le même objectif, s'assurer un responsable solvable, qui a conduit les victimes de conflits sociaux à s'adresser aux pouvoirs publics pour obtenir réparation du préjudice subi.

PARTIE II :

LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE.

Les grèves par leurs conséquences économiques et financières : pertes et marchandises avariées, déroutement de navire et frais supplémentaires, pertes d'exploitation en général, etc...., engendrent de nombreuses actions en justice.

Celles- ci peuvent s'exercer entre personnes privées ou s'exercer à l'encontre des pouvoirs publics.

Il conviendra de mesurer dans cette deuxième partie les responsabilités qui peuvent découler de l'exercice du droit de grève tant chez les acteurs privés (chapitre I), que chez les autorités publiques (chapitre II).

CHAPITRE I :

LES RESPONSABILITES DES ACTEURS PRIVES.

Le fait de grève peut causer des préjudices divers et variés ; il peut entraîner dans le transport maritime, des litiges en cascade : immobilisation de la marchandise, déviation de navire, retard à la livraison, frais d'entrepôt et/ou de gardiennage supplémentaires, chômage technique, surestaries, pertes d'exploitation...La plupart des corps professionnels présents sur un port, sont pris en otage d'une grève d'un de ces derniers. Un tel mouvement laisse des marchandises en souffrance sur les quais, crée des délais d'acheminement allongés, perturbant ainsi toute la chaîne logistique. Le transporteur maritime se trouve en première ligne quant aux effets d'un tel blocage, de telles conséquences emportent nécessairement des effets sur sa responsabilité, engendrant ainsi de nombreuses actions en justice.

Il s'agira d'envisager les responsabilités qui peuvent naître des rapports grévistes et employés (section I), sans oublier les responsabilités entre les employeurs et les tiers (section II), du fait des conflits collectifs de travail.

Section 1 : DANS LES RAPPORTS GREVISTES ET EMPLOYEURS

Il s'agira ici, d'analyser la notion de force majeure dans la grève (paragraphe I) puis de faire, une appréciation jurisprudentielle et doctrinale de cette notion dans la grève (paragraphe II).

Paragraphe 1 : la grève en tant que cas de force majeure.

Lorsque le transporteur a démontré l'existence d'une grève, constitutive soit d'un cas excepté, soit d'un cas de force majeure, et qu'il s'est par cette démonstration, dégagé de la responsabilité qui pesait sur lui, le débat est-il clos, le procès s'arrête t-il ?

La plupart des corps professionnels présents sur un port, sont soumis, quant à leur responsabilité contractuelle au droit commun (en fait, presque tous, excepté le transporteur et l'acconier qui sont soumis au régime légal impératif).

S'agissant en général soit d'une obligation de moyen, soit de faire le résultat, ils sont soumis à l'article 1147 du Code Civil qui dispose que, le débiteur est responsable vis à vis du créancier du seul fait de l'inexécution du contrat, sauf s'il établit le fait du créancier ou du tiers ou la force majeure. La grève en tant qu'événement de force majeure, revêt un intérêt particulier dan le contrat d'affrètement.

En effet, la grève peut donc constituer un événement de force majeure, dans la mesure où elle est imprévisible, irrésistible et présente l'élément d'extériorité.

La grève, pour constituer un événement de force majeure, doit être tout d'abord imprévisible. L'imprévisibilité s'apprécie au moment de la conclusion du contrat, le débiteur contractuel ne doit pas avoir pu prévoir la grève au moment de son engagement.

Cette solution est affirmée expressément dans deux décisions : le Tribunal de commerce dans l'affaire du navire « Joseph Duhamel », a rappelé que « l'événement était imprévisible au moment de la conclusion du contrat ». En l'espèce, il s'agissait d'un navire de l'armement Delmas-Vieljeux, qui rentrait en forme de radoub, pour travaux ayant été retenu par une grève du chantier de réparation naval, l'armateur ayant assigné le chantier pour détention illégale. La Cour d'appel de Rennes, a quant à elle, énoncé que « la demande en dommages et intérêts pour retard dans l'exécution du contrat et la livraison du navire se heurte à un événement de force majeure », à savoir l'arrêt soudain de l'activité du chantier. Il peut s'agir par exemple d'une grève sans préavis.

Ainsi, la Cour d'appel d'Aix en Provence73(*), qui connaissait la solution très rigoureuse adoptée par la Cour de cassation en la matière74(*), prend bien soin de souligner les circonstances de fait par lesquelles elle estime devoir considérer que l'interruption de travail présentait en l'espèce, un caractère imprévisible : des grutiers concernées avaient travaillé en début de matinée et d'après-midi, ils ont «  subitement, dans des conditions parfaitement illicites », décidé de cesser leur activité en d'exécution du contrat de location, «de surcroît pendant une courte durée n'autorisant aucune mesure utile pour pallier les conséquences du comportement illégal».

Il est de jurisprudence constante, que cette conception retenue de l'imprévisibilité en matière de grève dans le domaine maritime, n'est pas spécifique à ce dernier, comme le prévoit la Cour de Cassation Chambre Mixte, qui énonce que «lors de la signature du contrat, il n'était pas possible de prévoir les grèves qui devaient se produire presque dix ans après»75(*).

La grève doit ensuite être irrésistible ou insurmontable. L'irrésistibilité, s'apprécie au cas par cas. L'analyse de la justice étant in concreto : « Attendu qu'en se déterminant ainsi... s'en rechercher concrètement. » L'irrésistibilité, comme l'a dit le Doyen Cornu, contient en elle-même deux éléments :

- Il faut d'abord que le débiteur contractuel n'ait pu empêcher la grève. Pour cela, il ne faut pas que la grève ait été suscitée par son attitude, son refus de négocier avec les salariés.Aujourd'hui, le patron ne peut rarement éviter la grève dans la mesure où les revendications sociales, surtout dans une enceinte portuaire, s'adressent le plus souvent à la politique nationale.

- Il faut ensuite que le débiteur contractuel ne puisse pas éviter les effets de la grève, autrement dit qu'il ne puisse pas réaliser son travail en prenant des mesures nécessaires. Ainsi saisir le juge par la voie des référés peut remettre en cause la licéité de la grève.

La Cour de cassation en France76(*) apprécie sévèrement cette impossibilité de s'opposer aux effets de la grève. Elle demande aux Cours d'Appel, de bien mettre en évidence cet «état de contrainte» du débiteur contractuel, de nature à le mettre dans l'impossibilité absolue d'exécuter ses obligations.

La grève doit enfin présenter un élément d'extériorité. On constate très souvent qu'il s'agit de la grève du propre personnel de l'entreprise débitrice. Alors, où est l'élément d'extériorité ?

Une partie de la doctrine, considère que les juges se contentent de rechercher l'extériorité, dans les causes du déclenchement du mouvement de grève, ce qui tend à rechercher de nouveau l'irrésistibilité.

Une autre partie de la doctrine, estime que l'extériorité résulte du fait que le personnel, en faisant grève, n'agit plus dans l'exercice de ses fonctions et n'a donc plus la qualité de préposé de l'entreprise.

En réalité, la notion d'extériorité est assez confuse et les juges ne semblent pas trop s'attacher à rechercher cet élément dans leur décision. Cette solution est tout à fait louable, car elle évite des solutions absurdes, qui ne retiendraient la force majeure qu'en cas de grève d'une autre entreprise.

Une grève, qui présente toutes les particularités de la force majeure, exonère automatiquement le débiteur contractuel.

En conclusion, en droit commun, une fois que la force majeure a été établie, tout le monde s'accorde pour admettre que le réclamant ne peut plus prétendre démontrer, l'existence d'une faute du débiteur contractuel relative à l'événement.

On peut considérer, qu'il s'agit de solutions logiques constamment réaffirmées par la jurisprudence, car il est difficile d'apprécier de manière générale un concept strict de la force majeure et une appréciation compréhensive de ce critère si rigoureux.

Par ailleurs, la force majeure, cause d'exonération de responsabilité, joue un rôle très important en matière de contrat d'affrètement, notamment en ce qui concerne les staries et l'obligation du fréteur.

Paragraphe 2 : Appréciations jurisprudentielles et doctrinales du cas de force majeure dans le contrat d'affrètement.

L'affrètement est la mise à disposition d'un navire moyennant une rémunération. Les parties contractantes sont le fréteur, qui laisse la disposition du navire et l'affréteur qui la prend.

Ces termes de fréteur et d'affréteur sont communs aux trois types d'affrètement que sont ceux au voyage, à temps ou bien l'affrètement coque-nue. Au fond, le fréteur est le propriétaire du navire ou l'armateur, qui en a la disposition. Pour cette raison, le fréteur est dénommé disponent owner en anglais.

L'instrumentum de l'affrètement est matérialisé par une charte-partie, définissant les droits et obligations des parties, la liberté contractuelle est de mise dans un tel contrat. Cependant les courtiers d'affrètement peuvent avoir recours et c'est souvent le cas en pratique à des chartes-parties types notamment en matière d'affrètement au voyage, certaines sont à vocation générale, comme la NEW YORK PRODUCE, la GENCON 1922-1976, la NUVOY 1984, la MULTIFORM 1986 ; d'autres plus spécialisées, sont utilisées pour telles marchandises déterminées, notamment la FERTIVOY 1988 pour le transport d'engrais et la SYNACOMEX 1990 pour le transport de céréales.

Quant à la grève, dans le contrat d'affrètement, elle soulève deux caractères particuliers. A savoir celui du boycott syndical dans le contrat d'affrètement (A), et celui des staries et surestaries (B).

A. L'affrètement face au boycott syndical.

En premier lieu, la question s'est posée de savoir si, l'obligation n'incombait pas au fréteur de remettre un navire à l'affréteur, non susceptible de faire l'objet d'un boycott notamment des syndicats. Le contrat d'affrètement au voyage ou à temps n'oblige t-il pas le fréteur ou son ship manager à garantir l'affréteur de tous incidents sociaux, notamment en fournissant un équipage soumis aux normes légales?

Une telle solution pourrait être fondée de deux manières : soit on considère que l'obligation incombant au fréteur de fournir un navire en bon état de navigabilité englobe celle d'offrir un navire susceptible de ne pas faire l'objet d'une immobilisation ; soit par un raisonnement négatif et en s'appuyant non plus sur la délimitation de l'obligation du fréteur mais sur le système de la responsabilité, on pose comme principe que toute immobilisation du navire engendre des dommages (même si la garantie de non immobilisation ne fait pas partie du contrat). Or la grève dans une telle circonstance ne revêtira jamais les caractères de la force majeure, notamment celui de l'imprévisibilité puisque ce sera le fréteur qui sera à l'origine de la grève en n'ayant pas consenti à soumettre l'équipage aux normes légales, donc ce dernier sera responsable.

La chambre arbitrale maritime de Paris s'étant saisi du problème, a par une sentence rendue en 198077(*) dans l'affaire du navire « Hinrich Oldendorff » ; s'est prononcée en faveur de l'affréteur, il s'agissait d'un navire battant pavillon Singapourien et appartenant à une obscure société libérienne comme c'est malheureusement souvent le cas en matière de shipping, la Holsatia Shipping Corporation. Ce navire avait été affrété par la CGM. Or, le navire à quai à Anvers avait fait l'objet de mouvements de grève des dockers belges.

La chambre arbitrale de Paris avait déclaré que « l'armateur (en l'espèce le fréteur) n'avait pas rempli son obligation, il devait être efficient, il ne l'était plus à partir du moment où les dockers d'un port, pour motif qui ne relève pas de la force majeure et ne résulte pas d'une faute ou d'un fait de l'affréteur... » Refusaient d'opérer ce navire. La formule utilisée par la Chambre arbitrale de Paris paraît mélanger le problème du contenu de l'obligation de fréteur et les causes exonératoires de responsabilité, or ces deux éléments peuvent justifier la solution mais ne doivent pas se confondre.

Ultérieurement, sous l'influence de la Court of Appeal Anglaise ainsi que des arbitres américains78(*), l'on est venue, à une position plus matérialiste : « l'obligation du fréteur de maintenir le navire en complet état d'efficacité quant à sa coque et sa machine durant le service (en quelque sorte en bon état de navigabilité) ne vise expressément que l'état matériel du navire »79(*). La sentence prise en définitive, projette que « la responsabilité du fréteur serait envisagée s'il avait connu avant le début du voyage, les risques pesant sur le navire... ou s'il avait négligé de se renseigner sur l'éventualité de tels risques ». On retrouve ici implicitement l'imprévisibilité.

Cette motivation appliquée à l'affaire du Hinrich Oldendorff n'aurait pas permis une solution différente de celle qui avait été retenue. En effet dans ce cas contrairement aux faits de la sentence du 15 juin 1986, l'armateur n'était pas aux normes légales et avait déjà eu des accrochages avec les syndicats, en foi de quoi les arbitres auraient pu souligner la négligence de l'armateur qui aurait pu éviter les incidents.

Or on conclut que le raisonnement développé par la sentence du 15 juin 1986 ne modifie pas radicalement les solutions mais gagne en clarté par un raisonnement simple et cohérent qui correspond parfaitement à la situation.

Par ailleurs on peut se poser la question de savoir si la responsabilité des ships managers s'occupant de manière croissante de la gestion et du recrutement de l'équipage (ship crew) ne doit pas pouvoir être recherché lorsque ces derniers fournissent du personnel en deçà des normes légales? Il serait souhaitable qu'une réponse positive l'emporte.

Malheureusement, certains armateurs peu scrupuleux en matière d'affrètement se renseignent sur les conditions sociales de certains ports susceptibles d'être  touché  par leur navire afin que ces derniers ne soient pas bloqués par des syndicats.

B. La grève, cas de force majeure en matière d'affrètement au voyage : staries et surestaries

Dans l'affrètement au voyage, le temps court contre le fréteur car le fret est fixé eu égard à l'expédition (quantité de marchandises et conditions de voyage). Le temps passé au port est une perte sèche pour le fréteur dont le navire ne rapporte pas. Il a donc intérêt à l'écourter. Pour se faire, il laisse une certaine durée à l'affréteur pour charger et décharger, étant entendu que l'affréteur paiera en plus si la durée prévue est dépassée.

Ce temps de planche (laytime) est appelé staries. Le temps ajouté est appelé surestaries, ces dernières peuvent parfois être très importantes en égard au retard pour opérer le navire.

De plus, d'après la doctrine commune au monde entier « une fois en surestaries, toujours en surestaries » (once on demurrage always on demurrage) qui emporta parfois des conséquences qui ont été de plusieurs centaines de milliers de dollars pour un seul navire, ainsi on peut tout à fait imaginer que la grève, événement de force majeure joue un rôle fondamental en matière d'affrètement au voyage.

Le plus souvent les chartes parties contiennent des clauses relatives80(*) à la suspension des staries, l'étude de ces clauses sera envisagée ultérieurement.

De multiples clauses organisent la situation notamment les clauses les plus communément utilisées que sont les clauses WIPON, WIBON, WIFON, WECCON. Le navire étant prêt à opérer qu'après qu'ait été remise une NOR (notice of readiness).

En l'absence de clause relative au problème de la suspension des staries, le droit commun a vocation à s'appliquer, c'est à dire que la faute du fréteur et la force majeure suspend le cours des staries.

La grève qui n'aura pas été prévisible au moment de la signature de la charte-partie, qui aura été assez générale pour que l'affréteur n'ait pu la briser ou la tourner et qui n'est pas due à la faute de l'affréteur constituera un cas de force majeure qui suspendra les jours de planche.

On ne reviendra pas ici sur l'appréciation des caractères de la force majeure.

Ainsi, dans une affaire « Automoteur, La Chance »81(*) intervenue en matière d'affrètement fluvial, l'arrêt retient l'attention au regard d'un événement de force majeure suspendant le cours des staries.

Un chaland automoteur, se rendant vers la section maritime du port de Rouen pour y décharger sa cargaison de farine, avait été bloqué pendant près d'un mois par des barrages de mariniers. Par application des usages du port de Rouen, le délai de planche était de deux jours à compter de l'arrivée dans la section fluviale du port, et la propriétaire de l'automoteur réclamait le paiement de 29 jours de surestaries.

La cour d'appel l'avait débouté de sa demande au motif que s'agissant d'un cas de force majeur, le délai de planche n'avait pu courir. Le fréteur avait intenté un pourvoi en cassation en invoquant, entre autres, comme moyen du pourvoi, le fait que l'affréteur aurait pu décharger au port fluvial et faire le transport par voie terrestre.

La Chambre commerciale a rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d'appel, et il semble que, ce faisant, elle ait admis l'application d'une force majeure atténuée.

Au regard du critère d'imprévisibilité, la Cour suprême a considérée le « caractère inopiné » de l'événement relevé par les juges du fond.

Quant au critère d'irrésistibilité qui, en matière contractuelle, est facilement privilégié par les décisions arbitrales ou judiciaires, l'arrêt rapporté reste indécis. En effet il se contente d'affirmer que c'est sans renverser la charge de la preuve que la Cour d'appel a considéré que l'affréteur « avait établi l'existence de faits permettant de décider que le barrage présentait les caractères de la force majeure » tandis que le fréteur ne rapportait pas la preuve contraire.

Cette application de la force majeure atténuée paraît conforme à ce qu'en dit le doyen Rodière82(*). Il considère que l'application des règles de droit commun conduit à suspendre le délai des staries « pendant les jours où le travail ne peut pas se faire par l'effet d'une cause indépendante de la volonté de l'affréteur ».

Par ailleurs par analogie avec les circonstances de l'espèce, on reliera ce que dit le doyen Rodière83(*) des conditions que doit remplir la grève des dockers pour être suspensive du délai des staries, en l'absence de toute clause à cet égard.

Comme on a pu le voir précédemment la grève des dockers est très fréquente, elle appuie aussi bien les revendications des dockers que, par solidarité d'autres revendications.

Le droit privé ne verra dans les origines, l'ampleur, l'intensité et la durée de la grève que des éléments propres à reconnaître si le mouvement était imprévisible ou insurmontable, pour l'affréteur, c'est à dire si la grève peut être considérée comme un élément de force majeure.

Tout en tenant compte des caractères modernes de la grève et du fait que les dockers sont uniquement recrutés par leur syndicat et non par l'affréteur, on doit, notre droit positif n'ayant pas particulièrement été bouleversé, déclarer que la grève des dockers en l' « absence de toute clause de la charte », ne suspend le cours des staries que si :

- la grève n'était pas prévisible à l'époque où la charte a été signée et le délai des staries fixé 84(*) ;

- la grève a été assez générale pour que l'affréteur n'ait pu ni la briser ni la tourner, c'est sur ce dernier point que les caractères modernes de la grève doivent être pris en considération de sorte que cette dernière condition sera généralement satisfaite85(*).

- La grève n'est pas due à la faute de l'affréteur86(*), cette condition sera également satisfaite en général, étant donné que l'affréteur et l'acconier sont deux entrepreneurs indépendants.

En définitive, on peut considérer, en ce qui concerne les staries, que la logique conduit à suspendre le délai de ces dernières dès lors que le chargement ou le déchargement ne peut pas se faire par l'effet d'une cause indépendante de la volonté de l'affréteur.

Le contrat d'affrètement tout comme le contrat de transport étant régi pour l'essentiel par la volonté des parties, il contient de nombreuses clauses relatives à la grève.

Section 2 : Dans les rapports employeurs et grévistes

Le fait de grève peut causer des préjudices divers et variés.

La grève peut entraîner dans le transport maritime, des litiges en cascade : immobilisation de la marchandise, déviation de navire, retard à la livraison, frais d'entrepôt et ou de gardiennage supplémentaires, chômage technique, surestaries, pertes d'exploitation...

La plupart des corps professionnels présents sur un port, sont pris en otage d'une grève d'un de ces derniers. Un tel mouvement laisse des marchandises en souffrance sur les quais, crée des délais d'acheminement allongés, perturbant ainsi toute la chaîne logistique.

Le transporteur maritime se trouve en première ligne quant aux effets d'un tel blocage, de telles conséquences emportent nécessairement des effets sur sa responsabilité, engendrant ainsi de nombreuses actions en justice.

Le principe de la liberté contractuelle énoncé à l'article 1134 du Code civil permet aux parties contractantes d'aménager le contrat à leur convenance, néanmoins cette latitude reste encadrée par la loi.

Ainsi les conséquences d'une grève sur l'exécution du contrat peuvent éventuellement être réglées par la volonté des parties.

Ces clauses et les limitations de responsabilités qui sont très fréquentes et sont régies pour les premières quant à leur interprétation et leur validité par les articles 1134 à 1160 du Code civil, et pour les secondes par les différentes conventions internationales.

De telles clauses et limitations de responsabilités visent dans le transport de marchandises par mer les dommages autres que ceux subis par la marchandise (dus au retard causé par la grève, en particulier), ainsi que des pertes de loyer pour le fréteur qui se trouvera dans une situation off hire si ces dernières avaient été portées dans la charte partie ou bien des frais supplémentaires, pouvant apparaître comme du surfret pour l'affréteur.

Ces clauses (paragraphe I) de grève et ces limitations de responsabilité (paragraphe II), présentent donc un intérêt particulier dans le contrat de transport et dans le contrat d'affrètement.

Paragraphe 1 : Les clauses de grève et les limitations de responsabilités

Il s'agira d'analyser les différentes clauses de grève (A) et les limitations de responsabilités (B), existant dans le transport maritime.

A. Les clauses de grèves

Les clauses de grève doivent être analysées d'abord dans les contrats de transport et ensuite dans le contrat d'affrètement.

1. Dans les contrats de transport

En application du contrat de transport, le transporteur maritime est tenu de délivrer la marchandise au port convenu. Si une grève se déclenche au port de destination bloquant ainsi son accès, que peut faire le transporteur ?

Attendre, cela ne paraît guère possible car le transporteur assure en général des lignes régulières, il sera donc obligé soit de ramener la marchandise, soit de la décharger dans un autre port ou au moyen de barge lorsque ce dernier est bloqué par des conflits sociaux87(*).

Mais dans ce cas, le transporteur n'aura pas rempli son obligation et il devra payer les frais de réexpédition et même éventuellement des dommages et intérêts.

Pour éviter de telles situations, il est inséré dans les connaissements des clauses qui ne sont pas des clauses d'exonération de responsabilité puisque celles-ci sont prohibées par la loi du 18 juin 1966 et la convention de Bruxelles de 1924 ; mais des clauses appelées « liberty clause » qui limitent le contenu de l'obligation.

Ces clauses sont pour la plupart ainsi libellées : « si pour une raison quelconque, les marchandises ne sont pas déchargées au port de destination, le navire est libre de les décharger à son retour ou de les réexpédier par n'importe quel moyen, ou de les décharger au port d'escale le plus proche, le tout aux frais des marchandises »88(*).

Afin que de telles clauses puissent jouer en faveur du transporteur maritime un certain nombre de conditions doivent être réunies.

Tout d'abord à titre préliminaire, cette clause qui permet un déroutement du navire dans l'hypothèse d'une grève au port de destination doit avoir été acceptée par le chargeur.

L'acceptation par le chargeur suppose qu'il ait connu les risques de blocage au port de destination. Sur ce fondement le tribunal de commerce de Marseille par jugement du 22 mars 200289(*) a condamné partiellement le transporteur maritime qui a acheminé des marchandises vers une destination où les risques de grève du personnel de la manutention étaient connus de tous les professionnels du transport. Ainsi l'imprévisibilité de l'événement ne pouvait être soulevée par le transporteur maritime ni même par les réclamants car l'événement était lui même prévisible.

Par ailleurs comme le souligne Maîtres Brejeux et Cadiet90(*), dans cette espèce une action contractuelle des chargeurs contre les transporteurs maritimes semble fondée. En effet le litige intéresse le transport maritime et tant que la marchandise n'a pas été livrée conformément aux stipulations du connaissement, le transporteur peut être déclaré responsable.

Pour satisfaire à ses obligations, il appartient à celui-ci de trouver une solution et d'user de n'importe quel moyen susceptible d'achever la phase du transport, ainsi de prendre des mesures nécessaires et appropriées pour remédier aux conséquences de la grève.

Dans notre espèce cette obligation pesant sur le transporteur maritime apparaît juridiquement d'autant plus fondée que, depuis l'arrêt Merci Convenzionali Porto Di Genova c/ Siderrurgica Brielli du 10 décembre 1991, il a été posé le principe qu'il n'y avait pas d'obligation de recourir à du personnel docker à propos du déchargement d'un navire, les opérations de manutention pouvant se faire avec le matériel du bord, le matériel du navire, ou tout autre entreprise. Cette argumentation est d'autant plus vraie quant à la libéralisation des services portuaires.

Dans le jugement susmentionné rendu par le tribunal de commerce de Marseille, les juges même s'ils ont apprécié partiellement la mise en cause du transporteur maritime, ils ont considéré qu'il était difficile au transporteur maritime de prétendre avoir été surpris par le mouvement de grève dès lors qu'il avait accepté de prendre en charge des marchandises à destination de Pointe à Pitre, port bloqué par les dockers, à une date où le mouvement durait depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Par ailleurs le tribunal de commerce de Marseille91(*) a pu considérer que la clause par laquelle le transporteur se réserve le droit de modifier l'ordre prévu des escales est licite lorsque la suppression d'une escale a été rendue nécessaire par des grèves et que l'article 4-2 de la convention de Bruxelles de 1924 exonère le transporteur de toute responsabilité en cas de pertes ou dommages pour grèves, arrêts ou entraves apportés à la liberté du travail, en l'espèce la marchandises (agrumes) a été débarqué avariée dans un port de substitution, à Trieste au lieu de Marseille, ici les faits de grève rencontrés par le bord exonèrent le transport de toute responsabilité.

Ensuite, il faut que la grève présente un caractère inopiné, imprévisible, tel n'est pas le cas d'un encombrement chronique d'un port92(*).

Par contre, il n'est pas nécessaire que la grève présente un caractère insurmontable car le transporteur pourrait toujours attendre la fin du conflit social pour accomplir son obligation93(*).

Le transporteur doit tout de même faire preuve de diligence dans le réacheminement des marchandises et ne pas avoir abusé de la liberty clause, ainsi le transporteur n'est pas exonéré de sa responsabilité lorsque le chargeur démontre la faute du transporteur ou de ses préposés, par exemple l'absence de mesures propres à assurer la bonne conservation de la marchandise94(*).

Par ailleurs la liberty clause présente un intérêt évident en cas de dommage causé à l'entreprise elle même par le retard, ainsi comme le fait remarquer Mr Fieschi95(*)il ne serait pas possible d'allonger contractuellement la liste des cas énumérés, mais il est permis au transporteur de se déclarer irresponsable en cas de retard, lorsque le retard n'a pas causé de perte ou de dommage à la marchandise, parce que le retard qui cause un dommage à la seule entreprise n'est pas envisagé par la loi.

Ceci est vrai quelle que soit la cause du retard96(*), à plus forte raison, en sera-t-il ainsi lorsque le transporteur désigne dans le connaissement la cause du retard (grève).

Des clauses à peu près semblables se retrouvent dans le contrat d'affrètement.

2. les clauses de grève dans le contrat d'affrètement.

Les conflits collectifs dans les ports occasionnent généralement des retards dans le chargement et le déchargement, ce qui parfois peut inciter les partenaires commerciaux, même si en pratique il ira de l'intérêt du fréteur, à opérer un détournement ou une déviation du navire afin d'éviter la zone de grève.

Ces incidents ne présentent pas le même intérêt selon qu'il s'agit d'une charte partie au voyage ou d'un affrètement à temps.

Dans l'hypothèse d'un affrètement à temps, qui est un contrat par lequel le fréteur s'engage à mettre un navire armé à la disposition d'un affréteur pour un temps défini, la gestion commerciale du navire est confiée à l'affréteur qui paie le fret en fonction du temps de «location»du navire. Ainsi c'est l'affréteur qui assume le risque de perte de temps causé par un détournement ou un retard.

Il s'ensuit que les chartes parties à temps ne présentent pas, en général, de clause expressément consacrée à la grève puisque l'affréteur est libre de changer de «route» ou d'attendre.

On y trouve seulement une clause97(*) assez générale qui stipule par exemple « que les déficiences d'hommes... qui empêchent ou entravent le fonctionnement du navire plus de 24 heures consécutives suspendent le paiement du loyer... », ou bien la clause n°15 de la New York Produce « en cas de perte de temps causée par la déficience des hommes...aucun loyer ne sera payé ».

En revanche, dans les chartes parties au voyage qui représentent le contrat par lequel le fréteur met un navire à la disposition de l'affréteur en vue d'accomplir un ou plusieurs voyages, le fréteur est rémunéré soit en fonction de la cargaison, soit forfaitairement et il conserve la gestion commerciale.

Dès lors n'ayant pas intérêt à ce que le voyage « s'éternise », il instaure des staries ou jours de planche (limitant la durée du chargement et ou du déchargement) que doit respecter l'affréteur sous peine de devoir verser des surestaries. Mais le fréteur est, lui, contraint d'amener le navire au port désigné par l'affréteur.

Ces deux obligations, l'une relative au fréteur, l'autre à l'affréteur, peuvent être écartées en cas de grève.

a. Le respect des staries.

Les staries sont, comme il a été dit précédemment, suspendues par un cas de force majeure, lequel peut être représenté par une grève.

Mais le plus souvent les chartes parties au voyage contiennent des clauses relatives aux incidences de la grève sur les staries même hors cas de force majeure. Elles peuvent être favorables à l'affréteur, c'est à dire prévoir la suspension des staries en cas de grève, ou défavorables, autrement dit prévoir le paiement des surestaries.

1. Enumération des clauses.

La strike clause de la charte partie Synacomex énonce « qu'en cas d'impossibilité de chargement ou de déchargement par suite de grève, lock out du personnel portuaire ou en raison d'obstacle en dehors du contrôle de l'affréteur le temps alloué pour charger ou décharger ne comptera pas pour la durée de cette impossibilité pourvu que l'affréteur ait fait une diligence raisonnable pour tenter d'effectuer les opérations commerciales du navire au tarif usuel ».

Il existe un certain nombre de chartes parties comportant une clause semblable98(*).

D'autres clauses sont assez défavorables à l'affréteur, ainsi la clause spéciale de grève de la BIMCO : « ... si le navire souffre d'une perte quelconque de temps du fait qu'il a été empêché...de charger ou de décharger ou qu'il n'a pu le faire qu'avec retard en conséquence directe ou indirecte d'une grève quelconque, d'un lock out...les affréteurs seront responsables et seront tenus d'indemniser les fréteurs ».

Enfin certaines clauses prévoient un compromis entre les intérêts du fréteur et ceux de l'affréteur tout en précisant à titre préliminaire que personne n'est responsable des conséquences de la grève, notamment dans la charte partie Gencon : « au chargement, si celui-ci n'a pas commencé, le fréteur en cas de grève, a le choix de résilier le contrat. Pour le déchargement, l'affréteur a le choix soit de laisser le navire en attente moyennant paiement de la moitié des surestaries jusqu'à l'expiration du temps prévu pour l'opération, soit d'envoyer le navire dans un autre port » (étant précisé que la jurisprudence française contrairement à celle anglaise n'admet le paiement des surestaries que jusqu'au début du déchargement et non jusqu'à la fin de celui-ci99(*)).

Il existe d'autres clauses de portée plus générale : C/P Cemenco, clause n°6 ; C/P Medcon, clause ; Polcoalvoy : clause 29. Celles-ci exonèrent l'affréteur pour toute grève même si elle ne concerne qu'indirectement le port.

En présence de telles clauses qui suspendent l'écoulement des jours de planche où évitent le paiement d'indemnité de retard, l'affréteur doit donc prouver la grève et le lien de causalité entre la grève et le retard.

2. L'action de l'affréteur.

L'affréteur doit établir le fait de grève. Mais que signifie le terme «grève» dans la clause ?

Ce terme englobe normalement toutes les formes de conflit social : le lock-out (qui est la décision par laquelle un employeur interdit aux salariés l'accès de l'entreprise à l'occasion d'un conflit collectif de travail), l'occupation de locaux et même le boycottage.

Cette dernière hypothèse a été affirmée dans la sentence « L'Armoricain »100(*). Il s'agissait en l'espèce d'un vraquier transportant du blé de France en Grande Bretagne. Le navire n'avait pu être déchargé pendant une semaine par suite de la décision des syndicats de dockers anglais qui refusaient de décharger de la cargaison en signe de protestation contre les essais nucléaires auxquels la France procédait. La Chambre arbitrale a affirmé que le « boycottage est assimilé à la grève », donc la Gencon strike est applicable.

Par contre, les arbitres exigent le plus souvent que la grève soit totale, une sentence n°268 du 27 juin 1978101(*) précise que la « grève ne suspend les staries que si elle est totale sauf si la non assimilation de la grève partielle à la grève totale est absurde ».

De manière générale, la clause de grève dans le contrat d'affrètement va jouer dès qu'il y a impossibilité de charger ou décharger la cargaison pour fait imputable à une grève, les arbitres au terme de la strike clause de la Synacomex 90 ont ainsi considéré dans une sentence n°1040 du 20 novembre 2000102(*) « qu'aux termes de la clause de grève, il faut qu'il y est impossibilité de décharger du fait de la grève pour qu'elle puisse trouver application ».

En pratique une question peut se poser, celle de savoir si la grève doit revêtir les caractères de la force majeure ? Normalement, la grève ne devrait pas revêtir les critères de la force majeure car l'exigence de ces caractères ôte tout intérêt à la clause puisqu'on revient, dans ce cas, au droit commun de la force majeure.

Et pourtant, les chambres arbitrales semblent rester attachées aux éléments de la force majeure : une sentence n°56 du 29 avril 1970103(*) précise que « le refus des dockers du port de Rouen de travailler en dehors des heures normales ne constitue pas une fait de grève, lequel de plus, ne présentait pas les caractères de la force majeure ».

Une sentence n°358 du 1er juillet 1980 témoigne que la « clause de grève est une clause d'exception et celui qui l'invoque doit fournir tous les éléments permettant de l'accepter », par ailleurs en l'espèce concernant la strike clause de la Synacomex la notion de grève a été interprétée de manière restrictive « les affréteurs ne peuvent réclamer le remboursement des surestaries correspondant à des mouvements de travail au ralenti et au refus de travailler en overtime ».

De même une sentence n°685 du 12 novembre 1987 réaffirme l'exigence de la réalité de la force majeure à propos de la général strike clause « l'affréteur doit faire état de la cause étrangère pour justifier l'inexécution de l'obligation lui incombant de charger à bord du navire... ».

Cette position de la Chambre arbitrale est discutable car elle peut rendre les clauses de grève inutiles, elle est de plus contraire aux prescriptions de l'article 1157 du Code civil qui dispose que l'on interprète les clauses de manière à leur donner un sens.

L'affréteur est tenu d'établir ensuite l'existence d'un lien de causalité entre la grève et le retard. Il faut que l'affréteur ait fait preuve dans certains cas d'une diligence raisonnable, autrement dit qu'il ait essayé par tous les moyens de se procurer la main d'oeuvre nécessaire pour le chargement ou le déchargement.

Toutefois, en droit français, l'effet de la grève sur les staries est à moduler en fonction du point de départ des staries. Si celles-ci ne débutent que lorsque le navire est à quai (clause time lost is waiting for berth)  la grève qui survient pendant le temps d'attente n'aura aucun effet dérogatoire. En revanche, si les staries débutent dès l'arrivée au port (port charter) nonobstant l'absence de poste à quai disponible, la grève suspend le cours des staries.

b. Des clauses relatives à l'obligation du fréteur de conduire le navire au port indiqué.

Le fréteur est tenu d'amener par l'intermédiaire de son capitaine, le navire aux ports désignés dans la charte partie, soit dans ceux annoncés ultérieurement par l'affréteur dans la limité d'une zone préalablement déterminée.

Ainsi, dans le cas d'empêchement durable d'entrée dans le port, le capitaine doit obéir aux ordres donnés d'un commun accord par le fréteur ou l'affréteur ou à défaut se rendre dans un port voisin où il pourra décharger. Cela permet au cours d'une grève durable, de détourner le navire dans un port de substitution.

Il existe également une clause assez générale qui est susceptible de s'appliquer à la grève, c'est la clause « aussi près que » (near). Elle permet à l'affréteur de conduire le navire au port le plus proche lorsque celui qui était désigné par ses soins est victime de conflits sociaux.

Pour que le fréteur puisse user de cette clause, il faut que la grève n'ait pas été connue par ce dernier au départ et qu'ensuite l'attente au port désigné paraisse irraisonnable.

La jurisprudence exigeait seulement l'imprévisibilité de l'événement appréciée au moment de la conclusion du contrat104(*), or comme on a pu le voir précédemment la jurisprudence admet que la force majeure soit constituée également par la seule irrésistibilité de l'événement.

La clause permet de mettre les frais d'allèges, de manutention et de transport supplémentaire à la charge de l'affréteur.

La jurisprudence anglaise ne retient pas les mêmes critères pour l'application de cette clause ; elle distingue l'événement permanent et l'événement temporaire.

Seul l'événement permanent au moment de l'arrivée au port permet au fréteur de se rendre dans un autre port.

Le Doyen Rodière souhaitait l'application de ce critère au droit français. Mais, la grève n'étant pratiquement jamais un événement permanent, le fréteur ne pourrait plus se rendre dans un autre port.

Il en résulte que l'application du critère anglais ne paraît guère convaincante. Encore que, l'application des critères anglais n'est plus gênante dès lors qu'il existe des clauses spécifiques à la grève qui permettent le déroutement du navire.

C'est le cas de la strike clause Gencon : « l'affréteur a le choix d'attendre en payant la moitié des surestaries ou d'envoyer le navire dans un autre port » (on remarque toutefois ici que c'est l'affréteur qui a l'initiative de proposer le changement de port contrairement à la clause «aussi près que»).

Le changement de port implique souvent un transbordement de marchandises pour livrer celles-ci au port initialement prévu. Bien que cette mesure soit utilisée dans le contrat de transport, elle peut s'appliquer à l'affrètement, et les frais de transbordement seront donc à la charge de l'affréteur.

On constate en matière de clause de déroutement pour cause de grève une certaine similitude entre le transporteur maritime et l'affréteur car on ne se situe pas ici au niveau de la responsabilité (dont le régime est impératif pour le transporteur) mais au niveau de la détermination de l'obligation.

Les règles que nous venons d'indiquer ont été pendant longtemps les seules applicables. Or, les transports maritimes sont soumis, en ce qui concerne les conditions auxquelles doivent satisfaire la grève pour exonérer le transporteur de sa responsabilité, à des règles particulières, résultant pour les transports internationaux, de la convention de Bruxelles du 25 avril 1924, et, pour les transports internes, de la loi nationale.

B. Les limitations de responsabilités

En ce qui concerne les transports maritimes, la grève est devenue tant dans notre législation nationale, qu'en droit international, un « cas excepté », c'est à dire un événement dont la seule preuve de l'existence (à condition toutefois qu'il présente un lien de causalité avec le dommage), exonère le transporteur de sa responsabilité.

En effet l'article 4, alinéa 2-j de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, exonère le transporteur des dommages provenant « de grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportées au travail pour quelque cause que ce soit, partiellement ou complètement ».

De même, les frais de transbordement sont mis sur un autre navire à la charge de la marchandise, lorsque l'interruption du voyage est due aux cas d'exonération, dont la grève, d'où l'intérêt en pratique pour les chargeurs de souscrire une «assurance grève » lorsqu'ils touchent des ports à risque.

Les conditions d'exonération du transporteur maritime, en cas de grève sont moins rigoureuses que les conditions d'exonération du transporteur de droit commun.

En premier lieu, il faut, mais cela est évident qu'il s'agisse d'une grève, c'est à dire d'un arrêt concerté et volontaire du travail, et non d'un arrêt forcé105(*).

L'absence de faute relative à ces événements, à l'inverse de ce qui se passe en droit commun, est présumée.

Il y a donc, quant aux conditions que doit remplir la grève pour être libératoire, des solutions propres au transport maritime.

Il nous faut donc constater que, si la grève libère le transporteur de sa responsabilité, il doit néanmoins exister un lien de causalité entre la grève et le dommage subi.

1. L'exonération du transporteur par la preuve de l'existence d'une grève.

Pour être exonéré de sa responsabilité, le transporteur n'a pas à démontrer que la grève présente les caractères de la force majeure.

Il lui suffit d'établir l'existence de l'événement, les textes semblent clairs sur ce point. Cependant, si la quasi-unanimité des auteurs est d'accord, pour adopter cette opinion il n'en va pas de même de la jurisprudence.

a. Les positions doctrinales.

Les auteurs admettent que, la convention de 1924, déroge au droit commun en ce qui concerne les conditions que doit remplir la grève pour exonérer le transporteur maritime de sa responsabilité et que, par conséquent, la grève libère elle-même le débiteur.

En effet comme l'écrit M.Fraikin, «  s'il en était autrement, la mention de l'alinéa 4 de l'article 4 serait absolument superflue : il faut donc interpréter cette disposition comme le préconise l'article 1157 du Code Civil au sujet des contrats, dans le sens qui lui permet d'avoir quelque effet. Il faut décider en conséquence que l'armateur sera exonéré même par une grève partielle ou prévisible : il lui appartiendra seulement de prouver le lien entre la grève et l'inexécution du contrat »106(*).

C'est également l'opinion du doyen Ripert107(*), qui considère comme « fausse la théorie d'après laquelle l'exclusion de responsabilité ne pourra être invoquée que dans l'hypothèse où le cas prévu par la loi ne pourra être invoquée que dans l'hypothèse où le cas prévu aurait le caractère d'un cas de force majeure ». « Si la loi devait être ainsi interprétée, elle se séparerait complètement de la convention internationale ».

Or il résulte des travaux préparatoires de la loi qu'on a voulu abréger la liste des cas exceptés en supprimant ceux qui paraissaient rentrer dans la notion trop générale de force majeure du droit français, mais que les cas maintenus l'ont été parce qu'ils ne constituaient pas nécessairement des cas de force majeure.

Le doyen Rodière108(*) considère par ailleurs : « il suffit que le transporteur établisse que le dommage a été causé par une grève, il est a priori libéré...C'est donc une erreur que de requérir de la grève qu'elle réponde à la définition de la force majeure »

M. Bonassies109(*) justifie cette position en constatant que la grève est visée de façon particulière dans la convention, indépendamment de la force majeure.

Si l'ensemble des auteurs est unanime sur l'interprétation à donner aux textes, cette dernière donne lieu à des difficultés lorsque nos juridictions ont eu à en connaître.

b. Les solutions jurisprudentielles.

Il semble difficile de connaître la position des juges sur cette question tant leur analyse se fait de manière in concreto à la lumière des faits et non au vu des textes.

Leur décision, même si elles apparaissent pragmatiques se détournent parfois de leur fondement textuel.

Ainsi par exemple, le tribunal de commerce de Marseille dans un jugement du 24 octobre 1950110(*) a décidé que le « transporteur maritime n'est plus responsable des avaries subies par la marchandise à lui confiée lorsqu'elles sont la conséquence des manipulations supplémentaires provoquées par une grève des dockers du port de déchargement ».

Le même tribunal par un jugement rendu le 2 février 1982111(*)a considéré « qu `en cas d'avaries survenues par suite de retards dus à des grèves au port prévu, le transporteur maritime est exonéré de sa responsabilité en vertu des dispositions de l'article 4§2 de la convention de Bruxelles de 1924 ».

La Cour de cassation112(*) a considéré comme justifiée la décision de déroutement prise par le transporteur maritime dès lors qu'il existait un « risque très sérieux d'incidents dans les ports plus proches du port de destination (bloqué par des marins pêcheurs) », cette décision du transporteur ne pouvait être qualifiée de déraisonnable et « les juges d'appel ont justifié leur décision au regard de la convention précitée ».

Ainsi, la Cour suprême a fait droit aux dispositions de la convention de Bruxelles exonérant le transporteur maritime de sa responsabilité lorsque celui-ci se trouve face à un risque de blocage aux abords du port de destination.

Ces quelques décisions adoptent donc l'interprétation des textes données par la majorité de la doctrine.

Cependant, il existe des décisions en sens contraire qui sont bien souvent plus nombreuses que celles appliquant à la lettre les dispositions législatives et ou conventionnelles.

On peut citer par exemple un autre jugement du tribunal de commerce de Marseille, du 17 janvier 1956113(*). Une grève du personnel de la manutention sévissant au port de Marseille, le réceptionnaire de la marchandise, sachant que le gardiennage de celle-ci ne pouvait être assuré sur le quai, enleva tout ou partie des lots appartenant à ses mandants. C'est seulement un mois après l'accostage du navire que le réceptionnaire fit procéder à des constats révélant des pertes.

Les assureurs de la marchandise, comme c'est souvent le cas en matière de réclamation, agissant en qualité de subrogés aux droits du réceptionnaire et autres, demandèrent au tribunal de commerce de Marseille de condamner le transporteur à réparer le dommage causé par la perte d'une partie de la marchandise. Le transporteur invoqua pour sa défense la grève des dockers, cas excepté de responsabilité.

Le tribunal fit droit aux assurés car il appartenait au transporteur maritime de « rapporter la preuve du caractère irrésistible de la grève sévissant alors dans le port ».

Cette décision manifeste un retour pur et simple aux règles antérieures concernant l'effet exonératoire de la grève, puisqu'elle exige, pour que la grève ait cet effet, qu'elle présente les caractères de la force majeure ; elle nie totalement l'apport de la loi, puisqu'il est dit, et c'est là certainement l'essentiel, qu'aucune règle spéciale du droit maritime n'est venue supplanter le droit commun sur ce point.

Pour cette raison, la décision a été unanimement critiquée par la doctrine114(*).

On remarquera que le tribunal de commerce de Marseille est revenu sur sa jurisprudence, ainsi qu'en témoigne un jugement du 26 mars 1971115(*) concernant un fait de lock-out dans lequel il affirme : le transporteur est exonéré de toute responsabilité s'il établit que les manquants survenus à la marchandise qu'il avait à transporter proviennent d'un lock-out ».

Mais on s'apercevra en général que les juges consulaires ou autres magistrats supérieurs ne se livrent guère à une appréciation stricto sensu des textes qui nous intéressent, ils établissent leur décision au cas par cas et recherchent souvent la diligence du transporteur.

Ainsi, il appartient au transporteur de rapporter la preuve que le dommage résulte bien de la grève116(*).

De même, le transporteur n'est pas exonéré de sa responsabilité lorsque le chargeur démontre la faute du transporteur ou de ses préposés, par exemple l'absence de mesures propres à assurer la bonne conversation de la marchandise117(*) ou encore la décision prise par le transporteur de continuer à escaler dans des ports touchés par des conflits sociaux118(*).

Par ailleurs une grève ne peut être prise en considération que si elle existe au jour où l'escale pour déchargement est prévue et non la veille119(*).

La jurisprudence devient très sévère à l'égard du transporteur à l'image des tribunaux américains : une décision Lykes Brothers Company120(*) qui retient la responsabilité du transporteur à la suite d'infestation de la farine transportée alors que la grève avait immobilisé le navire et causé ainsi des dommages à la marchandise. La cour estima que « le cas excepté de grève ne relève le transporteur de son obligation de soigner la marchandise que dans la mesure où la grève rend déraisonnablement difficile de continuer à la soigner ».

Au vu des différentes décisions, la jurisprudence reste aléatoire pour envisager la grève comme cas excepté « total » de responsabilité pour le transporteur maritime.

Cependant encore faut-il que la grève conformément au droit commun présente un lien de causalité avec l'inexécution dommageable.

2. Le lien de causalité entre la grève et l'inexécution dommageable.

1°) Une fois démontrée l'existence de la grève, le transporteur doit établir que cet événement a été à l'origine de l'inexécution de son obligation de façon directe ; ou encore que l'inexécution en est la conséquence.

Cela explique que la preuve par le destinataire d'une faute du transporteur engendre, à nouveau, malgré l'existence de la grève sa responsabilité partielle ou totale.

Il faut, que la grève dont se prévaut le transporteur constitue une véritable entrave au travail, un obstacle sérieux à l'exécution du contrat, sans quoi le transporteur risquera d'invoquer n'importe quelle grève n'ayant entraîné qu'une petite gêne, parfois inexistante, comme a dit le doyen Rodière : « il faut s'assurer que la grève est bien la cause du dommage souffert par la marchandise ».

2°) La jurisprudence admet ce lien de causalité au cas par cas et à la lumière d'indices factuels qui ont souvent force probante afin de déterminer ou non la responsabilité du transporteur maritime en cas d'inexécution de son obligation imputable à la grève.

- Le tribunal de commerce de Marseille a statué sur cette question par le jugement précité du 26 mars 1971. Il s'agissait d'un transport de 1000 caisses de figues à destination de Marseille. Par suite d'un lock-out qui sévissait à l'époque dans ce port (assez « coutumier » en ces temps), les caisses avaient déchargées à Saint-Raphaël. Au déchargement, des manquants furent constatés et le destinataire assigna le capitaine et le transporteur à fin du dommage ainsi causé. Les défendeurs soutenaient que le grappillage sur les cargaisons au port de substitution s'était produit pendant la période du lock-out du port de Marseille et demandaient en conséquence à bénéficier des dispositions de la convention.

Mais le tribunal de céans rejeta leur moyen de défense en observant : « il résulte des circonstances de la cause que, s'il exact que le navire Mickey Smits n'a pas accosté au port de Marseille en raison du lock-out qui y sévissait, il a pu normalement débarquer dans le port de Saint-Raphaël qui n'était pas atteint par le lock-out, les marchandises à destination de Marseille. Les pertes subies par la marchandise transportée qui paraissent provenir du grappillage qui se serait produit sur le port de Saint-Raphaël, ne peuvent provenir d'un lock-out puisqu'il n,'en existait pas dans ce port.

Dans ces conditions, le transporteur n'est pas fondé à se prévaloir du cas excepté à son profit.

Le lock-out n'était donc en l'espèce que la cause indirecte des manquants, il était la cause directe du déroutement vers un port où précisément, il n'y avait pas de blocage.

- On peut encore citer un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence en date du 7 décembre 1971121(*), des marchandises furent débarquées à Marseille du navire Yaga en provenance d'Athènes. Le transitaire prit livraison de la marchandise et l'a pris sous sa garde durant trois semaines car le port était bloqué par un lock-out et les opérations de livraison paralysées par ce conflit social. A la livraison, le destinataire constatant des manquants, assigna le transporteur en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marchandise.

Par jugement du 12 février 1971, le tribunal de commerce débouta la demanderesse de son action parce que, estimait-il, le manquant s'était bien produit pendant la période du lock-out et que le transporteur pouvait se prévaloir du cas excepté.

La cour d'appel d'Aix infirma cette décision en constatant que : « la preuve qu'il y a concomitance entre la perte de la marchandise et la période de lock-out n'est donc pas établie, moins encore celle que cette perte a pour origine le lock-out... dans ces conditions le bord auquel incombe la charge de prouver que la perte provient de la grève, succombe en son exception et doit être condamné à réparer le préjudice subi par la marchandise du fait de la non livraison des cartons manquants ».

- Par ailleurs le tribunal de commerce de Marseille par un jugement en date du 2 février 1982122(*) a exonéré le transporteur de toute responsabilité pour les faits ou dommages subis par la marchandise pour grève au vu de l'article 4§2 de la convention de Bruxelles. Il `agissait d'une cargaison de fruits devant débarquer à Fos, mais sur décision du bord le navire fut dérouté au vu des mouvements sociaux des dockers touchant ce port alors. La marchandise déchargea à Trieste avariée, le destinataire actionna le transporteur en réparation du préjudice subi par une telle perte.

Le tribunal considéra que cette modification d'escale était justifié eu égard aux risques de grève rencontrés dans le port de déchargement initialement prévu. Ainsi les faits de grève rencontrés par le bord exonérèrent le transporteur de toute responsabilité.

- En sens inverse, craignant une fois de plus le déclenchement d'une grève à Fos, un transporteur qui avait pris en charge des poires fraîches d'Australie avait dérouté son navire vers Barcelone. Mais la cargaison ne put débarquer en Espagne du fait d'une interdiction de l'administration portuaire, en raison d'un décret des douanes prohibant le transport des poires d'Australie sur le territoire espagnol. La marchandise dut donc être transbordée sur un autre navire, qui n'arriva à Fos que trois semaines plus tard, avec d'importantes avaries dues au retard. Le tribunal de commerce de Marseille, dans une décision du 26 mai 1995, a refusé d'exonérer le transporteur123(*). Pour les juges consulaires, la grève n'aurait pu être prise en considération que si elle avait existé le jour où l'escale et le déchargement étaient prévus. Par ailleurs la cour d'appel d'Aix en Provence le 19 juin 1991 considéra qu'une grève ne peut être prise en considération que si elle existe au jour où l'escale pour déchargement est prévue124(*).

- Ainsi on peut considérer que la simple preuve de la négligence du transporteur remet en question sa responsabilité, alors même qu'il a prouvé l'existence d'une grève, ce dernier doit être diligent. Cette jurisprudence est constante125(*).

Récemment la cour d'appel de Rouen dans un arrêt en date du 6 juin 2002126(*) a rejeté la prétention du transporteur souhaitant s'exonérer de sa responsabilité pour fait de grève.

De plus cet arrêt est intéressant en ce qui concerne la question de savoir à qui il incombe d'assurer les frais de transbordement et d'acheminement de la marchandise afin de parachever sa livraison.

Le transporteur maritime a t-il donc droit au paiement des frais exposés quand la marchandise, ne pouvant être débarquée, est transbordée puis réacheminée au destinataire ?

Telle est la question réglée par cet arrêt original qui résout deux problèmes : celui de savoir si en l'espèce la grève pouvait être considérée comme un cas excepté, d'autre part s'il était possible d'opposer aux destinataires ou à leurs subrogés la clause d'un connaissement prévoyant le règlement du surfret (surcoût du transport).

Les faits sont les suivants : à compter du 24 novembre 1998, les ouvriers des exploitations bananières de Fort de France bloquent les accès au port de commerce. Le 28, le transporteur émet des connaissements pour acheminer la cargaison vers cette destination. A l'arrivée, le port est congestionné, l'armateur fait transborder les marchandises, les décharges à Carthagène puis les réembarque pour les livrer à Fort de France en janvier 1999. Les frais en résultant sont facturés aux destinataires qui sont indemnisées par les assureurs.

Ceux-ci se retournent contre le transporteur, faisant valoir qu'en acceptant de charger la marchandise en connaissance de cause, il doit garder ces frais à sa charge. Le tribunal les déboute mais la cour d'appel infirme et fait droit à leur demande.

En effet, si en cas d'interruption du voyage, les frais de transbordement et d'acheminement sont à la charge des intérêts marchandises, c'est à condition que le transporteur ne soit pas responsable de l'empêchement et puisse donc prouver un cas excepté. Dans l'espèce, il en invoquait deux : les grèves et la faute du chargeur ayant laissé embarquer la marchandise en connaissance des mouvements sociaux et des éventuels empêchements.

La Cour rejette le premier argument, elle confère au cas excepté que constitue la grève un caractère de force majeure. Elle estime que, professionnel, le transporteur avait émis les connaissements après le début des mouvements qu'il connaissait ou aurait du connaître : l'événement n'était donc pas imprévisible.

Le juge relève aussi que le transporteur n'avait pas avisé le chargeur qui n'était pas forcément au courant de la situation, lui infligeant ainsi une obligation d'information selon les articles 1134 et 1135 du Code Civil (devoir de bonne foi et ses suites).

A défaut de prouver la salvatrice cause exonératoire, il est intéressant de voir si le transporteur ne pouvait pas se «rabattre» sur les clauses du connaissement lui donnant droit au surfret, quoi qu'il advienne ?

La Cour répond par la négative, estimant qu'elles sont inopposables au destinataire et à ses subrogés, le juge relève sans le dire qu'il s'agit d'une clause exorbitante du droit commun pour en conclure qu'elle devait être connue du destinataire lors de la formation du contrat, la livraison (et donc l'acceptation de la marchandise) n'équivalant pas à un accord sur la charge des surcoûts.

En définitive, lorsque le transporteur a établi l'existence d'une grève et son lien de causalité avec l'inexécution dommageable, il bénéficie de l'exonération légale ou conventionnelle de responsabilité : il y a présomption d'absence de faute eu égard à la grève.

Or, la jurisprudence a rendu, contrairement aux textes, le cas excepté de grève très difficile à établir. Elle s'est attachée à rajouter aux exigences de la convention de Bruxelles de 1924, les exigences du droit commun, notamment les traditionnels éléments de la force majeure auxquels la jurisprudence française semble très attachée et l'existence d'un lien de causalité entre la grève et l'inexécution dommageable.

Ainsi, même si les grèves, lock-out ou autres entraves apportés au travail ne doivent pas, en principe, revêtir nécessairement les traits de la force majeure pour être libératoires, toutefois, il a été jugé qu'une entrave au travail apportée par les syndicats des dockers ne pourrait être invoquée par le transporteur que si elle s'était produite de façon inopinée127(*).

Le même phénomène se retrouve à propos des entreprises de manutention.

Paragraphe 2 : Les clauses d'assurances

Comme il a été dit précédemment la grève reste un aléa pris en compte par les assureurs.

En effet selon les ports touchés par leurs navires les transporteurs maritimes recommandent à leur client de souscrire une assurance facultés garantissant les risques de grève, lock-out, émeutes, mouvements populaires et autres faits analogues consécutifs à des conflits de travail.

Dans la pratique, les risques exceptionnels sont souscrits par les compagnies d'assurance en annexe aux risques ordinaires et sont cédés en réassurance couverte avec la garantie de l'Etat.

Il faut bien noter que l'on ne peut couvrir une marchandise contre les risques exceptionnels que si cette marchandise a été préalablement couverte contre les risques ordinaires de transport.

Pour être couvertes, les marchandises doivent être chargées sur un moyen de transport (navire, camion ou avion).

Concernant les transports par voie maritime, toutes les compagnies d'assurance mondiale couvrent les marchandises en application d'un engagement pris en 1937. Cet engagement est connu sous le nom de « Waterborne Agreement ».

Il a pour but d'exclure de la garantie les risques de transport et de stockage qui précèdent où qui suivent le voyage maritime.

Par l'intermédiaire de leur police, les assureurs des risques ordinaires peuvent donc consentir des extensions sur risque social, jouant également à terre.

En matière maritime, deux clauses additionnelles, n°62 et 62bis prévoient des garanties de ce type128(*) :

- Clause 62 : elle couvre les dommages matériels résultant de grèves, lock-out, émeutes, mouvements populaires ayant pour cause des conflits du travail ou professionnels (à la condition qu'ils ne se rattachent pas à la guerre civile ou étrangère). Les dommages doivent résulter de l'action de ces personnes prenant part à ces mouvements. Les conséquences de retard ne sont normalement pas couvertes. L'assureur couvre les frais raisonnablement exposés pour préserver les marchandises de ces dommages.

- Clause 62bis : elle étend le champ de sa garantie aux frais supplémentaires de réexpédition que l'assuré doit supporter lorsqu'en présence d'un conflit du travail au port de destination, le transporteur a pris la décision de décharger la marchandise dans le port le plus proche.

Les assureurs ne prennent en charge que le fret maritime ou le coût du transport routier, ferroviaire ou fluvial. Ils ne prennent pas en charge les frais accessoires (manutention, stationnement, magasinage, déchargement, rechargement, staries).

Le montant maximum à la charge des assureurs est limité à 20 % de la valeur assurée. Ce montant maximum reste dû dans la limite des 20 % alors même que l'assureur serait tenu de payer du fait de ces frais une surprime supérieure à la valeur assurée. L'assuré conserve à se charge 10 % du montant de la réclamation.

Des extensions de garantie peuvent néanmoins être demandées moyennant une surprime notamment pour couvrir les dommages matériels résultants de retards imputables aux dits faits.

En définitive quel que soit le type de contrat de vente utilisé, un assureur sera toujours amené à intervenir soit au titre d'assureur de l'exportateur soit au titre d'assureur de l'importateur. Ces risques « exceptionnels » sont fréquents à notre époque, souvent troublée, dans toutes les parties du monde, par des conflits politiques et sociaux.

On a pu se rendre compte dans les développements précédents que la grève pouvait engendrer des conséquences juridiques et commerciales diverses et variées pour les transporteurs maritimes et ses opérateurs.

La grève est désormais un facteur à prendre en considération dans les relations contractuelles.

Certains contractants l'intègreront dans leurs obligations, mais le plus souvent, comme on l'a vu, elle sera une limite à leurs obligations et même une cause d'exonération de responsabilité (légale ou conventionnelle). Elle peut apparaître parfois comme un phénomène prévisible et donc contournable, d'autres fois elle est inévitable et présente alors des coûts et des problèmes juridiques supplémentaires. Mais dès lors que l'on se situera dans les relations extracontractuelles, la grève deviendra en général une cause de responsabilité.

CHAPITRE II :

LES RESPONSABILITES DES AUTORITES PORTUAIRES ET DES

AUTORITES PUBLICS

Plans d'eau abrités et équipés pour recevoir les navires, les ports ont joué à travers l'histoire de l'humanité un rôle de premier plan.

De nos jours, les grands ports, outre leurs fonctions traditionnelles, constituent de vrais pôles de croissance autour desquels s'organise l'expression industrielle et commerciale des régions et des pays limitrophes.

Les ports peuvent être gérés de manière différente selon les pays dans lesquels ils sont implantés. En Côte d'Ivoire, il n'y a qu'une catégorie de ports: les ports autonomes.

Le fonctionnement des ports soulève des questions diverses de responsabilité selon leur autorité de tutelle, que ce soit les dommages causés par les navires et manutentionnaires au fonctionnement du port ou à ses installations ou, à l'inverse, qu'il s'agisse de la responsabilité des ports ou des concessionnaires envers les usagers du port, armateurs, manutentionnaires, chargeurs ou ayants droit.

C'est ainsi, que les conflits du travail maritime font partis intégrants de l'administration portuaire. La reconnaissance du droit de grève conduit notamment à permettre l'inexécution des obligations contractuelles, ce droit peut fournir un correctif au déséquilibre persistant entre employeurs et salariés.

Cependant, l'instrument de pression des professions portuaires est alors le blocage des accès aux ports et la paralysie des activités portuaires.

Or, tandis que la concurrence se développe de plus en plus entre les grands ports, et que des enjeux sociaux-économiques très importants en dépendent ; les représentants de la communauté portuaire doivent être des négociateurs avisés dans tous les domaines.

S'agissant du débat social, il ne peut se dérouler équitablement que si les différents interlocuteurs respectent les règles du jeu. Dans le cas contraire, la grève devient une arme redoutable capable de tout détruire129(*).

Plusieurs décisions sont venues statuer sur les conséquences résultant des mouvements sociaux dans les ports, notamment certaines relatives au blocage des ports par les marins pêcheurs130(*).

Ainsi, dans les ports, les conditions de navigation, d'accostage et d'amarrage des navires sont soumises à une police spéciale dont les principes sont fixés dans le code des ports maritimes.

La sécurité constitue un souci permanent pour les autorités portuaires, et toute attitude ou manoeuvre de nature à y porter atteinte doit être sanctionnée. La procédure de contravention de grande voirie y contribue, et n'écarte qu'exceptionnellement l'infraction notamment pour cas de force majeure.

De la sorte la jurisprudence administrative a rejeté les recours mettant en jeu la responsabilité contractuelle des ports autonomes, dans la mesure où aucune faute lourde ne pouvait leur être reprochée131(*).

S'il existe une responsabilité contractuelle sans faute en droit administratif, elle se limite au seul cas de fait du prince.

Or, lorsqu'il y a entrave au fonctionnement du service public portuaire et à la liberté du commerce et de l'industrie, les victimes des conflits sociaux peuvent demander l'intervention des forces de l'ordre pour faire cesser le trouble en résultant.

Si cette demande est refusée, une action en indemnité pourra être engagée contre l'Etat à condition qu'en l'absence de faute lourde de la part de l'autorité chargée de la police de l'ordre public, le requérant prouve qu'il a subi un préjudice anormal et spécial.

Ainsi, nous tenterons, d'analyser les responsabilités des autorités portuaires (section I) et ensuite, il sera question d'observer les responsabilités de l'Etat du fait des conflits sociaux portuaires (section II).

SECTION I : LES RESPONSABILITES DES AUTORITES PORTUAIRES.

Bien que l'exercice du droit de grève ait une valeur constitutionnelle, cette consécration ne saurait exclure toute indemnisation des tiers qui en sont victimes.

Tantôt l'attitude fautive de l'employeur peut justifier sa condamnation à indemniser son personnel en grève, dans d'autres cas, ce sera la responsabilité des grévistes ou du syndicat qui sera engagée à l'égard du personnel non grévistes ou de l'employeur.

Mais, la plupart des actions en indemnité consécutives à des mouvements sociaux sont formés par des tiers à l'encontre des autorités chargées de la police.

Paragraphe 1 : En cas de grève des agents du port et des autres professions « portuaires ».

Les salariés des collectivités publiques gestionnaires d'un service public à caractère administratif sont des agents publics, et le contentieux se rapportant à leurs conditions d'emploi relève des juridictions administratives. En revanche, les agents des services publics à gestion privée n'ont normalement pas la qualité d'agent public. Cette solution s'applique notamment aux agents des services publics industriels et commerciaux, comme c'est le cas pour l'exploitation des outillages publics commerciaux.

Lors des conflits sociaux, la responsabilité du port est parfois engagée par les victimes du blocage des activités portuaires soit en tant qu'employeur des grévistes ou sur le fondement de la responsabilité administrative.

A. La responsabilité du port en tant qu'employeur.

La responsabilité en cause n'est pas celle de l'autorité de police, mais celle du service gestionnaire du domaine public.

Par ailleurs le fonctionnement dudit service n'est pas entravé par des tiers qui occupent indûment les installations portuaires, mais par la grève de ses propres agents.

D'autre part, le problème traité n'est pas celui de la grève licite, car dans ce cas il y a respect des prescriptions imposées par la législation sociale (notamment par le respect du préavis visé par le Code du travail afin d'informer les utilisateurs du port des arrêts de travail à venir.).

Dès lors, le problème se pose en ce qui concerne les grèves illicites ou « sauvages », car ces grèves arrivent soudainement et rendent impossibles l'usage des installations portuaires, ainsi le port ne peut pas satisfaire à ses obligations contractuelles, par exemple, et c'est souvent le cas, la mise à disposition de l'outillage public dans les opérations de manutention des navires.

A propos d'une grève des grutiers du Port autonome de Rouen, la Cour de cassation avait dans un premier temps cassé l'arrêt de la cour d'appel de Rouen en lui reprochant de ne pas avoir recherché «si les décisions de l'autorité de tutelle avaient entraîné pour le port autonome une contrainte de nature à le mettre dans l'impossibilité absolue d'exécuter ses obligations»132(*).

Puis, après renvoi, la Cour a cassé de nouveau l'arrêt de la cour d'appel en considérant que les juges du second degré auraient dû rechercher «si le fait que les salariés avaient cessé le travail sans préavis, parfois même en cours d'exécution du contrat, ne conférait pas un caractère imprévisible et irrésistible aux mouvements de grève et n'était pas de nature à mettre le port autonome dans l'impossibilité absolue d'exécuter ses obligations par l'effet d'une cause étrangère qui ne lui serait pas imputable»133(*).

L'employeur, a en règle générale, connaissance du climat social de son entreprise et des revendications professionnelles de ses salariés auxquelles il lui appartient de les satisfaire ou de les rejeter. Dès lors, l'imminence du mouvement social étant prévisible, il est exceptionnel que la force majeure soit admise.

Elle l'a cependant été lorsque l'employeur est considéré comme étant étranger au déclenchement de la grève134(*), ou lorsqu'il s'agit d'une grève surprise du personnel de l'entreprise.

A propos de la grève du personnel du port autonome de Marseille135(*), la Cour de cassation a retenu en particulier deux motifs pour écarter la responsabilité de l'établissement public portuaire du fait de la grève de ses préposés : d'une part, après avoir rappelé que l'obligation de préavis ne pesait pas sur le port autonome, elle en a déduit que les entreprises de manutention demanderesse à l'action ne pouvaient pas invoquer le non-respect de cette prescription à son égard, et d'autre part, elle a admis que le comportement illégal des grutiers qui n'avaient pas respecté le préavis constituait une cause étrangère pour le port autonome.

Elle a toutefois étayé ce second motif en constatant que la spontanéité du mouvement n'avait pas permis de prendre des mesures utiles pour pallier le comportement du personnel concerné, et après avoir observé que le port autonome «avait pris la précaution de notifier à son personnel et aux organisations syndicales la nécessité de respecter les préavis légaux, et en relevant que le port autonome avait pratiqué les sanctions les mieux adaptés aux circonstances».

Or, comment peut-on désormais envisager la détermination des responsabilités à la suite de mouvements sociaux du personnel chargé d'un service public à l'égard des cocontractants de son gestionnaire ?

B. La détermination des responsabilités en cas de mouvements sociaux des personnels des établissements publics portuaires.

Lors des conflits collectifs maritimes de travail, l'instrument de pression des grévistes est le blocage des accès aux ports et la paralysie des activités portuaires.

Les autres professionnels du port (armateurs, manutentionnaires, transitaires...) engagent la responsabilité des gestionnaires portuaires qui n'assurent plus la liberté du commerce et de l'industrie et par voie de conséquence la liberté de la navigation.

L'organisation syndicale qui a donné des consignes pour commettre des actes illicites engage sa responsabilité, et ce, sur le fondement de la responsabilité civile.

Ainsi, ni les organisations syndicales, ni les salariés ne sauraient échapper à toute responsabilité pour des dommages qu'ils auraient occasionnés à autrui à l'occasion de conflits collectifs du travail.

La Cour de cassation considère cependant très justement que la responsabilité d'un salarié ou d'un syndicat en raison d'actes fautifs commis au cours d'une grève ne peut être engagée que pour la part du préjudice découlant directement de ce comportement fautif136(*).

La cessation inopinée du travail dans un service public constitue-t-elle toujours pour l'employeur une cause exonératoire de toute responsabilité ?

Dès lors qu'il n'a pas joué de rôle dans la violation de la loi par les organisations syndicales et les salariés, il est difficile de mettre en cause la responsabilité de l'employeur à la suite du non respect du préavis de grève (motif le plus souvent invoqué à l'appui d'un recours en la matière).

L'absence de sanctions à l'égard des salariés coupables d'actes illicites ne paraît pas de nature à modifier ce point de vue pour deux raisons, d'une part en raison du principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au juge judiciaire d'apprécier l'opportunité de l'action des autorités administratives, d'autre part, les sanctions ne pourraient intervenir qu'après un certain délai pour respecter les droits de la défense dont bénéficient les salariés, c'est-à-dire que les mesures disciplinaires n'auraient en pratique d'effet sur la réalisation du préjudice.

Le préjudice subi par les entreprises de manutention serait peut-être moins important dans la mesure où la plupart des dockers sont mensualisés, et que, quel que soit l'importance de l'activité, les intéressés doivent être rémunérés.

Sauf peut-être si le mouvement social n'affecte que l'activité d'une seule entreprise dans le port, et non celle de ses concurrents, il paraît exclu d'admettre une indemnisation des usagers sur le fondement de la rupture d'égalité des entreprises de manutention devant le service public.

En revanche, sur le fondement du droit public, les armateurs qui ne sont pas placés137(*) dans une situation contractuelle à l'égard de l'autorité portuaire seraient susceptibles d'êtres indemnisés138(*) en cas d'immobilisation prolongée de leurs navires en raison d'une grève du personnel chargé de l'exploitation de l'outillage public portuaire, dès l'instant qu'ils établissent avoir subi un préjudice à la fois anormal et spécial.

De manière générique pour mettre en jeu la responsabilité contractuelle des ports, la jurisprudence administrative exige la faute lourde.

Parmi les fautes qui peuvent être reprochées à l'administration par ses cocontractants, est souvent invoqué à l'appui de leur demande l'absence d'utilisation des pouvoirs dont elle dispose pour faire cesser le trouble lorsque celui-ci est manifestement illicite.

Ainsi en dehors de toute disposition législative encadrant le droit de grève il appartient à l'autorité administrative d'arrêter les dispositions nécessaires pour que l'exercice de ce droit n'entraîne pas de conséquences contraires aux exigences de l'ordre public.

Par ailleurs, des fautes peuvent résulter de l'attitude adoptée vis à vis des agents grévistes, avec les précautions qu'impliquent les particularités de chaque cas. Il est ainsi possible de penser qu'une négligence caractérisée et injustifiée à engager des négociations avec le personnel en grève serait constitutive d'une faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de l'autorité portuaire139(*).

De même, bien que le port soit chargé légalement de la police et de la conservation du domaine public maritime et de veiller notamment à l'utilisation normale des installations portuaires, toute négligence de saisir le juge des référés pour demander à celui-ci d'ordonner l'expulsion des occupants illégaux du domaine public comme le barrage de marins pêcheurs à la passe des ports, est constitutif d'une faute lourde engageant sa responsabilité.

Dès lors que le concours de l'autorité chargée de la police générale ait été sollicité, on doit admettre que la notion de faute lourde doit être écartée à l'encontre du port.

Par ailleurs le port peut voir engager sa responsabilité contractuelle sur le fondement de la responsabilité sans faute, alors dans ce cas, elle se limite au seul cas de fait du prince.

Le fait du prince est la mesure prise par la personne publique contractante, non sur la base du contrat mais en vertu de ses pouvoirs généraux extracontractuels, d'une certaine manière il peut s'apparenter à une mesure exorbitante du droit commun.

Sans que ce soit son but, une telle mesure peut aggraver les conditions d'exécution du contrat.

Le cocontractant de l'établissement public portuaire peut alors prétendre à une indemnisation pour les dommages rencontrés du fait de cette décision, et ce, à trois conditions :

- il faut que la mesure émane de la personne publique contractante,

- la mesure doit être spéciale et placer ce contractant dans une situation particulière,

- ou bien cette mesure peut être générale mais elle doit avoir une répercussion directe sur l'un des éléments essentiels du contrat.

Mais encore faut-il que l'autorité portuaire soit investie de certains pouvoirs pour enrayer ou atténuer les différentes grèves et paralysie dont ses installations sont victimes.

Paragraphe 2 : Les pouvoirs de police sur le domaine portuaire.

Dans un port de commerce, quelque soit son régime juridique, deux types de police coexistent ; d'une part, la police de la conservation et de l'exploitation, d'autre part, la police générale.

Il y a donc complémentarité entre les deux polices avec certaines limites d'intervention des différentes autorités.

Une fois cette mission accomplie, existe t-il un recours contre les fauteurs de trouble ?

Ø De la police spéciale de la conservation et de l'exploitation des ports et du concours de la police générale.

Le cadre de cette police spéciale est fixé dans le Code de la Marine Marchande. La police de la conservation du domaine portuaire a pour mission de protéger l'intégrité matérielle du domaine public et d'en assurer un usage conforme à sa destination.

Or, la notion de police spéciale recouvre essentiellement les règles relatives aux mouvements des navires, au stockage des marchandises sur les quais et terre-plein, à la conservation des ouvrages et des outillages publics.

Les infractions à cette police spéciale sont sanctionnées par des contraventions de grande voirie, lesquelles sont prononcées par le juge administratif.

Le Code désigne les agents susceptibles de constater les infractions à la police de la conservation et de l'exploitation des ports. Il s'agit principalement des directeurs des ports, des officiers et surveillants des ports.

En revanche, même si ses autorités disposent de moyen d'action telle que la contravention de grande voirie, la police spéciale ne saurait régir l'ensemble de la vie portuaire, elle vient compléter la police générale.

L'institution d'une police spéciale n'entraîne pas obligatoirement le dessaisissement des autorités de police générale, les deux sont complémentaires.

Dans ce cas, le directeur du port a le pouvoir de requérir la force publique afin de libérer et c'est souvent les cas, l'accès des ports. Il transmettra alors le cas échéant au préfet les procès verbaux de contravention dressés par les agents du port pour justifier sa demande.

En outre le maire peut intervenir par le biais de ses pouvoirs de police générale afin de renforcer l'ordre et la sécurité des ports maritimes140(*).

Paragraphe 3 : Recours contre les fauteurs de trouble.

Dans l'hypothèse d'une paralysie de ses accès, le port est victime au même titre que tout usager. Outre la suspicion à l'égard de sa fiabilité commerciale, le port subit des pertes financières importantes au titre des droits de port et des redevances de l'outillage public.

En qualité de gestionnaire d'un établissement à caractère public et commercial dont le fonctionnement est entravé par des manifestants, le port doit pouvoir prétendre à une indemnisation contre les fauteurs de troubles.

A. Le recours contre les grévistes.

Les revendications actuelles des marins et manutentionnaires grévistes sont accompagnées d'actions virulentes de plus en plus virulentes.

La Cour de cassation considère, pour sa part, que «les dommages causés par des actes fautifs d'infractions pénales ou de faits manifestement insusceptibles de se rattacher à l'exercice du droit de grève»141(*) peuvent donner lieu à réparation de leurs auteurs.

Bien entendu, la police spéciale permet de réprimer les atteintes à l'exploitation du domaine, mais seule la réparation des dommages matériels peut intervenir dans le cadre de la contravention de grande voirie142(*).

Le juge refuse d'étendre le bénéfice de cette procédure à l'indemnisation du préjudice commercial, résultant d'une mise hors service d'un ouvrage portuaire endommagé par les grévistes.

En pratique, les ports ont donc intérêt à utiliser la procédure de contravention de grande voirie, et à exercer, le cas échéant, une action en indemnité devant le juge judiciaire pour la réparation de leur préjudice commercial.

De même, l'occupation des lieux de travail par un syndicat révèle un usage abusif du droit de grève, susceptible d'entraîner une sanction disciplinaire.

B. Recours contre les syndicats.

Le point délicat reste celui de la responsabilité des syndicats à la suite de faits dommageables résultant des conflits de travail.

Naturellement, le syndicat est étranger au contrat de travail et sa responsabilité sera engagée alors sur un plan extracontractuel, le plus souvent sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Pour que le syndicat puisse endosser une responsabilité, il est nécessaire d'une part qu'il ait commis une faute, ce qui suppose que les faits dommageables soient fautifs, d'autre part qu'ils soient imputables au syndicat.

En revanche, la jurisprudence retient la responsabilité pour faute contractuelle dans les cas de violation de convention collective.

C. Recours contre l'État du fait de la non intervention des forces de l'ordre.

Dans l'hypothèse d'une paralysie de ses accès, le port est victime au même titre que tout usager, or en sa qualité de gestionnaire d'un service public, le port peut-il prétendre à une indemnisation ?

Comme il a été dit précédemment, l'autorité portuaire peut prétendre à réparation du préjudice qu'elle a subi du fait d'autrui. Cela résulte en particulier de l'article 1382 du code civil.

En règle générale, l'indemnisation doit être totale, le préjudice doit être anormal et spécial.

L'anormalité dépend de la durée de l'immobilisation des ouvrages par les grévistes, quant à la spécialité, elle a trait au nombre de victimes de cette situation pour une même catégorie de personnes concernées.

En définitive, l'autorité portuaire se trouve confrontée à des aléas sociaux importants et le facteur humain est un élément prépondérant à prendre en considération pour gérer un port de commerce.

Or, lorsque les négociations et les pouvoirs de police spéciale sont inefficaces face à ces troubles, il est normal qu'en cas de résistance, et étant dans l'impossibilité d'assurer le bon fonctionnement de ses installations, l'autorité portuaire sollicite le concours des forces de l'ordre pour assurer aux usagers du domaine public portuaire une utilisation conforme à sa destination et ce, dans l'intérêt de tous.

Mais, il arrive parfois, lorsque l'autorité étatique est saisie pour mettre fin aux troubles, que cette dernière reste inefficace et reste partagée quant à la solution des conflits. En effet, elle est face à deux exigences constitutionnelles, assurer la liberté du travail, du commerce et de l'industrie et ne pas heurter le droit de grève.

SECTION II : LES RESPONSABILITES DE L'ETAT.

Légitimes ou non, les revendications actuelles des grévistes sont accompagnées d'actions de forces marquées par le recours quasi-systématique aux prises d'otage des installations portuaires, qui n'en sont pas moins des atteintes fondamentales aux libertés énoncées précédemment.

Le blocage des ports constitue un trouble sans équivoque à l'ordre public, que l'administration a le pouvoir, les moyens et le devoir de combattre, en vue de garantir à chacun le respect par tous des lois et règlements.

Dès lors, les usagers du port, qui sont touchés dans leur activité professionnelle par la non intervention ou l'intervention insuffisante de l'administration, peuvent tentés de démontrer la carence fautive des pouvoirs publics pour obtenir réparation des dommages subis, résultant du blocus de l'activité portuaire : immobilisation de navires, droits de port supplémentaires, pertes d'exploitation, retards dans l'acheminement des marchandises...

Lesdits usagers sont donc fondés à réclamer, devant les tribunaux administratifs, la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice, résultant de la carence de l'administration à prendre des mesures appropriées pour faire lever le blocus.

Paragraphe 1: De la responsabilité pour faute lourde.

Le fondement principal de la responsabilité est, en droit administratif comme en droit civil, la faute de celui à qui est imputé le dommage. Cette faute, en ce qui concerne la puissance publique, peut apparaître dans deux cas.

D'une part, dans l'exercice de son pouvoir de prendre des décisions exécutoires, d'autre part, dans l'accomplissement de ses missions de service public.

Dans le premier cas, la qualification de la faute est attachée à l'illégalité des décisions de l'autorité publique, dans le second cas, la faute réside plus généralement dans la défaillance du service public, et consiste en des faits ou agissements dont il appartient en principe au demandeur d'apporter la preuve.

Paragraphe 2 : Responsabilité de l'Etat à l'égard des usagers du domaine public maritime.

Il y a deux obligations qui pèsent sur les autorités chargées de la police, tout d'abord elles doivent veiller à l'application des réglementations et ensuite elles doivent prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à une situation dangereuse pour la sécurité ou pour assurer l'ordre public.

A. Refus des autorités publiques de prendre des mesures nécessaires pour le maintien de l'ordre public.

Les autorités de l'Etat, chargées de l'exploitation et de la police des ports maritimes sont tenues en principe d'exercer les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation, pour assurer aux usagers du domaine public portuaire une utilisation normale et conforme à sa destination.

En n'intervenant pas ou en assurant une intervention insuffisante contre les grévistes, l'autorité encourt une responsabilité à l'égard des usagers du domaine public maritime, victimes de la carence administrative à faire cesser le trouble.

L'Etat est tenu d'intervenir, dégageant la responsabilité du port, dès lors que celui-ci ne peut manifestement pas lever le blocus par ses pouvoirs de police spéciale

Quant aux actions et inactions de l'administration, la responsabilité de cette dernière est subordonnée à une faute lourde. Le juge reconnaît à l'administration une marge de réflexion et de prudence, liée aux nécessités de l'ordre public143(*).

Il arrive que la faute lourde de l'administration soit retenue, lorsque les autorités chargées du maintien de l'ordre public sont informées d'un conflit social, localisé et qu'elles s'abstiennent de prendre des dispositions pour s'opposer à la formation de barrages, alors qu'aucun risque sérieux de troubles graves n'existe, la faute lourde est alors constituée au vue de la prévisibilité de l'événement144(*).

En revanche, il a été jugé qu'à la suite d'un blocage du port de Marseille par les dockers, le préfet des Bouches du Rhône, en s'abstenant d'utiliser la force publique pour permettre et faciliter l'accostage et le déchargement des navires, et compte tenu des risques de troubles sérieux qu'aurait pu entraîner une telle décision, n'a pas commis de faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat145(*).

Ainsi le juge administratif se livre à une analyse in concreto et prend largement en considération l'ampleur et les risques sérieux ou non des différents conflits sociaux.

Dès lors, la responsabilité de la puissance publique pour inaction de la police ne peut être engagée principalement que sur le terrain de la faute lourde, car les autorités étatiques ont le devoir d'intervenir, lorsque les mesures de prévention et de dispersion, requises par la situation seraient la cause de troubles graves de la part des contestataires.

Par ailleurs, l'administration peut être poursuivie pour une insuffisance d'intervention à enrayer le conflit social. Il y a deux obligations qui pèsent sur les autorités chargées de la police de l'ordre public, elles doivent veiller au respect de la réglementation tout en prenant les mesures appropriées pour préserver le droit d'accès au port, sous peine de voir engager leur responsabilité pour faute lourde (carence des services de police). L'obligation qui pèse sur lesdites autorités entraîne une obligation de résultat, mais il paraît généralement bien difficile de l'imposer à une autorité publique, ce qui conduirait à la considérer comme fautive chaque fois que son action a été inefficace. Plus que jamais, l'exigence d'une faute lourde répond au souci d'assurer à un service dont les tâches sont difficiles, une marge de manoeuvre suffisante. Mais cette exigence est considérée non pas en fonction de critères théoriques (nature de l'action ou nature du service) mais en fonction de difficultés réelles que le service a rencontrées et que le juge a reconnues.

La mise en oeuvre de la responsabilité pour faute lourde doit nécessairement tenir compte du délai dont dispose l'administration avant de se trouver dans l'obligation d'agir. Les pouvoirs publics ont ainsi reconnu que si au delà d'un court délai de réflexion, ils n'avaient pas fait cesser le blocus par le recours à la force publique, l'Etat encourrait une responsabilité pour sa carence, au regard du préjudice dont les usagers du service pouvaient justifier

Mais en règle générale, ce n'est pas l'importance des pertes financières qui définit ce critère, c'est la durée du « délai de réflexion » de l'autorité administrative qui est prise en compte.

Ce délai est fixé par le Conseil d'Etat à quinze jours pour disperser un barrage formé par des manifestants sur des voies navigables146(*).

Pour les armateurs victimes de «prise d'otage», le Conseil d'Etat a considéré, en son arrêt du 11 mai 1984 susmentionné, que l'événement dont la Société Delmas a été la victime (immobilisation du navire  La Rochelle  dans une forme de radoub par les ouvriers en grève de l'entreprise de réparation pendant cinquante deux jours) était excessive mais que la responsabilité de l'autorité chargée de la police générale ne devait être engagée qu'au delà des deux premières semaines d'immobilisation.

B. Du refus d'exécution des décisions judiciaires.

En ce qui concerne le refus de prêter main forte à l'exécution de décision de justice (ordonnant l'expulsion de grévistes), ce refus d'intervention constitue une faute lourde dès lors qu'il (le refus opposé par la police) n'apparaît pas justifié par des considérations tirées des nécessités du maintien de l'ordre public et qu'il se poursuit au delà du délai normal que la jurisprudence accorde pour agir147(*).

Lorsque ce refus est justifié par des considérations tirées des nécessités du maintien de l'ordre public, une réparation peut être obtenue sur le terrain de la responsabilité sans faute.

Mais, dans l'hypothèse où le refus est injustifié, la faute lourde est la condition nécessaire pour engager la responsabilité de la puissance publique.

Dès lors, la mise en oeuvre de la responsabilité pour faute lourde doit nécessairement tenir compte du délai, dont dispose l'administration avant d'être dans l'obligation d'agir. Dès que l'exécution de la décision est possible et en prenant des précautions pour éviter tout incident public pendant ce délai, l'abstention administrative n'est pas fautive. Au-delà, elle le devient, autrement dit, la demande du concours de la force publique ne prend effet qu'à compter du jour où l'ordonnance du juge devient exécutoire148(*).

Paragraphe 3: Responsabilité du fait des attroupements.

Les victimes des mouvements sociaux portuaires ont également entrepris de rechercher outre la responsabilité de l'Etat, la responsabilité des communes du fait des dégâts et dommages causés par les attroupements ou rassemblements.

Ainsi, l'Etat est substitué aux communes, comme collectivités territoriales responsables : «des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou des rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens».

La compétence juridictionnelle des actions en responsabilité a été transférée des juridictions de l'ordre judiciaire à celle de l'ordre administratif. Il appartient au juge administratif d'apprécier le champ d'application de la responsabilité publique.

Cependant, deux observations s'imposent : d'une part, dès 1982 le tribunal des conflits a fait prévaloir que la spécificité de la responsabilité du fait des attroupements ou des rassemblements, excluait le préjudice de nature commerciale, à titre de réparation149(*).

Ensuite, la responsabilité de l'Etat n'est pas une responsabilité du fait d'autrui et n'a pas automatiquement la même étendue que celle des auteurs du dommage.

Mais en pratique, cette responsabilité substituée à celles des communes, reste endossée par l'Etat.

Ces dispositions ne sont applicables qu'à des conditions où les faits dommageables doivent être commis par des attroupements ou rassemblements armés ou non, qui ont compromis la tranquillité publique par des actes de violence réelle ou virtuelle, pouvant être considérés comme des crimes ou délits.

A. Nécessité d'un état de violence ou à force ouverte.

Les crimes ou délits doivent revêtir les caractères susmentionnés pour que les victimes puissent prétendre à une indemnisation de l'Etat.

Ainsi, un groupe de grévistes constitue bien un attroupement et il importe peu que ce dernier se soit formé dans un lieu public ou privé et il n'est pas nécessaire qu'il présente un caractère anonyme.

Le seul fait de l'occupation des lieux de travail constitue un état de force ouverte, et il n'est donc pas nécessaire qu'il y ait résistance caractérisant l'état de violence. La condition de violence s'appliquant au crime ou délit qui est à l'origine du dommage et non au rassemblement lui- même.

En pratique, le recours à ces notions permet d'indemniser les dommages causés par ces rassemblements, sans prendre en compte l'attitude des forces de l'ordre ; peu importe qu'elles aient été absentes ou insuffisantes car l'idée de «force ouverte» suppose l'absence de résistance à la violence. La violence est le plus souvent révélée par des actes de manifestation, c'est à dire par les dommages qu'elle est susceptible de causer.

Actuellement, le but du rassemblement n'est jamais pris en considération par le juge ; ni même les circonstances déterminants la violence.

La condition relative à la violence s'applique donc à l'infraction mais pas à la manifestation en elle-même.

B. Nécessité de crimes ou délits à l'origine du dommage.

La responsabilité du fait des attroupements ne peut s'appliquer que si le dommage résulte de faits qualifiés de crimes ou délits par la loi pénale150(*). Dans tous les cas, le juge est lié par une interprétation restrictive de la loi pénale.

En outre, l'attroupement lui-même constitue un délit réprimé par les articles 104 et suivants du Code Pénal ivoirien. Ainsi, le seul fait d'occuper les lieux de travail constitue un délit réprimé, d'entrave à la liberté du travail.

Cependant, la loi précise que le crime ou le délit doit «être à l'origine» du dommage causé. Un lien direct est donc exigé entre le comportement des manifestants et le dommage causé.

Section 3 : De la responsabilité sans faute de l'Etat.

Dans bien des situations, l'exigence d'une faute lourde assure une certaine immunité aux services de police. Or, devant l'accroissement des risques encourus par les acteurs portuaires, il a paru souhaitable d'apporter un correctif au principe de la responsabilité pour faute.

Mais compte tenu des difficultés inhérentes et récurrentes du fonctionnement du service public portuaire, ce correctif ne peut être qu'exceptionnel.

Aussi, le système de responsabilité, exclusif de toute idée de faute, a t-il un domaine d'application limité et obéit de surcroît à des conditions spéciales de mise en oeuvre, fondé sur la rupture d'égalité devant les charges publiques.

De manière plus instinctive, la distinction entre décision et agissement n'a pas d'intérêt en matière de responsabilité sans faute, comme en témoignent, par exemple, les solutions quasi identiques données par la jurisprudence lorsqu'un navire est empêché d'appareiller ou d'accoster dans un port, qu'il y ait à l'origine de cet empêchement un arrêté de police, un refus de prêter le concours de la force publique à l'exécution d'une ordonnance de référé, ou tout simplement l'abstention de l'usage de cette même force publique pour faire cesser l'occupation illégale du domaine public portuaire par les manifestants.

Le contentieux de la responsabilité sans faute de la puissance publique, à raison de la non intervention des forces de l'ordre, est né de l'occupation des biens privés ou publics par des ouvriers et nomades, et de l'inexécution des décisions judiciaires d'expulsion.

Quand la puissance publique n'a commis aucune faute lourde, en refusant d'utiliser les forces de police, il peut être utile d'étendre la responsabilité sans faute, fondée sur la rupture d'égalité devant les charges publiques.

En ce qui concerne les conséquences dommageables des occupations illégales du domaine public portuaire, le préjudice subi par l'utilisateur normal dudit domaine doit être anormal et spécial.

Paragraphe 1 : Responsabilité fondée sur la rupture d'égalité devant les charges publiques.

Les juges ont compris que la rigueur des principes doit pouvoir s'effacer devant les moeurs. En effet, de nos jours, les contestataires n'éprouvent plus guère de respect pour la loi et l'ordre public.

On a donc valorisé l'appréciation discrétionnaire de l'administration au regard des nécessités de l'ordre public et reconnu la responsabilité sans faute de l'Etat.

Cette voie avait déjà été tracée par deux célèbres arrêts du Conseil d'Etat151(*). La solution adoptée par ce dernier dans ces arrêts est sûrement satisfaisante sur le plan de l'équité, mais sur le plan juridique, la doctrine l'avait accueillie avec réserve.

Le recours au principe de la rupture d'égalité devant les charges publiques présente un caractère exceptionnel, il suppose notamment, en cas de refus de l'administration, qu'un intérêt général justifie la charge anormale imposée à la personne victime, et que l'abstention des mesures présente elle-même un caractère suffisamment choquant.

Ainsi, la responsabilité sans faute reste limitée à deux hypothèses, soit elle est admise pour inactions justifiées de la police, soit pour utilisation d'armes et engins présentant des risques exceptionnels.

A. Carence non fautive de l'administration.

Les victimes de cette carence peuvent être indemnisées sur le terrain du risque, suite aux dommages que leur cause le refus de l'administration d'appliquer les réglementations en vigueur ou le concours de la force publique, lorsque ce refus est motivé par des raisons tirées de l'ordre public.

- Lorsque le refus opposé par la police, à la demande de son concours est justifié par des considérations tirées des nécessités de maintien de l'ordre public. La victime nantie de la décision judiciaire qui ne peut être ainsi exécutée faute de l'appui de la force publique, peut obtenir une indemnité compensatrice du dommage que la victime subit sur le fondement de la responsabilité sans faute152(*).

L'arrêt Couitéas rendu par le Conseil d'Etat, le 30 novembre 1923, pose explicitement deux principes :

-En premier lieu, sur le plan de la légalité, le Conseil d'Etat affirme que c'est un devoir pour les autorités d'apprécier les conditions d'exécution des décisions de justice, et qu `elles ont le droit de refuser le concours de la force publique si elles estiment que l'exécution par la force entraînerait un danger exceptionnel pour l'ordre et la sécurité (par exemple une manifestation tournant en émeute).

-En second lieu, sur le plan de la responsabilité, le conseil d'Etat pose comme règle que le préjudice qui peut résulter d'un refus légal ne peut, s'il excède une certaine durée, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé, et que ce dernier doit être indemnisé.

Par ailleurs, depuis il est de jurisprudence constante que la carence prolongée de l'administration à fournir le concours de la force publique, alors même qu'elle n'aurait pas revêtue un caractère fautif, est de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.

Il peut arriver également que l'administration ne puisse empêcher des entraves à l'utilisation normale du domaine public ; les parties du domaine affectées à l'usage du public en général ou d'un public spécialisé doivent être normalement accessibles à leurs utilisateurs.

Il appartient à l'administration de rétablir cet accès lorsqu'il est entravé ou gêné par des occupations illégales, notamment par des manifestations collectives telles que des grèves avec occupations ou barrages.

Dans ces hypothèses, les autorités responsables doivent tenir compte des nécessités de l'ordre public et ne pas utiliser les forces de l'ordre à n'importe quel moment ; ainsi un tel recours à la force publique est conditionné à une atteinte particulièrement grave au domaine public portuaire ou à son utilisation.

- En dehors de toute décision judiciaire, la police peut légitimement, eu égard toujours aux nécessités de l'ordre public, refuser son concours.

La victime de cette abstention est alors privée de toute action en responsabilité sur le fondement de la faute lourde. Dans cette hypothèse d'inaction non fautive des services de police, la jurisprudence offre aux victimes une action fondée sur le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

Ainsi, la responsabilité sans faute, résultant de la carence justifiée des forces de l'ordre, est illustrée par une jurisprudence relative à des refus de briser des barrages sur des voies navigables ou sur le domaine public maritime153(*).

Si, au contraire, les débordements et excès susceptibles d'être provoqués par les grévistes en colère, ainsi que leur écho multiplié par l'émotion populaire, sont plus à redouter que le dommage financier résultant d'une abstention délibérée de l'autorité étatique, il est alors déclaré que l'obligation d'intervention de celle-ci  trouve sa limite dans la nécessité de l'ordre, devant les charges publiques.

Comme on a pu le constater précédemment, le non recours à la force publique n'engage la responsabilité de l'Etat, en l'absence de faute, que si cette abstention excède une certaine durée et que la prétendue victime a réellement subi un préjudice.

Dès lors, en face d'une demande d'indemnité fondée sur un refus de concours de la force publique, le juge doit d'abord rechercher si ce refus était légal, c'est-à-dire si l'exécution immédiate par la force aurait été de nature à provoquer un trouble sérieux pour l'ordre public.

Si le refus de concours est justifié légalement par des considérations d'ordre public et n'est pas entaché d'aucune autre cause d'illégalité, alors la responsabilité sans faute de l'Etat peut être appréciée.

B. Responsabilité de l'Etat du fait de l'intervention de la force publique.

Il arrive parfois que la force publique intervienne pour mettre fin aux occupations irrégulières des manifestants et libérer le plus souvent les voies navigables ou les postes à quai occupés par les grévistes.

Mais cela n'est pas facile, car il arrive que l'autorité de police rencontre dans l'accomplissement de ses missions une forte résistance de la part des grévistes, ce qui oblige ces autorités d'utiliser la force, ce recours à la violence représente a priori un risque exceptionnel, mais tout de même relativement courant au vu de la virulence de certains manifestants.

Il était, dès lors, logique de concevoir un régime de responsabilité où la victime aurait à apporter la preuve d'une faute lourde. Mais la juridiction administrative prend en considération la situation des victimes accidentelles d'actes de violence commis par les forces de l'ordre.

Cette considération, ralliée au fait que l'administré rencontre souvent des difficultés pour prouver une faute, a conduit le Conseil d'Etat à appliquer en ce domaine la théorie du risque, en admettant que, lorsque le dommage provient de l'usage par la police d'armes et engins comportant des risques exceptionnels pour les personnes et pour les biens, la responsabilité de la puissance publique peut être engagée même sans faute.

Cette constatation de la responsabilité sans faute ne bénéficiait qu'à une catégorie de victimes, les tiers. Autrement dit, les personnes étrangères à l'opération qui a occasionné l'accident.

Les simples passants peuvent ainsi être indemnisés, mais en matière de conflit social portuaire, la plupart des manifestations ayant lieu dans l'enceinte du port, peu de personnes tierces au conflit peuvent pénétrer dans le périmètre où se déroule les manifestations.

Les autres victimes doivent, pour pouvoir être indemnisées, établir l'existence d'une faute à l'encontre du service public. Mais ici, le Conseil d'Etat n'exige pas la preuve d'une faute lourde, une simple faute suffit. Par ailleurs, il faut souligner que les dommages causés par l'emploi de grenades lacrymogènes au cours des manifestations, relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires, faisant application de la responsabilité sans faute.

Paragraphe 2 : Condition de mise en oeuvre de la responsabilité.

La responsabilité sans faute est automatique dans son déclenchement. Il apparaît alors qu'elle n'est pas conditionnée par l'existence d'une faute.

Ses limites se situent au niveau du préjudice allégué, résultant de la grève, et qui doit être spécial et anormal, c'est-à-dire selon la terminologie consacrée, s'il constitue une charge « ne devant pas incomber normalement à l'intéressé ».

L'anormalité se rapporte, en général, à la durée du trouble causé et à la période au cours de laquelle l'autorité chargée de la police intervient ; tandis que la spécialité comporte l'appréciation de la situation de la victime par rapport à l'ensemble des personnes concernées par la non intervention des forces de l'ordre154(*).

Dès lors, il convient d'étudier successivement les deux conditions de cette responsabilité sans faute.

A. De l'anormalité du préjudice.

Sont considérés comme dommages anormaux, les préjudices corporels graves, les préjudices matériels d'une ampleur exceptionnelle ou tous les préjudices matériels excédant une certaine durée. En général, il s'agit de celui qui excède la « norme », la moyenne des gênes de toute vie sociale. Dans le cadre de la responsabilité sans faute ici étudiée, à raison des choses ou des méthodes dangereuses, les victimes invoquent le plus souvent des préjudices d'ordre corporel.

Encore faut-il préciser que, pour les refus d'intervention décidés par les autorités administratives, les juges administratifs accordent une importance décisive à la durée de l'inaction qui est reprochée aux autorités ou aux forces de police : le seuil est atteint au delà de deux semaines pour les grèves avec occupation du lieu du travail et au delà de quarante huit heures pour les blocus des ports.

Certes, ce n'est pas l'importance des sommes en jeu qui définit ce critère à propos de la non intervention des forces de l'ordre, c'est la durée du «délai de réflexion» de l'autorité administrative qui est prise en compte.

Ainsi, ce n'est qu'après l'absence d'intervention de la force publique et après un délai de quinze jours, que sera considéré comme anormal le dommage résultant d'un barrage formé par des manifestants sur une installation portuaire155(*).

En revanche, en ce qui concerne un barrage des accès d'un port par des navires de pêche, le seuil d'indemnisation dû à la non intervention de la force publique a été fixé à vingt quatre heures156(*) et ce, notamment dans le cas où le port visé est une place portuaire où le trafic de passagers est dense. Les marchandises, quant à elles, n'ont pas « d'états d `âme ».

Ainsi, en toute logique, cela signifie qu'une immobilisation d'une durée inférieure à ces seuils ne sera pas indemnisée, et qu'un blocage plus long ne le sera que pour le période excédant ce seuil.

B. De la spécialité du préjudice.

Le dommage spécial est une notion plus qualitative que quantitative. Le nombre des victimes potentielles qui seraient susceptibles d'obtenir réparation n'est pas déterminant ; pour le juge administratif, le critère essentiel est plutôt l'appartenance de la victime à un groupe facilement identifiable.

De même, seront considérés comme préjudices spéciaux, les dommages qui affectent soit des individus isolés, soit une entreprise, ou bien des victimes appartenant à de groupes peu nombreux et nettement individualisés de sorte qu'ils se soient trouvés en quelque sorte des victimes privilégiées de l'inaction publique.

Les décisions de juin 1984157(*)montrent qu'il y souvent un lien entre spécialité et gravité ; en l'occurrence le préjudice est spécial parce qu'il est grave. Plus précisément, c'est la gravité particulière du préjudice subi qui permet d'isoler un groupe restreint et homogène indemnisable au sein de la masse des personnes plus ou moins lésées.

CONCLUSION

La grève est devenue une constante de nos sociétés contemporaines, l'aléa social est une réalité bien définie et prise en compte par les acteurs du transport maritime.

Ces derniers doivent faire face à de telles perturbations qui pour la plupart du temps apparaissent comme brusques et génératrices de pertes financières et autres préjudices.

Les ports, armateurs et autres auxiliaires du transport doivent se concerter pour éviter une paralysie sociale, la concertation doit apparaître comme un préalable à tout déclenchement d'un conflit social et ce, afin d'assurer un service minimum en temps de grève pour la pérennité des activités portuaires.

Le port y trouvera son compte et ne sera pas délaissé par les transporteurs au profit d'un autre ; les auxiliaires du transport maritime et, notamment les manutentionnaires « redoreront leur blason » souvent terni par des conflits sociaux internes, les armateurs, en favorisant une certaine harmonie sociale, placeront une confiance dans les ports touchés et permettront, espérons le, un regain de fiabilité à nos différents ports

.

Les ports, principales victimes des mouvements sociaux, sont devenus des « entreprises ».

A heure où l'on évoque le développement du partenariat entre les autorités portuaires et les investisseurs privés, il est important de prendre en compte ces sujétions sociales. Les directeurs des ports doivent être des personnes avisées et encourageant le dialogue social afin de prévenir d'éventuels conflits. En effet, il ne faut plus voir aujourd'hui les ports comme des services administratifs de l'Etat, mais comme des pôles de développement économique indispensables pour le pays, et ce, dans un contexte concurrentiel international très rude.

Les différents acteurs du transport maritime doivent intégrer ces paramètres afin de faire prospérer l'activité maritime dans l'hexagone et relancer la marine marchande ivoirienne, trop souvent discréditée par ces incertitudes sociales, et son manque d'adaptation aux exigences du commerce maritime international.

Cependant, il est vrai que le droit de grève est confronté à la liberté du commerce et de l'industrie, ces deux paramètres constitutionnellement reconnus sont antinomiques et il est délicat comme nous avons pu le constater dans les développements précédents de trouver un juste équilibre entre ces considérations ; cela, M. Paniol, dès 1894, l'avait bien compris en constatant que la « grève est un droit contraire au droit ».

Mais comme a pu l'écrire M. Simon «le droit accomplit l `une de ses missions les plus nobles lorsque par sa fermeté il contribue à créer un climat de paix sociale et de civilisation nécessaire aux activités portuaires »158(*).

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GENERAUX :

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REVUES:

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ARTICLES :

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THESES ET MEMOIRES :

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Dalloz

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Cass. Soc. 21 mai 1997 ; Dr. Soc., 1997; 763, obs. J-E Ray.

.

Revue Scapel

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Recueil Lebon

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rec. Lebon n°57, p. 506, CE 10 juillet 1987, Sté Sudcargos.

Autres : Journal de la marine marchande, Droit ouvrier, Revue de droit Européen des transports...

Trib. Com. Marseille, 12 décembre 1900, Autran, XVI, 391.

Cass. Crim., 15 octobre 1959, R.C.D.I.P 1963-56, note M. Loussouarn.

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WEBOGRAPHIE :

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http:/tetley.law.mcgill.ca, site du Professeur William Tetley.

www.cnt.fr, Conseil national des transports.

www.bimco.dk, Baltic and International Maritime Council.

www.imo.org, Organisation maritime internationale.

www.skuld.com, P&I club.

TABLE DES MATIERES

DEDICACE..............................................................................................1

REMERCIEMENTS....................................................................................2

SOMMAIRE...........................................................................................3

INTRODUCTION.......................................................................................5

PARTIE I : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT LEGALEMENT RECONNU..................................................................................9

CHAPITRE I : RECONNAISSANCE DE LA GREVE PAR LES POUVOIRS PUBLICS ET LES PARTENAIRES SOCIAUX............................................................................11

SECTION 1 : LES CONDITIONS LEGALES D'EXERCICE DU DROIT DE GREVE, DEFINIES PAR LES POUVOIRS PUBLICS.....................................................11

Paragraphe 1 : La reconnaissance du droit de grève...............................................12

A. Droit collectif et non droit syndical..............................................................12

B. Grève dans les services publics...................................................................13

1/ Continuité nécessaire des services publics......................................................13

2/ Réglementation du droit de grève...............................................................13

Paragraphe 2 : Les conditions nécessaires à l'exercice du droit de grève............14

A. Interruption du travail..............................................................................14

B. Collective et concertée.............................................................................15

C. Mobile professionnel..............................................................................16

D. Les modes alternatifs de règlement des conflits................................................17

1/ La conciliation..............................................................................................18

2/ L'arbitrage...........................................................................................18

3/ La médiation........................................................................................19

SECTION 2 : LES CONDITIONS LEGALES D'EXERCICE DDU DROIT DE GREVE DEFINIES PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX..............................................20

Paragraphe 1 : L'action des partenaires sociaux....................................................20

A. Reconnaissance du droit de grève...............................................................21

B. Conditions d'exercice du droit de grève........................................................22

Paragraphe 2 : Des acteurs aux objectifs contradictoires...............................23

CHAPITRE II : LE STATUS DU SALARIE GREVISTE......................................................24

SECTION 1 : SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL.................................24

SECTION 2 : GREV ET RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL........................35

Paragraphe 1 : Cas des grèves sur pavillon étranger..............................................26

A. L'exercice du droit de grève face au développement des pavillons de complaisances....27

B. Position du problème : le juge ivoirien face à l'internationalisation du travail maritime.29

1/ Conflit des lois.......................................................................................29

2/ Le conflit de juridictions...........................................................................32

a. la compétence des juridictions ivoiriennes......................................................32

b. de la juridiction compétente rationae materiae................................................33

Paragraphe 2 : Cas des grèves déclenchées par les professions portuaires............35

A. Les marins...........................................................................................36

1/ La grève chez les marins...........................................................................36

2/ La grève en mer.....................................................................................38

B. Les dockers..........................................................................................39

C. Les entreprises de remorquage....................................................................42

Paragraphe 3 : Cas des grèves résultant de l responsabilité civile du salarié gréviste.......43

A. De la responsabilité pour faute en temps de grève.............................................45

B. De la responsabilité de l'article 1384 du Code Civil..........................................47

PARTIE II : LA GREVE, L'EXERCICE D'UN DROIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE...................................................................50

CHAPITRE I : LES RESPONSABILITES DES ACTEURS PRIVES ............................51

SECTION 1: DANS LES RAPPORTS GREVISTES ET EMPLOYEURS...................51

Paragraphe 1 : La grève en tant que cas de force majeure......................................52

Paragraphe 2 : Appréciations jurisprudentielles et doctrinales du cas de force majeure dans le contrat d'affrètement..................................................................................54

A. L'affrètement face au boycott syndical.........................................................55

B. La grève, cas de force majeure en matière d'affrètement au voyage : staries

et surestaries............................................................................................56

SECTION 2 : DANS LES RAPPORTS EMPLOYEURS ET GREVISTES..................59

Paragraphe 1 : Les clauses de grève et les limitations de responsabilité.................59

A. Les clauses de grève

1/ dans les contrats de transport......................................................................60

2/ dans le contrat d'affrètement......................................................................62

a. le respect des staries

1. L'énumération des clauses.....................................................................63

2. L'action de l'affréteur...........................................................................64

b. des clauses relatives à l'obligation du fréteur de conduire le navire au port indiqué.....66

B. Les limitations de responsabilité..................................................................67

1/ L'exonération du transporteur par la preuve de l'existence d'une grève....................68

a. Postions doctrinales...............................................................................68

b. Les solutions jurisprudentielles..................................................................69

2/ Le lien de causalité entre la grève er l'inexécution dommageable...........................71

Paragraphe 2 : Les clauses d'assurance..................................................................75

CHAPITRE II : LES RESPONSABILITES DES AUTORITES PORTUAIRES ET DEW AUTORITES PUBLICS................................................................................77

SECTION 1 : LES RESPONSABILITES DES AUTORITES PORTUAIRES...............79

Paragraphe 1 : En cas de grève des agents du port et des autres professions portuaires..................................................................................................................................79

A. la responsabilité du port en tan qu'employeur...................................................80

B. la détermination des responsabilités en cas de mouvements sociaux des personnels des établissements publics portuaires.....................................................................81

Paragraphe 2 : Les pouvoirs de polices sur le domaine portuaire.............................84

Paragraphe 3 : Recours contre les fauteurs de trouble..............................................85

A. Recours contre les grévistes........................................................................85

B. Recours contre les syndicats........................................................................85

C. Recours contre l'Etat du fait de la non intervention des forces de l'ordre...................86

SECTION 2 : LES RESPONSABILITES DE L'ETAT...........................................87

Paragraphe 1 : De la responsabilité pour faute lourde...............................................87

Paragraphe 2 : Responsabilité de l'Etat à l'égard des usagers du domaine public Maritime....................................................................................................................................88

A. Refus des autorités publiques de prendre des mesures nécessaires pour le maintien de l'ordre public.............................................................................................88

B. Du refus d'exécution des décisions judiciaires...................................................89

Paragraphe 3 : Responsabilité du fait des attroupements...........................................90

A. Nécessité d'un état de violence ou à force ouverte..............................................91

B. Nécessité de crimes ou délits à l'origine du dommage..........................................92

SECTION 3 : DE LA RESPONSABILITE DE L'ETAT SANS FAUTE.......................92

Paragraphe 1 : Responsabilité fondée sur la rupture d'égalité devant les charges Publiques.................................................................................................................................92

A. Carence non fautive de l'administration.........................................................93

B. Responsabilité de l'Etat du fait de l'intervention de la force publique......................95

Paragraphe 2 : Conditions de mise en oeuvre de la responsabilité...........................96

A. De l'anormalité du préjudice.....................................................................96

B. De la spécialité du préjudice......................................................................97

CONCLUSION........................................................................98

BIBLIOGRAPHIE...................................................................100

TABLE DES MATIERES..........................................................102

* 1 Edmond Maire, Le Monde, 30 octobre 1985

* 2 La Tribune Maritime, Nov-Déc 2002

* 3 R. Rodière, Traité de Droit Maritime, R. Jambu-merlin, les gens de mer, n°214-1

* 4 Edmond Maire, Le Monde, 30 octobre 1985, p.15

* 5 Article 18, Constitution du 1er Août 2000, JORCI n°30, jeudi 3 Août 2000, p 529-539 

* 6 Cas de l'Allemagne et du Royaume-Uni où depuis 1984 il faut un vote préalable des adhérents au syndicat.

* 7 Art.82-2 C.Trav.

* 8 Art. 82.3 C.Trav

* 9 T.T d'Abj, 18 Avril 1991, TPOM n°779 du 2 Mai 1992, p.183, Répertoire de jurisprudence de Droit du Travail 1960-1965, Collection Sciences Juridiques, Editions Universitaires de Côte d'Ivoire, p266

* 10 Art.82-2 C.Trav.

* 11 Soc. 14 janv. 1960 ICP 1960, II, 11704 note F.D ; Soc. 2 mars 1960, Dr. Soc. 1960, 421, note H.F

* 12 T.T Abj 27 Novembre 1991, TPOM n°822, Octobre 1994, p180

* 13 Soc. 27 mars 1952, s. 1952, 1, 179, grève de deux sous-directeurs

* 14 Soc. 20 fév 1959, bull IV n°274, p223

* 15 Analyse détaillée d'A Mazeaud, Droit du travail, Montchrestien p°206 & s.

* 16 Article 97, Code de la Marine Marchande

* 17 Martine Le Bihan-Guénolé, « Spécificité structurelle et relationnelle du travail maritime », éd. L'harmattan.

* 18 Article. 82.8, Code du travail.

* 19 G.Ripert, Traité Général de Droit Maritime, n°503.

* 20 Martine Le Bihan Guénolé, Spécificité structurelle et relationnelle du travail maritime, préc, p°306.

* 21 R. Rodière, Traité Général de Droit Maritime, R. Jambu - Merlin, Les gens de mer, n°219.

* 22 Art.82-2 C.Trav.

* 23 Ce qui explique que les heures perdues pour fait de grève, ne peuvent être imposées aux salariés.

* 24 T.T d'Abj, 27 Novembre 1991, TPOM n°822 d'Octobre 1994, p180, Répertoire de jurisprudence de Droit du Travail 1960-1965, Collection Sciences Juridiques, Editions Universitaires de Côte d'Ivoire, p266

* 25 Cass. Soc. 21 mai 1997 ; Dr. Soc ; 1997 ; 763, obs. J-E Ray.

* 26 Cass. Soc ; 5 mai 1960, Bull civ, n° 453, p° 353.

* 27 T.T. d'Abidjan, 21 mars 1969, TPOM n°315 du 2 Décembre 1971, p.6965

* 28 P. Bonassies : «  La loi du pavillon et les conflits de droit maritime », RCADI, 1969, vol.128, p°504 à 630.

* 29 M. Remond-Gouilloud : Droit Maritime, Pédone 1993, 2ème édition, p° 68 à 78.

* 30 P. Chaumette, « l'internationalisation du travail maritime, l'impossible encadrement ? », DMF 1994 p° 675 à 694.

* 31 Cass. Soc, 8 novembre 1984, navire « Global Med ».DMF 1985

* 32 P. Simon, «état de la jurisprudence française sur les incidents sociaux affectant les navires au port' ».

DMF 1985, p°259 à 263.

* 33 DMF 1977, p°638, Poitiers, 19 janvier 1977.

* 34 DMF 1980, p°37, note Simon-Quimbert.

* 35 Article 1er, Code du Travail

* 36 P. Chaumette, « Le contrat d'engagement maritime », éd CNRS, 1993.

* 37 P. Bonassies, «  La loi du pavillon et les conflits de droit maritime », op. Cit. p°591.

* 38 A. Lyon-Caen. , «La grève en droit international privé », R.C.D.I.P., 1977-271.

* 39 P. Chaumette, « Loi du pavillon ou loi du port », Le Marin du 13 novembre 1992, à propos du navire Agios Charalambos et de l'inertie publique devant un commando armé dans le port de Lorient.

* 40 Cass. Soc, 8 octobre 1969, Montalev, Dr. Ouvr, 1970-41, R.C.D.P.I Pr 1970-684, note de M. Simon-Depitre.

* 41 DMF 1997-372, CA Rennes 13 février 1997, Navire Aghios Charalambos.

* 42 Universe Tankships Inc. of Monrovia, navire The Universe sentinel, 1 Lloyd's, Rep. 537-544.

* 43 DMF 1993-315, P. Chaumette, « Conflit international de travail maritime » à propos de la décision de Tribunal du travail Suédois du 19 février 1993 (United European Car Carriers, v. Swedish Seamens's Union).

* 44 Nord Hordland County Court, Bergen, 2 mai 1990, Ultramar Madrid Ltd, cf. Norwegian Seamen's Union, navire Nilam.

* 45 Cass. Crim, 15 octobre 1959, R.C.D.I.P 1963-56, note M. Loussouarn.

* 46 Article52-1, Code du travail

* 47P. Chaumette, « Réflexions sur les conflits collectifs maritimes de travail », DMF 1990 p° 283-309

* 48 Cass. Soc. 19 octobre 1959, D 1960-37.

* 49 Cass. Civ 1ère, 19 novembre 1985, D. 1986-I.R.-268, obs. B. Audit.

* 50 P. Chaumette, « Le contrat d'engagement maritime », CNRS éd 1993, op cit .

* 51 C.A Paris 7 juillet 1980, Pola, DMF 1980-618.

* 52 CA Rennes, 31 octobre 1989, navire Corsica, DMF 1990, p. 487 ; DMF 1991, p. 88. Obs. P. Bonassies.

* 53 P. Bonassies, DMF 1998, p. 859

* 54 Il existe un pilotage hauturier

* 55 La Tribune Maritime, Nov-Déc 2002.

* 56 Cass. Ass. Plén. 4 juillet 1986, D. 1986, p. 477, grève à propos de la réduction des équipages sur certains avions.

* 57 R. Rodière, Traité de Maritime, R. Jambu-Merlin. Les gens de mer, n°214-1.

* 58 DMF 1979, p. 596, Gazette du Palais 1979, p. 295.

* 59 DMF 1989, 22 juin 1989.

* 60 Times, 2004

* 61 DMF 1994, Cass. Com, 2 février 1993, Total France/Les Abeilles.

* 62 CE Section, 5 mai 1944, Cie Maritime de l'Afrique Orientale, Rec. 129, conclusions Chenot.

* 63 DMF 1999-462, P Pestel-Debord, « Un service commercial minimum est-il dû en cas de grève des personnels du remorquage portuaire ? ».

* 64 Traité de droit maritime, Tome II, n°1.816 - 5, p. 588. Cependant le doyen Ripert n'admet pas cette idée dans le cadre de la convention de 1924 puisque, pour lui, la contre-épreuve est impossible.

* 65 Traité de droit maritime, Tome II, p. 666 n°1. 726.

* 66 Le particularisme de la grève et du lock out dans le transport de marchandises de mer, p.224, op. cit.

* 67 DMF 1985, p. 266, Cass 8 novembre 1984.

* 68 JCP 1990 IV, p. 351, Cass civ 17 juillet 1990.

* 69 D 1972, p. 656, Cass soc 8 février 1972

* 70 Cass Plén., 19 mai 1988.

* 71 D. 1951, p. 717 et D. 1959, p. 281.

* 72 DMF 1979, p. 596.

* 73 CA Aix en Provence 22 février 1994, DMF 1995 p. 145, note Y. Tassel.

* 74 Cass com 31 mai 1989, DMF 1990 p.374, note R. Rézenthel & DMF 1991p. 14, obs. P Bonassies.

* 75 Cass. Ch. Mixte., 4 février 1983.

* 76 Cass 22 février 1994, DMF 1995 p. 141

* 77 Voir site Web de la chambre arbitrale de Paris, www.camp.org.

* 78 The United Faith, S.M.A. No 1409 (Arb at N.Y, 1980); Time charters p.313 third edition, Lloyd's of London press LTD.

* 79 Chambre arbitrale de Paris, sentence du 15 juin 1986.

* 80 Whether in berth or not - whether in port or not - whether in free practice or not - whether entered customs clearance or not, Sentence arbitrale 15 avril 1988, DMF 1988, p.696.

* 81 Cass com, 15 mars 1982, DMF 1983 p. 14.

* 82 Traité général TI, n°230.

* 83 Traité général TI, n°236.

* 84 Trib.Com.Marseille, 12 décembre 1900, Autran, XVI, 391.

* 85 CA Paris 14 déc. 1964 pré-citée concernant la grève du personnel EDF.

* 86 CA Rouen, 8 août 1900, D 1903 p. 389.

* 87 Voir en ce sens le conflit des dockers à Pointe à Pitre ayant paralysé la Guadeloupe durant plusieurs semaines pendant l'été 1998.

* 88 Connaissement Marfret en son article 23.

* 89 Tribunal de commerce de Marseille, 22 mars 2002, Rôle n°1999FO3714.

* 90 « Grève des dockers : quels recours pour les chargeurs ? », JMM 2036, 11 Septembre 1998.

* 91 Tribunal de commerce de Marseille, jugement 2 février 1982, Revue Scapel n°3 avril-mai 1982.

* 92 CA Paris 27 févier 1981, DMF 1981, p.719.

* 93 CA Aix en Provence 28 novembre 1983 navire « Douce France », DMF 1986, p.298.

* 94 CA Paris 16 juin 1976, BTL 1976, p.429.

* 95 P.P Fieschi « Le particularisme de la grève et du lock out dans le transport de marchandises par mer », Thèse Aix en Provence 1973, p.162.

* 96 Rodière, Traité de droit maritime II, n°658.

* 97 Clause n°11de la Baltime.

* 98 C/P Austral : clause n°18, C/P Benacon : clause n°11, Centrocon : clause n°30.

* 99 Tiberg, p. 380 et s, sur l'interprétation des clauses de grève par la Cour d'appel anglaise, cons. P Bonassies, DMF. 1963, p. 308.

* 100 Colloque deL'AFDM à Bordeaux, DMF 1989, p.203 et s.

* 101 DMF 1979, p. 58.

* 102 DMF 2000.

* 103 DMF 1971, p. 636.

* 104 Analyse semblable à la liberty clause figurant dans les connaissements.

* 105 Par suite d'une épidémie par exemple, « Carriage of goods by sea » p. 438 - 439, Carrer.

* 106 Traité de la responsabilité du transporteur maritime, p. 252, n°261.

* 107 Traité de droit maritime, Tome II, p. 696, n°1807.

* 108 Traité de droit maritime, Tome II, p. 274, n°633.

* 109 Cours de droit maritime 2002 - 2003.

* 110 DMF. 1950, p. 194, Maritime Insurance Cie c/ Transports maritimes de l'Etat.

* 111 Revue Scapel, p.46 n°6, Septembre 1983.

* 112 DMF 1989, p.526-528, Cass com 13 juin 1989, navire « Zambezy ».

* 113 DMF 1956, p. 738, navire «Campana».

* 114 Cf. Rodière, Traité de droit maritime, Tome II n°633.

* 115 DMF 1972, p.41, navire «Mickey Smits».

* 116 CA Aix en Provence, 28 mai 1991, Somotrans c/ Norasia Line, Lamy.

* 117 BT 1976, p.429, CA Paris, 16 juin 1976.

* 118 Tribunal de commerce de Marseille, jugement du 22 mars 2002, non publié.

* 119 CA Aix en Provence, 2e ch., 19 juin 1991, GAN c/ COTUNAV, Lamy.

* 120 DMF 1979, p. 682.

* 121 DMF 1972, p. 527.

* 122 Revue Scapel n°3, avril-mai 1982.

* 123 BTL 1995, p. 568 & DMF 1995, p.251, obs. P. Bonassies.

* 124 CA Aix en Provence, 2e ch., 19 juin 1991, Lamy p. 353, Tome II.

* 125 DMF 1977, p. 540.

* 126 BTL 2002, p.619-620, Cie Mutuelles du Mans et autres c/ Sté Delmas.

* 127 Revue Scapel, 1973, p. 15, CA Aix en Provence, 6 décembre 1972.

* 128 Risques et assurances transports, p. 335 JP Marck, éd L'argus de l'assurance.

* 129 DMF 1990, p. 380, R. Rezenthel.

* 130 En ce sens voir DMF 1984, p. 707 et s concernant blocage des ports français au mois d'août 1980 par les marins pêcheurs.

* 131 Dans le cas d'une grève annoncée au moment de la commande de l'outillage public, il appartient à l'autorité portuaire de refuser cette commande et d'informer les usagers, si tel n'est pas le cas, elle est susceptible de mettre en jeu sa responsabilité civile.

* 132 Cass. Civ 1ère 31 mai 1989, DMF 1990, p. 374, note R. Rezenthel. Le port autonome soutenait qu'il ne pouvait pas satisfaire les revendications des grévistes alors que les prescriptions gouvernementales ne lui en donnaient pas la possibilité.

* 133 Cass. Civ. 1ère 6 octobre 1993, JCP 1993 - II - éd G. - 22154 note Ph. Waquet.

* 134 Cass. Mixte 4 février 1983, JCP 1983 - IV - éd G -p. 124.

* 135 Cass. Civ 1ère 11 juin 1996, DMF 1996, p. 949 et s, note R. Rezenthel.

* 136 Cass. Soc 19 décembre 1990 - Bull. Civ n° 698.

* 137 L'accostage et le stationnement des navires dans les ports sont des opérations qui font appel au fonctionnement d'un service public à caractère administratif, DMF 1973, p. 269 note J.M Auby.

* 138 CE Ass 20 mars 1974 M.A.T.E.L.T. c/ Navarra - Rec Lebon p.200 concl M. Rougevin-Baville.

* 139 RFDA 1986, p. 825 et s « Grèves dans les services publics et responsabilités envers les usagers », note B. Stirn.

* 140 DMF 1984, p. 707.

* 141 Cass. Soc 9 novembre 1982 - Droit social 1983, p. 175, note J. Savatier.

* 142 JMM 1980, p. 2076 « Port autonome du Havre contre marins pêcheurs ».

* 143 CE 22 juin 1984, CE 22 juin 1984, Secrétaire d'Etat ministère des transports c/ Sté Townsent car ferries limited : «... cette obligation trouve sa limite dans la nécessité de l'ordre public », J.C.P 1985, II

* 144CE 11 mai 1984, Sté navale des chargeurs Delmas - Vieljeux c/ Port Autonome de Marseille et Etat Français, DMF 1984, p. 718 et s

* 145 CE 10 juillet 1987, Sté Sudcargos, Rec Lebon n°57, p. 506.

* 146CE 2 juin 1973, Sté des bateaux de la côte d'Emeraude dite « Les vedettes blanches », AJDA1972, p. 358

* 147 CE juillet 1953 Dame veuve Tourout, Rec p. 391.

* 148 DMF 1989, p. 500 et s.

* 149 TC 7 juin 1982, Préfet du Pas de Calais c/ TGI de Boulogne sur Mer, Rec Lebon 1982, p. 457.

* 150 Voir en ce sens articles 104 et s du code pénal.

* 151 CE, Couiteas, 30 novembre 1923 et CE 3 juin 1938La Cartonnerie et Imprimerie Saint Charles, voir dans les Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative.

* 152 « Le maintien de l'ordre public et la responsabilité de l'Etat », note de R. Rezenthel et F. Pitron, DMF 1984, p. 713

* 153 CE 7 avril 1978, JCP 1978, II et cf. JMM 1980, p. 2074.

* 154 DMF 1984, p. 724 susmentionné.

* 155 DMF 1984, p. 724 précité.

* 156 RFDA 1987, p. 480.

* 157 CE 22 juin 1984, Rec p. 246 et 247 ; CE 27 juillet 1984, Rec p. 728 ; CE 13 novembre 1985, Rec p. 772.

* 158 P. Simon : « Etat de la jurisprudence française sur les incidents sociaux affectant les navires au port », DMF 1985, p. 259.






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